SECTION DROIT DU TRAVAIL
GÉNÉRAL
Air Canada et Gentile-Patti, 2021 QCTAT 5829 (j.a. Philippe Bouvier)
La compagnie Air Canada (ci-après, « l’employeur ») conteste une décision de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail (ci-après, « la CNESST ») qui reconnaît que la travailleuse, une agente à la clientèle exerçant ses fonctions en télétravail, a subi une lésion professionnelle en faisant une chute dans l’escalier de son domicile, alors qu’elle se dirigeait à son heure de dîner. Selon l’employeur, cette chute ayant eu lieu dans sa sphère personnelle, il ne peut dans ce cas s’agir d’un évènement survenu à l’occasion du travail.
Le tribunal revient d’abord sur les critères permettant de déterminer si un évènement imprévu et soudain survient à l’occasion du travail demeure : le lieu de l’évènement, le mode de l’évènement, la rémunération de l’activité exercée par le travailleur au moment de l’accident, l’existence et le degré d’autorité de l’employeur ou le lien de subordination du travailleur, la finalité de l’activité exercée au moment de l’évènement, qu’elle soit incidente, accessoire ou facultative aux conditions de travail, le caractère de connexité ou d’utilité relative de l’activité du travailleur en regard de l’accomplissement du travail.
Le juge administratif souligne que la jurisprudence accorde une importance particulière aux critères du lien de subordination, de la finalité de l’activité exercée et de la connexité de celle-ci en lien avec l’accomplissement du travail :
[13] Ainsi, le Tribunal doit rechercher le but visé par l’activité exercée par le travailleur au moment de la survenance de l’évènement. Si le but recherché par l’activité exercée ne s’inscrit pas dans le cadre des activités, des attentes, des préoccupations ou des objectifs de l’employeur, celle-ci fera partie de la sphère personnelle du travailleur et ne pourra être considérée comme étant survenue à l’occasion du travail.
Pour le tribunal, les travailleurs et les travailleurs qui exercent leur emploi en mode télétravail doivent bénéficier de la même protection de la Loi. En l’espèce, bien que la travailleuse chute alors qu’elle n’est pas rémunérée et que cette chute survient dans sa résidence privée, alors qu’elle s’apprête à effectuer une activité de nature personnelle, le tribunal conclut qu’il s’agit d’un évènement imprévu et soudain qui survient à l’occasion du travail pour les motifs suivants :
[18] D’une part, la raison pour laquelle, en ce 25 septembre 2020, madame Gentile-Patti est à son domicile entre 6 h 00 et 13 h 00, c’est parce qu’elle doit remplir ses obligations professionnelles auprès de son employeur Air Canada. D’autre part, dans le cadre de son horaire précis et déterminé par l’employeur, selon les relevés déposés en preuve, madame Gentile-Patti doit se brancher au réseau de l’employeur. À l’intérieur de cet horaire, Air Canada lui permet de prendre des pauses et une période de temps pour dîner. Ces pauses font donc partie de l’organisation du travail déterminé par l’employeur. De fait, sans l’imposition d’un horaire de travail, l’existence de pause santé ou encore de pause pour le dîner ne relèverait pas de l’organisation, voire de la connexité avec le travail. De plus, il y a proximité temporelle, voire concomitance entre la déconnexion avec l’employeur et la chute.
[19] Enfin, quant à l’activité elle-même de se nourrir, il n’y a pas lieu de se questionner, dans le présent dossier, si celle-ci relève de la sphère professionnelle ou personnelle et si l’employeur en retire un certain bénéfice, puisque la chute survient non pas au cours de cette activité, mais lorsque madame Gentile-Patti se dirige pour dîner. (…)
Le tribunal rejette la contestation de l’employeur et confirme que la travailleuse a subi une lésion professionnelle.
Lamarche et Consolidated Fastfrate inc., 2021 QCTAT 4580 (j. a. Isabelle Therrien)
Le travailleur, un camionneur-gardeur, allègue avoir été victime d’une lésion professionnelle, soit une infection au virus de la COVID-19. Le tribunal est donc amené à décider si ce diagnostic a été contracté par le fait ou à l’occasion du travail.
