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Veille juridique du 17 novembre 2020

SECTION DROIT DU TRAVAIL 

GÉNÉRAL

 

Ninoles et Delom Services inc., 2020 QCTAT 3531

https://www.canlii.org/fr/qc/qcca/doc/2020/2020qcca1390/2020qcca1390.pdf

Dans ce dossier, la réclamation à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (ci-après « CNESST ») afin de faire reconnaître une lésion professionnelle a été refusée à la travailleuse. Elle dépose donc une contestation au Tribunal administratif du travail (ci-après « TAT »). Le dossier s’étend sur quelques années, pendant lesquelles, il y a des pourparlers entre les parties en vue d’un règlement, avec l’assistance d’un conciliateur.

Or, le 20 août 2020, la travailleuse dépose une requête pour faire reconnaître l’existence d’une entente qui serait intervenue entre les parties. Pour ce faire, elle dépose certains documents comprenant des courriels échangés dans le cadre de la conciliation. L’employeur s’y objecte au motif que les courriels impliquant le conciliateur sont confidentiels et ne peuvent, sans consentement, être produits en preuve.

Le Tribunal analyse l’objection patronale sous l’angle d’un principe développé par la common law. Bien que la règle générale en matière de preuve soit la recevabilité de tout fait pertinent à un litige, il existe des exceptions. L’une d’elles est le principe de la confidentialité des échanges en vue de régler un litige. Ce privilège de confidentialité s’explique par la volonté d’inciter les parties à régler leurs différends avant de se rendre devant un décideur.

D’ailleurs, le législateur québécois a codifié cette règle dans la Loi instituant le Tribunal administratif du travail (ci-après « LITAT »).

[18] À ses articles 21 et suivants, la LITAT prévoit le processus de conciliation du tribunal. Ces articles offrent une garantie de confidentialité afin de protéger l’intégrité du processus et de la confiance des parties envers le conciliateur. Aussi, cette confidentialité a pour but évident de favoriser le règlement des affaires soumises sans compromettre, en cas d’échec, la position des parties. La LITAT prévoit qu’« à moins que les parties n’y consentent, rien de ce qui a été dit ou écrit au cours d’une séance de conciliation n’est recevable en preuve ». Ainsi, il est donc possible de consentir à certaines productions en preuve de documents. Selon cette disposition, il faut néanmoins que les parties y consentent.

Ce faisant, le principe de la confidentialité des échanges entre les parties en vue de régler un litige a une portée considérable. Celui-ci couvre notamment les notes personnelles du conciliateur, un document obtenu dans le cadre de la conciliation et tout ce qui a pu se dire, incluant les conversations téléphoniques.

Dans le même sens, le conciliateur et tous les renseignements qu’il recueille durant le processus bénéficient de la même protection. Il est donc non-contraignable, tel que prévu aux articles 22 et 25 de la LITAT. Par conséquent, à moins que les parties n’y consentent, les courriels échangés en vue de régler le litige et impliquant le conciliateur ne peuvent être produits en preuve.

L’objection de l’employeur est accueillie.

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Matte c. Tribunal administratif du travail, 2020 QCCS 3401

https://soquij.qc.ca/portail/recherchejuridique/ConsulterExtExpress/BF2CF093A0890CFF406C87C7B4770FF6?source=EXPTRAV

La Cour supérieure du Québec est saisie d’un pourvoi en contrôle judiciaire à l’encontre de la décision du TAT qui accueille le moyen préliminaire de prescription soulevé par le syndicat contre 18 plaintes de manquement au devoir de juste représentation (article 47.2 du Code du travail). Au soutien du pourvoi, les demandeurs soulèvent trois questions, soit l’erreur commise par le TAT en excluant certains demandeurs de la salle d’audience pendant le témoignage des autres plaignants, le refus du TAT de se prononcer sur une demande de prolongation de délai et la détermination erronée du point de départ de la prescription.

Sur le plan factuel, le syndicat conclut en 2016 le renouvellement de la convention collective avec la Ville de Montréal, dans le contexte de la Loi 15. Or, une des nouvelles clauses stipule que, dorénavant, les salariés qui travaillent en fonction supérieure verront leur rente de retraite calculée sur la base salariale de leur fonction régulière et non sur le salaire rattaché à la fonction supérieure. Ce changement conventionnel affecte tant les cotisations versées par les salariés que la rente qu’ils toucheront à la retraite. D’où les 18 plaintes déposées en vertu de l’article 47.2 C.tr. Lors de l’audition devant le TAT, le syndicat soulève une demande d’irrecevabilité au motif que ces plaintes sont prescrites et le Tribunal lui donne raison.

