Général
Lamontagne c. Distribution financière Sun Life (Canada) inc., 2018 QCCS 6
Les faits de l’affaire sont les suivants : la demanderesse a agi à titre de conseillère financière pour la défenderesse de 2004 à 2009. Son contrat lui donnait le droit de vendre notamment les polices d’assurance et des fonds de placement de celle-ci, en contrepartie d’une commission. En 2009, la Sun Life a mis un terme à son contrat, avec un préavis de deux semaines tel que prévu dans le contrat.
Dans cette affaire la demanderesse plaide qu’elle est employée de Sun Life et que la clause contractuelle prévoyant un préavis de 14 jours est invalide. Sun Life affirme que madame Lamontagne est une travailleuse autonome avec un contrat de service et qu’elle a le droit d’y mettre fin sur préavis de 14 jours tel que prévu à l’article 6.2.3 du contrat P-1.
La première question qui se pose est de savoir si madame Lamontange est une employée de Sunlife ou si elle un travailleur autonome avec un contrat de services ? Le Tribunal énonce que le contrat intervenu entre la demanderesse, soit une conseillère financière, et l’émetteur de produits financiers est un contrat de services, vu l’absence de lien de subordination. Le Tribunal répond également à la question de savoir si les articles 2125 et 2129 C.c.Q. s’appliquent. Selon le Tribunal, les articles 2125 et 2129 du Code civil du Québec, qui prescrivent et encadrent le droit du client à la résiliation unilatérale du contrat, ne trouvent pas application. Le Tribunal estime qu’ils sont implicitement exclus, vu les circonstances du dossier, qui se résument comme suit: (i) un contrat de services; (ii) avec une personne physique; (iii) qui est une relation exclusive pour celle-ci, et donc engendre la totalité de ses revenus; (iv) à durée indéterminée; (v) qui dure plus de cinq ans; et (vi) qui inclut des clauses de non-sollicitation après résiliation limitant la capacité de la personne physique de gagner sa vie dans ce domaine. Par ailleurs, vu l’exclusivité et la dépendance économique qui en découle, le préavis de deux semaines stipulé au contrat constitue une condition abusive d’un contrat d’adhésion et doit être déclaré nul. Un préavis de six mois paraît raisonnable.
Réclamation partiellement accueillie.
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Bombardier Aéronautique inc. c. Tribunal administratif du travail, 2017 QCCS 5488
Le Tribunal est saisi d’un pourvoi en contrôle judiciaire, par lequel, l’employeur, sollicite la révision d’une décision rendue par le Tribunal administratif du travail (ci-après : «TAT») le 31 mars 2016 et celle rendue le 3 juin 2014 par la Commission des lésions professionnelles (ci-après : «CLP1»). Cette ordonnance de la CSST (aujourd’hui CNESST) contenue dans le rapport RAP-0614106 déclare non réglementaire le système de recirculation d’air utilisé par Bombardier dans son usine de ville Saint-Laurent. La demanderesse réclame aussi des conclusions subsidiaires sur lesquelles nous reviendrons plus loin.
Le présent litige tire son origine du fait qu’à son usine DBF, Bombardier effectue l’assemblage d’avions de modèle CL415 et que dans le cadre de ses opérations, elle utilise un apprêt (primer) connu sous le nom de 10P4-2, lequel contient du chromate de strontium. Le chromate de strontium est une substance identifiée à l’Annexe 1 du Règlement sur la santé et la sécurité du travail (RLRQ, S-2.1, r.13, ci-après « RSST » ou « Règlement ») et dont la recirculation est prohibée. Puisque ces opérations de peinture et de ponçage génèrent la présence de chromate de strontium dans l’air, Bombardier a ajouté aux équipements de protection individuelle déjà en place des systèmes d’aspiration à la source de peinture Circul-Aire et de ponçage Tiger-Vac. La CSST émet un rapport et déclare que la solution proposée par la demanderesse quant au mécanisme de filtration lors des opérations de peinture par pulvérisation et de trim est non réglementaire, car il y aurait, selon la CSST, recirculation du contaminant chromate de strontium dans le milieu de travail. L’employeur conteste cette décision de la CSST devant la CLP1. La CLP1 rejette la requête déposée par Bombardier et confirme la décision rendue par la CSST. Bombardier demande la révision de la décision. Le 31 mars 2016, le TAT rejette la requête en révision de Bombardier. Le 3 mai 2016, Bombardier dépose sa demande de pourvoi en contrôle judiciaire dont est maintenant saisi le Tribunal.
La norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. Cette norme comporte un deuxième volet qui découle du paragraphe 3 de l’article 429.56 LATMP (soit le paragraphe 3 de l’article 49 de la Loi instituant le Tribunal administratif du travail depuis le 1er janvier 2016). Ce paragraphe prévoyait que le pouvoir de révision de la CLP est limité à un vice de fond ou de procédure de nature à invalider la décision du premier juge administratif. En application de cette norme à deux volets, la Cour doit se demander si le TAT a rendu une décision transparente et intelligible appartenant aux issues possibles acceptables dans les circonstances en concluant que la décision de la CLP n’est pas entachée d’une erreur fatale, fondamentale et manifeste.
La demanderesse reproche à la CSST de lui avoir imposé un fardeau qui n’est pas le sien. Or, la CSST aurait pu adopter l’autre interprétation du paragraphe 4 de l’article 108, selon laquelle «aucune recirculation […] d’une poussière […] qui est identifié[e] à l’annexe I comme une substance dont la recirculation est prohibée» n’est permise. Cette interprétation est raisonnable eu égard au texte clair de cette disposition ainsi qu’à son contexte, et ce, à la lumière du paragraphe 1 de l’article 108, lequel autorise dans une certaine mesure la recirculation de substances prévues à l’annexe I. Cette interprétation est également raisonnable compte tenu de l’objet du règlement, qui est d’établir des normes concernant notamment la qualité de l’air et les contaminants afin d’assurer la qualité du milieu de travail, de protéger la santé des travailleurs et d’assurer leur sécurité et leur intégrité physique. Elle est surtout raisonnable eu égard au principe de précaution, lequel doit guider la mise en œuvre des dispositions législatives destinées à prévenir la détérioration de l’environnement de travail.
Pourvoi en contrôle judiciaire rejeté.
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Les avocats et notaires de l’État québécois et Agence du revenu du Québec, 2018 QCTAT 142
https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2018/2018qctat142/2018qctat142.html?resultIndex=1
Le contexte de cette affaire est le suivant : Les avocats et notaires de l’État québécois (LANEQ) dépose une plainte pour manquement à l’obligation de négocier avec diligence et bonne foi contre le Gouvernement du Québec (Secrétariat du Conseil du trésor ainsi que l’Agence du Revenu du Québec. Des comportements d’ingérence visant spécifiquement le gouvernement y sont aussi dénoncés. Dans le cadre de l’audience, LANEQ a manifesté son intention d’assigner les ministres Pierre Moreau et Carlos Leitao à comparaître afin de rendre témoignage.
Le litige concerne le privilège parlementaire dont jouissent les élus. En effet, la Procureure générale pour le Gouvernement du Québec s’oppose à l’admissibilité en preuve des extraits du Journal des débats relatifs aux déclarations faites par les ministres Moreau et Leitao à l’Assemblée nationale ainsi qu’à la recevabilité de tout témoignage portant sur ces déclarations.
Le Tribunal administratif du travail énonce que la liberté de parole constitue un privilège dont jouissent les parlementaires. Dans le contexte de la présente plainte, ce privilège empêche la mise en preuve des déclarations faites dans l’enceinte de l’Assemblée nationale par les ministres Moreau et Leitao. En effet, selon le Tribunal, c’est en leur qualité de membres de cette dernière qu’ils se sont alors exprimés. Or, la liberté de parole d’un député est essentielle au fonctionnement de l’Assemblée législative et donc le principe de l’immunité parlementaire s’applique.
