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Veille juridique du 14 septembre 2021

SECTION DROIT DU TRAVAIL 

GÉNÉRAL

 

Fraser c. Syndicat des salarié(e)s de General Dynamics Produits de défense et Systèmes tactiques – Canada (CSN) – Usine St-Augustin, 2021 QCTAT 1975

https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2021/2021qctat1975/2021qctat1975.pdf                 

La plaignante est technicienne chez General Dynamics Produits de défense et Systèmes tactiques – Canada (CSN) – Usine St-Augustin (ci-après « l’employeur »). Dans cette affaire, le 12 juillet 2019, elle dépose une plainte en vertu de l’article 47.2 du Code du travail contre le Syndicat des salarié(e)s de General Dynamics Produits de défense et Systèmes tactiques – Canada (CSN) – Usine St-Augustin (ci-après « Syndicat »). Elle lui reproche d’avoir manqué à ses obligations en refusant de déposer un grief en contestant la décision de l’employeur de ne pas retenir sa candidature sur un affichage de poste.

Les faits sont les suivants : le 14 décembre 2017, l’employeur procède à un affichage de poste de relève-commis-magasiner, un poste convoité par la plaignante, alors que celle-ci est en congé sans solde. Aucune copie de l’affichage n’a été transmis aux salariés absents en raison de la modification apportée à la nouvelle convention collective entrée en vigueur quelques jours plus tôt. Dès son retour au travail, le 27 août 2018, la plaignante apprend que le poste désiré a été octroyé à un salarié ayant moins d’ancienneté qu’elle. Elle décide de rencontrer son Syndicat dans le but de déposer un grief. Celui-ci décide de mener une enquête et arrive à la conclusion que les chances de succès du grief sont nulles, car l’employeur n’a pas dérogé à la nouvelle convention collective.

Cette décision est portée à la connaissance de la plaignante le 28 septembre 2018. Le 7 mai 2019, l’employeur transmet aux salariés une entente selon laquelle il permet exceptionnellement que les détenteurs d’un poste de relève puissent se désister à la suite d’un manque de compréhension de la nouvelle clause visant leur poste. À la suite du désistement, l’employeur procédera à un nouvel affichage de poste. Le poste de relève visé par cette entente ne correspond pas au poste convoité par la plaignante. Toutefois, celle-ci se sentant lésée et discriminée dans ses droits, car on ne lui a pas offert la même opportunité en 2018, dépose une nouvelle demande au Syndicat qui rejette sa demande de nouveau. Elle est informée des conclusions de l’enquête le 27 mai 2019.

La question en litige dans cette affaire est la suivante :

La plaignante a-t-elle déposé sa plainte dans le délai de six mois prévu à l’article 47.5 du Code ?

Dans un premier temps, le Tribunal rappelle que le délai prévu à l’article 47.5 du Code du travail en est un de rigueur et son défaut entraîne la déchéance de la plainte.

Dans un deuxième temps, le Tribunal rejette les prétentions de la plaignante à l’effet que le délai commence à courir le 27 mai 2019, soit le moment où le Syndicat refuse de nouveau de déposer un grief. Il souscrit aux prétentions de la partie syndicale et à celles de l’employeur à l’effet que la deuxième demande de la plaignante n’est qu’une tentative de faire renaître la première. Le refus de l’employeur d’accorder le poste convoité résulte non pas de l’entente intervenue le 7 mai 2019, mais bien de l’application exacte de la nouvelle convention collective. Le Tribunal mentionne que le fait de réitérer sa demande initiale en s’appuyant sur un nouveau motif ne permet pas de reporter le point de départ du calcul.  Le point de départ du délai est donc le 28 septembre 2018, le moment où la plaignante a pris connaissance de la décision initiale du Syndicat de ne pas déposer de grief.

Pour ces motifs, le Tribunal rejette la plainte puisqu’elle est prescrite.

