Veille juridique du 21 juin 2022

21 juin 2022

SECTION DROIT DU TRAVAIL

GÉNÉRAL

 

Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) c. École Bee Lingue inc., 2022 QCCQ 1656 

https://canlii.ca/t/jnpb8

L’employeur, qui se spécialise notamment dans la garde d’enfants d’âge préscolaire, est accusé d’avoir contrevenu à l’article 236 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (ci-après : « LSST ») en exposant ses travailleurs à un risque de contamination à la COVID-19. Les faits sont les suivants : un inspecteur de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (ci-après : « CNESST ») se présente dans l’établissement de l’employeur pour vérifier la mise en application des mesures de contrôle pour limiter la propagation du coronavirus en milieu de travail. L’inspecteur constate que le port du masque de procédure en continu n’est pas respecté par la propriétaire de l’établissement, son adjointe administrative et deux de ses éducatrices.

La défenderesse, soit l’employeur, ne nie pas les faits et soumet une défense de diligence raisonnable. Le Tribunal rappelle que cette diligence repose sur la preuve de trois devoirs distincts et essentiels, à savoir la prévoyance, l’efficacité et l’autorité.

Sur la notion de prévoyance, le Tribunal considère que la défenderesse remplit son obligation d’efficacité puisqu’elle identifie les risques, émet des directives claires et s’assure que ses employés comprennent ses directives. La preuve démontre que la propriétaire de la compagnie met à la disposition de ses employés un cartable contenant toutes les directives concernant le port du masque.

Sur la notion d’efficacité, le Tribunal considère que la preuve révèle que plusieurs moyens concrets sont mis en place par la défenderesse, notamment des affiches, de l’équipement, de la formation et de la supervision pour veiller au respect des consignes de sécurité.

Sur la notion d’autorité, le Tribunal indique que ce devoir implique l’intolérance de l’employeur à l’égard des conduites dangereuses et l’imposition de sanction aux employés qui ne respectent pas les règles de prudence. La preuve révèle que les employées fautives ont reçu des avertissements verbaux. Ainsi, le Tribunal considère que la défenderesse remplit également son devoir d’autorité.

Le Tribunal retient que la seule lacune de la défenderesse consiste en une preuve incomplète concernant la supervision de ses employés. Cependant, le Tribunal indique qu’il ne convient pas de demander la perfection de la part de la défenderesse. Ainsi, la preuve démontrant la diligence raisonnable de la défenderesse est suffisante.

La défenderesse est acquittée.

 

Sbai c. Panthera Dentaire inc., 2022 QCCS 1609

https://canlii.ca/t/jp33w

Le demandeur réclame de la défenderesse, son employeur, l’annulation d’un contrat de fin d’emploi de même que la clause de non-concurrence d’emploi signé le 30 août 2019, et ce, pour un congédiement abusif. Le demandeur demande également au Tribunal de fixer un délai-congé et de lui accorder des dommages moraux à la suite du congédiement survenu le 28 novembre 2019.

Les faits sont essentiellement les suivants : quelques jours après s’être installé au Québec afin de travailler au sein de l’entreprise qui venait de déménager au Québec, il est mis à pied sans recevoir s’explications autres que « ça ne fit pas ». Quelques jours auparavant, des représentants de l’employeur se déclaraient satisfaits de ses services. L’employeur lui demande de signer un contrat de fin d’emploi qui comprenait une indemnité de départ et le travailleur signe celle-ci.

Le Tribunal doit d’abord se prononcer à savoir si l’entente de départ signée par le demandeur est valide. Le Tribunal indique que l’article 2092 du Code civil du Québec (ci-après : « CCQ ») vient tempérer l’élan des employeurs qui seraient tentés d’empêcher toute contestation lorsqu’il s’agit d’une transaction relative au lien d’emploi, ou d’empêcher l’employé d’obtenir réparation dans le cas où le délai-congé est insuffisant ou que la résiliation est faite de manière abusive. Cette disposition est d’ordre public et elle doit recevoir une interprétation large et libérale. Selon le Tribunal, l’état de vulnérabilité du demandeur le matin du congédiement est largement supporté par la preuve. Ainsi, le Tribunal ne peut conclure que le demandeur a renoncé à ses droits en toute connaissance de cause. Ainsi, le Tribunal estime que la transaction contrevient à l’article 2092 C.c.Q. faisant en sorte que celle-ci est frappée de nullité et ne peut être opposable au demandeur.

