SECTION DROIT DU TRAVAIL
GÉNÉRAL
Syndicat de l’enseignement de la région de Québec et Centre des services scolaire des Premières-Seigneuries, 2022 QCTA 361
Disponible sur SOQUIJ
Dans ce dossier, le syndicat dépose un grief qui reproche à l’employeur de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour faire cesser le harcèlement psychologique dont une enseignante était victime de la part d’un élève avec des difficultés d’apprentissage et sa mère. Les comportements, gestes, actes et paroles vexatoires reprochés se sont produits durant une partie de l’année scolaire 2017-2018, soit d’octobre à mai 2018.
La preuve du syndicat démontre que les propos et commentaires répétés de la mère, majoritairement sous forme de courriels adressés tant à l’enseignante qu’à la direction de l’école, contiennent des allégations notamment malveillantes et dévalorisantes visant à discréditer le travail et la compétence de l’enseignante. Les gestes posés par la mère démontrent une conduite oppressive et attentatoire qui a produit des conséquences négatives sur la réputation, la dignité et l’intégrité psychologique de l’enseignante. En ce sens, la Loi sur les normes du travail prévoit aux articles 81.18 et suivants, l’obligation pour l’employeur de prendre les moyens raisonnables pour assurer un milieu de travail exempt de harcèlement de la part de toute personne avec laquelle le salarié interagit, ce qui inclut en milieu scolaire, tant les collègues et gestionnaires que les élèves et leurs parents. Conséquemment, le parent d’un élève qui harcèle un membre du personnel est une tierce personne agissant dans le milieu de travail sous la responsabilité de l’employeur. Elle est alors une personne visée par les dispositions de la Loi.
Dans les circonstances, l’arbitre retient que l’employeur a manqué à ses obligations. En effet, les gestionnaires ont pris des mesures visant à satisfaire aux multiples demandes de la mère de l’élève, au détriment de l’autonomie professionnelle de l’enseignante. Notamment, l’employeur a accepté d’une part, de procéder à une nouvelle correction d’évaluations effectuées par l’enseignante et il a, d’autre part, toléré que l’élève puisse filmer ou enregistrer l’enseignante en classe.
Le grief est accueilli.
Capdevila Mesa et A. & D. Prévost inc., 2022 QCTAT 4055
Disponible ici : https://canlii.ca/t/jrs0p
Le travailleur conteste la décision rendue par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail (« CNESST ») à l’effet qu’il n’a pas subi une lésion professionnelle, dont le diagnostic est une tendinite au coude et au poignet droits. Dans les faits, le travailleur est un opérateur-monteur de fenêtres chez l’employeur. Lors d’une assignation temporaire, il est affecté pendant quelques jours à des tâches de vissage de petites pièces de métal. Après deux journées, le travailleur ressent une douleur à la main et au poignet droits dont l’intensité augmente progressivement les jours suivants. Le travailleur consulte finalement quelques semaines après l’apparition des douleurs et dépose une réclamation à la CNESST.
Dans son analyse, le Tribunal rappelle qu’une présomption de maladie professionnelle est prévue à l’article 29 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles afin d’alléger le fardeau de preuve du travailleur. Pour en bénéficier, trois (3) éléments doivent être démontrés. D’abord, le travailleur doit être atteint d’une lésion musculo-squelettique se manifestant par des signes objectifs. Ensuite, il doit effectuer un travail impliquant des répétitions de mouvements ou de pressions. Enfin, ces répétitions doivent avoir eu lieu sur des périodes de temps prolongées.
Le Tribunal est d’avis que le travailleur bénéficie de la présomption. Le premier élément est rempli puisque le travailleur est atteint d’une tendinite. Le deuxième élément est démontré, car le travailleur a exécuté exclusivement des tâches de vissage de petites pièces du 28 au 30 septembre 2021. Durant ces deux journées, il a effectué entre 8 400 à 14 400 fois par quart de travail le même mouvement de rotation de clé. Le troisième élément est aussi démontré alors que la jurisprudence reconnaît que les « périodes de temps prolongées » s’analysent en fonction du nombre d’heures consacrées quotidiennement aux tâches qui requièrent une répétition. En l’espèce, la même tâche a été exécutée pendant tout un quart de travail de huit (8) heures, et ce, durant quelques journées consécutives.