 


 

POLICIERS ET POLICIÈRES

Montréal (Ville) c. Fraternité des policiers et policières de Montréal, 2021 CanLII 984094 (QC SAT)

https://canlii.ca/t/jj04h

Cette affaire porte sur une objection préliminaire à la compétence de l’arbitre effectuée par la partie patronale. Le fond de l’affaire porte sur deux griefs déposés par la partie syndicale réclamant des dédommagements pour préjudices subis pour deux policiers du SPVM à la suite d’une enquête de nature criminelle conduite par des représentants de l’employeur. La Fraternité des policiers et policières de Montréal (ci-après la « Fraternité ») allègue que l’enquête aurait été bâclée violant par le fait même des droits prévus à la Charte des droits et libertés de la personne et qu’un dossier déficient aurait été ainsi transmis au Directeur des poursuites criminelles et pénales (ci-après « DPCP »). Après 11 jours d’audience sur le fond où la partie syndicale a présenté sa preuve, la partie patronale décide de procéder sur l’objection malgré l’entente intervenue entre les parties à l’effet que l’objection serait entendue après que l’ensemble de la preuve ait été entendue. La partie patronale a présenté son objection par écrit.

Au soutien de son objection, l’employeur prétend que le dossier en l’espèce est hors du champ d’application de la convention collective et hors du champ de compétence d’un arbitre de grief. Il soutient que « le fait de s’adresser à un tiers dans un contexte criminel échappe au champ d’application de la convention collective ». Qui plus est, il affirme qu’aucune disposition de la convention n’envisage la transmission d’un rapport d’enquête au DPCP. La partie syndicale, quant à elle, prétend plutôt que le dossier est arbitrable étant donné que ce qui est en cause est le traitement dont les policiers ont fait l’objet par les enquêtrices et non pas le fait qu’il y ait eu des poursuites criminelles à leur encontre.

Le Tribunal, dans sa décision, rappelle qu’il y a lieu d’effectuer l’analyse en deux temps développée par la Cour suprême dans l’affaire Weber afin d’établir si un dossier tombe dans le champ de compétence exclusive de l’arbitrage. Il faut premièrement déterminer l’essence du litige, puis deuxièmement, vérifier si le contexte factuel dégagé entre dans le champ d’application de la convention collective. Par conséquent, le Tribunal estime que l’essence du litige en l’espèce porte sur la qualité de l’enquête menée par les enquêtrices de l’employeur et non sur le fait que des poursuites criminelles ont eu lieu.

Concernant maintenant le champ d’application de la convention collective, le Tribunal écrit :

« [39] [i]l est donc manifeste que les dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne qui portent sur des conditions de travail font partie intégrante de la convention collective. »

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal considère que « l’essence du litige découle expressément ou implicitement de l’interprétation, de l’application, de l’administration ou de l’inexécution de la Charte québécoise, donc de la convention collective » étant donné que :

«[42] la Fraternité dans ses griefs soutient que l’Employeur a violé la convention collective, et plus particulièrement l’obligation que lui impose l’article 4 de la Charte des droits et libertés de la personne de respecter la dignité, l’honneur et la réputation des plaignants, obligation incorporée à la convention collective et que l’Employeur n’aurait pas respectée en procédant à une enquête bâclée, négligente et incomplète qui a terni injustement la réputation des plaignants au sein du Service de police et qui leur a causé de nombreux préjudices »

Pour ces motifs, le Tribunal rejette l’objection patronale à sa juridiction.

Félicitations à Me Mario Coderre pour son travail dans le présent dossier !

 

Comité de déontologie policière c. Stéphanie Lépine (décision rendue le 10 septembre 2021)

Disponible sur demande

Dans cette affaire, les policiers reçoivent un appel concernant une fraude en cours au magasin Brick à Kirkland. L’appel logé au centre d’urgence 911 précise que le suspect est un homme noir, grand et mince. L’homme a une barbe noire, porte une casquette grise et un manteau bleu avec un collet en fourrure. L’appel est réparti à la policière citée et à son partenaire, membres du Service de police de la Ville de Montréal et ceux-ci se rendent sur les lieux. Après que les agents aient intercepté et menotté le suspect, des employés du magasin leur font état du fait que le suspect avait une complice. La policière citée est alors retournée dans le magasin afin de pouvoir intercepter ce complice, qui s’avère être une femme noire selon les informations reçues.