Le Tribunal doit ensuite déterminer si le demandeur a été congédié pour un motif sérieux. L’article 2094 C.c.Q. indique qu’une partie peut, pour un motif sérieux, résilier unilatéralement et sans préavis le contrat de travail. Le Tribunal à la lumière des principes développés dans l’arrêt Costco Wholesale Canada conclut que l’employeur a congédié le demandeur sans motif sérieux.

Au niveau des dommages, le Tribunal s’appuie sur les affaires Quigley c. Placements Banque nationale inc. et Standard Broadcasting Corp. rendues par la Cour d’appel concernant le délai de congé approprié. Le Tribunal conclut que le demandeur a droit à un délai de congé équivalent à 12 mois de salaire. Le Tribunal détermine également que le demandeur a droit à 50 000$ à titre de dommages moraux pour congédiement abusif, notamment car l’employeur par son comportement a réduit les possibilités professionnelles du demandeur en lui réservant le qualificatif d’incompétent. Par ailleurs, la preuve révèle que l’employeur aurait mentionné qu’il allait tout faire pour épuiser le demandeur en lui faisant assumer un maximum d’honoraires d’avocats. De plus, le Tribunal conclut que les propos de l’employeur relativement à l’origine ethnique du demandeur constituent une atteinte à sa dignité justifiant d’accorder 10 000$ à celui-ci à titre de dommages punitifs.

Demande accueillie.

 

Fraternité internationale des ouvriers en électricité, section locale 2228 et NAV Canada (François Deschênes), 2022 QCTA 228

Disponible sur SOQUIJ

Cette décision porte sur l’admissibilité en preuve d’un enregistrement, par le plaignant, d’un appel téléphonique au cours duquel il était l’un des deux interlocuteurs. Le plaignant un salarié a reçu un avis de suspension sans solde de trois journées, notamment pour avoir manqué de respect lors d’une discussion. Le syndicat conteste cette mesure disciplinaire par voie de grief. Lors de cette discussion, le plaignant a enregistré la conversation avec le représentant de l’employeur sans lui mentionner au début de la conversation que celle-ci était enregistrée. Le syndicat souhaite soumettre l’enregistrement en preuve.

Selon le Tribunal, l’enregistrement audio est pertinent et pourrait s’avérer probant pour répondre aux allégations de l’avis de sanction, quant au manque de respect, au ton agressif et aux injures. Le Tribunal s’appuie sur la jurisprudence afin de conclure que l’enregistrement d’une conversation téléphonique par une personne qui y prend part, même sans avertir au préalable son interlocuteur et sans obtenir son consentement, ne constitue pas une violation du droit à la vie privée. D’autre part, il ne s’agit pas de conversations concernant la vie privée du représentant de l’employeur, mais de conversations ayant trait au milieu de travail. Ainsi, le Tribunal conclut qu’une saine administration de la justice et l’objectif de recherche de la vérité justifient l’admission en preuve de l’enregistrement audio présenté à l’audience.

 

Syndicat des inspecteurs et des répartiteurs du Réseau de transport de la Capitale (FISA) c. Réseau de transport de la Capitale, 2022 QCTAT 2505

https://canlii.ca/t/jplc0

Le syndicat dépose une plainte en vertu de l’article 12 du Code du travail (ci-après : « C.t.») contre l’employeur. Plus particulièrement, l’employeur reproche à l’employeur de s’être ingéré dans les affaires syndicales. Cette ingérence aurait pris deux formes : 1) en demandant au syndicat de ne pas publiciser le texte d’une sentence arbitrale auprès de ses membres 2) en entreprenant des recours judiciaires pour empêcher le syndicat de publiciser le texte d’une sentence arbitrale.

La demande de l’employeur de ne pas publiciser le texte d’une sentence arbitrale repose sur le fait que la salariée visée par la sentence a été impliquée dans un réseau de fraude pyramidale ayant des ramifications au sein de l’entreprise. Au terme de l’enquête effectuée par l’employeur, 30 membres de son personnel ont été impliqués à divers degrés. Lorsque l’employeur prend connaissance de la sentence arbitrale, il constate que plusieurs informations auraient dû être anonymisées par l’arbitre et ne l’ont pas été. Selon l’employeur, cela est susceptible de créer des tensions dans le milieu de travail. Ainsi, l’employeur demande au syndicat de retirer la sentence arbitrale des babillards du syndicat et énonce qu’un éventuel recours judiciaire sera entrepris contre le syndicat s’il maintient son refus de retirer la sentence des babillards.

