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Quatre arrêts récents de la Cour d’appel du Québec réaffirment l’importance du droit de la personne détenue de recourir à l’assistance de l’avocat de son choix sans délai

Me Kim Simard

 

Depuis plus de trente ans, la jurisprudence reconnaît l’importance du droit à l’avocat pour la personne détenue qui se retrouve impliquée dans un rapport de force face à l’appareil étatique. Le droit à l’assistance d’un avocat sans délai est souvent le seul moyen à la disposition du justiciable pour bien comprendre ses obligations et s’assurer que ses droits fondamentaux soient respectés.

En 2021, la Cour d’appel du Québec a rendu quatre arrêts qui examinent l’obligation qui incombe aux représentants de l’État de faciliter l’exercice de ce droit pour la personne détenue.

 

La présence d’un téléphone cellulaire doit être considérée afin de déterminer quand se présentera la « première occasion raisonnable » pour la personne détenue d’exercer son droit à l’avocat

Dans les arrêts Tremblay[1] et Freddi[2], la Cour d’appel examine la place qu’occupe le téléphone cellulaire de la personne détenue lorsque les policiers ont l’obligation de faciliter le recours à l’assistance d’un avocat à « la première occasion raisonnable ». Dans ces deux arrêts, entendus en même temps, les prévenus Tremblay et Freddi, détenus pour conduite avec facultés affaiblies, avaient demandé à appeler un avocat après avoir échoué le test de l’appareil de détection approuvé. Dans les deux cas, les policiers avaient maintenu que l’exercice du droit à l’avocat devait se faire au poste de police, invoquant des motifs de sécurité et de confidentialité.

Dans ces deux arrêts, la Cour d’appel est claire : la présence d’un cellulaire constitue une circonstance qui doit être prise en considération par les policiers au moment de voir quand se présentera « la première occasion raisonnable » de faciliter l’accès à un avocat (Tremblay, par. 77). Toutefois, cela ne signifie pas que les policiers sont obligés de laisser la personne détenue appeler son avocat sur place à l’aide d’un cellulaire à chaque fois; ils doivent néanmoins tenir compte de cette possibilité en déterminant quand sera la première occasion raisonnable pour permettre au détenu d’avoir accès à un avocat. 

 

Le droit de recourir à l’assistance de l’avocat de son choix 

Dans l’arrêt Blackburn-Laroche[3], la Cour d’appel se penche sur la question du délai raisonnable dont le détenu dispose pour contacter l’avocat de son choix. Dans cette affaire, les policiers avaient arrêté l’intimé Blackburn-Laroche pour avoir conduit avec les facultés affaiblies. Ce dernier avait mentionné aux policiers vouloir parler à un des deux avocats d’un même cabinet afin de se prévaloir de son droit à l’avocat. Les policiers avaient tenté de joindre un de ces deux avocats, sans toutefois laisser de message sur sa boîte vocale. Ils avaient alors invité l’intimé Blackburn-Laroche à contacter un avocat de l’aide juridique. La Cour d’appel affirme que les policiers avaient le devoir d’informer l’intimé qu’il pouvait attendre pendant un délai raisonnable qu’un des deux avocats répondent. Ainsi, l’intimé n’a pas bénéficié d’une possibilité raisonnable de communiquer avec l’avocat de son choix et, ce faisant, son droit garanti par l’alinéa 10b) de la Charte fut violé.

Dans l’arrêt Cyr-Desbois[4], l’appelante Cyr-Desbois avait demandé à utiliser son téléphone cellulaire pour contacter son père afin d’obtenir les coordonnées de l’avocat de la famille, mais les policiers avaient refusé sa demande et lui avait soumis une liste d’avocats de garde. Les tribunaux inférieurs ont reconnu que l’appelante Cyr-Desbois a vu son droit à l’assistance de l’avocat de son choix bafoué par les autorités lors de son arrestation pour conduite avec facultés affaiblies. Cependant, la Cour supérieure avait rejeté l’appel de madame Cyr-Desbois, qui demandait l’exclusion des échantillons d’haleine. La Cour d’appel mentionne que le droit à l’avocat de son choix n’est pas subordonné au fait que la personne connaît bien ou même très bien l’avocat en question, puisqu’une personne en état d’arrestation pourrait vouloir recourir aux services d’un avocat réputé sans l’avoir jamais rencontré. La Cour d’appel juge l’atteinte suffisamment grave pour exclure la preuve et prononcer l’acquittement de l’appelante.

 

Conclusion

Près de 34 ans après l’arrêt Manninen[5], la jurisprudence continue de façonner l’obligation qui incombe aux agents de l’État de faciliter l’exercice du droit à l’avocat pour la personne détenue.  Le droit à l’avocat vise à établir un équilibre entre le droit à la liberté et le pouvoir extraordinaire de détenir une personne contre son gré, ainsi qu’à assurer un processus décisionnel équitable entre la personne détenue et les agents de l’État. Comme le rappelle la Cour d’appel, la valeur psychologique d’une consultation confidentielle avec l’avocat de son choix ne doit pas être sous-estimée dans un contexte où la personne détenue doit connaître ses options afin de prendre une décision libre et éclairée.

 

[1] R. c. Tremblay, 2021 QCCA 24.

[2] Freddi c. R., 2021 QCCA 249.

[3] R. c. Blackburn-Laroche, 2021 QCCA 59.

[4] Cyr-Desbois c. R., 2021 QCCA 305.

[5] R. c. Manninen, [1987] 1 R.C.S. 1233.