Le Tribunal conclut donc que dans le contexte de plaintes dénonçant l’ingérence et la négociation de mauvaise foi du gouvernement, les paroles prononcées dans l’enceinte de l’Assemblée nationale par le président du Secrétariat du Conseil du Trésor ne sont pas recevables en preuve.
Objection de la Procureure générale accueillie.
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Hydro-Québec et Syndicat des technologues d’Hydro-Québec, section locale 957 (SCFP/FTQ) (Mme X), 2017 QCTA 819
https://soquij.qc.ca/portail/recherchejuridique/AZ/51443157
Dans cette affaire le syndicat dépose deux griefs contestant une suspension aux fins d’enquête et un congédiement. La plaignante, une technicienne-chimiste, s’est absentée du travail pour cause de maladie à compter de la mi-mars 2016. Un diagnostic d’entorse dorsale et d’épicondylite bilatérale a été posé à ce moment. Pendant cette période, la travailleuse a continué à faire des activités telles ses activités de patrouilleuse de ski. L’employeur était au courant, car il avait accès au Facebook de la plaignante. L’employeur commande donc une filature, car il avait des doutes à propos de l’incapacité de la plaignante, lesquels avaient été suscités par les photographies dans Facebook, par le refus de l’affectation temporaire ainsi que par les activités de rénovation rapportées par un collègue.
Dans la présente affaire, le procureur syndical s’est opposé à l’admissibilité de la preuve concernant la filature de la réclamante, en faisant valoir qu’il s’agissait d’une intrusion injustifiée dans la vie privée de cette dernière. L’arbitre rappelle qu’il a trois conditions pour qu’une preuve de filature soit admissible : la surveillance doit être justifiée par des motifs sérieux et raisonnables existant avant la filature, elle doit être nécessaire pour vérifier le comportement du salarié et les moyens utilisés doivent être les moins intrusifs possible.
Au soutien de sa décision d’avoir recours à la filature, l’employeur a d’abord invoqué les photos et informations provenant de la page Facebook de la réclamante qui, selon lui, révèlent que cette dernière s’est adonnée à des activités sportives et sociales incompatibles à sa condition médicale. Le procureur syndical s’est pour sa part opposé à cette preuve, parce que selon lui, elle porte atteinte à la vie privée de la réclamante et est donc inadmissible. Le Tribunal rappelle que le contenu d’une page Facebook ne peut être considéré comme faisant partie de la vie privée d’une personne en raison de la multitude d’utilisateurs qui y ont accès ou auxquels ces informations peuvent être transmises de façon indépendante de la volonté de cette personne. Il n’y a pas d’atteinte à la vie privée puisqu’il y a consentement tacite à ce que les informations publiées soient partagées entre les utilisateurs. C’est la plaignante elle-même qui a publié les informations et elle savait que le représentant de l’employeur était l’un de ses amis Facebook.
La plaignante était en arrêt de travail en raison de douleurs importantes aux membres supérieurs. L’arbitre conclut qu’en raison des photos de la plaignante qui faisait du ski, de son refus de l’affectation temporaire et des travaux de rénovation rapportés par un collègue, l’employeur a démontré qu’il avait des motifs sérieux et valables de vouloir faire surveiller la plaignante et que cette filature était nécessaire afin de vérifier son honnêteté.
Objection concernant la filature rejetée.
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Syndicat du bois ouvré de Saint-Félicien, Centrale des syndicats démocratiques (CSD) et Produits forestiers Résolu, usine de Saint-Félicien (Robert Girard), 2017 QCTA 890
https://soquij.qc.ca/portail/recherchejuridique/AZ/51450441.
