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Veille juridique du 12 novembre 2019

SECTION DROIT DU TRAVAIL

Général

Threlfall c. Carleton University, 2019 CSC 50
https://www.canlii.org/fr/ca/csc/doc/2019/2019csc50/2019csc50.html?autocompleteStr=2019%20CSC%2050&autocompletePos=1

Dans cette décision la Cour suprême se prononce sur le versement des prestations de retraite d’un homme porté disparu et absent au sens de l’article 84 du Code civil du Québec. À compter de la disparition d’un retraité (ci-après : « monsieur R. »), son ancienne conjointe de fait qui était sa légataire universelle est nommée tutrice de monsieur. En raison de la présomption de vie établie à l’article 85 du Code civil du Québec, l’ancien employeur de monsieur R. à continuer de lui verser des prestations de retraite malgré sa disparition, car les modalités de son régime de retraite prévoient le versement de prestations jusqu’à son décès.

Presque six (6) ans après la disparition de monsieur R., ses restes sont découverts. Le décès a été consigné à l’acte de décès comme étant survenu le lendemain de sa disparition. L’ancien employeur demande donc la restitution des prestations entre le jour du lendemain de sa disparition et la date du dernier versement. La question est donc de savoir si les paiements faits après la date consignée du décès doivent être considérés comme indus et peuvent faire l’objet d’une restitution.

La Cour suprême confirme la décision de la Cour d’appel qui avait accueilli la demande en réception de l’indu de l’ancien employeur. Selon la Cour suprême, la réfutation de la présomption de vie a fait disparaître rétroactivement le droit de monsieur R. aux prestations de retraite versées. La demande de l’ancien employeur pour la restitution de l’indu en application de l’article 1491 du Code civil du Québec doit être accueillie.

Pourvoi rejeté.

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Gagnon c. Grandchamp Chapiteaux inc., 2019 QCCA 1769
https://www.canlii.org/fr/qc/qcca/doc/2019/2019qcca1769/2019qcca1769.html?resultIndex=1

La requérante demande la permission d’appeler d’un jugement de la Cour du Québec qui accueille le moyen d’irrecevabilité de l’intimée sur le fondement de la prescription. La requérante travaillait pour l’intimée jusqu’au 16 juin 2015, date où elle prétend avoir été congédiée alors que son employeur soutient plutôt qu’il l’a licenciée. La requérante porte plainte en vertu de l’article 124 de la Loi sur les normes du travail à la Commission des normes du travail. Le Tribunal conclut que la requérante a été licenciée et par conséquent, rejette sa plainte. En janvier, moins de trois mois après la décision du TAT, la requérante dépose une demande en indemnité tenant lieu de délai-congé raisonnable en vertu des articles 2091 et 2092 C.c.Q. L’employeur présente un moyen d’irrecevabilité que la juge de première instance retient.

La requérante soulève que la juge a erré en droit en ne faisant pas l’application de l’article 2895 C.c.Q. et des enseignements de la Cour dans l’arrêt Rippeur. L’article 2895 C.c.Q permet à une partie de faire une nouvelle demande malgré la prescription de son recours afin de présenter son recours devant le bon forum. Elle fait valoir le raisonnement que le juge de première instance va à l’encontre de la philosophie de cet arrêt selon lequel on ne doit pas forcer un justiciable à prendre plusieurs recours en même temps. La requérante dit avoir perdu ses recours sans avoir pu être entendue sur un éventuel droit à une indemnisation.

Selon la Cour d’appel, la question en jeu est une question de principe qui fait l’objet d’une jurisprudence contradictoire.

Permission d’appeler accueillie.

Ville de Beloeil et Syndicat des employés municipaux de la Ville de Beloeil (SCFP) (Steve Laliberté), 2019 QCTA 533
https://soquij.qc.ca/portail/recherchejuridique/AZ/51637262

Dans cette affaire, l’arbitre se questionne sur sa compétence à ordonner l’exécution d’une entente de règlement de grief intervenue entre les parties. L’employeur a procédé au congédiement du salarié. Le syndicat dépose un grief afin de contester cette décision. Lors de la première journée d’audience, les parties se sont retirées afin de convenir d’une entente de règlement. L’arbitre n’a pas pris acte de l’entente de règlement.

Dans l’entente de règlement le salarié s’engage en contrepartie du versement d’une somme d’argent à titre de dommages moraux à ne pas faire de déclaration qui pourrait affecter la réputation de l’employeur, ses cadres ou employés. À défaut de respecter cet engagement, l’employé s’expose à devoir rembourser les montants reçus.

