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Veille juridique du 8 décembre 2020

SECTION DROIT DU TRAVAIL 

GÉNÉRAL

 

Lacoste et Association d’entraide Ville-Marie inc. 2020 QCTAT 3821

https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2020/2020qctat3821/2020qctat3821.pdf

Le Tribunal administratif du travail doit rendre une décision portant sur la compétence partagée de la Commission des normes, de l’équité et de la santé et de la sécurité du travail et de la Société d’assurance automobile du Québec dans le cas d’une administrée ayant subi de manière consécutive un accident de travail et plusieurs accidents de la route. L’accident de travail survient en 2005 et sera suivi de quatre accidents de voiture, la dernière au mois de décembre 2018. L’administrée soulève plusieurs moyens préliminaires relativement à l’irrégularité du processus administratif.

Dans un premier temps, la plaignante prétend que la SAAQ et la CNESST ne pouvaient rendre qu’une décision conjointe dans son dossier en vertu de l’article 450 de la Loi sur l’assurance automobile. En effet, les deux organismes doivent en vertu de la loi rendre une décision conjointe vu l’implication cumulative des deux régimes d’indemnisation. De l’avis du TAT, l’obligation de rendre une décision conjointe n’a pas pour effet d’empêcher les organismes de rendre plusieurs décisions subséquentes en fonction de la situation évolutive de l’administrée. L’emploi du singulier à l’article 450 LAA n’a pas la portée que veut lui donner la plaignante.

Dans un deuxième temps, l’administrée demande au TAT d’établir le lien entre l’accident de voiture et certains nouveaux diagnostics. Pour le tribunal, en l’absence de décision des organismes sur ces nouveaux diagnostics, le TAT peut tout de même rendre une décision en vertu des pouvoirs généraux qui lui sont dévolus. Cependant, le tribunal est sans compétence si l’analyse du diagnostic a déjà été initiée par un autre tribunal administratif. Dans cette affaire, un diagnostic de défaillance cardiaque de type Tako-Tsubo a été émis par le médecin de l’administrée. Le Tribunal administratif du Québec était déjà saisi de l’admissibilité du diagnostic au régime de la SAAQ. Le TAT est donc sans compétence.

 

Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec inc. c. Société québécoise des infrastructures 2020 QCTAT 4096

https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2020/2020qctat4096/2020qctat4096.pdf

La Société québécoise des infrastructures demande au Tribunal d’ordonner aux parties de maintenir des services essentiels en cas d’une grève déclenchée par le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec conformément aux dispositions pertinentes du Code du travail. La convention collective unissant les parties est échue depuis le 31 mars 2020. En tant que mandataire de l’État québécois, la SQI est considérée comme étant un service essentiel au sens du Code du travail. De ce fait, le Tribunal administratif du travail doit déterminer si le SFPQ peut déclencher une grève sans mettre en danger la santé ou la sécurité publique.

Pour le tribunal, le droit de grève est un droit constitutionnel et toute restriction à celui-ci doit l’être en vertu de l’article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés. Dans cette affaire, le TAT est d’avis que la SQI n’a pas démontré un danger réel à la santé et la sécurité publique. Ainsi, le SFPQ peut déclencher une grève.

 

Société des traversiers du Québec c. Syndicat international des marins canadiens 2020 QCTAT 4160

https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2020/2020qctat4160/2020qctat4160.pdf

Dans cette affaire, le tribunal doit décider s’il y a lieu d’assujettir l’employeur et le syndicat à l’obligation de maintenir des services essentiels en cas de grève. Le tribunal doit le faire advenant qu’une interruption de leur travail puisse avoir pour effet de mettre en danger la santé ou la sécurité publique, comme le prévoit l’article 111.0.17 du Code du travail. Les parties sont d’avis qu’elles sont assujetties à l’obligation de maintenir des services essentiels. Le tribunal ne partage pas cet avis.

