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Veille juridique du 30 mai 2023

SECTION DROIT DU TRAVAIL 

GÉNÉRAL

 

Syndicat canadien de la fonction publique, section 1299 FTQ c. Ville de Châteauguay, 2023 QCTAT 2002

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jx20t>

Le Tribunal administratif du travail est saisi d’une plainte en vertu de l’article 12 du Code du travail déposée par le syndicat à l’encontre de la Ville de Châteauguay, l’employeur. Selon la plainte, il est reproché à l’employeur d’avoir entravé les activités syndicales à différentes occasions. Notamment, le syndicat allègue que l’employeur tente de négocier des conditions de travail directement avec des salariés, d’avoir reproché à des salariés de contacter leur syndicat en cas d’accident de travail, de tenir une rencontre disciplinaire sans la présence d’un représentant syndical et d’avoir répondu en bloc à plusieurs griefs en attente à l’effet qu’ils seraient « mal fondés en fait et/ou en droit ».

L’article 12 du Code du travail prévoit une protection au monopole de représentation syndicale en tant qu’interlocuteur et représentant désigné avec lequel l’employeur doit traiter. Au sens de cette disposition, l’entrave aux activités syndicales se définit comme « les gestes posés par un employeur ou un de ses agents qui visent à déstabiliser et à affaiblir le syndicat, ses dirigeants ou ses représentants, à les discréditer auprès des membres ou même du public en général ».

Dans le présent dossier, le Tribunal rappelle que tous les gestes positifs d’un employeur à l’égard des salariés ne constituent pas en soi une entrave. Il faut faire la preuve que l’objectif de l’employeur est de contrecarrer le syndicat ou que les gestes en question visaient à discréditer le syndicat auprès de ses membres. Toutefois, le Tribunal retient de la preuve que l’employeur a entravé les activités syndicales en ayant reproché aux salariés lors d’un accident de travail d’avoir communiqué avec le représentant syndical. Le Tribunal écrit :

[49] Même s’il est vrai que la responsabilité première en matière de santé et de sécurité au travail revient à l’employeur, les salariés ont le droit de consulter leur syndicat leur d’un accident. Un commentaire visant à dissuader les salariés de le faire peut être vu comme une remise en question de son rôle et affecter sa capacité à représenter ses membres en ce domaine. »

[50] Comme l’a déjà mentionné le Tribunal, l’employeur ou son agent ne peuvent utiliser leur liberté d’expression en tenant des propos qui ne respectent pas le rôle et la légitimité du syndicat et de ses dirigeants.

La plainte est accueillie en partie en raison des commentaires de l’employeur aux salariés impliqués dans un accident de travail le 2 août 2022.

 

 

Syndicat des travailleurs et travailleuses de Hitachi-Québec (CSN) et Hitachi Énergie Canada inc., 2023 QCTA 195

Disponible sur SOQUIJ

Dans ce dossier, le syndicat dépose un grief pour contester la suspension imposée de quatre semaines à un salarié pour ne pas s’être conformé aux mesures applicables chez l’employeur durant la pandémie de la COVID-19. Plus précisément, l’employeur suspend le salarié pour s’être présenté au travail le 15 avril 2021 et avoir complété sa journée de travail, alors que sa fille avait des symptômes de la COVID-19 et était en attente d’un résultat de dépistage qui, d’ailleurs, s’est avéré positif.

La preuve est à l’effet que le 14 avril 2021, le salarié est au courant que sa fille ne se sentait pas bien et qu’elle s’était isolée dans sa chambre. Le lendemain, après que le salarié accomplit sa journée régulière de travail, il apprend que le résultat au test de dépistage de sa fille est positif. Le salarié contacte alors son superviseur et lui explique la situation. L’employeur est alors consterné que le salarié se soit présenté au travail malgré les règles strictes en vigueur en lien avec des cas suspects de COVID-19. De plus, en raison de ces règles, les onze collègues qui ont côtoyé le salarié au cours de la journée sont aussi retirés du travail de manière préventive. Le 16 avril 2021, le salarié obtient un résultat négatif à son test de dépistage et les salariés retirés sont rappelés au travail. Néanmoins, ces événements causent des retards de production et du temps supplémentaire. Dans les jours suivants, le salarié obtient un résultat positif à un nouveau test de dépistage. Il est placé en isolement à nouveau. Or, celui-ci développe la Covid longue avec des complications et est en arrêt de travail jusqu’au 31 janvier 2022. C’est donc à son retour au travail qu’il est rencontré et ensuite suspendu. L’employeur lui reproche d’avoir agi avec négligence et ne pas avoir respecté tant la politique interne que les recommandations de la Santé publique.

