SECTION DROIT DU TRAVAIL
GÉNÉRAL
FIQ – Syndicat des professionnelles en soins de santé du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal et CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal , 2023 QCTA 390
Disponible sur SOQUIJ
Dans cette décision, un infirmier clinicien a commis plusieurs manquements qui, majoritairement, ont été démontrés à l’audience. Or, la preuve prépondérante révèle que dans les faits, les manquements reprochés au plaignant étaient plutôt des pratiques généralisées et connues à l’urgence de l’Hôpital de Verdun.
L’employeur prétend que le congédiement en est un de nature mixte, soit à la fois disciplinaire et administrative. L’arbitre Me Dominique-Anne Roy arrive à la conclusion que la quasi-totalité des manquements était de nature administrative. Ce faisant, l’employeur n’a pas respecté les étapes préalables à la sanction, tel qu’enseigné par l’arrêt Costco. Considérant le fait que les manquements reprochés étaient monnaie courante, ils ne peuvent être assimilés à de l’incompétence. Suivant l’hypothèse selon laquelle l’employeur aurait effectivement suivi toutes les étapes préalables au congédiement administratif, l’incompétence n’a pu être démontrée. Hormis quelques erreurs qui pouvaient être aisément corrigées par des formations et de l’accompagnement, les conduites qui ont été reprochées au plaignant étaient pour la plupart conformes aux pratiques de l’urgence de l’hôpital. À elles seules, les erreurs démontrées ne justifiaient pas l’imposition de sanctions sévères.
Le seul manquement pouvant être qualifié de mixte ou de disciplinaire est celui où le plaignant a fait défaut de suivre des formations dans le temps imparti. Or, il n’a pas été discipliné dans le délai prévu, donc l’arbitre ne traite pas davantage de ce manquement.
De surcroit, fait intéressant : le syndicat a démontré que l’employeur avait commis une faute en mentionnant la mesure disciplinaire imposée au plaignant dans un horaire qui était accessible à tout le personnel de l’établissement. Puisqu’une mesure disciplinaire constitue un renseignement personnel protégé par la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, l’employeur ne pouvait le divulguer.
Le grief est accueilli et la réintégration est ordonnée.
Société Radio-Canada c. Association des Réalisateurs, 2023 QCCS 3821
Disponible ici : <https://canlii.ca/t/k0lg5>
La Cour supérieure est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision interlocutoire d’un arbitre qui a rejeté une demande de maintenir la confidentialité des informations relatives à l’enquête sur une plainte de harcèlement. Avec sa demande de contrôle judiciaire, la demanderesse demande le sursis de la décision interlocutoire de l’arbitre.
La présente affaire s’inscrit au stade préliminaire du dossier, la Cour étant saisie d’une demande d’ordonnance de durée temporaire de non-publication et de non-divulgation d’informations relatives à une enquête interne de Radio-Canada sur des plaintes de harcèlement au travail.
La demanderesse fait valoir que si la Cour ne rend pas les deux ordonnances recherchées pour préserver le statu quo jusqu’à l’audience du sursis, l’affaire sous-jacente deviendra académique et qu’elle aura effectivement perdu son droit de demander un contrôle judiciaire de la décision.
La Cour exerce son pouvoir discrétionnaire ; elle est d’accord. Si le tribunal refusait de rendre l’ordonnance de non-divulgation et de non-publication recherchée, la question sur le fond dont l’arbitre de griefs était saisi deviendrait théorique et cela empêcherait la Cour supérieure d’exercer sa compétence en matière de contrôle judiciaire.
La Cour accueille la demande, tout précisant qu’en principe, la règle de la publicité des débats judiciaires doit normalement primer, citant l’arrêt Sherman de la Cour suprême du Canada. La Cour est consciente que même si les ordonnances qu’elle rend le sont que pour une durée très courte et temporaire, elle ne les prend pas à la légère.
La demande de sursis est accueillie.
TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER
Dessercom inc. c. Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale, 2023 QCCA 1303 (CanLII)
Disponible ici : <https://canlii.ca/t/k0r33>
La Cour d’appel a rendu la semaine dernière une décision attendue dans le secteur du préhospitalier d’urgence concernant question des périodes de repas. Le litige avait pris naissance dans décision du Tribunal administratif du travail (le « TAT ») rendue le 8 décembre 2017 déclarant que l’appelante, Dessercom, en sa qualité d’employeur, doit accorder à ses techniciens ambulanciers une période d’au moins trente minutes d’arrêt à l’intérieur d’une plage de deux heures située dans le milieu de leur période de travail, conformément à l’article 171 du Règlement sur la santé et la sécurité au travail, soit une disposition d’ordre public de direction.