La contestation du travailleur est accueillie.
F. c. Union des employés et employées de service, section locale 800, 2022 QCTAT 4367
Disponible ici : https://canlii.ca/t/js5sb
Le plaignant dépose une plainte au Tribunal administratif du travail en vertu de l’article 47.2 du Code du travail à l’encontre de son syndicat pour avoir manqué à son devoir de juste représentation. Le plaignant reproche au syndicat de ne pas avoir déposé de grief pour contester la décision de l’employeur de le congédier.
Le 26 avril 2021, l’employeur congédie le plaignant en raison de plusieurs absences injustifiées du travail. Avant l’échéance du délai prévu dans la convention collective pour déposer un grief, le plaignant tente à plusieurs reprises de contacter un représentant syndical, sans succès. À l’audience, le syndicat ne présente pas de défense et explique que le représentant syndical auquel réfère le plaignant est décédé et, ce faisant, il n’est pas possible de savoir si des démarches avaient été entreprises en temps opportun.
Le Tribunal accueille la plainte et autorise le plaignant à déposer un grief pour contester le congédiement. Le tout avec la représentation du syndicat.
Cie Beaulieu du Canada et UES, section locale 800 (grief syndical), 2022 QCTA 387
Disponible sur SOQUIJ
Le syndicat dépose un grief afin de contester des ententes individuelles conclues directement entre l’employeur et des salariés, et ce, sans l’accord du syndicat. Selon ces ententes, l’employeur s’engageait à fournir un service de transport (taxi-navette) vers les lieux du travail et les salariés, en contrepartie, accordaient une contribution hebdomadaire au service de transport qui était perçue à même leur paie. Pour sa part, l’employeur considère qu’en raison du silence de la convention collective sur la question du transport vers les lieux du travail, il agissait conformément à son droit de direction.
L’arbitre retient en partie les prétentions syndicales. D’abord, il rejette l’argument selon lequel la mise en place d’un service de transport par l’employeur au bénéfice des nouveaux salariés nécessite la conclusion d’ententes individuelles avec l’accord du syndicat. L’absence de disposition dans la convention collective permet à l’employeur d’exercer son droit de direction pour mettre en place ce service. Cette décision n’est ni arbitraire, discriminatoire ou déraisonnable. D’autant plus que, considérant la pénurie de main-d’œuvre qui prévaut actuellement, l’employeur souhaitait faciliter le recrutement de personnel. Néanmoins, en ce qui concerne le prélèvement d’une contribution hebdomadaire à même la paie des salariés, l’arbitre considère qu’il s’agit d’une entente individuelle. Auquel cas, le syndicat est le seul interlocuteur valable de l’employeur et toute entente individuelle avec un salarié doit être soumise à son approbation.
Le grief est partiellement accueilli.
POLICIERS ET POLICIÈRES
Rien à signaler.
TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER
Rien à signaler.
POMPIERS ET POMPIÈRES
Rien à signaler.
ARTISTES
Rien à signaler.
SECTION DROIT CRIMINEL
GÉNÉRAL
R. c. Tessier, 2022 CSC 35
Disponible ici : https://canlii.ca/t/jscm1
Dans cette affaire, la Cour se demande si les déclarations d’un accusé à la police en l’absence de mise en garde étaient volontaires. Durant des interrogatoires en lien avec une enquête sur meurtre, l’accusé n’était pas encore un suspect et il n’avait pas reçu de mise en garde quant à son droit de garder le silence et son droit d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat. Devant le juge du procès, l’appelant a été déclaré coupable: les déclarations ont été jugées volontaires et admises en preuve par le juge du procès malgré l’absence de mise en garde. La Cour d’appel de l’Alberta a conclu que les déclarations n’auraient pas dû être admises en preuve et a ordonné un nouveau procès.