Le Tribunal conclut d’abord que la conduite de l’employeur, en demandant de retirer la sentence des babillards, ne déroge pas du cadre habituel de ce qui est susceptible de se produire dans les relations entre un employeur et un syndicat. Selon le Tribunal, il est compréhensible que le syndicat se soit senti heurté par la demande insistante de l’employeur de retirer la sentence des babillards. Or, les préoccupations de l’employeur étaient légitimes, en ce qu’il voulait limiter les risques de commérages dans les équipes de travail en raison des informations particulièrement détaillées contenues à la sentence arbitrale de 60 pages sur le fonctionnement du réseau de fraude pyramidale, la possible implication d’autres membres du personnel et les autres recours pendants en arbitrage à ce sujet.

Cependant, le Tribunal conclut qu’en déposant de nombreux recours judiciaires l’employeur a tenté de dominer ou d’entraver les activités syndicales. Bien que l’employeur ait été débouté dans sa première demande en injonction et dans sa tentative d’obtenir une sentence complémentaire qui lui aurait permis que soient caviardées certaines des informations contenues à la sentence, le Tribunal conclut qu’il a alors exercé son droit d’ester en justice d’une façon raisonnable.   Toutefois, en faisant une deuxième tentative pour obtenir une injonction, l’employeur a poussé le bouchon trop loin. Malheureusement, bien que l’employeur savait ou devait savoir qu’une seconde demande d’injonction était vouée à l’échec, il a tout de même persisté dans cette voie. En s’acharnant de la sorte, l’employeur a exercé son droit d’ester en justice d’une façon non seulement maladroite, mais aussi déraisonnable. L’employeur a franchi le pas qui sépare la maladresse du comportement d’un employeur qui cherche à dominer ou entraver les activités d’un syndicat.

Plainte accueillie.

 


POLICIERS ET POLICIÈRES

 

B.C. et Ville de Sherbrooke (Police & 911), 1201622-05-2010, 9 juin 2022 (j.a. Jacques Degré)

Disponible sur demande.

 

Le travailleur, un policier, conteste une décision rendue par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (ci-après : « CNESST ») qui refuse sa réclamation en raison du fait que celle-ci a été produite à l’extérieur du délai légal, sans motif raisonnable permettant de le relever de son défaut. Le travailleur demande au Tribunal de déclarer qu’il a fait valoir un motif raisonnable permettant de le relever de son défaut d’avoir produit sa réclamation pour maladie professionnelle en dehors du délai légal et ainsi de déclarer sa réclamation recevable.

Le Tribunal considère d’abord que la preuve démontre de manière prépondérante que le 24 novembre 2016, le travailleur acquiert une connaissance suffisante de la possible origine professionnelle de son atteinte auditive à l’oreille gauche. Ainsi, la réclamation datée du 13 août 2019 est produite en dehors du délai légal. Cela étant, le travailleur peut être relevé du défaut s’il fait valoir un motif raisonnable pour expliquer son retard. Selon le Tribunal, la preuve démontre de manière prépondérante l’absence d’intérêt du travailleur à réclamer pour l’oreille gauche et que cela constitue un motif raisonnable de ne pas avoir produit de réclamation dans le délai légal suivant la jurisprudence.

En ce qui concerne l’oreille droite, le Tribunal considère que la preuve démontre de manière prépondérante que le 21 août 2018 le travailleur a une connaissance suffisante de la possible origine professionnelle pour lui permettre de produire une réclamation. Ainsi sa réclamation, déposée en date du 13 août 2019, est également produite en dehors du délai légal. À titre de motif raisonnable, le travailleur fait valoir sa diligence dans le contexte de l’affaire. Plus particulièrement, le travailleur invoque sa croyance de bonne foi, voir sa conviction, que son dossier est en traitement du fait que son médecin l’informe le 28 septembre 2018 qu’il produira un rapport à la CNESST et que celle-ci se prononcera ensuite sur son cas. Le délai qui s’écoule ensuite avant que le travailleur ne consulte son représentant syndical et ne produise sa réclamation s’explique. Le Tribunal estime qu’eu égard aux faits propres à l’affaire, c’est « de bonne foi et avec raison » que le travailleur a acquis la conviction en décembre 2018 que son dossier était en traitement à la  CNESST. Le Tribunal termine en soulignant qu’il trouve curieux que la CNESST, se voyant expédier un rapport d’évaluation médicale par un médecin, n’ait pas pris l’initiative de communiquer avec le travailleur.

