Veille juridique du 25 juillet 2023

25 juillet 2023

Par Me Jean Paul Romero

 

SECTION DROIT DU TRAVAIL 

GÉNÉRAL

 

Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 3535 (SCFP-3535) et Société des alcools du Québec (SAQ), 18 juillet 2023 (arbitre Me Pierre Laplante)

Disponible ici

Dans ce dossier, le Tribunal est saisi de deux griefs contestant la suspension sans solde pour fins d’enquête du plaignant et le congédiement qui en a suivi. L’employeur avait pris ces décisions en raison d’une consommation d’alcool et de cannabis sur les lieux du travail pendant le temps de pause. Sur le plan factuel, les faits ne sont pas contestés, les fautes ayant été reconnues par le plaignant. Pour l’employeur, seule une sanction sévère et exemplaire pouvait être prise et donc le congédiement est la décision appropriée. Pour le syndicat, bien qu’il y ait faute, le congédiement n’était pas la sanction appropriée compte tenu des circonstances de l’affaire.

Pour le grief sur la suspension sans solde, le Tribunal retient l’argument syndical sur la durée de la suspension. La convention collective prévoit que lorsqu’un salarié est suspendu pour fins d’enquête, l’employeur doit rendre sa décision dans les 20 jours ouvrables suivants. Or, l’employeur a outrepassé ce délai conventionné alors qu’un délai de 13 jours ouvrables additionnels s’est écoulé avant l’imposition du congédiement. Ce faisant, l’arbitre ordonne le remboursement de la perte monétaire durant cette période.

Pour le grief sur le congédiement, le Tribunal passe en revue les facteurs aggravants identifiés par l’employeur. Notamment, l’environnement à risque alors que le plaignant est opérateur de transpalettes ou de chariots élévateurs et qu’il travaille dans un environnement où circulent une cinquantaine de personnes. Ensuite, il se prononce sur la politique de « tolérance zéro » qui constitue l’un des arguments principaux pour l’employeur afin de justifier le congédiement. Le Tribunal rappelle que l’interdiction émise par la directive c’est d’exercer ses fonctions si les facultés sont affaiblies par le cannabis ou par l’alcool. De ce fait, il y a une distinction entre la tolérance zéro et les facultés affaiblies par la consommation. La preuve n’a pas démontré que le plaignant avait les facultés affaiblies durant les quarts de travail où la consommation est survenue. Par ailleurs, la preuve est à l’effet qu’il n’y a pas réellement une tolérance zéro comme le prétend l’employeur alors que ce dernier organise occasionnellement des événements durant les quarts de travail durant lesquels une consommation d’alcool est offerte aux employés. Néanmoins, le Tribunal rejette sur la base de la preuve divers facteurs retenus par l’employeur comme étant aggravants, soit le manque de franchise, l’absence de remords et l’arrogance du plaignant. Pour les facteurs atténuants, le Tribunal relève l’absence de dossier disciplinaire, les admissions, aveux et collaboration du plaignant durant l’enquête et la bonne qualité de son travail depuis l’embauche.

Enfin, le Tribunal retient l’argument syndical d’iniquité et de disparité dans la sanction imposée au plaignant. Dans les faits, l’enquête sur la consommation au travail a entraîné diverses sanctions à un total de 13 salariés, incluant le plaignant. Parmi ces autres salariés, l’un d’eux a reçu une suspension de trois (3) mois pour des fautes de même nature que celle du plaignant. D’ailleurs, bien que la preuve relève une similitude importante entre les faits reprochés à ce salarié et au plaignant, des sanctions pourtant différentes ont été imposées. Pour l’arbitre, rien ne justifie un écart aussi important entre les deux sanctions, suspension de trois (3) mois et un congédiement. Conséquemment, le Tribunal conclut que le congédiement est une mesure injuste et déraisonnable au regard des circonstances.

Pour ces motifs, le Tribunal accueille partiellement le grief et annule le congédiement pour y substituer une suspension de 3 mois. Néanmoins, la réintégration du plaignant aura lieu sur réception d’une expertise médicale qui confirmera son aptitude à retourner au travail.

Le cabinet RBD représentait le syndicat dans ce dossier.