Le contexte est le suivant. Le travailleur se présente au travail, fait le plein de carburant de son véhicule et se rend compte qu’il a perdu l’odorat. Il passe un test de dépistage de la COVID-19 qui s’avère positif. Le travailleur explique que dans le cadre de son travail, il se retrouve dans des endroits restreints, où il est impossible de respecter la distanciation de deux mètres. Notamment, la fin de semaine, il effectue des tâches dans un entrepôt : les travailleurs sont à proximité les uns des autres. Le port du masque n’était pas obligatoire selon les directives alors en vigueur.
Par ailleurs, la juge note que la preuve démontre que le travailleur n’a pas été exposé au virus à l’extérieur du travail. Le tribunal n’a pas à déterminer le moment précis de la contagion, mais plutôt si l’infection en cause a été contractée, de manière plus probable, dans le milieu de travail. La juge administrative conclut que le travailleur a été exposé au virus dans la cadre de son travail, ce qui constitue un évènement imprévu et soudain au sens de la Loi.
Le tribunal accueille la contestation du travailleur et déclare que le travailleur a subi une lésion professionnelle dont le diagnostic est une infection au virus COVID-19.
POLICIERS ET POLICIÈRES
Ville de Lévis c. La Forge, 2021 QCCS 5360 (j.c.s. Manon Lavoie)
Dans cette affaire, la Ville de Lévis (ci-après, « l’employeur »), se pourvoit en contrôle judiciaire à l’encontre d’une sentence arbitrale rendue le 12 octobre 2021 par l’arbitre Jean-François Forge qui, jugeant trop sévère le congédiement imposé à un policier, y substitue une suspension sans solde de 10 mois, à être purgée à compter de la date initiale de son congédiement. L’employeur est d’avis que cette sentence arbitrale est déraisonnable puisque l’arbitre aurait fait fi des contraintes factuelles et juridiques applicables, aurait omis de considérer certains faits et se serait écarté des pratiques et décisions antérieures sans motifs satisfaisants.
Le contexte est le suivant. Le policier avait été suspendu sans solde et congédié pour avoir interrogé à plusieurs reprises de manière illégale le Centre de renseignements policiers du Québec (ci-après, le « CRPQ »). L’arbitre conclut que deux des consultations effectuées par le plaignant doivent être jugées illégales et impose une suspension sans solde de six mois. L’employeur reprochait également au salarié divers comportements qu’il aurait eus envers son ex-conjointe. Dans sa sentence, l’arbitre distingue les reproches se rapportant au statut de policier du plaignant et ceux qui touchent sa vie privée uniquement. L’arbitre impose une suspension sans solde de quatre mois pour les manquements reliés au travail de policier.
La Cour supérieure conclut que la décision de l’arbitre n’est pas déraisonnable. La Cour souligne d’abord que l’employeur « se contente de remettre en cause l’évaluation de la preuve faite par l’arbitre, invitant ainsi le Tribunal à procéder à un examen de novo de la preuve examinée par celui-ci dans l’espoir de voir ses arguments finalement retenus » (paragraphe 48). Or, « le pourvoi en contrôle judiciaire n’est pas l’occasion de refaire le procès » (paragraphe 48). La Cour écrit :
[53] En somme, la sentence arbitrale est transparente et intelligible. L’arbitre a pris en considération l’ensemble de la preuve qu’il relate minutieusement. Son analyse a comme toile de fond le principe de proportionnalité énoncé dans l’arrêt McKinkley et celui de la gradation des sanctions. L’arbitre considère, en tenant compte de l’ensemble des circonstances, que le congédiement de Viel est disproportionné par rapport aux inconduites qu’il retient, soit 6 sur 14, quoique graves. L’arbitre, contrairement à ce que plaide la Ville, ne minimise pas les incidents. Il les situe dans leur contexte.