Ainsi, le Tribunal juge que le travailleur fait valoir un motif raisonnable pour expliquer son retard à produire sa réclamation dans le délai légal.

Contestation du travailleur accueillie.

Il y a lieu de souligner le travail de Me Amélie Soulez dans le présent dossier !

 

 


TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

 

C.D. et Ambulance de Rimouski inc., 1245239-01A-2109, 15 juin 2022 (j.a. Louise Guay)

Disponible sur demande.

Dans cette affaire, la travailleuse conteste une décision par laquelle la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (ci-après : « CNESST ») refuse de lui rembourser les frais relatifs à des traitements dentaires reçus et prescrits en octobre 2020 en raison d’une nécrose pulpaire visant les dents #41 et #42. La travailleuse soutient que les traitements dentaires sont en relation avec l’accident du travail qu’elle a subi le 24 mars 2016, soit une chute en plein visage alors qu’elle exerçait ses fonctions de technicienne ambulancière paramédic.

Le Tribunal débute son analyse en soulignant que le plan de la dentiste de la travailleuse correspond à une conclusion établie par le professionnel de la santé qui a charge de la travailleuse au sens de la loi et qu’aucune démarche n’est entrepris par la CNESST aux fins d’obtenir un avis auprès d’un membre du Bureau d’évaluation médicale portant sur la question de la nature et la nécessité des soins et traitements. Ainsi, le Tribunal doit uniquement se prononcer sur le lien entre les traitements et l’accident du travail du 24 mars 2016. Le Tribunal retient de la preuve au dossier que les traitements reçus par la travailleuse sont en lien avec l’évènement accidentel du 24 mars 2016. Le Tribunal considère, notamment les éléments suivants :

  • L’opinion de la dentiste de la travailleuse qui suit celle-ci depuis 2007 et qui confirme que la travailleuse n’avait aucune condition de bruxisme ni aucune condition personnelle au niveau dentaire susceptible d’affecter les dents #41 et #42;
  • L’importance du traumatisme subi par la travailleuse en date du 24 mars 2016 qui a entraîné des contusions au visage, des lacérations, des ecchymoses, une fracture du nez et une dysfonction temporo-mandibulaire droite;
  • La compatibilité entre l’emplacement des dents visées par les traitements et le point d’impact de la chute, soit le devant du visage;
  • La jurisprudence et la note médicale complémentaire de la dentiste de la travailleuse qui confirment que la nécrose pulpaire peut se produire même jusqu’à 20 ans après un traumatisme.

Contestation de la travailleuse accueillie.

Nous tenons à féliciter Me Amélie Soulez pour cette belle victoire !

 


 

POMPIERS ET POMPIÈRES

Rien à signaler.

 


ARTISTES

 

Abastado et Productions Atomic Autumn inc., 2022 QCTAT 1530

https://canlii.ca/t/jnk5b

La travailleuse est une directrice de tournage et recherchiste dans l’industrie cinématographique depuis une trentaine d’années. Elle dépose une réclamation à la CNESST pour une lésion professionnelle à la suite d’un arrêt de travail pour un trouble de l’adaptation avec humeur anxiodépressive. La CNESST refuse sa réclamation et celle-ci conteste cette décision devant le Tribunal administratif du travail. Le Tribunal dans la présente affaire doit donc déterminer si la travailleuse a démontré, conformément à l’article 2 de la LATMP, la survenance d’un évènement imprévu et soudain survenu à l’occasion du travail et qui lui a causé un trouble de l’adaptation avec humeur anxiodépressive.

Le Tribunal administratif du travail conclut que le trouble de l’adaptation avec humeur anxiodépressive diagnostiqué chez la travailleuse a été entraîné par une surcharge de travail et l’attitude de sa supérieure et que ces évènements débordent du cadre normal du travail et constituent un évènement imprévu et soudain au sens de l’article 2 de la LATMP. Selon le Tribunal, la preuve médicale révèle que les facteurs de stress reliés au travail ont eu un effet déterminant sur la survenance de la lésion.

Réclamation accueillie.

 


 

SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRAL

 

Rien à signaler.

 

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