 

 

St-Gelais et Haute-Côte-Nord-Manicouagan CH-CHSLD, 2023 QCTAT 2214

Disponible ici : https://canlii.ca/t/jx8cj

La travailleuse occupe un emploi d’infirmière assistante du supérieur immédiat au département de santé mentale chez l’employeur. Le 22 janvier 2019, l’employeur rencontre la travailleuse pour l’informer de l’imposition d’une sanction disciplinaire, du retrait de ses fonctions d’assistante au supérieur immédiat et de l’imposition d’un plan de rehaussement des compétences. Dans les jours suivants, la travailleuse dépose une réclamation à la Commission des normes, de l’équité et de la santé et sécurité au travail (CNESST) alors qu’un diagnostic de trouble d’adaptation avec humeur mixte est posé. La réclamation est refusée, d’où la contestation devant le Tribunal administratif du travail. Pour l’employeur, les circonstances d’apparition de la lésion ne permettent pas la reconnaissance d’un accident du travail, mais relèvent de la réaction de la travailleuse à l’exercice de son droit de gérance.

La reconnaissance d’un accident du travail nécessite la démonstration d’un événement imprévu et soudain. En matière de lésion psychologique, cette notion peut découler d’un événement unique ou d’une série d’événements qui, pris isolément, peuvent paraître banals mais devenir significatifs une fois cumulés et ainsi revêtir le caractère imprévu et soudain exigé par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (ci-après la « LATMP »). Par ailleurs, le Tribunal rappelle qu’il n’y aucune distinction dans la LATMP dans le fardeau de preuve exigé pour la démonstration d’une lésion physique et celle de nature psychologique. Pour cette raison, il semble se dégager récemment un courant jurisprudentiel afin de s’éloigner du critère de l’événement objectivement traumatisant pour rechercher plutôt le caractère objectivement particulier, singulier, anormal ou inhabituel de l’événement.

En application de ces éléments au présent dossier, le Tribunal retient que l’exercice non abusif du droit de gérance d’un employeur, la surveillance accrue des travailleurs, la répartition des tâches, l’imposition de mesures administratives ou disciplinaires ainsi que la survenance de conflit avec le supérieur immédiat ou avec les collègues ne sont pas assimilés à la notion d’événement imprévu et soudain. Pour ces raisons, le Tribunal conclut que l’employeur impose une sanction disciplinaire au terme d’un long processus basé sur la transparence, bien documenté et durant lequel la travailleuse est convenablement informée. Le droit de gérance a été exercé de manière raisonnable, rationnelle et non abusive.

La contestation de la travailleuse est rejetée.

 

 

Syndicat de l’enseignement de la région du Québec et Centre de services scolaire des Premières-Seigneuries, 2023 QCTA 267

Disponible sur SOQUIJ

Dans cette affaire, le Tribunal doit déterminer si des dommages peuvent être accordés au plaignant, un enseignant en éducation physique, à la suite d’une première décision arbitrale. Dans la première décision, le Tribunal avait accueilli les griefs du plaignant qui contestaient deux décisions de l’employeur, soit de lui avoir imposé une suspension avec solde et de lui avoir remis un avis écrit dans son dossier, le tout en raison d’une intervention auprès d’un élève handicapé qui s’était désorganisé durant un cours. Cette décision a fait l’objet d’une contestation qui a été tranché par la Cour d’appel du Québec alors qu’elle a confirmé la sentence arbitrale en affirmant que l’employeur a l’obligation de faire les vérifications nécessaires dans le cadre d’une enquête interne avant de déposer un signalement auprès du Directeur de la protection de la jeunesse (DPJ), puisque ce geste a de lourdes conséquences pour l’enseignant concerné. Or, dans ce dossier il y a eu une gestion négligente et malhabile de l’employeur, alors que le plaignant n’a pas été rencontré pour donner sa version des faits avant le signalement.

Ce faisant, le syndicat réclame la somme de 35 000 $ en dommages moraux et 15 000 $ en dommages pour atteinte à la réputation. Pour l’employeur, il n’y a pas matière à accorder des dommages de quelque nature que ce soit, puisque si dommages il y a, ceux-ci découlent des actions prises par la DPJ et des démarches policières qui en ont suivies et non de la gestion des allégations faites par l’employeur.