Sous la plume du juge Kasirer, la Cour suprême rétablit la déclaration de culpabilité pour meurtre prononcée à l’encontre de M. Tessier après avoir conclu que ses déclarations à la police étaient admissibles en preuve.
Selon la règle des confessions, des déclarations faites à la police sont généralement considérées comme volontaires – et donc admissibles en preuve – si la personne qui les a faites avait un état d’esprit conscient à ce moment et si elle a fait ces déclarations sans être menacée ou piégée par la police, ce qui était le cas de M. Tessier lorsqu’il s’est entretenu avec les policiers sans avoir été mis en état d’arrestation.
En décidant que l’absence d’une mise en garde constitue un facteur important, mais pas déterminant, dans l’analyse du caractère volontaire, la Cour, dans Boudreau c. The King, [1949] R.C.S. 262, a confirmé que la règle des confessions devrait également demeurer souple pour tenir compte de la complexité des réalités des enquêtes policières. Considérer l’absence d’une mise en garde policière comme un facteur déterminant du caractère volontaire en imposant une règle rigide risquerait d’empêcher le recours à des techniques d’enquête légitimes tout en faisant fi des autres protections prévues par la règle.
Exiger une mise en garde dans toutes les circonstances entraverait inutilement le travail des policiers, et pourrait même nuire aux enquêtes lorsqu’une personne n’est exposée à aucun risque juridique manifeste et que les policiers ont simplement l’intention de recueillir de l’information. En conséquence, il est préférable de permettre aux tribunaux de procéder avec souplesse à une évaluation des véritables circonstances du contact avec la police. Dans des circonstances où la police interroge un suspect qui n’est pas détenu sans lui faire une mise en garde, l’absence de cette dernière n’est pas fatale, mais elle constitue un facteur important pour juger du caractère volontaire des déclarations.
Si la Couronne est en mesure de prouver que le suspect a conservé la capacité d’exercer son libre choix vu l’absence de signes de menaces ou d’encouragement, d’oppression, de l’absence d’un esprit conscient ou de ruse policière, cela suffira pour qu’elle se décharge de son fardeau de prouver que la déclaration était volontaire et remédier à l’absence de mise en garde qui avait entaché le processus. La Couronne n’est pas pour autant libérée de son fardeau ultime de prouver le caractère volontaire hors de tout doute raisonnable. L’accent est plutôt mis sur la portée juridique de l’absence d’une mise en garde comme une manifestation possible du caractère non volontaire lorsqu’une personne est un suspect.
En l’espèce, la Cour a jugé que l’accusé a fait le choix libre et éclairé de parler à la police et n’a pas été privé injustement de son droit au silence. Malgré l’absence d’une mise en garde, les déclarations de l’accusé étaient volontaires suivant la règle des confessions.
L’absence de mise en garde constitue une preuve prima facie que les déclarations de l’accusé étaient involontaires, puisqu’il y avait un motif raisonnable de considérer l’accusé comme un suspect au moment de l’interrogatoire. Toutefois, la Couronne s’est acquittée de son fardeau en prouvant que l’absence d’une mise en garde a été sans conséquence et que les déclarations étaient, hors de tout doute raisonnable et compte tenu du contexte dans son ensemble, volontaires. De plus, l’accusé n’a pas été détenu psychologiquement, de telle sorte qu’il ne saurait prétendre à la violation de ses droits protégés par la charte. En conséquence, son droit de recourir à l’assistance d’un avocat n’a pas été violé.
Les juges Brown et Martin sont dissidents. Selon ces juges, si l’on applique ce test reformulé à la présente affaire, l’accusé n’a pas parlé volontairement aux policiers en étant conscient de ce qui était en jeu. La Couronne n’a présenté aucune preuve claire et convaincante démontrant que les déclarations de l’accusé étaient volontaires et n’a donc pas réussi à réfuter la présomption du caractère involontaire.
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