Devant le juge administratif, le syndicat avait obtenu une ordonnance d’exclusion des témoins afin de faire témoigner les plaignants individuellement et sans qu’ils ne puissent assister aux autres témoignages. La Cour supérieure, pour sa part, distingue le fait d’obtenir l’exclusion des témoins et celui de l’exclusion d’une partie. En effet, les plaignants sont à la fois témoins et partie et leur exclusion est une question importante de justice naturelle pour laquelle le TAT devait justifier sa décision. D’autant plus que l’article 31 des Règles de preuve et de procédure du Tribunal administratif du travail (ci-après « Règles »), prévoyant le pouvoir d’ordonner l’exclusion des témoins, est silencieux quant à l’exclusion d’une partie. Pourtant, le TAT ne traite absolument pas de cette question lorsqu’il émet son ordonnance. Il s’agit donc d’une décision déraisonnable alors qu’il y a une absence totale de justification sur une question aussi importante qu’une atteinte à la justice naturelle.

En ce qui concerne le refus de se prononcer sur la demande de prolongation de délai, le juge conclut à l’erreur du TAT, lorsqu’il a considéré qu’il n’était pas saisi d’une telle demande. Il en ressort de la preuve que les demandeurs avaient bel et bien soumis une demande en vertu de l’article 15 de la LITAT afin d’obtenir une prolongation du délai. Le TAT a donc erré sur cette question. Pour la question du point de départ du délai de la prescription, la Cour ne se prononce pas étant donné sa conclusion sur les deux premières questions.

Le pourvoi en contrôle judiciaire est accueilli en partie et le dossier est retourné au TAT pour entendre les plaintes en vertu de l’article 47.2 C.tr.

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Syndicat des travailleurs de la construction du Québec (CSD-Construction) c. Commission de la construction du Québec, 2020 QCCS 3195

https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2020/2020qctat3666/2020qctat3666.pdf

La Cour supérieure du Québec est saisie d’une demande d’injonction interlocutoire de la CSD-Construction, afin de modifier temporairement la décision de la Commission de la construction du Québec (ci-après « CCQ ») voulant que les droits de 100$, nécessaires pour la délivrance d’un certificat de compétence d’un nouveau salarié de l’industrie de la construction, ne peuvent pas être acquittées par un syndicat, mais ils doivent plutôt l’être par le candidat à la profession.

En vertu de l’article 28 de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction (ci-après « Loi »), tous les salariés de l’industrie de la construction doivent être obligatoirement membres de l’un des cinq syndicats spécifiquement mentionnés. Cette obligation engendre une compétition entre les syndicats afin d’attirer le plus grand nombre de salariés. Ainsi, depuis 2018, la CSD-Construction offre, comme attrait promotionnel, à ses futurs membres de payer les droits de 100$ nécessaires à l’obtention d’un certificat de compétence. C’est en réponse à cette offre que la CCQ, responsable de l’application de la Loi, modifie le formulaire devant être rempli par les candidats pour y mentionner que le paiement de 100$ ne peut faire l’objet d’un remboursement par une association syndicale. La CSD-Construction introduit donc une demande d’injonction puisqu’elle considère que, dans un contexte de très forte concurrence entre les cinq syndicats qui se disputent le membership, cela lui cause préjudice.

Le juge Granosik entreprend l’analyse des trois critères nécessaires à l’obtention d’une injonction interlocutoire, soit l’apparence de droit, le préjudice irréparable ou sérieux et la prépondérance des inconvénients.

Bien que la Cour reconnaisse la compétence de la CCQ pour adopter des règles dans l’exécution de son mandat, restreindre la capacité d’un syndicat d’offrir des attraits particuliers aux futurs membres empiète de façon considérable sur la liberté d’association. De plus, la prétention voulant que la CSD-Construction « achète » le membership est erronée et n’est pas retenue. Conséquemment, l’apparence de droit est démontrée.

[20] En somme, je ne suis pas convaincu que la décision de la CCQ est rationnellement fondée et qu’elle vise à cesser une illégalité alors que la CSD-Construction doit pouvoir structurer son offre de service comme elle le désire, ce qui inclut ce paiement des droits. Autrement dit, la décision de la CSD-Construction ne possède pas prima facie la gravité que la CCQ lui attribue. L’apparence de droit de la CSD-Construction est donc forte car on ne voit pas pourquoi un tiers, fût-il la CCQ, dont le mandat de préserver des relations de travail saines dans l’industrie de la construction est indéniable et important, s’ingérerait dans ce processus et dans l’offre de services ou de produits s’adressant aux futurs membres.