Pour l’arbitre, les fautes reprochées au salarié sont clairement démontrées. Néanmoins, le Tribunal est d’avis que l’employeur a omis divers facteurs atténuants utiles à déterminer la sévérité de la mesure disciplinaire imposée. La faute reprochée ne relève pas de la malhonnêteté ou déloyauté du salarié, mais plutôt d’une négligence. Également, la preuve révèle que l’employeur a omis de considérer les 30 années de service du salarié, et ce, sans dossier disciplinaire.

Pour ces raisons, l’arbitre accueille partiellement le grief et modifie la suspension imposée de quatre semaines pour y substituer une suspension de deux semaines.

 

  

Trépanier et Gazéo inc., 2023 QCTAT 1781

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jwtlc>

Le travailleur, un plombier, conteste la décision de la CNESST qui refuse sa réclamation selon laquelle il prétend avoir subi du harcèlement psychologique au travail lui ayant causé un trouble de l’adaptation et un état anxiodépressif. En matière de lésion de nature psychologique, la jurisprudence reconnaît qu’une lésion de cette nature peut être attribuable à un accident du travail lorsque des événements pouvant paraître banals, pris isolément, deviennent significatifs par leur superposition et présentent à ce moment, le caractère imprévu ou soudain requis par l’article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (ci-après, la « LATMP »). Ainsi, afin d’avoir droit aux indemnités prévues par la LATMP, les faits invoqués doivent déborder du cadre normal, habituel et prévisible d’un milieu de travail pour être assimilables à un événement imprévu et soudain.

Aux fins de son analyse, le Tribunal rappelle certaines notions en matière de lésion psychologique. D’une part, il ne faut pas confondre l’exercice du droit de gérance avec du harcèlement psychologique au travail. D’autre part, les faits invoqués au soutien de la réclamation doivent être de nature objective et non issus seulement de la perception du travailleur qui, par ailleurs, doit démontrer un lien de causalité entre les faits invoqués et la lésion psychologique dont il souffre.

Le Tribunal retient de la preuve qu’une entente était intervenue avec le travailleur lors de son embauche quant à ses tâches et à la période de garde. En effet, la répartition des appels et le type de travaux de plomberie qui étaient assignés au travailleur ne correspondaient pas à l’entente contractée lors de son entrée en poste. De plus, le Tribunal est d’avis que la conduite de la répartitrice et d’un collègue de travail était vexatoire. Ils ont fait preuve d’une attitude hostile, menaçante, insultante et dénigrante à son égard. Pour ces raisons, le Tribunal conclut que l’accumulation des incidents et le milieu de travail malsain ont conduit le travailleur à consulter un médecin, lequel a posé un diagnostic de trouble de l’adaptation et d’état anxiodépressif. La relation causale est clairement établie.

La contestation du travailleur est accueillie.

 

 

Rodrigue et Environnement Canada., 2023 QCTAT 1768

 Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jwsxl>

Dans ce dossier, le travailleur, un gestionnaire d’agents de la faune fédérale, conteste la décision de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail (ci-après, la « CNESST ») relative à la suspension de son indemnité de remplacement du revenu (IRR) à compter du 15 juillet 2022. La CNESST rend cette décision parce que le travailleur s’est présenté avec un retard de dix minutes à une expertise médicale en psychiatrie le 30 juin 2022. En raison de ce retard, le psychiatre mandaté refuse de procéder à l’évaluation du travailleur et l’expertise est annulée.

L’article 142 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (ci-après la « LATMP ») prévoit que la CNESST peut réduire ou suspendre le paiement de l’IRR si le travailleur entrave un examen médical ou omet ou refuse de s’y soumettre, sans raison valable. En l’espèce, le Tribunal est d’avis que le travailleur n’a en aucun cas entravé ni omis ou refusé de se soumettre à un examen médical. La preuve factuelle démontre que le travailleur avait une volonté indéniable de se rendre à l’expertise médicale à l’heure prévue. Or, certains événements hors de son contrôle ont occasionné un retard de dix minutes, notamment une erreur d’adresse dans le système de géolocalisation ainsi que la construction présente aux alentours du bâtiment de la clinique. D’ailleurs, le Tribunal conclut qu’il ne s’agit pas d’un travailleur qui entrave un examen médical, au sens de la LATMP, mais plutôt un professionnel de la santé désigné qui refuse de remplir son mandat sans raison valable. La preuve est à l’effet que le travailleur se bute à un refus catégorique de la part du médecin désigné, et ce, malgré son insistance pour expliquer son retard.

Pour ces raisons, la contestation du travailleur est accueillie et la suspension du versement de l’IRR est annulée.