[54] La décision de l’arbitre repose sur la preuve présentée devant lui. Compte tenu du principe selon lequel la réintégration doit être recherchée, force est de conclure que la décision de l’arbitre fait partie des issues possibles acceptables en regard des faits et du droit. Cela est encore plus vrai en considérant que l’arbitre conclut qu’il ne reste que 6 manquements sur 14, selon la preuve. Or, la Ville a congédié Viel suite à ces 14 manquements, alors que 8 d’entre eux ont été rejetés. La modification du congédiement en une suspension de dix mois sans solde, qui est tout de même sévère, n’est pas déraisonnable, en l’espèce. Sa conclusion est étayée et la sanction infligée fait partie des issues possibles au sens de l’arrêt Vavilov, précité.
Ensuite, la Cour rejette l’argument de l’employeur selon lequel l’arbitre n’aurait pas tenu compte de l’obligation pour le policier, à titre d’officier de justice, de maintenir le lien de confiance avec son employeur et la population qu’il dessert aux fins de l’exercice de ses fonctions. Selon elle, l’arbitre n’a pas fait fi des principes juridiques applicables et sa sentence ne va pas à l’encontre des décisions antérieures rendues en matière de consultation au CRPQ.
Selon la juge, la démarche intellectuelle de l’arbitre et ses motifs exposent amplement les raisons qui l’amènent à modifier la sanction du congédiement par une suspension sans solde de 10 mois. La sentence arbitrale repose sur une analyse et un raisonnement compréhensible et intelligible et est justifiée en regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle-ci.
La Cour rejette le pourvoi.
Bravo à Me Frédéric Nadeau pour son excellent travail dans ce dossier!
Leclair c. Ville de Mascouche, 2021 QCTAT 6068 (j.a Benoit Aubertin)
Le plaignant, un agent de renseignements au sein du service de police de la Ville de Mascouche et vice-président de la Fraternité des policiers et policières de Mascouche (ci-après, la « Fraternité »), dépose contre l’employeur une plainte en vertu des articles 15 et suivants du Code du travail. Le plaignant a été suspendu avec solde pour fins d’enquête après avoir manifesté avec véhémence son insatisfaction quant au climat de travail lors d’une rencontre avec les représentants de l’employeur. Il prétend qu’il a été suspendu en raison des propos qu’il a tenus à titre de vice-président.
Le tribunal ne fait pas droit au recours du plaignant. Bien que les conditions d’ouverture du recours et les éléments constitutifs de la présomption établie à l’article 17 du Code du travail, le tribunal conclut que l’employeur a réussi à démontrer qu’il a suspendu le plaignant pour une autre cause juste et suffisante qui n’est pas liée à ses fonctions syndicales. Le tribunal note que :
[35] Lors de la rencontre du 24 avril 2019, le plaignant s’est positionné très près du directeur général. Il a adopté un ton et un langage grossier, injurieux et irrespectueux à l’endroit de ce dernier et de l’employeur, ce qui contrevient aux articles 3.5 et 10.8 du Règlement concernant la discipline interne des policiers de la Municipalité de Mascouche, en plus de contrevenir aux règles élémentaires de civilité qui sont applicables à tout contrat de travail.
Selon le tribunal, « un représentant syndical peut bien entendu utiliser un ton sec, cassant et vindicatif, mais son immunité ne lui permet pas d’utiliser un langage ordurier et de manquer de respect envers qui que ce soit » (paragraphe 37).
La plainte est rejetée.
Commissaire à la déontologie policière c. Duong, C-2020-5222-3 (17-0779-1, 2) (23 décembre 2021)
Décision disponible ici.
Dans cette affaire, le Commissaire à la déontologie policière reprochait aux agents intimés du SPVM d’avoir manqué à leur obligation de préserver la confiance et la considération que requièrent leurs fonctions en ne respectant pas leur devoir de confidentialité.
