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Éléments constitutifs d’un acte de sabotage

Le 2 avril 2024

 

PAR ME MYLÈNE LAFRENIÈRE ABEL

 

Quel est le fardeau de preuve de l’employeur qui désire démontrer qu’un salarié a commis un acte de sabotage? De quelle manière la jurisprudence définit-elle l’acte de sabotage?

 

Dans l’affaire Syndicat international des travailleurs et travailleuses de la boulangerie, confiserie, tabac et meunerie, FAT-COI, CTC FTQ, section locale 55 (SITTBCTM) et Boulangerie Canada Bread ltée, 2024 QCTA 55 (a. Marc Mancini – 8 février 2024), le plaignant travaille dans une usine de production de pains aux raisins. Il est suspendu avec solde pour fin d’enquête le 4 septembre. Il est congédié le 7 septembre 2023. Selon l’employeur, il serait responsable d’un arrêt sur la ligne de production d’une durée d’environ 30 minutes causant des pertes financières évaluées à 1 694,83$.

Selon l’enquête de l’employeur, le plaignant aurait intentionnellement actionné le mécanisme de « bypass » entraînant la déviation des pains en production vers le convoyeur inférieur, où ils sont normalement récupérés manuellement, au lieu de suivre le cheminement normal du convoyeur supérieur vers le refroidisseur automatique. L’employeur prétend qu’il s’agit d’un acte de sabotage.

Puisqu’il n’existe aucune preuve directe de l’acte de sabotage, l’arbitre doit évaluer la preuve circonstancielle présentée par l’employeur, laquelle inclue notamment une preuve vidéo. On y voit le plaignant circuler près du convoyeur inférieur et passer devant le mécanisme d’activation du « bypass ». Tel que le souligne l’arbitre, on ne voit pas le plaignant l’actionner, puisqu’il est de dos. Selon l’employeur, puisqu’il n’y avait aucun problème mécanique ou électrique avec le convoyeur, il faut présumer que le responsable de l’activation est le plaignant.

Or, selon l’arbitre, la preuve présentée par l’employeur n’est pas suffisamment grave, précise et concordante pour lui permettre de conclure qu’un acte de sabotage a été commis. Il précise : « [i]l aurait été souhaitable de mettre en preuve de façon plus évidente l’absence d’un problème mécanique et électrique avec le convoyeur » (paragraphe 33).

Par ailleurs, l’arbitre rappelle la définition d’un acte de sabotage : un acte qui vise à entraver ou à freiner la production en endommageant la machinerie ou l’équipement pour exercer une pression économique sur l’employeur ou lui causer préjudice[1].  Cela implique nécessairement un acte intentionnel de la part du salarié.  Ce faisant, l’employeur doit prouver que le plaignant avait l’intention de nuire à la bonne marche de l’entreprise, ce qui n’a pas été démontré par l’employeur dans ce dossier.

En somme, l’arbitre considère que les éléments constitutifs d’un acte de sabotage ne sont pas prouvés. Il accueille le grief et ordonne la réintégration du plaignant.

 

[1] Gérard DION, Dictionnaire canadien des relations du travail, 2e éditions, Québec (Qc), Les Presses de l’Université Laval, 1986, p. 425, cité au paragraphe 24 de la décision.