Suite à cette entente, le salarié a publié des commentaires sur Facebook. L’employeur lui réclame donc les sommes versées. Le procureur de l’employeur demande à l’arbitre de se ressaisir de l’affaire et de convoquer les parties afin de disposer du litige. Selon l’employeur, la jurisprudence est claire à l’effet que dans la situation du défaut de respecter un règlement de grief, c’est l’arbitre qui a compétence afin de disposer du litige.

L’arbitre conclut qu’il a été saisi initialement du grief relativement au congédiement. Les parties ont convenu d’un règlement auquel l’arbitre à la compétence de donner acte. L’essence du litige semble donc pouvoir être résumé de la manière suivante : une partie à une transaction conclue un règlement d’un grief déposé sous l’empire de la convention collective fait défaut à ses obligations. Selon l’arbitre, les faits se rattachent assurément à une matière visée par la convention collective, au moins implicitement. Le règlement prévoit des obligations respectives pour les parties et l’arbitre a le pouvoir d’ordonner à l’une des parties de les respecter.

L’arbitre accueille la demande de l’employeur.

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Innocent et Corps canadien des Commissionnaires (division Québec), 2019 QCTAT 4482
https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2019/2019qctat4482/2019qctat4482.html?resultIndex=1

Dans cette affaire le Tribunal administratif du travail se penche sur les éléments à prendre en considération afin d’analyser s’il existe une relation causale entre une lésion physique et un nouveau diagnostic de nature psychologique.

Les faits sont les suivants : une travailleuse, agente de sécurité, subit un accident du travail lorsqu’elle se tord la cheville gauche en descendant les marches d’un escalier. Les diagnostics retenus sont une entorse à la cheville gauche et une déchirure partielle ligamentaire de la cheville gauche et un diagnostic de syndrome de douleur chronique. Par la suite, la travailleuse développe un trouble de l’adaptation.

Le Tribunal énonce que l’analyse du lien de causalité entre une lésion physique initiale et un nouveau diagnostic psychologique peut s’avérer complexe; car plusieurs facteurs de stress peuvent avoir contribué à l’apparition et au développement de la condition psychologique. Dans ces circonstances, le fait que plusieurs facteurs de stress autres que la lésion professionnelle initiale et ses conséquences soient présents ne constitue pas une fin de non-recevoir quant à la reconnaissance de la relation causale. Toutefois, en présence de plusieurs facteurs de stress, le Tribunal doit les circonscrire et déterminer s’ils sont suffisamment reliés aux répercussions de l’événement accidentel ou s’ils découlent d’une cause externe. En d’autres termes, en semblable matière, la preuve prépondérante « doit établir que l’événement initial a contribué de façon significative et déterminante à l’apparition ou au développement de la lésion psychologique. Le fardeau et les moyens de preuve en semblable matière sont les suivants :

  • La preuve de la travailleuse doit être prépondérante, c’est-à-dire qu’elle doit permettre au Tribunal de conclure qu’il est plus probable que sa condition psychologique soit reliée à l’événement initial plutôt qu’à une autre cause. Le Tribunal ne recherche pas une certitude scientifique.
  •  La relation causale ne peut pas se présumer ou se déduire à partir du seul témoignage de la travailleuse. Ces prétentions doivent être corroborées par une preuve médicale et/ou les éléments factuels au dossier.

Après analyse de plusieurs décisions, le Tribunal constate que certains éléments ou indices plus spécifiques et mieux adaptés à ce contexte physique/psychologique doit retenir son attention :

  • la gravité objective et les conséquences de la lésion physique initiale
  • la concordance entre les premiers symptômes psychologiques et les facteurs de stress déclencheurs
  • la concordance entre l’évolution de la condition physique et psychologique
  • la preuve médicale
  • l’absence ou présence d’une condition physique n’ayant pas de lien avec la lésion professionnelle
  • l’absence ou présence d’une condition personnelle psychologique préexistante
  • l’absence ou existence d’un suivi médical
  • l’absence ou présence de facteurs(s) autres(s) que la lésion professionnelle initiale

Aucun de ces paramètres n’est à lui seul décisif ni péremptoire, mais pris ensemble, ils peuvent permettre de déterminer si « l’événement initial et ses conséquences ont contribué de façon significative et déterminante à l’apparition ou au développement de la lésion psychologique » alléguée. 