 

 

POLICIERS ET POLICIÈRES

 

Rien à signaler.

 

 

TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

 

Rien à signaler.

 

POMPIERS ET POMPIÈRES

 

Alliance de la fonction publique du Canada et Ville de Drummondville (grief syndical), 2023 QCTA 180

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jwzxt>

Le 23 décembre 2021, le syndicat dépose un grief afin de contester la décision de l’employeur de modifier les conditions de travail des pompiers et des préventionnistes en leur assignant des tâches de brigadier scolaire. Pour le syndicat, les tâches de brigadier ne cadrent pas dans les définitions prévues à la convention collective sur le travail des pompiers et des préventionnistes. Pour l’employeur, aucune disposition de la convention collective ne limite son droit d’assigner des tâches de brigadier scolaire à un pompier ou à un préventionniste et donc, cette décision relève de son droit de direction.

Afin de trancher le litige, l’arbitre analyse les définitions de « travail de pompiers » et « travail de préventionniste » prévues à la convention collective pour déterminer si elles sont suffisamment larges pour permettre l’assignation de tâches de brigadier scolaire. À cet effet, la preuve révèle d’abord que le travail de brigadier scolaire consiste notamment à aider les enfants à traverser la rue lorsqu’une intersection est jugée à risque pour leur sécurité. Pour les pompiers, l’arbitre est d’avis que malgré une interprétation large et libérale de la définition prévue à la convention collective, il est évident que les tâches d’un brigadier scolaire ne concernent ni directement ni indirectement le combat des incendies, l’intervention lors d’autres risques, ou l’entretien des équipements et de la caserne. Pour les préventionnistes, la même conclusion s’impose puisque les tâches de brigadier ne sont d’aucune manière liées à la prévention des incendies. Ce faisant, l’employeur ne peut prétendre avoir le droit d’assigner des tâches de brigadier à des pompiers ou des préventionnistes en faisant abstraction des définitions prévues à la convention collective.

Le grief est accueilli.

 

 

ARTISTES

 

Rien à signaler.

 

 

SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRAL

 

Boyer c. R., 2023 QCCA 608

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jx2sb>

L’appelante est accusée de deux infractions, soit celles a) d’avoir conduit un véhicule à moteur alors que sa capacité de conduire était affaiblie par l’alcool; et b) d’avoir eu une alcoolémie égale ou supérieure à 80 milligrammes d’alcool par 100 milligrammes de sang dans les deux heures suivant le moment où elle a cessé de conduire le véhicule à moteur. Elle présente une défense de contrainte, soutenant qu’elle était sous la menace de sévices de la part de son ancien conjoint vu l’historique de violence conjugale dont elle a été victime, l’état d’intoxication de ce dernier et son comportement menaçant à son égard.

Le juge du procès rejette cette défense au stade de la présentation puisque l’appelante n’a pas réussi à établir qu’elle n’avait aucun autre moyen de se soustraire à la menace que de conduire son véhicule. Selon le juge, son état d’intoxication a altéré sa perception des options qui s’offraient à elle pour se soustraire à la violence de son ex-conjoint. Le juge est d’avis que « la personne raisonnable sobre aurait constaté qu’il existait des moyens de s’en sortir sans danger et sans contrevenir à la Loi ».

La Cour d’appel est d’avis que le juge ne pouvait rejeter la défense de contrainte au stade de sa présentation. Elle rappelle que le critère pour décider si un moyen de défense a un fondement suffisamment probant pour que sa présentation soit acceptée est celui de la vraisemblance. À ce stade, le juge ne peut se prononcer sur la crédibilité des témoins, apprécier la valeur probante de la preuve, de tirer des conclusions de fait ou de faire des inférences de fait précises. Or, en l’espèce, le juge du procès a évalué la crédibilité de l’appelante et le bien-fondé de sa défense de contrainte au stade de la présentation de la défense, ce qui constitue une erreur de droit.

La Cour d’appel souligne également que la question de savoir si l’appelante n’avait aucun autre moyen de se soustraire sans danger à son ex-conjoint doit être évaluée en fonction d’une norme objective modifiée, soit celle de la personne raisonnable se trouvant dans une situation similaire. Le juge du procès applique plutôt la norme de « la personne raisonnable sobre », ce qui constitue une autre erreur de droit selon la Cour d’appel. Le juge du procès aurait dû tenir compte des autres facteurs qui ont influencé le processus décisionnel de l’appelante, y compris, son expérience passée avec son ex-conjoint et son historique de victime de violence conjugale.

L’appel est accueilli et la tenue d’un nouveau procès est ordonnée.