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Veille juridique du 1er juin 2021

SECTION DROIT DU TRAVAIL

GÉNÉRAL

 

Centre intégré de santé et de services sociaux des Laurentides c. Me Pierre St-Arnaud, 500-17-107647-193, 2021 QCCS 2071, 25 mai 2021, jugement rectifié le 31 mai 2021 (Sylvain Lussier)

Disponible sur demande

L’employeur, le Centre intégré de santé et de services sociaux des Laurentides, saisi la Cour supérieure d’un pourvoi en contrôle judiciaire à l’encontre d’une sentence arbitrale datée du 29 mars 2019 de l’arbitre de grief Me Pierre St-Armand. Dans cette affaire, la salariée a été congédiée administrativement le 21 décembre 2012 et une série de sentences arbitrales s’en est suivi. Dans l’une d’elles, le tribunal d’arbitrage avait ordonné sa réintégration. Dans une autre, l’arbitre de grief avait déterminé que l’employeur pouvait faire expertiser la plaignante. Celle-ci avait été en congé de maladie après avoir subi un accident à son domicile.

La sentence arbitrale contestée devant la Cour accordait à la salariée congédiée, le salaire qui serait dû lui être versé pour la période du 11 décembre 2016 au 8 juillet 2017. Durant cette période, l’employeur avait pris la position qu’il ne pouvait retourner la plaignante au travail sans la faire expertiser. Il lui a alors offert un poste su Service des bénévoles de l’hôpital, mais le syndicat a jugé cette offre inacceptable.

Dans ses motifs, l’arbitre de grief précise que le poste offert par l’employeur n’était pas un poste prévu à la convention collective. Il conclut que la plaignante a mitigé ses dommages en exerçant sa profession d’infirmière auxiliaire dans un autre établissement, tout en refusant l’argument de l’employeur voulant qu’elle eût l’obligation d’accepter le poste au service des bénévoles.

Devant la Cour supérieure, l’employeur reproche à l’arbitre d’avoir omis de traiter et de disposer de l’obligation de mitigation des dommages de la salariée malgré la preuve présentée à cet effet. Il prétend que l’arbitre a commis une erreur grave et déterminante en concluant que le poste offert à la salariée n’était pas convenable en raison du fait qu’il n’était pas couvert par la convention collective alors que ni l’employeur ni le syndicat n’ont présenté de preuve à ce sujet.

Appliquant la norme de la décision raisonnable, la Cour juge que l’explication fournie par l’arbitre pour refuser l’argument de l’employeur selon lequel la salariée avait l’obligation d’accepter le poste, bien que succincte, est intelligible et transparente. Le fardeau de démontrer que la plaignante devait accepter le poste proposé appartenait à l’employeur, et bien que ne siégeant pas en appel, la Cour note que la sentence est conforme à cet égard aux enseignements de la jurisprudence.

La Cour rejette également l’argument soulevé par l’employeur selon lequel l’arbitre n’a pas laissé aux parties l’opportunité de répondre à cette question. Elle rappelle qu’il appartenait à l’employeur de justifier sa position, non à l’arbitre. Celui-ci devait faire la preuve que l’employé n’a pas mitigé ses dommages et ce n’était pas à l’employé d’établir la minimisation de ceux-ci.

La Cour conclut que la sentence est cohérente, transparente, intelligible et qu’elle s’appuie sur la preuve présentée. Elle conclut que l’arbitre a amplement donné aux parties l’occasion de se faire entendre.

Le pourvoi est rejeté.

 

Unifor, section locale 137 et Papiers White Birch Stadacona (Daphnée Coté), 2021 QCTA 241 (André G. Lavoie)

https://canlii.ca/t/jfr43

Dans cette affaire, la plaignante réclamait le paiement des heures supplémentaires dont elle a été privée pendant une affectation temporaire ayant précédé son retrait préventif. Le syndicat arguait que l’interprétation qui prévaut dans la jurisprudence de l’article 180 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (ci-après, la « LATPM ») en matière de maintien des avantages sociaux doit également s’appliquer à l’article 43 de la Loi sur la santé et la sécurité au travail (ci-après, la « LSST ») pour les salariés enceintes. En effet, la jurisprudence a confirmé que l’article 180 de la LATMP crée une fiction juridique, voulant que le travailleur soit rémunéré comme s’il avait continué à exercer son travail régulier incluant les avantages dont le temps supplémentaire qui lui était disponible. Ces articles se lisent ainsi :

180. L’employeur verse au travailleur qui fait le travail qu’il lui assigne temporairement le salaire et les avantages liés à l’emploi que ce travailleur occupait lorsque s’est manifestée sa lésion professionnelle et dont il bénéficieraits’il avait continué à l’exercer.