En appliquant ces principes aux faits de la présente affaire, le Tribunal retient que la douleur de la travailleuse est omniprésente et qu’elle ne travaille plus depuis son accident du travail et que ces facteurs découlent directement de son accident du travail. Au sujet des problèmes financiers de la travailleuse, selon le Tribunal il n’y a pas de concordance entre le moment où les premiers symptômes se manifestent et le moment où surgissent les problèmes financiers. De plus, même si le facteur financier est également un facteur de stress, la preuve prépondérante démontre qu’il s’agit d’un facteur de moindre importance n’ayant pas été déterminant eu égard à la condition psychologique de la travailleuse.

Accueille le nouveau diagnostic de trouble de l’adaptation.

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Dollarama et Desjardins, 2019 QCTAT 3461
https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2019/2019qctat3461/2019qctat3461.html?autocompleteStr=2019%20QCTAT%203461%2C&autocompletePos=1

Une travailleuse, caissière au Dollarama, alors qu’elle marche d’un pas rapide en revenant de l’entrepôt en direction des caisses afin de répondre à un appel ressent un craquement ainsi qu’une dislocation dans son genou gauche. Le lendemain, l’évènement est déclaré à l’employeur et elle cesse de travailler. L’employeur conteste la décision rendue par la CNESST reconnaissant le diagnostic d’entorse du genou gauche. L’employeur s’appuie sur l’opinion de son médecin expert, chirurgien orthopédiste voulant qu’on ne puisse se faire une entorse du genou en marchant, sans qu’il y ait d’autres circonstances particulières telles, une torsion ou une chute, mécanismes nécessaires à son avis pour causer une entorse du genou.

Le Tribunal détermine que la travailleuse bénéficie de la présomption et qu’elle n’a pas à démontrer un geste, un effort ou un mouvement susceptible d’avoir causé une entorse. L’argument de l’employeur est l’absence d’un mécanisme classique de production d’une entorse au genou en l’absence d’un mouvement de torsion ou de chute sur le genou. Le Tribunal rappelle que la jurisprudence du Tribunal a interprété de façon large la notion « d’entorse » et a retenu une interprétation qui n’est pas aussi exigeante que celle du dictionnaire quant aux mécanismes pouvant causer une telle lésion. Le Tribunal rappelle que s’il est exact que la travailleuse a ressenti sa douleur et un craquement lorsqu’elle marchait, cette dernière a précisé qu’elle marchait d’un pas rapide afin de répondre à un appel. Y a-t-il eu faux mouvement? La travailleuse l’ignore et n’essaie pas de bonifier sa version des faits. Il demeure qu’elle bénéficie de la présomption et le Tribunal est d’avisqu’on ne doit pas lui imposer le fardeau de prouver le geste ou le mouvement qui a pu causer son entorse sur la seule base de l’affirmation du docteur Dionne voulant qu’il ne retrouve pas dans la version de la travailleuse le geste ou le mouvement ou le trauma classique susceptible de causer une entorse.

Contestation de l’employeur rejetée.


Policiers

Rien à signaler.

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Paramédics

Jabou et Syndicat du préhospitalier — CSN, 2019 QCTAT 4068
https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2019/2019qctat4068/2019qctat4068.html?resultIndex=1

Un ambulancier paramédic dépose une plainte en 47.2 C.t. contre son syndicat. Il allègue que le syndicat a manqué à son devoir de représentation en refusant de déposer un grief contestant le refus de l’employeur d’octroyer un poste d’instructeur et de l’accommoder selon sa condition médicale.

Plus spécifiquement, le plaignant reproche au syndicat de ne pas avoir contesté la décision de l’employeur lui refusant le poste d’instructeur. Le Tribunal considère que le comportement du syndicat relativement à ce dossier est adéquat. Il est utile de rappeler que le rôle du Tribunal n’est pas de substituer sa propre opinion à la décision du syndicat. Il doit s’assurer que le choix du syndicat de ne pas déposer un grief est le résultat d’un examen sérieux. Le Tribunal conclut que le syndicat a procédé à un examen sérieux de la problématique, une rencontre a été tenue avec les représentants syndicaux et une conseillère juridique afin de bien connaître les récriminations du plaignant. Une avocate a effectué une recherche jurisprudentielle afin de bien cerner l’état du droit sur la question.

Plainte rejetée.

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Pompiers

Rien à signaler. 