Pour ce qui est du préjudice irréparable ou sérieux, les prétentions de la CSD-Construction ne sont pas retenues. Principalement, le juge invoque l’insuffisance de preuve. En effet, l’interdiction d’offrir aux futurs membres de rembourser le paiement des droits en attendant le jugement au fond créé uniquement un préjudice appréhendé ou hypothétique que les candidats puissent opter pour un autre syndicat, ce qui est insuffisant pour satisfaire le critère.

Enfin, la prépondérance des inconvénients est défavorable à la CSD-Construction. Malgré la présence d’un certain préjudice pour le syndicat, du fait qu’il ne peut présenter l’ensemble de son offre aux futurs membres, la présomption de validité rattachée aux actions de la CCQ, à titre de personne morale de droit public, fait pencher la balance en attendant l’audition au fond.

La demande d’injonction interlocutoire est rejetée.

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POLICIERS ET POLICIÈRES

 

Commissaire à la déontologie policière c. Généreux, 2020 QCCDP 34

https://www.canlii.org/fr/qc/qccs/doc/2020/2020qccs3407/2020qccs3407.pdf

Cette décision fait suite au jugement du Comité ayant déterminé que l’agente Annie Généreux a commis deux manquements déontologiques en pénétrant sans droit dans un appartement et en saisissant sans droit des stupéfiants et du matériel associé à la consommation de stupéfiants.

Dans cette décision, le Comité de déontologie policière détermine la sanction appropriée pour la policière. Lors des événements, l’agente Généreux possédait 16 années d’ancienneté et agissait régulièrement en fonction supérieure comme superviseur de quartier. Elle se devait de connaître les dispositions de la loi, plus particulièrement l’obligation d’obtenir un télé-mandat s’il y a lieu, avant de pénétrer dans l’appartement.

En pénétrant dans l’appartement du plaignant, la policière a contrevenu au principe émis par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Feeney, établissant le caractère d’inviolabilité de la demeure. L’agente Généreux est policière au Service de police de la Ville de Montréal depuis 2001 et elle n’a aucune inscription de nature déontologique à son dossier. Après avoir considéré la gravité de l’inconduite, les circonstances et la jurisprudence soumise par les parties, de même que l’absence de dossier déontologique, le Comité est d’avis qu’une suspension sans traitement de trois jours ouvrables est appropriée comme sanction pour le manquement d’avoir pénétré sans droit dans la résidence.

La juge administrative impose également une journée de suspension à l’agente Généreux pour avoir saisi sans droit les stupéfiants dans la résidence en plain view. Cette suspension est à purger de manière concurrente à la sanction imposée à l’agente pour avoir pénétré sans droit dans la résidence.

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TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

 

Rien à signaler.

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POMPIERS ET POMPIÈRES

 

Rien à signaler.

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ARTISTES

 

Union des artistes et Vega Musique inc. (grief syndical), 2020 QCTA 507

https://www.canlii.org/fr/qc/qcsat/doc/2020/2020canlii86588/2020canlii86588.pdf

Dans ce dossier, un grief syndical oppose l’Union des artistes (ci-après « UDA ») et VEGA, un producteur qui retient les services d’artistes en vue de produire ou de représenter des œuvres artistiques dans le domaine de la musique. En vue de l’audition du grief, VEGA demande à l’arbitre de rendre des ordonnances visant l’exclusion des témoins et la confidentialité des débats jusqu’à ce qu’une décision finale soit rendue sur le fond et qu’elle soit passée en force de chose jugée. L’UDA s’y oppose en alléguant que, la publicité des débats étant la règle, VEGA a été incapable démontrer que sa demande est nécessaire à la bonne administration de la justice.

Sur le plan factuel, en 2013, les quatre artistes, composant le groupe musical The Seasons, signent un contrat exclusif d’enregistrement en faveur de VEGA. En 2019, l’UDA dépose un grief, au nom des artistes. Parallèlement, VEGA intente une action en Cour fédérale du Canada contre les quatre artistes et deux autres défendeurs. Ainsi, l’audience pour entendre le grief au fond est programmée pour débuter en octobre 2020. Or, en raison de la pandémie liée au COVID-19 et conformément aux consignes sanitaires, le nombre de personnes dans la salle d’audience est limité. L’UDA informe le Tribunal qu’une observatrice sera présente, ce à quoi VEGA s’oppose puisque la personne visée est l’avocate des artistes dans le cadre du litige en Cour fédérale. Ce faisant, elle est plus qu’une simple observatrice et sa présence ne devrait pas être permise puisqu’elle accorderait un avantage indu à la partie adverse devant l’instance fédérale.