43. La travailleuse qui exerce le droit que lui accordent les articles 40 et 41 conserve tous les avantages liés à l’emploi qu’elle occupait avant son affectation à d’autres tâches ou avant sa cessation de travail. (…)

[Nos soulignements]

L’arbitre André G. Lavoie n’adhère pas à la position du syndicat. Selon le tribunal, bien qu’une travailleuse en retrait préventif soit « réputée au travail », cela ne va pas jusqu’à créer une fiction juridique de même nature que l’article 180 LATMP, puisqu’on doit analyser la protection offerte à la travailleuse à la lumière de l’article 43 LSST et de l’interprétation qu’en a fait la jurisprudence. Pour l’arbitre, le fait que le législateur ait choisi les termes « conserve tous les avantages » plutôt que les termes prévus à l’article 180 LATMP démontre qu’il n’a pas voulu accorder la même portée à ces articles, selon l’adage bien connu que le législateur ne parle pas pour ne rien dire :

Avec respect, je suis d’avis que le libellé de l’article 43 et l’utilisation des termes conserve tous les avantages liés à son poste, réfère au fait que la travailleuse a droit au maintien de ses conditions et de ses avantages, alors qu’elle est en affectation ou en retrait, comme si elle avait été à son poste, par opposition au fait de bénéficier de ces mêmes conditions et d’en tirer avantage, ce qui a pour effet de créer une fiction voulant qu’elle occupe toujours son poste régulier, et ce malgré qu’elle ait été affectée à un autre emploi.

Dis autrement, la syntaxe du premier alinéa de l’article 43 n’a pas pour effet de créer cette fiction, puisqu’il parle de conserver les avantages et non d’en bénéficier. Cette distinction m’apparait ici fondamentale. (par. 61-62)

L’arbitre André G. Lavoie est d’avis que la Cour suprême dans l’arrêt Dionne c. Commission scolaire des Patriotes, 2014 CSC 33, n’est pas venu renverser l’état de la jurisprudence sur la question en litige puisqu’elle ne s’est pas prononcée sur ce que constituent les avantages liés à l’emploi. Le tribunal conclut que la plaignante conserve la protection liée aux avantages de son emploi, mais ne peut se réclamer de la fiction juridique voulant qu’elle ait droit au temps supplémentaire dont elle aurait bénéficié si elle avait continué d’occuper son poste.

Le grief est rejeté.

 

Syndicat des infirmières, infirmières auxiliaires et inhalothérapeutes de l’Est du Québec (CSQ) c. Centre intégré de santé et de services sociaux de la Gaspésie, 2021 QCTAT 2125 (Line Lanseigne)

https://canlii.ca/t/jfsk6

Le syndicat demande la révision d’une décision du Tribunal administratif du travail (ci-après, le « TAT ») au motif qu’elle est entachée d’un vice de fond de nature à l’invalider. Le dossier s’inscrit dans le contexte de la pandémie de la COVID-19, alors que de nombreuses mesures sont mises en place pour prévenir et enrayer la propagation du virus.

Dans la décision contestée, TAT-1 a accueilli la demande d’intervention de l’employeur et a ordonné aux représentants syndicaux de cesser de circuler dans les unités de soins et de cesser la distribution et le port de chandails syndicaux. Plus précisément, la décision de TAT-1 conclut qu’un conflit existe entre les parties et qu’il donne lieu à une action concertée susceptible de porter préjudice à un service auquel le public a droit. Les engagements pris par le syndicat concernant le respect des mesures sanitaires ne permettent pas d’éliminer ce risque.