[9] La grève est un droit fondamental qui fait partie intégrante du droit à l’association protégé tant par la Charte canadienne des droits et libertés que par la Charte des droits et libertés de la personne8. L’assujettissement à l’obligation de maintenir des services essentiels en cas de grève constitue une restriction à celui-ci. En effet, en cas d’assujettissement, des salariés devront demeurer au travail pour accomplir une partie de leurs tâches, malgré la grève. Cette restriction doit se justifier au regard de l’article premier de la Charte canadienne des droits et libertés, et donc, porter atteinte le moins possible aux droits constitutionnels.

[10] La protection de la santé et de la sécurité publique justifie que le droit de faire la grève soit limité. C’est d’ailleurs ce que prévoit expressément le Code, mais ce n’est pas le cas des inconvénients que peut subir le public.

Le Tribunal est d’avis que l’interruption du déplacement par bateaux des travailleurs forestiers et des voyageurs de commerce, entre autres passagers, ne met pas le public en danger. Cela peut provoquer des inconvénients importants et de longs détours, mais la santé ou la sécurité du public n’est pas à risque. Bien que certaines denrées alimentaires soient desservies par bateaux, il en faut davantage pour prétendre que l’approvisionnement alimentaire soit en danger. Il y a des alternatives.

L’employeur prétend aussi que les inspections et les travaux d’entretien de navires doivent être considérés comme un service essentiel. Pour le tribunal, l’absence d’inspection ne met pas la population en danger puisque pendant la grève, le transport est aussi arrêté. Bien que la planification des travaux nécessite une grande préparation, cela ne peut justifier une interdiction de grève pour les salariés.

[37] Il n’est pas rare qu’une entreprise ait besoin d’un certain temps avant de reprendre ses activités à la suite d’un arrêt de travail, qu’il soit causé par une grève ou par d’autres causes. On ne peut pas restreindre le droit à la grève parce que l’employeur ne peut pas reprendre l’ensemble de ses activités du jour au lendemain.

 

Côté c. Autobus Fleur de Lys Division Shawinigan inc. 2020 QCTAT 4011

https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2020/2020qctat4011/2020qctat4011.pdf

Dans cette affaire, l’employeur, Autobus Fleur de Lys (FDL) obtient le contrat de transport en commun de la ville de Shawinigan. Ce contrat était auparavant détenu par une autre entreprise (TUM). Vu l’ampleur du contrat, FDL embauche du nouveau personnel provenant de chez TUM. La quasi-totalité des chauffeurs est embauchée vers la nouvelle entreprise, à l’exception de deux représentants syndicaux. Cette décision porte uniquement sur le quantum et non la responsabilité de FDL qui fut reconnu dans une précédente décision.

En vertu de l’article 15 C.t., le tribunal verse une indemnité correspondant aux dommages subis par les deux plaignants en raison du geste antisyndical de l’employeur. Les plaignants ont droit d’abord à la compensation monétaire pour le salaire perdu. Par la suite, le tribunal s’attarde aux dommages punitifs. Les dommages sont évalués sur deux aspects, soit le fait de ne pas embaucher les plaignants en raison de leurs fonctions syndicales (décision initiale) et de ne pas avoir embauché les plaignants depuis la décision initiale.

[76] Il s’agit de donner un signal que le type de comportement sanctionné n’a pas sa place en société. En refusant d’embaucher les demandeurs en raison de leurs activités syndicales et en refusant de leur reconnaitre leurs droits, même après la décision initiale, FDL contrevient délibérément à leur liberté d’association.

[77] Les demandeurs ont démontré que l’employeur a entravé de façon illicite et intentionnelle l’exercice de leur liberté d’association contrevenant ainsi à l’article 3 de la Charte.

Le tribunal détermine que chaque plaignant a droit à une indemnité de 10 000$ pour atteinte illicite et intentionnelle au droit d’association.