La dame est conduite à la voiture du PDQ 3 où un sergent vérifie son téléphone avec sa permission. Il vérifie également les contacts et constate que celle-ci n’est aucunement reliée au suspect arrêté un peu plus tôt. La policière citée fait également des vérifications et ne peut établir de liens entre la dame et le suspect. Elle est libérée sur place sans accusation et on lui fait des excuses. De plus, le gérant du magasin Brick vient s’excuser également. Au total, l’implication de la dame en question aura duré une quinzaine de minutes.

En ce qui concerne l’arrestation illégale, le Comité évalue les motifs de la policière citée et constate que deux employées lui indiquent l’existence d’une complice. Une première à l’extérieur du magasin qui en donne une description et une deuxième à l’intérieur en pointant la dame à la policière citée et en confirmant la description donnée par la première employée. Par conséquent, la policière citée était justifiée d’accorder de la crédibilité aux employées du magasin et son expérience dans ce genre de crime fait en sorte qu’elle avait les motifs raisonnables de croire à la commission d’un crime et que la dame était complice.

En ce qui a trait au menottage, la policière citée a témoigné qu’elle a menotté la dame en raison d’un risque de fuite, ce qui a été le cas avec le premier suspect, et en raison du fait qu’elle était agitée, mais pas agressive. Dans l’ensemble des circonstances, le Comité conclut que la décision de l’agente de menotter la dame était raisonnable.

Finalement, en ce qui concerne le geste allégué de profilage racial, le Comité est d’avis que rien dans la preuve ne démontre que l’agente ait, même inconsciemment, dans son intervention traité la dame de manière différente en raison de sa race ou de son origine ethnique. En effet, en fonction des informations dont elle disposait, la policière citée devait prendre en compte la couleur de la peau de la dame en question.

Les actes sont jugés non dérogatoires.

Félicitations à notre collègue Félix R. Larose pour son excellent travail dans ce dossier !

 


 

TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

Migneault et Gestion Cambi inc., 2021 QCTAT 1293

https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2021/2021qctat1293/2021qctat1293.pdf

Cette décision porte sur une travailleuse qui est ambulancière. Les faits sont les suivants : la travailleuse accouche le 8 juillet 2019 et reçoit des indemnités du RQAP jusqu’au 4 janvier 2020. Le 8 novembre 2019, elle demande de bénéficier du programme « Pour une maternité sans danger » (PMSD) en déposant un certificat visant le retrait préventif puisqu’elle considère que son travail comporte des dangers pour son enfant qu’elle allaite. Le médecin traitant de la travailleuse, dans le certificat médical, identifie laconiquement les dangers que peut constituer le travail d’ambulancier. Elle note la présence de risques biologiques et la présence de produits chimiques multiples sans autres détails.

La CNESST a rejeté en première instance comme en révision la demande de la travailleuse. Elle s’est appuyée sur l’avis du médecin désigné par la Direction de la santé publique de la région concernée à l’effet que « l’exposition de la travailleuse ne présente pas de risque appréciable pour l’enfant, compte tenu de la courte exposition ». La travailleuse intente, donc, une demande en contestation auprès du Tribunal administratif du travail (ci-après « TAT »). Le TAT rejette à son tour la contestation de la travailleuse.

Au soutien de sa décision, le Tribunal rappelle dans, un premier temps, la notion de « danger » à laquelle renvoie l’art. 46 Loi sur la santé et la sécurité au travail (ci-après LSST) qui prévoit le droit au retrait préventif ainsi que le fardeau de preuve lui étant relié. Il reprend notamment ses propos dans la décision Brossard et Ambulance Radisson, 2007 QCCLP 1539 qui énonce que :

 «[23] […] le danger recherché doit représenter une probabilité significative quant à son existence et qu’il puisse être établi par une preuve prépondérante. Le danger doit être sérieux. »

« [450]  Il précise que ‘’la notion de danger réfère ici à la contamination de l’enfant allaité et aux conséquences qu’elle peut entraîner pour lui’’. Il ajoute que le degré de probabilité que cette contamination survienne constitue le risque et que ‘’plus le niveau de risque est élevé, plus il est probable que le danger s’actualise en une contamination de l’enfant.’’»