Le syndicat soutient que cette décision comporte un vice de fond et de procédure pour les motifs suivants : 1) TAT-1 a refusé d’entendre une preuve déterminante pour l’issue du litige, portant ainsi atteinte au principe de justice naturelle; 2) il a excédé sa compétence en rendant une ordonnance alors qu’aucun conflit, ni action concertée n’a eu lieu et 3) il a rendu une ordonnance déraisonnable quant à sa portée.

  • Le refus d’entendre une preuve

TAT-1 a refusé d’entendre une preuve qui, selon le syndicat, lui aurait permis de montrer que la demande d’intervention de l’employeur ne visait pas véritablement à protéger les services auxquels le public a droit, plutôt à entraver ses activités syndicales.

Le tribunal rejette cette prétention et rappelle, dans premier temps, que l’obligation d’entendre les parties n’exige pas qu’il dispose de tous les arguments et éléments de preuve que souhaite présenter le syndicat. Dans un deuxième temps, le tribunal, sous la plume de la juge administrative Line Lanseigne, souligne que le tribunal siégeant en matière de services essentiels doit intervenir avec célérité et efficacité lors d’une situation conflictuelle pouvant priver la population du service auquel il a droit et dont l’absence pourrait porter atteinte à leur santé et leur sécurité.

Le tribunal juge par ailleurs que la preuve que le syndicat voulait administrer n’aurait pas été pertinente pour trancher le litige. Il conclut que TAT-1 n’a pas commis d’accroc grave et sérieux à la procédure ni rendu une décision en l’absence d’une preuve déterminante.

  • L’excès de compétence

Le tribunal rappelle que lorsqu’il y a un conflit en dehors de l’exercice légal du droit de grève, le tribunal a compétence pour intervenir s’il en vient à la conclusion qu’il existe un conflit entre les parties, que ce conflit se traduit par une action concertée et que cette action porte préjudice ou est susceptible de causer préjudice à un service auquel la population a droit.

Analysant ces droits critères, TAT-2 en vient à la conclusion que TAT-1 a correctement conclu à la présence d’un risque susceptible de porter atteinte au droit des bénéficiaires d’obtenir des services dans des conditions sécuritaires en contexte de pandémie.

Notamment, il y avait un conflit puisqu’il y avait un désaccord quant à l’application des mesures sanitaires. De plus, au sujet du risque de préjudice, le tribunal souligne que ce n’est pas la certitude de l’existence du risque qui justifie l’intervention du tribunal, mais son risque ou sa vraisemblance. Le tribunal juge que TAT-1 avait raison de conclure qu’il y avait vraisemblablement un risque de propagation du virus en laissant les représentants syndicaux circuler sur les unités de soins. Il en est de même pour le port du chandail syndical dans les zones froides.

  • L’ordonnance est déraisonnable

Le syndicat prétend que l’ordonnance rendue par le TAT-1 est déraisonnable en ce qu’elle interdit de manière permanente la circulation des représentants syndicaux. Or, bien que l’ordonnance ne soit pas restreinte à la crise sanitaire, il faut conclure, en toute logique que l’ordonnance est valide jusqu’à la fin de l’urgence sanitaire.

 Enfin, le Syndicat invoque que l’interdiction faite aux représentants syndicaux de circuler dans les unités de travail fait en sorte d’accorder une portée démesurée à la protection du service auquel a droit le public au détriment du droit d’association. À ce sujet, le tribunal souligne notamment que le syndicat dispose de plusieurs moyens pour communiquer avec ses membres afin de leur offrir ses services de manière adéquate.

En somme, le syndicat n’a pas démontré que la décision comportait une erreur déterminante de nature à l’invalider. La demande de révision est rejetée.

 

 


 

POLICIERS ET POLICIÈRES

 

Sawaya c. Ville de Montréal, 2021 QCCQ 3357

https://canlii.ca/t/jfsgw 

Alors qu’il était inspecteur au bureau directeur et des relations avec les élus et assumait la fonction de chef de cabinet du directeur du Service de police de la Ville de Montréal, le demandeur a été suspendu dans le contexte d’allégations de fraude et d’abus de confiance. L’enquête menée par la Sureté du Québec à cet égard s’est terminée 27 mois plus tard, sans qu’aucune accusation criminelle soit portée.

