Veille juridique du 8 février 2022

8 février 2022

SECTION DROIT DU TRAVAIL

GÉNÉRAL

 

De Chatigny c. Syndicat lavallois des employés de soutien scolaire (SLESS-CSQ), 2021 QCTAT 4969 (Disponible sur SOQUIJ, AZ-51802256)

La plaignante, une technicienne en organisation scolaire, dépose une plainte contre son syndicat en vertu de l’article 47.2 du Code du travail. Elle lui reproche d’avoir manqué à son devoir de juste représentation lors de la convocation de ses membres à une assemblée générale extraordinaire en janvier 2021, faite par l’entremise de Facebook. Elle prétend que la convocation aurait dû être envoyée par courriel afin de rejoindre un plus grand nombre des membres.

Le syndicat demande le rejet sommaire de cette plainte. Il soutient que les reproches de la plaignante ne relèvent pas de l’obligation prévue à l’article 47.2 du Code, mais plutôt de la régie interne du syndicat et de la vie associative, soit des questions sur lesquelles le tribunal ne peut intervenir étant donné son absence de compétence.

Le tribunal analyse la jurisprudence et retient qu’il n’a pas un pouvoir de surveillance générale sur l’ensemble des actions d’un syndicat : celles concernant sa gestion interne ne sont pas de son ressort. Cela inclut les récriminations reliées aux convocations à des assemblées syndicales pour la tenue d’un vote de grève, l’élection ou la destitution d’un membre d’une fonction syndicale et le déroulement d’un vote syndical sur l’acceptation des offres patronales.

Le tribunal n’a donc pas compétence pour entendre la plainte.

 

 

Unifor, section locale 666 c. Lavoie, 150-17-004341-217 (j.c.s. Marc Paradis)

Disponible ici.

Unifor, section local 666 (ci-après, le « Syndicat ») se pourvoit à l’encontre d’une décision de l’arbitre Me André G. Lavoie qui rejette son grief contestant la décision de l’Employeur d’octroyer en sous-traitance un contrat de réhabilitation des soutènements de la mine. Pour résumer brièvement le contexte, l’Employeur procède à des travaux de réhabilitation de la mine de 2014 à 2017. Les travaux sont effectués par les salariés de l’Employeur. En 2017, puisque l’avancement des travaux de réhabilitation présente d’importants retards, l’Employeur décide que ces travaux seront réalisés par un sous-traitant. Le Syndicat conteste cette décision.

Pour décider du grief, l’arbitre a procédé à l’interprétation de l’article 3.03 de la convention collective traitant de sous-traitance. Il retient que le premier paragraphe de l’article limite le droit de sous-traitance de l’Employeur : celui-ci ne peut sous-traiter du « travail régulier » en mesure d’être accompli par les salariés de l’entreprise. L’arbitre rejette le grief puisqu’il considère que les travaux accordés en sous-traitance ne constituaient pas du travail régulier au sens de cet article de la convention collective.

Le Syndicat soutient que la décision de l’arbitre est déraisonnable. Il prétend que l’arbitre s’est fondamentalement mépris sur la preuve présentée quant à la qualification des travaux de réhabilitation. Il soutient également que la décision est entachée d’un manquement à l’équité procédurale en ce que l’arbitre aurait omis de traiter de l’un de ses principaux arguments, soit l’obligation de l’Employeur de consulter le comité de sous-traitance avant d’accorder le contrat en cause.

La Cour rejette les arguments du Syndicat. L’arbitre a retenu de l’ensemble de la preuve que les travaux de réhabilitation accordés en sous-traitance constituaient des travaux exceptionnels ou inhabituels échappant à la notion de travail régulier. Selon la Cour, l’arbitre a pris en compte l’ensemble de la preuve, il n’a pas omis d’éléments. Il est bien établi que l’appréciation de la preuve est au cœur de la compétence exclusive de l’arbitre et que les cours de révision, sauf circonstances exceptionnelles, doivent s’abstenir d’apprécier la preuve analysée par le décideur. La Cour supérieure rejette également l’argument du Syndicat relatif à un manquement à l’équité procédurale.