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POLICIERS ET POLICIÈRES

Suréna c. Dowd (Commissaire à la déontologie policière) (disponible sur demande)

Sur demande seulement

Appel de la policière Suréna à l’encontre d’une décision du Comité jugeant sa conduite dérogatoire à l’article 11 du Code de déontologie des policiers. Appel accueilli.

Dans cette affaire, le Comité avait jugé que l’agente Suréna avait contrevenu à l’article 11 du Code de déontologie des policiers lorsqu’une collision était survenue entre son véhicule de patrouille et un véhicule civil alors que ses sirènes et ses gyrophares étaient allumés. Bien que l’agente Suréna ne conteste pas les conclusions factuelles du Comité en regard à l’accident, son appel porte sur le fait que cet accident ne constitue pas une faute déontologique.

Le juge Choquette de la Cour du Québec débute son analyse en mentionnant qu’il est frappant de constater que selon la jurisprudence du Comité, un véhicule patrouille constituerait une « pièce d’équipement » au sens de l’article 11 du Code de déontologie des policiers. En effet, le contexte de l’utilisation d’une pièce d’équipement du policier (que ce soit son arme à feu, le poivre de Cayenne, une arme à impulsion électrique ou un bâton télescopique) se situe dans un tout autre contexte que l’utilisation d’un véhicule routier. Dans le premier cas, le policier utilise cet équipement dans un contexte d’utilisation de la force alors que dans le second cas, une grande partie de la population adulte conduit un véhicule automobile dans un cadre où le législateur a mis en pied un régime de responsabilité civile dit « sans faute ».

Le juge Choquette poursuite ensuite son analyse en utilisant la norme du policier prudent et prévoyant placé dans les mêmes circonstances. La preuve administrée devant le Comité révèle que l’agente Suréna répondait à un appel visant à retirer un meuble situé sur une route passante et elle a actionné ses gyrophares et sa sirène dans sa manœuvre qui consistait à traverser le boulevard Cousineau sur un feu rouge. L’agente Suréna s’est engagée lentement et graduellement dans la manœuvre qu’après s’être assurée que tous les véhicules visibles étaient arrêtés. Le Comité semble s’être placé ex post facto pour conclure que la collision résulte d’une erreur d’appréciation de la situation en ce que l’agente Suréna a présumé que la troisième voie était libre.

Selon le juge Choquette, cette « erreur manifeste fait tomber l’arbre ». Ni l’erreur d’appréciation ni l’accident lui-même ne signifient automatiquement qu’il y a faute déontologique. Le Comité ne donne aucun motif justifiant en quoi ils sont suffisamment graves pour entacher la moralité ou la probité professionnelle de son auteur.

En obiter, le juge Choquette mentionne également qu’il aurait accueilli l’appel portant sur la sanction, puisque le Comité a contrevenu aux règles de justice naturelle en justifiant sa position sur sanction en l’appuyant sur une recherche effectuée en délibéré sur la « fréquence inexplicable » de manquements déontologiques en matière de conduite automobile et ce, sans preuve administrée à cet égard et sans que les parties aient pu faire valoir leur point de vue.

Appel accueilli. Policière acquittée.

 Nous tenons à féliciter Me Frédéric Nadeau pour cette belle victoire!

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Levasseur c. Dowd, Cour du Québec, 4 décembre 2020

Sur demande seulement

Appel du policier Levasseur à l’encontre d’une décision du Comité jugeant sa conduite dérogatoire à l’article 11 du Code de déontologie des policiers. Appel refusé.

Dans cette affaire, le Comité avait décidé que le policier avait contrevenu à l’article 11 du Code de déontologie des policiers lorsqu’une collision était survenue entre son véhicule de patrouille et un véhicule civil alors que ses sirènes et ses gyrophares étaient allumés. L’agent Levasseur a traversé en sens inverse lors d’un appel prioritaire afin de se dégager des véhicules arrêtés à un feu de circulation. Le juge Choquette retient certains éléments de preuve, dont la version de l’automobiliste ayant percuté la voiture de police ainsi que le témoignage de la collègue de l’agent Levasseur. Pour la Cour du Québec, il n’y a pas d’erreur manifeste et déterminante dans l’appréciation de la preuve du Comité de déontologie policière.