Les policiers ont intercepté le véhicule automobile conduit par le plaignant pour une contravention au Code de la sécurité routière. La plaque d’immatriculation du plaignant était sale et illisible. Lors de l’interception, l’agent Valente obtient l’information que le propriétaire du véhicule a des antécédents judiciaires. Les agents Valente et Duong conversent des antécédents judiciaires du plaignant, monsieur A, en sa présence. À la suite d’un retour d’information du Centre des renseignements policiers du Québec relativement aux antécédents judiciaires, l’agent Duong en fait la lecture à voix haute au plaignant pour des fins de vérifications. Le plaignant s’est choqué par le comportement des policiers puisque selon sa version, son ami, alors passager à bord du véhicule ainsi que d’autres personnes dans l’environnement immédiat auraient entendu les policiers parler de ses antécédents. La version policière est contradictoire en ce qui concerne la divulgation de ces informations au public.
Le Comité de déontologie policière est d’avis, devant l’incohérence et l’invraisemblance du témoignage du plaignant, que la version de ce dernier ne peut être retenue. En l’espèce, le plaignant a remis deux enregistrements vidéo de l’intervention policière, dont un au Commissaire la veille du procès, quatre ans plus tard. L’autre enregistrement s’avère avoir été coupé puisque la durée initiale était de quinze minutes et seulement 45 secondes de celui-ci ont été remises à l’enquêteur. Le Comité estime que plusieurs propos du plaignant n’ont pas été prouvés par le Commissaire. Parmi ceux-ci, la présence d’une civile qui accompagnait les policiers et aurait eu connaissance des antécédents judiciaires, ainsi que l’arrivée d’un policier « expert en véhicule » dont on ne connait le nom, la matricule, ni le numéro du véhicule. La version du plaignant est d’autant plus invraisemblable, car rien de cela n’a été révélé à l’enquêteur du Commissaire.
Le Comité rappelle que « divulguer » signifie « porter à la connaissance du public » des informations qui devraient alors rester secrètes. En l’occurrence, la preuve ne permet pas de conclure que les policiers intimés ont agi de la sorte. Ayant mis de côté la version du plaignant, on ne peut savoir si le passager du plaignant a entendu les policiers, car il n’a pas été appelé à témoigner.
Les agents Duong et Valente n’ont donc pas dérogé aux articles 5 et 7 du Code. Les citations sont rejetées.
Félicitations à Me Coderre pour son excellent travail !
TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER
Fraternité des préposés au traitement des appels d’urgence du CAUREQ de Rimouski (FPHQ) c. Centre d’appel d’urgence des régions de l’est du Québec (CAUREQ), 2021 CanLII 132051 (Me Francine Lamy)
Dans cette affaire, le syndicat conteste la décision de l’employeur de retirer de l’horaire et de suspendre temporairement le rappel au travail de personnes salariées travaillant à la fois comme préposées au traitement des appels d’urgence et comme techniciens-ambulanciers. Ces personnes ont, en temps normal, un droit prioritaire de rappel. Or, en début de pandémie, l’employeur a décidé de passer outre ce droit et d’utiliser le travail le service des personnes salariées étudiantes, préoccupé par une éclosion dans la centrale de répartition. Il a fondé sa décision sur une clause de la convention collective qui se lit ainsi :
29.01 L’employeur peut déclarer un état d’urgence pour une période limitée. L’employeur a alors le droit durant cette période de changer les heures de travail, de garder en devoir la personne salariée en dehors de ses heures normales, de changer s’il y a lieu, toute période de vacances et de fériés, de faire travailler la personne salariée durant ses jours prévus de congés hebdomadaires et de faire appel aux personnes salariées sans tenir compte de l’ancienneté et de la disponibilité, et ce, durant toute la période d’urgence.
Selon le syndicat, la clause relative à l’état d’urgence ne permettait pas de passer outre ce droit prioritaire. Il prétend que la décision est abusive et déraisonnable. Subsidiairement, il plaide qu’il s’agit d’une suspension administrative motivée par les intérêts de l’employeur et qu’en de telles circonstances, il doit maintenir la rémunération prévue au contrat de travail.