Le pourvoi est rejeté.

 


 

 

POLICIERS ET POLICIÈRES

 

Fraternité des policiers et policières de Montréal c. Montréal (Ville), 2022 CanLII 5500 (QC SAT) (a. Me Andrée St-George)

https://canlii.ca/t/jm3jj

Dans ce dossier, le tribunal d’arbitrage devait déterminer si la prime de niveau de service (ci-après, la « prime de NS »), une prime nouvellement introduite dans la convention collective, devait faire partie du traitement du policier quand il effectue du travail en dehors de ses heures régulières (à la Cour ou dans le cadre de la commercialisation des services). Pour la Ville, il est nécessaire de s’appuyer sur les propos échangés entre les parties lors de la négociation de la convention collective afin d’interpréter correctement les clauses en litige. Le Syndicat s’oppose à l’admissibilité de cette preuve extrinsèque.

Le tribunal d’arbitrage rejette l’objection du Syndicat. Les termes utilisés dans la convention collective en matière de traitement sont à ce point variés, qu’il devient nécessaire d’avoir l’éclairage des échanges intervenus entre les parties au sujet des nouvelles dispositions de l’article 3 traitant de la prime NS. L’arbitre détermine, à la lumière de la preuve, que cette nouvelle prime « avait pour but de compenser une augmentation de la cotisation au régime de retraite si bien qu’elle ne doit s’ajouter qu’aux composantes de la rémunération cotisable soit, au-delà du salaire annuel, à la prime de métropole et au boni d’ancienneté, ce qui exclut donc toute forme de temps supplémentaire » (paragraphe 38). Analysant le texte des dispositions à l’aune de cet objectif, le tribunal conclut les nouvelles dispositions introduisant la prime de NS n’ont pas pour effet de faire en sorte que celle-ci soit versée au policier assigné à la cour en dehors de ses heures régulières ou dans le cadre de la commercialisation des services.

Le grief est rejeté.

 

 

Fraternité des policiers et policières de Longueuil inc. c. Longueuil (Ville), 2022 CanLII 4948 (QC SAT) (a. Me Joëlle L’Heureux)

https://canlii.ca/t/jm2m2

Le plaignant est sergent de patrouille. Depuis plusieurs années, il inscrit son nom au tableau d’affichage pour être sergent à la sécurité routière. Ce poste est octroyé au candidat détenant le plus d’ancienneté globale. Le 10 juillet 2020, au moment où le poste qu’il convoite se libère et qu’il est le premier sur ladite liste, il reçoit par erreur une copie d’un courriel transmis par l’inspecteur-chef de la gendarmerie au capitaine responsable de la sécurité routière. Ce message se lit ainsi :

« Salut, voici les dernières listes du mois de mai 2020. Si on attend le 60 jours pour combler officiellement le poste à la patrouille spécialisée et un autre 60 jours pour combler le poste de sergent SSR Yvan va pouvoir mettre son nom sur la prochaine liste de sergent SSR qui sort en décembre. Sinon tu vas être pogné avec [le plaignant]!!! (sic)

On en reparle lundi. »

Le Syndicat demande un montant de 6 000$ à titre de dommages moraux pour le plaignant pour ses troubles et inconvénients et pour atteinte à sa dignité, à son honneur et à sa réputation. Il demande aussi 10 000 $ à titre de dommages punitifs pour atteinte illicite et intentionnelle aux droits fondamentaux du plaignant. La Ville a produit un acquiescement partiel au grief : elle consent à payer au plaignant la somme de 1 500 $ à titre de dommages moraux, mais ne reconnaît toutefois pas l’existence d’une atteinte illicite et intentionnelle aux droits fondamentaux du plaignant.

