Le 6 septembre 2018, la Cour d’appel du Québec a prononcé un arrêt intéressant dans la cause de Nikita Hunt, rapporté à 2018 QCCA 1431, relativement aux critères d’octroi d’un bref de certiorari dans le cadre de la citation à procès au terme d’une enquête préliminaire.
Dans cette affaire, l’accusée fut citée à procès sur la base d’une preuve essentiellement circonstancielle censée ainsi établir sa participation à un meurtre.
Dans sa décision, la Cour d’appel fait état que le juge de l’enquête se devait de déterminer si la poursuite avait présenté une preuve de l’infraction sur laquelle un jury raisonnable promptement instruit pouvait prononcer une déclaration de culpabilité. À cette fin, le juge de l’enquête devrait donc inévitablement évaluer l’ensemble de la preuve essentiellement circonstancielle présentée par la poursuite afin de déterminer si un jury était raisonnablement capable de tirer de l’ensemble de la preuve les inférences auxquelles le poursuivant les invitait. Ainsi, d’ajouter la Cour, le jury ne pouvait spéculer et tirer les inférences déraisonnables ou irrationnelles de la preuve circonstancielle présentée afin de soutenir une citation à procès.
Le test de la suffisance d’une preuve circonstancielle à l’enquête préliminaire doit, selon la Cour d’appel, traiter tant de l’absence de preuve que de la présence d’une preuve faible. Ainsi, si la preuve présentée par la poursuite est faible au point qu’un jury ne pourrait déterminer qu’un élément essentiel d’une infraction a été prouvé hors de tout doute raisonnable, la fonction même de l’enquête préliminaire exige que l’accusé soit libéré de l’accusation. Tel est le principe majeur qui se dégage de cet arrêt.
De l’opinion de la Cour d’appel, il s’agit là d’une question de droit nécessitant de la part du juge de l’enquête une évaluation limitée du poids de la preuve circonstancielle présentée par la poursuite. Une preuve circonstancielle qui serait faible au point de ne pouvoir satisfaire les normes requises pour soutenir le prononcé d’une déclaration de culpabilité hors de tout doute raisonnable équivaut à une absence de preuve à l’encontre d’un accusé, une telle preuve n’est nulle autre qu’une « chimère » fondée strictement sur de la conjonction et de la spéculation, face à laquelle l’accusé ne saurait être appelé à répondre.
Par ailleurs, la Cour rapelle les erreurs qui doivent être évitées par le juge qui préside une enquête préliminaire, soit :
- ne pas traduire un accusé à procès s’il existe une preuve directe de tous les éléments constitutifs de l’infraction reprochée ;
- obliger un accusé à être jugé sans avoir de preuve sur l’ensemble des éléments essentiels de l’infraction ;
- évaluer la crédibilité ou la fiabilité de la preuve ;
- tenir compte des inférences opposées à la poursuite lorsque de multiples déductions peuvent être tirées ;
- ne pas prendre en compte tous les éléments de preuve ;
- mal apprécier l’infraction reprochée en évaluant la preuve sur des éléments erronés ;
- renier un principe de justice naturelle.
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