Le tribunal d’arbitrage rejette les arguments du syndicat. Selon l’arbitre, l’employeur pouvait validement rendre les décisions contestées et il a exercé son droit de manière raisonnable. D’abord, en considérant l’objectif poursuivi par la clause 29.01 et l’économie de la convention collective, l’arbitre juge que les parties ont voulu permettre à l’employeur de passer outre l’ordre de priorité pour attribuer le travail. Ensuite, l’arbitre conclut que l’employeur a exercé ses droits de manière raisonnable : « l’excès de prudence, s’il y a eu excès, ne peut être déraisonnable dans les circonstances qui prévalaient au moment de prendre la décision et pendant son application » (paragraphe 57). Finalement, l’arbitre rejette la prétention du syndicat à l’effet que l’employeur avait l’obligation rémunérer la personne salariée comme si elle avait exécuté sa prestation de travail.
Le grief est rejeté.
POMPIERS ET POMPIÈRES
Syndicat des pompiers et pompières du Québec – Section locale Prévost c. Prévost (Ville), 2022 CanLII 253 (Me Johanne Cavé)
Le plaignant, un pompier en probation, conteste son congédiement imposé par le Conseil municipal, après que celui-ci a été informé de son lien de filiation avec le chef aux opérations du Service de sécurité incendie (ci-après, « le chef de service »). L’employeur prétend qu’il n’aurait pas embauché le plaignant s’il avait su qu’il était le fils du chef de service. Il invoque une erreur de consentement qui vicie le contrat. Quant au syndicat, il soutient que ce lien de filiation était connu de l’employeur, mais que si ce n’était pas le cas, son ignorance constitue une erreur inexcusable.
Avant de s’attaquer aux arguments des parties, l’arbitre doit déterminer si le plaignant est éligible à la procédure de grief. En effet, l’employeur prétend qu’en tant que pompier en période de probation (pompier recrue), celui-ci ne peut bénéficier de cette procédure prévue à la convention collective. L’arbitre rejette cette prétention. En analysant la convention collective, le tribunal retient que les termes « employé » et « pompier » sont des termes généraux qui incluent le pompier régulier et le pompier recrue. Par ailleurs, lorsque les parties ont voulu octroyer des conditions de travail distinctes pour les pompiers réguliers et les pompiers recrues, elles l’ont prévu expressément, ce qui n’est pas le cas de la clause traitant de la procédure de grief.
Quant au fond, l’arbitre rejette également les prétentions de l’employeur. Le tribunal revient sur le droit applicable : la partie qui invoque l’erreur de consentement doit prouver et démontrer qu’elle n’aurait pas contracté si elle avait connu la vérité. En l’espèce, l’employeur n’a présenté aucune preuve permettant de démontrer que la personne ayant embauché le plaignant, le directeur général, ignorait le lien de filiation entre le plaignant et le chef aux opérations au moment de l’embauche et qu’il n’aurait pas procédé à celle-ci s’il avait connu l’existence de la relation père-fils.
Précisant que l’analyse pourrait s’arrêter ici, l’arbitre conclut tout de même à la présence d’une erreur inexcusable. Notamment, compte tenu de leur nom de famille commun, l’employeur a commis une telle erreur en ne procédant à aucune vérification. Ainsi, « l’employeur a donné un consentement éclairé lors de l’embauche du plaignant. S’il l’a fait en violation de ses propres règles sur les conflits d’intérêts en vertu de son Code d’éthique, il doit en assumer les conséquences » (paragraphe 37).
Le grief est accueilli et le plaignant est réintégré dans tous ses droits et privilèges.
Gatineau (Ville) c. Association des pompiers et pompières de Gatineau, 2021 CanLII 131555 (M. René Beaupré)
Dans cette affaire, les parties se sont entendues le 27 mars 2020 pour intégrer un horaire rotatif avec des quarts de 24 heures (ci-après « horaire 24 heures »), afin de limiter la propagation du virus de la COVID-19 et de limiter la fréquence des entrées et des sorties dans les casernes. Cela est confirmé par écrit dans une lettre d’entente. L’association des pompiers et des pompières de Gatineau (ci-après, « le syndicat ») conteste la décision de l’employeur de mettre fin à cet horaire à compter du 3 janvier 2022. Il demande le maintien de cet horaire jusqu’à la fin de l’année durant laquelle l’urgence sanitaire est levée.
