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Arrêt de la Cour suprême du Canada : communication des registres d'entretien de l'alcootest

RÉGIME DE COMMUNICATION DE LA PREUVE : REGISTRE D’ENTRETIEN DE L’ALCOOTEST

Le 26 octobre 2018, la Cour suprême du Canada rendait une décision à huit contre une sur la très précise question de la qualification du régime de communication de la preuve applicable aux registres d’entretien des appareils d’alcootest consignés par les entreprises chargées de leur réparation. Messieurs Gubbins et Vallentgoed, dans un appel conjoint, tentaient tous les deux d’obtenir la divulgation de ces documents après avoir été accusés de conduite avec les facultés affaiblies et de conduite avec une alcoolémie supérieure à 80 mg.

Le juge Rowe, rédigeant pour la majorité, conclut que de tels documents sont assujettis au régime de communication applicable aux dossiers en la possession de tiers, soit le régime de l’arrêt O’connor. Dans une dissidence fort intéressante, la juge Côté arrive quant à elle à la conclusion qu’il incombe à la poursuite de communiquer ces documents en divulgation principale selon le régime de l’arrêt Stinchcombe.

Afin de déterminer lequel des régimes trouve application, le juge Rowe invite les tribunaux inférieurs à se poser deux questions :

(1) les renseignements demandés se trouvent-ils en la possession ou sous le contrôle du poursuivant? et

(2) les renseignements recherchés sont-ils d’une nature telle que la police ou l’autre entité étatique qui les a en sa possession ou son contrôle aurait dû les transmettre au poursuivant, notamment lorsque les renseignements font partie des « fruits de l’enquête » ou lorsqu’ils sont « manifestement pertinents »?

Une réponse affirmative à l’une ou l’autre de ces questions entrainera l’application du régime de communication par la partie principale. Le ministère public aura donc l’obligation de communiquer les éléments de preuve et le fardeau de justifier un refus le cas échéant.

Les registres d’entretien de l’alcootest ne sont pas en la possession des corps de police. Ce sont les entreprises de réparation qui conservent ces documents détaillés. Ils ne font pas non plus partie des fruits de l’enquête puisqu’ils ne sont pas spécifiques à une seule enquête. Le véritable enjeu résidait donc dans l’analyse du critère de la pertinence manifeste.

Bien que l’article 258 (1) c) du Code criminel établisse une présomption réfutable de bon fonctionnement des appareils d’alcootest et qu’il appartienne à l’accusé de réfuter le bon fonctionnement dudit l’appareil, la Cour suprême refuse d’établir de manière générale la pertinence manifeste des registres demandés.

Pour obtenir la communication de ces documents en la possession de tiers, il incombera donc à l’accusé de prouver que ces dossiers sont « vraisemblablement pertinents ». Une fois que l’accusé se sera acquitté de ce fardeau, le juge examinera les dossiers pour décider s’ils devraient être remis à l’accusé en vertu de la « pertinence véritable ».

Dans ses motifs dissidents, la juge Côté ouvre une porte intéressante lorsqu’elle indique que cette nouvelle décision de la Cour suprême pourrait remettre en question la constitutionnalité de la présomption d’exactitude établie à l’article 258 (1) c) du Code criminel. Tel qu’il en a été décidé par cette même Cour en 2012 dans l’arrêt St-Onge Lamoureux, cette présomption porte atteinte au droit à la présomption d’innocence protégé par l’article 11 d) de la Charte canadienne des droits et libertés, mais est justifié en vertu de l’article premier de la Charte. Toutefois, l’exercice d’équilibre qui permet d’en arriver à cette justification pourrait être rompu par ce nouvel obstacle à la divulgation de la preuve quant au bon fonctionnement de l’appareil d’alcootest.