Le travailleur, un opérateur équarisseur-scie, conteste une suspension sans solde d’une durée d’une (1) semaine qui lui a été signifiée le 18 mars 2016. Il réclame l’annulation de cette mesure disciplinaire. L’employeur reproche au travailleur d’avoir fait défaut de respecter un règlement d’entreprise portant sur la sécurité, plus précisément, «la procédure de cadenassage», obligatoire en vigueur à la scierie à l’époque pertinente, en mars 2016.
L’arbitre énonce qu’un manquement aux règles de santé et de sécurité du travail constitue une faute grave à l’égard de laquelle une sanction sévère peut s’appliquer. Le plaignant a commis la faute d’ouvrir un garde de sécurité sans avoir au préalable suivi la procédure obligatoire de cadenassage. Au moment de son intervention, une affiche de grande dimension,qu’il ne pouvait manquer, indiquait que l’accès était interdit et que le cadenassage était obligatoire. Il ne pouvait de bonne foi ouvrir le garde sans respecter les règles. Le fait qu’il ait déclaré qu’il n’aurait pas procédé au cadenassage même s’il avait vu l’affiche parce que les activités de l’usine étaient arrêtées à ce moment constitue un facteur aggravant. De plus, il ne peut expliquer sa conduite fautive par un manque de formation ou d’information relatives aux règles. Il connaissait la politique de l’employeur concernant les manquements à la procédure de cadenassage, ce qui constitue un facteur aggravant.
L’arbitre maintient la suspension.
Grief rejeté.
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Policiers
Fraternité des policiers et policières de la Ville de Québec et Ville de Québec (Jean Beaudoin), 2017 QCTA 886
https://soquij.qc.ca/portail/recherchejuridique/AZ/51450437
Le plaignant est policier à la ville de Québec. En décembre 2016, l’employeur refuse sa demande de réduire sa semaine de travail de 20% pour trois ans en vue de sa retraite. La convention collective ne comporte pas de stipulations encadrant spécifiquement un tel congé. Cependant, le régime de retraite fait partie intégrante de la convention collective. Les modalités du régime sont prévues au Règlement de l’agglomération sur le régime de retraite des policiers et policières de la Ville de Québec, R.A.V.Q. 253 (ci-après : « le Règlement »). L’article 23 détermine que l’absence du policier pendant la période de réduction de travail qu’il autorise est incluse dans le calcul des services lui étant reconnus, pour autant que les conditions énoncées soient respectées.
Le plaignant et le syndicat soutiennent que ce texte, incorporé à la convention collective par la clause 37.02, a pour conséquence d’accorder implicitement aux policiers le droit d’obtenir un congé partiel ou une réduction de travail en vue de la retraite lorsque les conditions posées par l’article 23 du Règlement sont satisfaites. L’employeur soutient que le droit au congé n’est pas prévu à la convention collective, la portée du règlement n’étant pas celle que le syndicat lui attribue. Il plaide que son objet se limite à établir le traitement de l’absence aux fins de la retraite. Cette mécanique n’accorde pas de droit implicite au congé et la convention collective est silencieuse à ce sujet.
L’arbitre conclut que le règlement relatif au régime de retraite des policiers, qui est incorporé à la convention collective, n’accorde aucun droit à une réduction de la semaine de travail dans les trois années précédant la retraite de ceux-ci, mais prévoit plutôt des modalités qui seraient applicables si une telle réduction était autorisée par l’employeur. L’employeur pouvait donc rejeter la demande de congé précédant la retraite du salarié en invoquant les besoins de son service. Selon l’arbitre, le droit à la réduction du temps de travail ne découle pas nécessairement de l’article 23 du règlement. La convention est silencieuse à ce sujet alors que généralement, les parties sont très explicites sur la gestion des horaires et des congés. En rejetant la demande du plaignant, l’employeur n’a contrevenu à aucune disposition de la convention et il a exercé ses droits de direction de façon raisonnable.
Grief rejeté.