La demande d’exclusion présentée par VEGA est plus large qu’une demande visant les témoins. Elle vise à interdire l’accès à des débats publics à une avocate, qui n’est pas témoin, au motif qu’elle représente l’un des artistes devant une autre juridiction et donc sa présence est un obstacle au droit à un procès équitable autant en arbitrage de griefs que devant la Cour fédérale. Or, l’exclusion des témoins a pour objectif de garantir la crédibilité et l’authenticité des témoignages. Pourtant, la présence de l’avocate n’a aucune incidence sur ce point et rien ne démontre qu’un témoignage serait influencé, dérangé ou entaché par sa présence.

Certes, il y a une dynamique particulière en raison des instances parallèles. Toutefois, le mandat de l’arbitre se limite à assurer le bon déroulement et le respect des règles de la justice naturelle dans le cadre du litige relevant de sa juridiction et dont il est saisi. Aucune source de droit ne permet de l’étendre au-delà. Par conséquent, le huis clos demandé est injustifié.

[41] À la lumière de la preuve administrée devant moi, je n’ai aucune raison de croire que la présence de certaines personnes dans la salle d’audience pendant les représentations des parties puisse nuire à leur bon déroulement. Le caractère public des procédures d’arbitrage fait en sorte que la justice est administrée de façon transparente, favorisant ainsi la confiance des justiciables envers le système judiciaire. Une ordonnance de confidentialité / huis clos demandée aurait à mon avis l’effet contraire.

[42] Certes, l’arbitre de grief a le devoir de s’assurer que les parties aient droit à un « procès équitable ». Toutefois, ce devoir m’incombe en regard du litige soulevé par le grief numéro 35450. VEGA n’a pas réussi à me convaincre que faute de lui accorder le type de huis clos qu’elle réclame, l’UDA sera avantagée dans le cadre de l’arbitrage. Autrement dit, VEGA ne m’a pas démontré en quoi le reste de l’arbitrage devant moi serait inéquitable sans l’ordonnance ici demandée.

La demande d’ordonnance est rejetée.

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SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRAL

R c. Slatter, 2020 CSC 36

https://www.canlii.org/fr/ca/csc/doc/2020/2020csc36/2020csc36.pdf

Au procès, l’intimé, M. Slatter, est reconnu coupable d’agression sexuelle, mais déclaré non coupable d’exploitation sexuelle d’une personne handicapée. Estimant que les motifs du juge du procès sont insuffisants, les juges majoritaires de la Cour d’appel de l’Ontario accueillent l’appel de la déclaration de culpabilité et ordonnent la tenue d’un nouveau procès (2019 ONCA 807). La juge Pepall, dissidente, aurait rejeté l’appel, estimant que M. Slatter avait eu droit à un procès équitable. À son avis, le fait que le juge du procès n’ait pas expressément abordé dans ses motifs l’argument de la défense voulant que la plaignante était réceptive aux suggestions ne rendait pas les motifs du jugement insuffisants. Également, la juge Pepall n’était pas d’accord pour dire que le juge du procès avait eu tort de ne pas expliquer son rejet de la preuve de la défense. Finalement, le fait que le juge du procès se soit appuyé à tort sur le témoignage de la plaignante comme étant auto-corroborant n’était pas, en soi, suffisant pour accueillir l’appel.

Le Juge Moldaver, au nom de la Cour suprême du Canada, prononce oralement le jugement suivant:

Nous sommes tous et toutes d’avis que l’appel doit être accueilli, pour les motifs exposés par la juge Pepall, auxquels nous souscrivons.

Nous tenons simplement à souligner que, lorsque les tribunaux sont appelés à apprécier la crédibilité et la fiabilité du témoignage d’une personne ayant une déficience intellectuelle ou développementale, ils doivent hésiter à privilégier un témoignage d’expert attribuant des caractéristiques générales à cette personne, plutôt qu’à s’attacher à sa véracité et à ses capacités réelles démontrées par son aptitude à percevoir les événements en litige, à s’en rappeler et à les relater, à la lumière de l’ensemble de la preuve. Le fait d’accorder une trop grande importance à des généralisations risque de perpétuer des mythes et stéréotypes préjudiciables au sujet des personnes ayant des déficiences, situation qui est peu propice au processus de recherche de la vérité et qui crée des obstacles additionnels pour les gens qui demandent accès à la justice.

En conséquence, nous accueillons l’appel et rétablissons la déclaration de culpabilité.

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