Par conséquent, le TAT estime qu’en l’espèce il ne peut conclure à la présence d’un danger dans le cadre de l’exercice du travail d’ambulancière. Il est d’avis que la travailleuse a échoué d’établir par preuve prépondérante qu’il y a un danger pour son enfant allaité. En effet, il estime que le témoignage de la travailleuse à lui seul est insuffisant en l’absence d’une preuve médicale à cet effet. Il rappelle également que :

« [35] […] le Tribunal ne peut toutefois importer la preuve médicale administrée dans d’autres décisions de la Commission. Il ne peut, non plus, statuer sur l’admissibilité du retrait uniquement sur la base de la jurisprudence soumise.»

 

Syndicat des paramédics et du préhospitalier de la Montérégie – CSN c. Ambulances Demers inc., 2021 QCTAT 3953

https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2021/2021qctat3953/2021qctat3953.pdf

Le syndicat des paramédics et du préhospitalier de la Montérégie – CSN (ci-après le « Syndicat ») dépose une demande d’ordonnances visant à faire cesser une violation des dispositions anti-briseurs de grève prévues aux articles 109.1 à 109.4 du Code du travail. Il demande également au Tribunal de rendre des ordonnances provisoires afin de sauvegarder ses droits en cours d’instance, selon l’article 9 (3) al. 2 de la Loi instituant le Tribunal administratif du travail (ci-après la « LITAT »). En effet, le Syndicat demande notamment que l’employeur cesse d’utiliser les services de salariés ou de personnes à l’emploi du Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Centre (le CISSS).

La présente décision porte uniquement sur la demande d’ordonnances provisoires. Au soutien de ses demandes, le Syndicat allègue que le Tribunal a rendu pendant la grève une décision constatant une entente sur les services essentiels intervenue entre les parties qui prévoit notamment que les salariés en grève devront accomplir tous les transports requis par l’employeur, mais qu’ils seront exemptés d’accomplir certaines tâches dont le traitement des formulaires AS-803 et AS-810 afin d’alourdir le processus de facturation de l’employeur. Il y a lieu de reproduire l’extrait pertinent de l’entente :

4- Les formulaires de facturation (AS-810) ne sont pas remplis par les paramédics.

5- Les formulaires (AS-803) sont complétés par les paramédics sur le support papier à l’exception de la copie de l’employeur sur laquelle les éléments suivants ne sont pas inscrits : l’identification de l’usager, la RAMQ, la date de naissance, le numéro d’autorisation de l’évènement et le numéro de véhicule ambulancier.

En vertu de l’art. 9 LITAT, le Tribunal a le pouvoir d’intervenir de façon provisoire pour sauvegarder les droits des parties. Le Tribunal rappelle que dans son analyse il doit considérer « l’apparence du droit du syndicat à obtenir la réparation demandée, le préjudice sérieux ou irréparable qu’il encourt et la prépondérance des inconvénients qu’il subirait, en cas de refus, par rapport à ceux que supporterait l’employeur visé par une ordonnance. L’urgence de la situation est aussi parfois considérée. »

L’apparence de droit

Concernant l’apparence de droit, le Tribunal estime que le Syndicat a échoué à prouver deux des trois éléments constitutifs de la violation alléguée de l’art. 109.1 b) Code du travail, soit l’utilisation, dans un établissement de l’employeur, des services d’un tiers pour remplir les fonctions d’un salarié en grève. Bien que la collecte d’information par les employés de l’Hôpital soit faite au profit de l’employeur, Ambulances Demers, elle n’est pas effectuée dans un établissement visé par les accréditations du Syndicat et elle ne correspond pas à remplir une fonction des salariés en grève. Les employés de l’hôpital ne remplissent pas les formulaires visés par l’entente intervenue entre les parties à l’instance. Ils ne communiquent que l’information auparavant obtenue par l’entremise de ces dit formulaires.