La suspension du demandeur s’est cependant poursuivie dans l’attente que se termine l’enquête disciplinaire menée à l’interne par l’employeur. La suspension est toujours en vigueur à ce jour, des chefs d’accusation disciplinaire ayant été déposés. Le demandeur soutient que la durée de la suspension dont il fait l’objet depuis près de 3 ans 1/2 équivaut dans les faits à une destitution déguisée, laquelle donnerait ouverture au droit de contestation prévu par l’article 89 de la Loi sur la police.

D’abord, la Cour du Québec prend le temps d’exposer les dispositions applicables au processus disciplinaire. Le SPVM est assujetti au Règlement sur la discipline interne des policiers et policières de la Ville de Montréal (ci-après, « Règlement de discipline »), adopté en application de l’article 256 de la Loi sur la police. Le pouvoir administratif de suspension est prévu aux articles 15 et 49 de ce Règlement.

L’article121 du Règlement de discipline prévoit que les policiers qui ne sont pas des salariés au sens du Code du travail demeurent en fonction durant bonne conduite jusqu’à l’âge de la retraite. Ils ne peuvent être destitués que par le Conseil de la Ville, agissant sur la recommandation du directeur, en la manière prévue par les articles 87 à 89 Loi sur la police.  La destitution entraîne la suspension immédiate et sans traitement. Cette décision peut être contestée devant une formation de trois juges de la Cour du Québec.

Ensuite, la Cour précise que rien ne s’oppose à ce que les principes développés en matière de congédiement déguisé soient transposés à une situation de destitution déguisée évaluée en fonction des exigences imposées par la Loi sur la police. Le fardeau de prouver le congédiement déguisé repose sur le salarié, mais lorsqu’une mesure administrative est en place, il revient à l’employeur de démontrer que la mesure est raisonnable ou justifiée.

La Cour est d’avis que la suspension initiale est une mesure raisonnable et justifiée puisqu’elle conforme au Règlement de discipline.  Quant au maintien de la suspension après le 1er avril 2020, la Cour conclut à l’existence d’un motif organisationnel légitime, en l’espèce fondé sur l’intérêt public, et conclut également que la décision de maintenir la suspension est teintée de bonne foi.

La Cour rejette le recours.

 


 

TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

 

Rien à signaler.

 


 

POMPIERS ET POMPIÈRES

 

Syndicat des pompiers du Québec, section locale de Saint-Adèle c. Ville de Sainte-Adèle, 2021 CanLII 37113 (QC SAT), 4 mai 2021 (Robert Côté)

https://canlii.ca/t/jfr6g

Le tribunal est saisi de deux griefs qui concernent l’interprétation de la clause de la convention collective prévoyant une majoration annuelle des échelles de salaire en fonction de l’indice des prix à la consommation (ci-après, « IPC »). Le syndicat soutient que le texte de la convention collective est clair et que le taux de l’IPC doit être ajouté à l’augmentation de base de 1% qui est prévue pour chacune des années de la convention. Il demande la révision des taux appliqués par l’employeur depuis 2016.

De son côté, l’employeur plaide qu’il faut aller au-delà des termes de la disposition et que la volonté véritable des parties était que seule la portion de l’indice qui excède le taux de base doit être ajoutée. Il plaide également que les griefs sont prescrits, ayant été déposés à l’extérieur de la période de 30 jours de la connaissance des faits.

Pour le premier grief déposé le 16 avril 2019, l’arbitre Robert Côté décide qu’il doit être rejeté puisqu’il est prescrit. Selon le tribunal, le point de départ de la prescription correspond au plus tard à la délivrance des relevés de paie de la première période de janvier 2019, car c’est à ce moment que la décision de l’employeur concernant le taux applicable s’est cristallisée. Cette conclusion vaut également pour les années précédentes visées par la réclamation.

Par ailleurs, le tribunal rejette l’argument du syndicat relatif au grief de nature continu. Il rappelle qu’il n’y a pas de grief continu si l’événement dont on se plaint a lieu à une date précise, même si les conséquences se font encore sentir de façon répétée à la date du grief.