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Le Commissaire à la déontologie policière c. l’agente Vicky Côté, Comité de déontologie policière, 25 janvier 2018, Me Pierre Gagné.
Sur demande seulement
L’agente Vicky Côté est citée devant le Comité de déontologie policière pour ne pas avoir utilisé une pièce d’équipement, soit le véhicule de police, avec prudence et discernement, commettant ainsi un acte dérogatoire à l’article 11 du Code de déontologie des policiers du Québec.
Le Comité de déontologie reprend l’affaire Cloutier et mentionne que la prudence et le discernement doivent être analysés, tant au moment où l’esprit décide d’agir qu’au moment même de l’exécution de la manœuvre dangereuse et risquée. Par conséquent, le Comité doit tenir compte du contexte auquel le policier est confronté. Au moment où l’agente Côté arrive à la hauteur du véhicule de Mme Desbiens, celle-ci effectue, contre toute attente, un virage à gauche et se retrouve dans la voie de gauche. L’agente Côté a constaté que Mme Desbiens avait actionné son clignotant pour tourner à gauche et que le véhicule de cette dernière s’est retrouvé perpendiculaire devant le sien. Ce que voyant, l’agente Côté a braqué son volant vers la gauche, commencé un dérapage en sens antihoraire et son véhicule est venu heurter avec son côté droit le côté arrière gauche du véhicule de Mme Desbiens.
Il y a une contradiction entre les experts des deux parties sur la vitesse du véhicule de police conduit par l’agente Côté. L’expert du Commissaire suggère que la vitesse du véhicule de police conduit par l’agente Côté était de l’ordre de 100 et même 120 km/h alors que pour l’expert de la policière citée, la vitesse serait plutôt de 85 à 90 km/h. Le Comité retient le témoignage de l’expert de la partie policière.
Le Comité énonce que la conduite de l’agent Côté était celle d’une policière prudente et prévoyante placée dans les mêmes circonstances. Le Comité rappelle que ce n’est pas parce qu’il y eut un accident qu’il y a nécessairement un manque de prudence et de discernement au sens de l’article 11 du Code. D’autre part, pour constituer une faute déontologique, l’erreur de jugement ou le manque de prudence doit avoir une certaine gravité qui ne se retrouve pas dans le présent dossier.
Citation rejetée.
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Laurie Robitaille c. Ville de Châteauguay c. Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail, 2018 QCTAT 171.
La travailleuse conteste une décision rendue par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (ci-après : «la CNESST»). Par cette décision, la Commission confirme sa décision initiale du 2 décembre 2015 et déclare que la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle le 7 juillet 2015.
Le Tribunal avise les parties qu’il est lié par les diagnostics de dépression majeure et de stress post-traumatique, que la preuve non contredite indique qu’une relation existe entre ces diagnostics et l’événement survenu le 7 juillet 2015 et que le Tribunal n’a qu’à déterminer si ce qui est survenu à cette date doit être considéré comme un événement imprévu et soudain, ce avec quoi les parties sont d’accord.
Le 7 juillet 2015, la travailleuse lors d’une intervention s’est sentie menacée par un individu agressif. Il y avait non seulement une agressivité verbale, mais aussi une menace physique puisque cet individu a feint de lancer un objet vers la travailleuse, qu’il s’est amené avec un chien agressif qu’il tenait par le collier et menaçait de le laisser aller vers les policiers et qu’il a mentionné qu’il avait des armes à feu dans son domicile.
La représentante de la travailleuse allègue que cette dernière a subi un accident du travail le 7 juillet 2015. Même si l’intervention à laquelle la travailleuse a dû participer à cette date fait partie de son travail normal, il n’en demeure pas moins que la séquence des événements indique que la situation vécue par la travailleuse est objectivement traumatisante et peut être qualifiée d’événement imprévu et soudain. La représentante de l’employeur est plutôt d’avis que la travailleuse n’a pas subi d’accident du travail parce que l’intervention du 7 juillet 2015 s’inscrit dans le cadre normal de son travail.