Le juge Choquette analyse ensuite la notion de « faute déontologique ». Il précise d’abord que ce ne sont pas tous les accidents avec une voiture de patrouille qui se caractérise de faute déontologique. Par contre, dans le cas de l’agent Levasseur, le Comité de déontologie policière a qualifié son comportement, à savoir que le policier avait agi de manière téméraire et qu’il avait « très mal jugé » la situation devant lui. Ainsi, le comportement de l’agent Levasseur se qualifie de faute déontologique pour la Cour du Québec. L’appel est donc rejeté.

 

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TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

Rien à signaler. 


POMPIERS ET POMPIÈRES

Rien à signaler. 


ARTISTES

Rien à signaler. 


SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRAL

 

R c. Marcil, 2020 QCCQ 7898

https://www.canlii.org/fr/qc/qccq/doc/2020/2020qccq7898/2020qccq7898.html?searchUrlHash=AAAAAQAMImpvZWxsZSByb3kiAAAAAAE&resultIndex=1#_ftn1

Requête en arrêt des procédures présentée par les requérants, qui font face à des accusations de fraude (art. 380(1) a) du Code criminel (C.cr) et complot en vue de commettre cette fraude (art. 465(1) c) C.cr., entre 2001 et 2009, d’actes de corruption dans les affaires municipales (art. 123(1) c) C.cr. et d’abus de confiance par un fonctionnaire public (art. 122 C.cr.).

Dans cette affaire, la juge Joëlle Roy de la Cour du Québec prononce l’arrêt des procédures en raison de la gravité de la violation du privilège avocat-client qui a lieu dans le cadre de l’enquête Fronde. Dans cette enquête, un mandat d’écoute électronique fut délivré le 17 juin 2015, pour une période maximale de 60 jours. Ce mandat d’écoute électronique prévoyait une ordonnance qui enjoignait aux enquêteurs de transmettre l’entièreté des conversations avocat-client au juge autorisateur afin que ce dernier détermine le caractère privilégié ou non de ces conversations.

Les enquêteurs de l’UPAC ont transmis un total de 265 conversations avocat-client au juge autorisateur, mais ont omis de transmettre 233 conversations avocat-client  qui sont résumées privilégiées et qui se trouvent toujours dans le système informatique de la police à ce jour. La responsable d’équipe de l’UPAC témoigne à cet effet que « toutes les conversations avocat-client n’étaient pas envoyées puisque c’était trop volumineux, et que l’envoi se faisait en fonction des moments. Certaines conversations étaient alors envoyées et pas d’autres. » (par. 65).

La juge Roy critique cette conduite et mentionne qu’on ne saurait tolérer que des policiers, enquêteurs à l’UPAC, chef d’équipe, capitaine et supérieurs ne respectent pas l’ordonnance d’un juge afin de choisir leur preuve, d’en faire un tri, de constituer leur dossier de façon éditoriale, selon les fins qu’ils recherchent. En effet, décider autrement enverrait le message que la fin justifie les moyens, peu importe ceux qui sont privilégiés et employés par les policiers, et peu importe également qu’ils constituent des violations flagrantes aux droits constitutionnels des accusés et à une ordonnance d’un juge.

Elle constate qu’il s’agit d’une grave atteinte à l’intégrité du système de justice et un discrédit sur son administration. En effet, la juge Roy qualifie ces actions d’actes concertés, continus et impliquant plusieurs paliers décisionnels, d’où émane la consigne de ne pas tout envoyer au juge, soit d’enfreindre son ordonnance. Pour toutes ces raisons, la juge Roy conclut qu’on ne saurait continuer les procédures après un tel constat, puisque l’enquête policière s’en retrouve viciée.

Requête accueillie. Arrêt des procédures ordonné.