Préjudice sérieux ou irréparable et la prépondérance des inconvénients

Le Tribunal considère que le Syndicat subirait moins d’inconvénients que l’employeur si les ordonnances recherchées étaient émises. En effet, bien que le Syndicat prétende que l’absence d’ordonnance de sauvegarde compromettrait le rapport de force établi par l’entente entérinée par le Tribunal, ce dernier estime que le Syndicat remplirait tout de même une partie de ses objectifs par le fait de ses moyens de pression. En effet, le fait de remplir laconiquement les formulaires visés par l’entente complique réellement le processus de facturation de l’employeur le forçant d’accomplir des démarches supplémentaires auprès de l’hôpital pour obtenir l’information qu’il obtenait sans effort avant la grève.  Si l’ordonnance était émise, cela aurait pour conséquence de geler le processus de facturation de l’employeur l’empêchant de se procurer l’information nécessaire pour se faire payer ce que le Tribunal considère comme un inconvénient important.

Pour ces motifs le Tribunal rejette la demande d’ordonnances provisoires.

 

Péloquin et Coopérative des techniciens ambulanciers de la Montérégie, 2021 QCTAT 2605

https://canlii.ca/t/jg76z

Cette affaire porte sur un technicien ambulancier souffrant d’une maladie cardiaque ainsi que d’un asthme bronchique chronique entraînant des pneumonies. Concernant la maladie cardiaque, le travailleur est à risque de récidive pouvant entraîner un pontage aortocoronarien. Le 6 avril 2020, le travailleur, étant un acteur de première ligne auprès de la clientèle infectée du coronavirus SARS-CoV-2, est réaffecté à des tâches le mettant à l’écart des risques de contracter le virus pour finalement cesser de travailler le lendemain. Son médecin traitant, dans le certificat médical à l’intention du médecin de l’employeur, conclut que le travailleur a une condition à risque eu égard à la COVID-19. Cette conclusion est corroborée par le médecin de l’employeur.

Le 9 juin 2020, le travailleur dépose une demande à la CNESST en vertu de l’article 32 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (ci-après « LSST ») pour avoir droit au retrait préventif.  Il invoque, au soutien de sa demande, qu’étant donné que son état de santé présentant des signes d’altération, le virus auquel l’expose son emploi comporte un danger à sa santé. La CNESST rejette la demande en première instance tout comme en révision. Elle réclame également le remboursement de l’indemnité de remplacement de revenu versée au travailleur.  Elle est d’avis que l’altération de l’état de santé du travailleur doit résulter de l’exposition au contaminant et non d’une condition personnelle. Le travailleur, quant à lui, estime que l’altération ne doit pas nécessairement être la conséquence de l’exposition. Il est d’avis que l’exposition au contaminant peut comporter un danger en raison de cette altération.

Dans un premier temps, le Tribunal conclut que le coronavirus SARS-CoV-2 est un contaminant au sens de la LSST. D’ailleurs, cet élément n’a pas été remis en cause par les parties. Dans un deuxième temps, en privilégiant la méthode d’interprétation « moderne » établie dans l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (RE), [1998] 1 R.C.S. 27 de la Cour suprême selon laquelle une loi doit se lire dans son contexte global et à la suite d’une analyse de la jurisprudence, le Tribunal souscrit aux prétentions du travailleur au regard de la notion « d’altération de l’état de santé ». En effet, considérant l’objectif premier de prévention et d’élimination des dangers de la LSST, le Tribunal estime que

«[86] […] l’altération de la santé peut être la conséquence d’une condition extrinsèque au travail ou personnelle telle que la présence d’une maladie chronique faisant en sorte qu’une exposition à un contaminant comporte, pour le travailleur, des dangers au sens de l’article 32 [LSST].»

Le Tribunal est d’avis qu’une interprétation contraire serait absurde, illogique et incohérente avec l’objectif de la loi.