Le Tribunal rappelle que l’annulation d’une décision de l’employeur à la suite d’une décision arbitrale n’entraîne pas automatiquement l’octroi de dommages-intérêts au bénéfice du plaignant. Ce dernier doit démontrer que l’employeur a exercé son droit de manière abusive. Le Tribunal est d’avis que cette démonstration est faite en l’espèce. En effet, l’absence d’enquête de l’employeur ou une enquête interne déficiente sur des allégations d’une conduite répréhensible d’un employé engage la responsabilité de l’employeur, d’autant plus lorsqu’un signalement à la DPJ est fait et qu’une enquête policière est déclenchée. Dans une telle situation, le préjudice subi par le plaignant constitue la conséquence logique, directe et immédiate du comportement fautif et négligent de l’employeur.

Pour ces raisons et sur la base de comparables jurisprudentiels, le Tribunal ordonne à l’employeur de verser au plaignant une somme de 25 000 $ en dommages moraux et 5 000 $ en dommages pour atteinte à la réputation.

 

 

Mayer et Centre de santé et de services sociaux des Sommets, 2023 QCTAT 2609

Disponible ici : https://canlii.ca/t/jxpdw

La travailleuse, préposée aux bénéficiaires, demande au Tribunal administratif du travail de reconnaître que le diagnostic d’état de stress post-traumatique, en date du 27 juin 2019, constitue une rechute, récidive ou aggravation (RRA) de l’accident du travail d’origine dont elle a été victime le 6 mars 2018. La RRA n’est pas définie dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Néanmoins, la jurisprudence considère que la preuve requise pour démontrer une rechute, récidive ou aggravation est d’abord d’établir une modification de l’état de santé, soit une reprise évolutive, une réapparition ou une recrudescence d’une lésion ou de ses symptômes. Une fois cette première étape franchie, il faut démontrer la relation entre la lésion professionnelle initiale et la RRA alléguée.

Le 6 mars 2018, la travailleuse subit la lésion professionnelle initiale au poignet gauche lors d’une contention d’un bénéficiaire corpulent et agressif ayant nécessité la participation de plusieurs préposés. Lors de l’événement, le bénéficiaire a affiché une attitude agressive et menaçante à l’égard de la travailleuse. Celle-ci relate des difficultés à dormir le soir et des tremblements. Le 12 mars 2019, la travailleuse est déclarée capable de reprendre son emploi puisque la lésion au poignet est consolidée sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.

Le 26 juin 2019, alors qu’elle doit reprendre son travail le lendemain, la travailleuse ressent de l’anxiété, fait des cauchemars et a des crises de panique en raison des images de son agresseur qui lui reviennent sans cesse. Le 27 juin 2019, elle se présente au travail. Au moment d’entrer dans la chambre d’un bénéficiaire, elle commence à pleurer puisqu’elle revit l’incident initial. La travailleuse est incapable de continuer sa journée, se dirige à l’urgence et elle est alors retirée du travail. Au mois d’août 2019, le diagnostic d’état de stress post-traumatique est posé.

Dans un premier temps, le Tribunal est d’avis qu’il y a eu modification de l’état de santé de la travailleuse par la pose du diagnostic d’état de stress post-traumatique. Ensuite, sur la relation avec la lésion professionnelle initiale, le Tribunal retient que cet événement revêt un caractère traumatisant pour la travailleuse alors qu’elle a été agressée physiquement et verbalement par un homme très corpulent lors d’une manœuvre de contention qu’elle n’avait jamais réalisée auparavant et pour laquelle elle n’avait pas reçu de formation. L’ensemble des circonstances militent en faveur de la reconnaissance d’une lésion de cause à effet entre l’agression du 6 mars 2018 et le diagnostic du mois d’août 2019.

Par ailleurs, le Tribunal rappelle que les antécédents psychiques de la travailleuse ne sont pas un obstacle à la reconnaissance de la relation entre l’événement initial et la RRA. Il est démontré que sa condition préexistante semblait stabilisée au point de lui permettre d’exercer son emploi de préposée aux bénéficiaires depuis 2017. Également, la théorie du crâne fragile prévoit que la présence d’une condition préexistante n’est pas un obstacle à la reconnaissance d’une lésion professionnelle s’il est établi que cette condition a été aggravée ou déstabilisée par un événement inhabituel dans le cadre du travail.

La contestation de la travailleuse est accueillie et le Tribunal déclare qu’elle a subi une rechute, récidive ou aggravation le 27 juin 2019.

 

 

POLICIERS ET POLICIÈRES

 

Rien à signaler.

 

 

TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

 

Rien à signaler.

 

 

POMPIERS ET POMPIÈRES

 

Rien à signaler.

 

ARTISTES

 

Rien à signaler.

 

 

SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRAL

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