Dans son témoignage, le plaignant explique que les démarches pour confirmer sa nomination ont été longues, et qu’il n’a eu une réponse officielle qu’à la fin du mois de septembre. Il aurait donc vécu de l’anxiété et de l’incertitude quant à l’obtention du poste de sergent à la sécurité routière pendant presque trois mois. Le Tribunal conclut que la preuve prépondérante contredit cette affirmation et que le stress et l’anxiété du plaignant reliés au courriel et à son doute quant à l’obtention du poste ont, en réalité, été de courte durée. Le plaignant évoque également l’anxiété de rencontrer ses supérieurs, une perte d’estime de soi et une inquiétude face à ses perspectives d’avancement. L’arbitre constate que le commentaire dénigrant à son endroit a blessé le plaignant et lui est resté sur le cœur. Le Tribunal retient que l’atteinte à la dignité est démontrée. II écrit :

 [45]        L’employeur considère que dans le présent cas, le commentaire désobligeant n’est pas suffisamment grave pour se qualifier à titre d’atteinte à la dignité. Le Tribunal n’est pas de cet avis. Le commentaire dans le courriel n’est pas une simple bêtise lancée dans le feu d’un échange animé, comme dans Provigo distribution inc. auquel il fait référence. Il s’agit de propos écrits par un supérieur hiérarchique à un autre supérieur, qui laissent entendre que le plaignant n’est pas assez bon pour le poste de sergent à la sécurité routière, au moment même où il s’apprête à obtenir ledit poste.

[46]        Comme le plaide le syndicat, ce commentaire fautif doit être qualifié de dénigrant, dans le sens retenu par la Cour suprême dans SNE de l’Hôpital St-Ferdinand. Une atteinte permanente n’est pas nécessaire pour conclure à une violation du droit fondamental à la dignité. L’article 4 de la Charte vise les atteintes aux attributs fondamentaux de l’être humain qui contreviennent au respect auquel toute personne a droit. Un commentaire fondamentalement blessant et humiliant remplit ce critère.

Le tribunal ne retient cependant pas que le courriel transmis au plaignant a entraîné une atteinte à sa réputation. Aucune preuve à cet égard n’a été offerte. Quant à l’évaluation du montant des dommages, l’arbitre les évalue à 2 500 $. Il souligne que, bien que nous ne soyons pas devant un cas de discrimination, de fin d’emploi abusive qui entraîne des préjudices parfois importants, ou de geste fautif malicieux, le plaignant a subi un préjudice plus grand que ce que retient l’employeur. Finalement, le tribunal conclut qu’il n’y a pas lieu d’accorder des dommages punitifs.

Le grief est accueilli en partie.

Bravo à Me Frédéric Nadeau pour son travail dans le présent dossier!

 

 


 

 

TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

 

Fraternité des préposés aux traitements des appels d’urgence du caureq de Rimouski-FPHQ c. CAUREQ – Centre d’appel d’urgence des régions de l’est du Québec, 2022 CanLII 6266 (a. André G. Lavoie)

https://canlii.ca/t/jm51v

Dans cette affaire, la plaignante, une préposée aux appels d’urgence, a fait l’objet d’une fin d’emploi administrative alors qu’elle se trouvait en période de probation. Le contexte est le suivant. La plaignante semble particulièrement stressée pendant les heures de travail. On remarquera qu’elle s’automutile. L’Employeur met fin à son emploi, jugeant qu’elle ne peut remplir adéquatement les responsabilités associées à la fonction de préposée à la réception et au traitement des appels d’urgence. Le Syndicat prétend que l’Employeur a contrevenu à la Charte des droits et libertés de la personne (ci-après, la « Charte ») et qu’il a failli à son devoir d’accommodement.

L’arbitre convient d’abord que la plaignante est porteuse d’un handicap au sens de la Charte, handicap qui se traduit par le fait qu’elle présente, en lien avec son diagnostic de spectre de l’autisme, une difficulté à gérer son stress se manifestant par des épisodes d’automutilation. Il rappelle également que l’obligation d’accommodement n’est pas absolue et l’employeur n’est pas tenu de s’imposer des contraintes démesurées en termes d’aménagement administratif et organisationnel. Par ailleurs, l’exercice d’accommodement n’impose pas à l’employeur une obligation de résultat, mais une obligation de moyen raisonnable.