Quant au deuxième grief, déposé le 8 janvier 2020, le tribunal rejette l’argument de l’employeur selon lequel le point de départ de la prescription doit être fixé le 21 octobre 2019, soit au moment où la Ville avise la partie syndicale du pourcentage de majoration qu’elle entend appliquer à compter du 1er janvier suivant. Selon l’arbitre, cela ne respecterait pas les principes du calcul du point de départ du délai lorsque la réalisation d’une décision est liée à un événement futur. La décision, bien que déjà prise en octobre, ne pouvait se réaliser qu’à l’occasion de la modification effective des taux de salaire, soit à compter de janvier 2019.

Sur le fond du litige, le tribunal juge d’abord que la preuve extrinsèque que l’employeur voulait présenter au sujet du contenu des discussions tenues lors du renouvellement de la convention collective est admissible et pertinente, malgré l’opposition du syndicat. L’arbitre adopte alors une approche libérale selon laquelle la preuve des pourparlers de négociation peut être pertinente pour révéler une ambiguïté latente que la seule lecture du texte litigieux ne peut révéler.

Ensuite, l’arbitre est d’avis que la clause litigieuse est claire et laisse peu de place à l’interprétation. Quant au contenu de la preuve extrinsèque administrée par l’employeur, elle ne convainc pas l’arbitre, n’étant constituée que de perceptions, et n’ouvre pas la porte à un exercice interprétatif de la clause.

Le tribunal modifie donc l’augmentation qui doit s’appliquer aux différents taux de salaire à compter du 1er janvier 2020.

 

 


 

ARTISTES

 

Rien à signaler.

 


 

SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRAL

 

R. c. Boulanger, 2021 QCCA 815

https://canlii.ca/t/jg09r 

Dans cet arrêt, la poursuite se pourvoit contre une décision qui accueille la requête de l’accusé en arrêt des procédures pour délais déraisonnables.

Le délai net en question en est un de trente-deux (32) mois et dix (10) jours. Ce délai excède le plafond présumé de deux (2) mois et dix (10) jours. Le moyen d’appel de la poursuite reproche au juge de première instance d’avoir omis de retrancher la période de quatre-vingt-quatre (84) jours en raison de la représentation tardive d’une requête visant à décaviarder l’affidavit présentée au soutien d’un mandat de perquisition. L’intimé quant à lui, fait valoir que si le délai global est retranché en appel, il faudrait déterminer si le juge a erré en retranchant un délai de quatre (4) mois en raison de l’indisponibilité de son avocate.

Les juges Cournoyer et Moore rejettent l’appel tandis que le juge Chamberland l’aurait accueilli.

En ce qui concerne la contestation du mandat de perquisition, ce délai ne pouvait être imputable à l’intimé puisqu’un débat devait se tenir quant à la validité du mandat de perquisition. Le dossier ne révélait aucune raison de croire que cette contestation aurait pu avoir lieu avant la date indiquée. De plus, malgré la tardiveté de la demande de décaviardage de l’affidavit de l’intimé, il s’agissait d’une mesure légitime. D’ailleurs, le juge rétorque qu’il est difficile de comprendre que la poursuite n’ait pas été en mesure de simplement confirmer que les passages caviardés ne concernaient aucunement l’intimé.

Enfin, selon le juge Cournoyer, la cause principale des délais dans le cheminement de ce dossier se résume au fait que la poursuite n’avait pas de plan soigneusement conçu. Il souligne qu’il appartient au ministère public de prendre les initiatives qui s’imposent, et ce dès que la perspective d’une contestation judiciaire, comme en l’espèce, est évoquée. Depuis l’arrêt Jordan, la poursuite doit éviter toute approche qui consiste à résister toute demande de l’accusé puisque « l’attentisme » n’a plus sa place. Une simple vérification auprès de la défense permettrait de bien cerner les enjeux d’un dossier et les débats qui s’y poseront.