Artistes

Association des réalisateurs et Société Radio-Canada (Marie-Claude Caya), 2019 QCTA 503
https://soquij.qc.ca/portail/recherchejuridique/ConsulterExtExpress/88193650A63CC214DD2B90C00005872F?source=EXPTRAV

Le litige fait suite à une sentence arbitrale rendue par la même arbitre accueillant certains griefs déposés par l’Association des réalisateurs au nom de madame Caya. Dans sa décision l’arbitre a conclu que la plaignante, une réalisatrice, a subi du harcèlement psychologique ainsi que des abus de droit de la part de l’employeur à l’occasion d’un processus ayant mené au non-renouvellement de son contrat de travail. Les parties ne sont pas entendues sur les dommages ce qui fait l’objet du présent litige.

L’arbitre rejette la réclamation de la réalisatrice pour la perte de salaire subie entre la fin des prestations d’assurance-salaire et la date de la décision du Tribunal, car cette réclamation se rattache aux conséquences du non-renouvellement du contrat de travail et non au processus suivi par l’employeur. Faire droit à cette demande reviendrait à compenser un préjudice indirect puisque ce dernier avait le droit de ne pas renouveler le contrat de la plaignante. De plus, celle-ci ne s’est pas acquittée de son fardeau de prouver le lien de causalité entre les dommages pécuniaires réclamés et la faute de l’employeur. L’arbitre conclut que la plaignante a subi une atteinte à son intégrité et à sa dignité en raison du comportement de l’employeur, qui ne l’a ni aidée ni informée des aspects de sa prestation de travail qui posait problème, et ce, pendant près de 7 mois. L’employeur n’a toutefois pas agi par malice ou intention malveillante, selon l’arbitre, mais plutôt pour respecter une promesse de confidentialité faite aux membres de l’équipe.

L’arbitre conclut que la plaignante a droit à 25 000$ à titre de dommages moraux. Cependant, vu l’absence d’atteinte illicite et intentionnelle à un droit fondamental de la part de la part de l’employeur, la réclamation de dommages punitifs est rejetée.

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SECTION DROIT CRIMINEL

Général

Zalat c. R., 2019 QCCA 1829 (CanLII)
https://www.canlii.org/fr/qc/qcca/doc/2019/2019qcca1829/2019qcca1829.html?autocompleteStr=Zalat%20c.%20R.%2C%202019%20QCCA%201829&autocompletePos=1

Dans cet arrêt, l’appelant porte en appel sa condamnation pour possession d’une arme à feu à autorisation restreinte avec munitions facilement accessibles et d’entreposage non conforme d’une arme à feu. Les armes furent saisies à la résidence de l’appelant dans l’exécution d’un mandat de perquisition.

L’enquêteur principal au dossier était également le contrôleur de la source policière. En décembre 2013, il est accompagné de son collègue et rencontre l’un de ses informateurs, qui l’informe que l’appelant possède une arme à autorisation restreinte à sa résidence. La preuve révèle que l’enquêteur a volontairement détruit ses notes à un moment indéterminé après la confection du rapport de source et de la dénonciation. Il explique qu’il a adopté la pratique de toujours détruire ses notes une fois un rapport de source complété, sans en aviser ses supérieurs. Il précise qu’après sa rencontre avec son informateur, il termine son rapport de source et commence la rédaction de sa dénonciation sans consulter ses notes de rencontre puisque sa mémoire est encore fraîche. Lors de son témoignage, Il confirme avoir sciemment caché au juge autorisateur qu’il cumulait les rôles d’enquêteur au dossier, de contrôleur de l’informateur et de déclarant.

La Cour d’appel d’avis que la dénonciation expose des motifs qui permettaient au juge de paix de conclure à l’existence de motifs raisonnables pour lancer le mandat. Ainsi, il n’y a pas de violation à l’article 8 de la Charte. Par contre, la Cour d’appel estime que la conclusion de la juge à propos de la conduite de l’enquêteur doit être revue. La question n’est pas de savoir si la qualité ou l’utilité des notes détruites discréditent l’administration de la justice, bien que ces caractéristiques influencent l’analyse. De l’avis de la Cour, la destruction des notes de l’enquêteur est de nature à choquer la conscience de la collectivité. Ensuite, le fait que l’enquêteur justifie la destruction de ses notes à l’aide de la politique interne du SPVM est contraire aux obligations de communication de la preuve. L’enquêteur aurait dû dévoiler au juge autorisateur du mandat qu’il était le contrôleur de l’informateur.

L’appel est accueilli et l’arrêt des procédures est ordonné.