Devant la Cour supérieure, l’appelante avait introduit une demande introductive d’instance pour jugement déclaratoire et en dommages-intérêts. En effet, Dessercom prétendait être lésée par l’application du contrat de service qui la liait au ministre de la Santé et des Services sociaux et au CIUSSS de la Capitale-Nationale. Ce contrat de service emportait pour l’appelante une obligation « d’assurer et prendre tous les moyens afin que les Services soient offerts et livrés de façon continue, durant les Heures autorisées, sans interruption quelconque et le plus rapidement possible dans les circonstances » à l’article 3.3.3. L’appelante demandait à la Cour supérieure de considérer qu’elle assurait un service continu, malgré les pauses repas des ambulanciers (et ainsi leur non-disponibilité). Elle réclame également la somme de 2 046 737 $ aux intimés au motif qu’elle a dû ajouter des équipes remplaçantes de techniciens ambulanciers pendant les pauses-repas. La Cour supérieure rejette son recours, sur la base que le contrat de service est clair et ne souffre d’aucune ambiguïté, donc non susceptible d’interprétation.
Devant la Cour d’appel, l’appelante invoque deux moyens : l’erreur du juge dans l’interprétation de l’article 3.3.3 du contrat de service et la mauvaise interprétation du juge de l’article 4.12 de ce même contrat.
Quant au premier moyen, la Cour d’appel confirme qu’il est de la responsabilité de l’appelante d’honorer le contrat de service qui est clair. Le juge avait raison d’affirmer que c’est à l’appelante et au syndicat d’établir les horaires de travail des techniciens ambulanciers qui incluent obligatoirement la période de repas. Les intimés ne sont en rien redevables de cette obligation qui relève des rapports collectifs du travail. Quant au second moyen qui visait une clause relative à l’incidence financière de toute décision d’un tribunal sur le contrat de service après son entrée en vigueur, la Cour d’appel considère que le TAT n’a que confirmé un manquement à une obligation qui existait déjà au moment de conclure le contrat de service.
L’appel de Dessercom est rejeté.
Syndicat des paramédics et du préhospitalier de la Montérégie (CSN) c. Ambulances Demers Inc., 2023 CanLII 98543 (QC SAT)
Disponible ici : <https://canlii.ca/t/k0t0d>
Cette décision s’inscrit dans le contexte du renouvellement de la convention collective liant les parties. Durant la phase des négociations, le syndicat a déployé des moyens de pression, dont celui du port d’un t-shirt à l’effigie de la CSN avec la mention « paramédics en grève ». En réponse au port de ce t-shirt, l’employeur a commencé à refuser de fournir les hauts d’uniforme aux employés qui les commandaient, tout en continuant de fournir d’autres morceaux tels des pantalons. Il fonde sa décision sur une disposition de la convention collective selon laquelle les paramédics auraient uniquement droit à de nouvelles pièces d’uniforme après un certain nombre d’heures de travail. La quantité de chaque pièce d’uniforme fournie par l’employeur dépend du « nombre d’heures effectivement travaillées au cours des six (6) derniers mois » par les employés qui y ont droit.
Afin de contester cette mesure, le syndicat a déposé deux griefs.
L’arbitre Me Marie-Ève Crevier conclut que la convention collective ne requiert pas que les paramédics portent les pièces d’uniforme pendant le travail pour avoir droit à leur renouvellement. À l’instar de l’arrêt Uniprix de la Cour suprême du Canada, l’arbitre considère que la clause est claire. Elle ne peut donc donner droit à la prétention de l’Employeur selon laquelle le nombre d’heures travaillées entre en corrélation avec l’usure des morceaux de vêtements, d’où le refus de commander des hauts de l’uniforme. La convention collective ne fait aucune mention de la notion d’usure ; il s’agit de cumuler des heures de travailler tout simplement pour bénéficier de nouvelles pièces d’uniforme. La lecture que fait l’employeur entrainerait un ajout au texte clair, ce qui est prohibé par les règles d’interprétation. L’interprétation de l’Employeur équivaudrait à ajouter une mention du type : « à condition qu’elle ait porté la pièce d’uniforme réclamée pendant ces heures effectivement travaillées. ».
Les griefs sont accueillis.
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