La présente sentence porte sur la demande d’ordonnance de sauvegarde du syndicat visant à maintenir un horaire de travail de 24 heures jusqu’à ce qu’une sentence arbitrale soit rendue. Le tribunal doit donc déterminer si les cirières pour émettre une telle ordonnance sont rencontrés, soit l’apparence de droit, le préjudice irréparable et la balance des inconvénients.
D’abord, le tribunal conclut que la lecture de la lettre l’entente signée par les parties ne permet pas d’en dégager une apparence de droit, c’est-à-dire qu’elle ne démontre pas un maintien de l’horaire 24 heures jusqu’à la fin de l’année durant laquelle l’urgence sanitaire sera levée. À ce stade, le tribunal doit se garder de statuer sur le fond du litige et ne doit donc pas procéder à l’exercice d’interprétation que réclame le syndicat.
Ensuite, le tribunal précise que même en présence d’une apparence de droit, le tribunal est d’avis que le critère du préjudice irréparable n’aurait pas été rempli. Enfin, il juge qu’il n’a pas à se prononcer sur le critère de la balance des inconvénients considérant que les critères d’apparence de droit et du préjudice irréparable ne sont pas remplis.
Le tribunal rejette la demande d’ordonnance de sauvegarde.
ARTISTES
Rien à signaler.
SECTION DROIT CRIMINEL
GÉNÉRAL
P.T. c. R., 2021 QCCA 1918
Au terme d’un procès avec jury, l’accusé a été trouvé coupable de 9 chefs d’accusation portant sur des infractions à caractère sexuel et d’un chef de menace de mort. Les crimes auraient eu lieu entre 1984 et 1999. L’appelant se plaint de la qualité des réponses que le juge en première instance a données au jury.
Au soutien de son pourvoi, l’appelant invoque cinq moyens. Or, selon la Cour, seulement celui concernant les réponses incomplètes aux questions du jury se révèle déterminant de sorte qu’il n’était pas nécessaire d’analyser les autres moyens.
Lors du délibéré, les questions posées par les jurés dénotaient certaines préoccupations. En premier lieu, ils s’interrogeaient sur les liens entre une requête civile et criminelle. Le juge et les avocats avaient peine à comprendre le sens de leur question telle que formulée. Dans sa réponse, le juge s’est limité aux explications juridiques sans demander quelconques précisions. Il invite les jurés à lui faire part de leur satisfaction quant aux explications données, sans plus. En deuxième lieu, les jurés ont par la suite adressé des questions relativement à la notion du doute raisonnable, ce à quoi le juge répond en récitant les directives du modèle du Conseil canadien de la magistrature.
La Cour d’appel estime qu’elle doit donner droit au pourvoi de l’appelant, car les explications données aux jurés étaient inadéquates et incomplètes. Alors que le juge était lui-même incertain de la portée réelle des questions formulées par les jurés, il aurait dû leur demander de les préciser pour s’assurer de bien répondre à leur préoccupation au sujet du lien qui pouvait exister entre des accusations criminelles et des poursuites civiles. L’eût-il fait, il se serait ainsi donné l’occasion de corriger adéquatement le tir en permettant aux jurés d’éviter toute méprise quant à la norme de preuve applicable.
Quant aux interrogations sur la notion de doute raisonnable, le juge s’est contenté de lire et exposer oralement les directives modèles du Conseil canadien de la magistrature à ce sujet, sans en remettre une version écrite. De plus, la réponse du juge n’abordait pas adéquatement la préoccupation du jury puisqu’il a omis de faire des liens entre les directives et les témoignages des plaignantes alors qu’il s’agissait de l’élément essentiel de la question des jurés. La Cour considère donc que les réponses du juge devaient répondre de façon complète et convenable. C’est d’ailleurs pour cette raison que le poids des directives supplémentaires apportées à la suite de questions dépasse largement celui des directives principales. En conséquence, une ordonnance de nouveau procès s’impose.
L’appel est accueilli.
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