Pour ces motifs, le Tribunal accueille les contestations du travailleur.

 


 

POMPIERS ET POMPIÈRES

 

Rien à signaler.

 


 

SECTION DROIT CRIMINEL

 GÉNÉRAL

 

R. c. Brunelle, 2021 QCCA 1317

https://canlii.ca/t/jhxwn

Les faits ayant donné lieu à la présente affaire sont les suivants. Une enquête, connue sous le nom de projet « Nandou » et concernant des allégations de trafic organisé, principalement de cannabis, dans les régions de la Mauricie, de la Ville de Québec et du Saguenay, débute en novembre 2014. Une frappe policière importante est prévue au cours de la matinée du 31 mars 2016. Elle implique la perquisition d’une trentaine de résidences et autres lieux, et l’arrestation possible de presque autant de personnes. Plus de 250 policiers doivent y participer.  Devant l’ampleur de l’opération envisagée, une rencontre préparatoire est organisée afin de planifier tant les perquisitions que les arrestations. De très nombreux policiers, provenant des trois régions, y assistent. À cette occasion, l’enquêteur Toussaint, qui est en charge de la rencontre, rappelle l’importance de respecter le droit à l’assistance d’un avocat dont bénéficient les personnes qui seront arrêtées. Il ne donne toutefois aucune indication quant au moment où il devra leur être permis, le cas échéant, d’exercer ce droit, affirmant tenir pour acquis que les policiers qui procéderont aux arrestations connaissent les règles et sauront quoi faire.

Tous les intimés reconnaissent avoir été informés de leur droit à l’avocat dès le moment où ils sont arrêtés. La preuve révèle que les policiers les informent d’ailleurs de leurs droits à plus d’une reprise, dont une fois par la lecture intégrale de la carte des droits de la Sûreté du Québec, un document standardisé énonçant les droits dont bénéficient les personnes arrêtées ou détenues.

Au procès, les intimés déposent diverses requêtes préliminaires, dont une requête en arrêt des procédures et en exclusion de preuve dans laquelle ils allèguent que certains mandats obtenus et exécutés par les policiers sont invalides, que ceux-ci ont omis d’aviser des tiers de l’exécution de perquisitions secrètes, ont usé d’une force excessive, ont détruit de la preuve et ne leur ont pas donné l’opportunité d’exercer leur droit à l’assistance d’un avocat dès le moment de leur arrestation.

Le juge de première instance rejette la majorité des reproches formulés par les intimés, mais estime que trois d’entre eux sont fondés et qu’ils justifient le remède demandé : 1) les policiers ont violé le droit des intimés d’avoir recours à l’assistance d’un avocat en attendant systématiquement d’être au poste de police avant de leur permettre de l’exercer; 2) ils ont omis d’aviser des tiers en temps opportun de l’exécution de perquisitions secrètes; et 3) ils auraient dû faire viser, dans le district où ils ont été exécutés, les mandats de perquisition délivrés dans un autre district.

La juge Marie-Josée Hogue de la Cour d’appel est d’avis que le juge d’instance devait nécessairement évaluer la situation de chaque accusé individuellement, car les règles entourant la qualité pour agir (standing) prévoient qu’une réparation ne peut être accordée qu’à une personne victime d’une violation de ses propres droits constitutionnels. Ainsi, il commet une erreur lorsqu’il aborde la violation du droit à l’avocat sans considérer, à l’égard de chacun des accusés, la raisonnabilité du délai écoulé avant que l’opportunité de communiquer avec un avocat lui soit donnée.

Quoique cette erreur justifierait à elle seule la tenue d’une nouvelle audition de la demande d’arrêt des procédures et d’exclusion de preuve, la Cour d’appel mentionne qu’il faut y ajouter l’omission du juge de considérer les réparations alternatives à l’arrêt des procédures et son défaut d’évaluer si la nature de la violation retenue constitue l’un des cas les plus manifestes exigeant la réparation draconienne que constitue l’arrêt des procédures. 

L’appel est accueilli et une ordonnance de nouveau procès est prononcée.