Quant au délai occasionné par l’indisponibilité de l’avocate de l’intimé, la Cour diverge avec le juge de première instance. Le refus de certaines dates n’entraîne pas nécessairement la conclusion qu’un avocat est indisponible, car le changement de stratégie de la poursuite s’oppose à la conclusion que les retards sont causés uniquement ou directement par sa conduite. En l’occurrence, cinq substitutions de procureurs de la poursuite ont eu lieu. La dernière et nouvelle avocate de la Couronne a changé de stratégie, informant la défense qu’elle souhaitait la tenue d’un voir-dire. Une journée d’audience supplémentaire a été demandée. Le tribunal a plutôt décidé que les audiences prévues commenceraient plus tôt. Or, l’avocate de l’intimé n’était pas disponible aux dates suggérées. Dans ces circonstances, il n’y avait pas lieu de tirer la conclusion qu’une avocate doit être considérée comme indisponible dès qu’elle refuse des dates où la poursuite et le tribunal sont disponibles, surtout, lorsqu’elle s’avère disponible à d’autres dates. Bref, l’accusé n’était pas responsable de la nécessité de nouvelles dates et donc il n’en était pas plus pour les délais encourus.

L’appel est rejeté. Le juge Chamberland aurait imputé le premier délai à l’intimé et il aurait maintenu la décision du juge quant au second délai.

 

R. c. Morrow, 2021 CSC 21

https://canlii.ca/t/jg3nc

L’accusé interjette un appel de plein droit contre l’arrêt de la Cour d’appel de l’Alberta confirmant sa déclaration de culpabilité. La majorité de la Cour suprême, par une décision orale, a rejeté le pourvoi.

Les faits à l’origine de l’affaire sont les suivants. L’appelant a été déclaré coupable d’agression sexuelle, d’entrave à la justice et de bris de conditions de remise en liberté. Il avait auparavant été accusé de harcèlement criminel auprès de la plaignante, et libéré sous un engagement qui comprenait des conditions de ne pas contacter la plaignante ni de se présenter à son domicile. L’appelant s’est rendu au domicile de la plaignante et lui a mentionné comment elle pouvait communiquer avec le bureau de la Couronne pour faire tomber les accusations portées contre lui. Il soutient qu’il n’y avait aucune intention criminelle en fournissant à la plaignante des renseignements sur la façon dont elle pouvait retirer les accusations.

Bien que l’appelant ait soulevé plusieurs moyens d’appel à la Cour d’appel (R. v Morrow, 2020 ABCA 407), la Cour suprême s’est contentée de répondre à la question relativement à la déclaration de culpabilité à l’entrave à la justice. Reprenant les motifs des juges majoritaires à la Cour d’appel, le juge Moldaver souligne que le dossier présentait assez d’éléments permettant au juge du procès de tirer l’inférence selon laquelle l’appelant a tenté par des moyens de corruption de dissuader la plaignante de témoigner. Il s’est présenté au domicile de cette dernière sans y être invité et a engagé avec elle une longue et pénible discussion au sujet de la procédure à suivre pour retirer les accusations ainsi que des raisons pour lesquelles elle avait porté ces accusations. La plaignante a témoigné que, du fait de cet échange, elle s’était sentie « contrainte de se montrer accommodante » envers l’appelant afin de l’amener à quitter sa demeure. Le juge Moldaver estime que la plaignante n’a présenté aucune demande de la sorte à l’appelant et elle ne comptait pas sur l’information qu’il a fournie, et n’était pas non plus intéressée à l’obtenir. Enfin, le juge Moldaver souligne que les personnes survivantes de violence conjugale sont particulièrement vulnérables aux actes d’intimidation et de manipulation. Par conséquent, la décision du juge du procès était raisonnable. L’appel est donc rejeté.

La juge Côté quant à elle, est dissidente. Selon elle, le texte de l’accusation exigeait la preuve que l’appelant avait tenté de dissuader la plaignante, « par des menaces, des pots-de-vin ou d’autres moyens de corruption, de témoigner ». Elle est d’avis que le comportement de l’accusé ne saurait être qualifié de « moyens de corruptions ». Il n’existe aucune preuve à cet effet. L’accusé a simplement fourni de l’information sur la procédure à suivre pour retirer des accusations.

 

Gill c. R, 2021 QCCA 883

https://canlii.ca/t/jg3vk

L’appelant se pourvoit contre le verdict prononcé en première instance, le déclarant coupable du chef d’accusation d’avoir eu la garde et le contrôle d’un véhicule à moteur alors qu’il avait les facultés affaiblies.