En l’espèce, la preuve révèle que l’employeur est un centre d’appel d’urgence qui embauche principalement des préposés aux appels, dont les responsabilités sont au cœur de la mission de l’entreprise, soit d’assurer une communication en tout temps entre la population et les différents services d’urgences. Bien qu’il n’existe aucune limitation empêchant la plaignante d’occuper son poste et de répondre aux appels, reste que la preuve démontre qu’elle présente « une difficulté certaine dans la gestion d’une situation stressante, entrainant chez elle une source d’anxiété qu’elle canalise par des gestes d’automutilation » (paragraphe 85). Ainsi, pour l’arbitre, la symptomatologie d’automutilation de la plaignante fait échec à son maintien à l’emploi. Il conclut que l’Employeur a fait la preuve que, de façon raisonnable, un accommodement afin de permettre à la plaignante d’être réintégrée à son poste de préposée aux appels constituerait une contrainte excessive et que la décision de mettre fin à son emploi n’est ni discriminatoire ou déraisonnable.

Le grief est rejeté.

 

 


 

 

POMPIERS ET POMPIÈRES

Rien à signaler.

 

 


 

ARTISTES

Rien à signaler.

 

 


 

SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRAL

 

Lafrenière c. R., 2022 QCCA 96

https://canlii.ca/t/jlzhr

L’appel porte sur la légalité d’une déclaration d’accusé à haut risque fondée exclusivement sur la disposition se retrouvant à l’alinéa 672.64(1)b) du Code criminel (ci-après, « C.cr. »).

L’appelant a été inculpé d’avoir commis un meurtre au deuxième degré. À la suggestion des parties, le tribunal a rendu un verdict de non-responsabilité criminelle suivant l’article 16 du Code. L’intimée a par la suite demandé que l’appelant soit déclaré accusé à haut risque conformément à l’article 672.64(1) du C.cr. La juge Mandeville, à la Cour supérieure a donné droit à cette demande et déclaré l’appelant un accusé à haut risque en raison des circonstances de l’infraction, lesquelles étaient particulièrement violentes et brutales. L’appelant prétend que l’alinéa 672.64(1)b) doit être interprété de façon à requérir la preuve d’une probabilité marquée que l’accusé usera de violence de façon qu’il pourra mettre la vie ou la sécurité d’une autre personne en danger. Il estime également que la juge aurait accordé trop d’importance au critère de brutalité dans son analyse aux dépens des facteurs prévus à l’alinéa 672.64(2) C.cr.

Selon la Cour d’appel, le cadre de l’alinéa b) prévoit que le ministère public doit prouver un risque de préjudice grave. La gravité de ce préjudice appréhendé peut découler de la brutalité des actes à l’origine, mais le ministère public doit démontrer de plus un risque réel qui est plus que « minime » ou « minuscule » que ce préjudice se produira. Par ailleurs, la discrétion judiciaire est de nature à assurer une application juste et appropriée de la disposition, cette discrétion exigeant la prise en compte de toutes les autres circonstances de l’affaire et non seulement des facteurs énumérés dans libellé. Enfin, l’alinéa 672.64(1)b) C.cr. se concentre plutôt sur les circonstances du crime qui, considérées à la lumière de l’ensemble de la preuve, doivent démontrer l’existence d’un risque de préjudice grave pour une autre personne. Par conséquent, même si la juge de première instance a conclu, au paragraphe a), à l’absence de risque élevé de récidive, alors qu’il faudrait parler plutôt de probabilité marquée de violence, elle pouvait selon les termes mêmes de la disposition, déclarer l’appelant accusé à haut risque sous l’alinéa b) puisqu’elle était d’avis qu’il y avait un préjudice grave en raison de la brutalité des actes commis. Le premier moyen doit donc être rejeté.

Quant au deuxième, la Cour estime que la juge accorde toute l’importance requise aux facteurs décrits au paragraphe 672.64(2) C.cr. La décision d’écarter l’opinion de l’expert mandaté par l’appelant bénéficie d’une certaine déférence, d’autant plus qu’elle est motivée et raisonnable. En somme, la juge a analysé tous les éléments pertinents et au-delà des termes employés, il est manifeste qu’elle a conclu que les actes à l’origine étaient d’une telle brutalité qu’il y a un risque de préjudice grave, physique ou psychologique pour une autre personne.

L’appel est rejeté.

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