Le Tribunal énonce qu’il est conscient du fait que le travail normal d’un policier implique qu’il doive intervenir dans une situation comme celle vécue par la travailleuse le 7juillet2015. Il est tout aussi conscient du fait qu’un individu ne réagira pas nécessairement de la même façon qu’un autre individu placé dans la même situation. La perception d’un danger n’est pas la même pour tous.
La travailleuse a senti que sa sécurité physique était menacée et sa réaction immédiate à la fin de l’intervention indique bien que cette intervention du 7 juillet 2015 revêtait, pour elle, un caractère traumatisant qui n’aurait nécessairement pas été le même pour un autre policier, mais dépasse le domaine de la simple perception. Le tribunal conclut qu’un événement imprévu et soudain est survenu le 7 juillet 2015.
Contestation accueillie.
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Pompiers
Rien à signaler.
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Paramédics
Ambulances Repentigny inc., 2018 QCTAT 341 (CanLII)
Le 15 mai 2017, Les Ambulances Repentigny inc. (l’employeur) dépose au Tribunal administratif du travail un acte introductif par lequel il conteste une décision rendue le 4 avril 2017 par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (ci-après : CNESST), à la suite d’une révision administrative. L’employeur soutient que la lésion professionnelle est attribuable à un tiers et qu’il est injuste qu’il en supporte le coût. Il demande donc un transfert de l’imputation aux employeurs de toutes les unités.
Un paramédic intervient auprès d’un patient en défaillance cardiaque et il doit être transporté de façon urgente. Il est donc placé sur civière. La porte avant est donc utilisée pour le transport. Le travailleur tenait la civière à la tête du patient et il recule. Il y a un premier perron en béton et la descente sur celui-ci se fait sans problème. Ensuite, il y a un second perron composé de dalles de béton. Alors qu’il descend sur celui-ci, étant toujours de dos, il pose le pied sur une dalle qui se décolle et bascule. Le travailleur ne tombe pas au sol, mais la civière est en déséquilibre et vient heurter son genou gauche. En forçant avec l’épaule gauche, il parvient à la ramener et éviter que le patient ne tombe. Il poursuit par la suite le transport vu l’état urgent du patient. Le travailleur témoigne que lorsque la civière a heurté son genou, il a ressenti immédiatement une douleur au genou gauche. Il a ressenti des douleurs à l’épaule gauche un peu plus tard. La Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) accepte la réclamation du travailleur en relation avec des diagnostics de tendinite à l’épaule gauche et de contusion au genou gauche. Le 25 janvier 2016, elle accepte les nouveaux diagnostics de déchirure du ménisque interne du genou gauche et tendinite de l’avant-bras gauche.
Le 31 août 2016, l’employeur demande un transfert de l’imputation du coût des prestations reliées à l’accident du travail au motif qu’il est attribuable à un tiers. Le Tribunal considère que le propriétaire de la résidence, soit le patient transporté, est un tiers par rapport à l’employeur. En effet, il est étranger à la relation employeur/travailleur. En effet, c’est uniquement en raison de la dalle de béton qui s’est décollée et a basculé que le travailleur s’est blessé. En l’absence d’indication de la possibilité que les dalles de béton soient instables, le travailleur ne pouvait, d’aucune façon, prévoir que l’une d’entre elles basculerait, le déséquilibrant et entraînant la blessure au genou et au membre supérieur droit.
Le Tribunal conclut que le coût des prestations relatives à l’accident du travail survenu le 19 septembre 2015 est attribuable à un tiers et qu’il est injuste que l’employeur en supporte seul le coût. Il y a donc lieu de transférer le coût des prestations à l’ensemble des employeurs, en vertu du deuxième alinéa de l’article 326 de la loi.
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Artistes
Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo inc. c Union des artistes, 2018 QCTA 30 (CanLii).