Les faits à l’origine du litige sont les suivants. Une fête est organisée pour célébrer la fin de la saison agricole, domaine dans lequel l’appelant exerce sa profession. Ce dernier y consomme de l’alcool, assuré qu’il n’aurait pas à conduire son véhicule. Il aurait quitté les lieux de la fête, accompagné d’une compagne, Mme Dondo, lui a remis les clés de la voiture et c’est elle qui a conduit le véhicule pour se rendre à l’hôtel. C’est elle qui était la conductrice lorsque le véhicule a heurté le mur du stationnement de l’hôtel, pour ensuite se stationner à l’hôtel.

À la suite de l’appel d’un préposé de l’hôtel qui se plaignait d’avoir vu un véhicule frapper le mur du stationnement, un policier se rend sur les lieux et rencontre Mme Dondo. Cette dernière mentionne au policier que l’appelant est en état d’ébriété. Elle ajoute que c’est celui-ci qui était le conducteur du véhicule qui a frappé le mur du stationnement de l’hôtel. Le policier constate une forte odeur d’alcool se dégageant de l’haleine de l’appelant et le met en état d’arrestation. Un constat d’infraction relativement à un délit de fuite avec un objet inanimé est délivré à l’appelant et celui-ci en a payé l’amende et les frais. Ni le constat d’infraction ni le document établissant le paiement n’ont été produits en preuve.

Les juges Schrager et Hogue accueillent l’appel tandis que le juge Lévesque l’aurait rejeté.

Selon le juge Schrager, le juge de première instance a commis une erreur de droit dans l’effet donné à l’article 162 du Code de procédure pénale et dans son appréciation de la preuve. Le fait que l’appelant était le conducteur n’était pas étayé par une preuve hors de tout doute raisonnable.

L’effet combiné du paiement du constat d’infraction et la présomption prévue à l’article 162 C.p.p., selon laquelle un tel paiement est considéré comme un plaidoyer de culpabilité, ne saurait suffire pour admettre que l’appelant était le conducteur et prouver un élément constitutif de l’infraction en litige. Le juge a erré en traitant le paiement du constat d’infraction comme un aveu de la conduite, soit l’actus reus de l’infraction criminelle. Les gens paient parfois des contraventions pour éviter l’inconvénient de contester sans toutefois admettre l’infraction comme un fait. La preuve de cet élément essentiel doit résulter d’un fait et non d’une présomption légale d’un plaidoyer de culpabilité qui suppose un aveu de la perpétration de l’actus reus d’une infraction provinciale. Il s’agissait d’une infraction au Code de la sécurité routière. Ainsi, le juge Schrager estime que la présomption d’innocence dans une affaire criminelle devrait résister à l’application d’une présomption prévue dans une loi provinciale. Utiliser une présomption légale de cette nature pour dissiper un doute quant à la culpabilité de l’appelant constituait une violation de la présomption d’innocence.

De plus, la Cour d’appel conclut que le juge devait avoir des doutes sur l’ensemble de la preuve quant à savoir qui conduisait puisque son raisonnement exigeait l’inférence du paiement du constat d’infraction pour accepter le témoignage de Mme Dondo sur ce point, qu’il croyait par ailleurs être une menteuse. En ce sens, la Cour est d’avis que le juge n’a pas correctement appliqué les critères de l’arrêt W.D. dans son raisonnement. Il était libre de ne pas croire l’appelant ou de ne pas trouver que son témoignage soulevait un doute. Cependant, le juge devait avoir un doute raisonnable sur l’ensemble de la preuve quant à savoir qui conduisait. L’appel est donc accueilli et l’appelant est acquitté.

Le juge Lévesque, dissident, aurait rejeté l’appel. Selon lui, l’appelant n’a pas renversé la présomption légale à l’article 162 C.p.p. par défaut d’explication crédible. Le paiement du constat constituait une preuve admissible et était un élément d’une preuve de comportement postérieur de l’appelant permettant d’inférer raisonnablement, à défaut d’explication crédible, que celui-ci était le conducteur fautif au moment de l’événement.