Cette décision est une décision interlocutoire qui vise à trancher le débat qui oppose les parties quant à la recevabilité d’un rapport, le rapport Moyse.
La décision survient dans le contexte où l’ADISQ dépose deux griefs, un contre L’UDA (ADISQ-15) et un contre la Guilde (ADISQ 16). Par son grief ADISQ-15, l’ADISQ allègue que l’UDA viole l’entente collective du phonogramme intervenue entre les parties (l’Entente collective 1) en utilisant sa filiale Artisti pour obtenir des artistes interprètes l’octroi de droits qui, selon l’ADISQ, sont déjà cédés ou concédés aux producteurs en vertu de l’Entente collective 1 et des contrats individuels conclus conformément à celle-ci. Par son grief ADISQ-16, l’ADISQ allègue que la Guilde viole l’entente collective intervenue entre les parties (l’Entente collective 2) en permettant aux musiciens qu’elle représente de céder ou concéder leurs droits à Artisti. Suivant l’ADISQ, ces droits sont déjà cédés ou concédés aux producteurs d’enregistrements sonores en vertu de l’Entente collective 2 et des contrats individuels conclus conformément à celle-ci.
L’UDA et la Guilde ont annoncé leur intention de produire un rapport d’expert en regard de l’évolution du droit d’auteur de l’artiste-interprète au Québec entre 1996 et 2016. L’ADISQ s’objecte et conteste la recevabilité de la majeure partie du rapport du professeur Pierre-Emmanuel Moyse portant la date du 16 novembre 2017 (le «rapport Moyse») que l’UDA et la Guilde entendent produire lors de l’audition au fond. L’ADISQ conteste la recevabilité d’une partie du rapport Moyse se rapportant à la question 1. La question un concerne l’historique du cadre législatif entourant le droit d’auteur de l’artiste-interprète pendant la période de 1996 à 2016 (paragraphes 12-87). Quant aux questions 2 et 3 ainsi que la conclusion du rapport Moyse, l’ADISQ conteste la recevabilité de la totalité des paragraphes s’y rapportant. Les questions 2 et 3 concernent : les effets de la désignation de l’artiste-interprète en qualité de premier titulaire des droits d’auteur sur sa prestation (paragraphes 88-126) et le traitement contractuel du droit d’auteur et les modes d’exploitation possibles de ce droit pour son titulaire (paragraphes 127-153).
Le procureur que l’ADISQ plaide qu’il n’appartient pas à un témoin, même expert, de témoigner sur le droit interne. Ce sont plutôt les avocats qui, lors de la présentation de leur argumentation, peuvent instruire le Tribunal à ce sujet. Le rapport Moyse va au-delà de la simple présentation de faits législatifs qui visent à permettre de situer une loi ou un règlement dans un environnement historique, sociologique ou politique. En regard du second motif de contestation, le procureur soulève que le rapport Moyse porte directement sur certaines questions en litige ayant déjà été identifiées par les parties et soumises au Tribunal. Quant au troisième motif de contestation, l’ADISQ plaide que rien ne démontre que l’expertise de l’auteur du rapport s’étend au domaine des rapports collectifs de travail entre les producteurs et les artistes.
L’arbitre rappelle que la jurisprudence offre de multiples exemples de situations où les tribunaux ont refusé de recevoir en preuve un rapport d’expert en droit au motif qu’il s’agissait là d’une opinion juridique. Le rapport Moyse soutient la thèse que le droit d’auteur a considérablement évolué depuis la conclusion de ces ententes collectives ayant pour effet de les rendre obsolètes. Selon l’arbitre, il s’agit là d’un avis sur un point de droit qui apparaît être au cœur des débats. Cela ne correspond pas à la présentation de faits législatifs, mais s’apparente plutôt à un plaidoyer en droit qui relève de la mission des avocats représentant les parties.
Objection partiellement accueillie quant à certains paragraphes du rapport.
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