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Condamnation pénale d'un employeur en raison de ses obligations SST

Le 9 avril 2024

 

PAR ME SHARLIE LAFRANCE

 

Dans quelles circonstances un employeur peut-il être condamné d’avoir compromis directement et sérieusement la santé, la sécurité ou l’intégrité physique ou psychique d’un travailleur par un tribunal criminel et pénal?

 

Dans la décision Commission des normes équité santé et sécurité du travail (CNESST) c. Maps Électrique inc., 2024 QCCQ 398, le travailleur, un électricien, tombe du toit sur lequel il travaillait et atterrit sur l’asphalte. Cette chute lui causera de multiples fractures. La Commission des normes, de l’équité et de la santé et sécurité du travail (ci-après, « CNESST ») reproche à l’employeur, Maps Électrique inc., d’avoir compromis directement et sérieusement la santé, la sécurité ou l’intégrité physique ou psychique du travailleur, commettant ainsi une infraction à l’article 237 de la Loi sur la santé et la sécurité au travail.

La Cour du Québec est donc appelée à déterminer s’il a été prouvé, hors de tout doute raisonnable, les éléments essentiels de l’infraction : 1) l’employeur pose un acte ou omet de poser un acte ; 2) causant directement ; 3) une compromission sérieuse de la santé, la sécurité ou l’intégrité physique ou psychique d’un travailleur. Dans l’affirmative, le tribunal doit déterminer si l’employeur a agi avec diligence raisonnable dans les circonstances.

La preuve permet de démontrer que les travailleurs affectés sur le toit cette même journée n’étaient pas attachés et qu’il y avait une absence de garde de corps ou autre protection contre les chutes. Le premier élément est donc rencontré, l’employeur a omis de protéger ses travailleurs lorsqu’ils travaillent sur un toit d’immeuble.

Ensuite, la CNESST doit prouver que le travailleur a été exposé à un danger normalement prévisible, et ce, hors de tout doute raisonnable. La Cour supérieure a déjà déclaré que le seul fait de se trouver en hauteur constitue un danger prévisible de chute. Ainsi, ce deuxième élément est prouvé.

Le troisième élément est aussi prouvé, notamment puisqu’une chute peut potentiellement causer des blessures graves, voir même le décès d’un travailleur qui tombe d’un toit. Il est donc clair que cette situation compromet sérieusement la santé, la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs.

Finalement, une fois l’infraction prouvée, le tribunal doit déterminer si l’employeur a agi avec diligence raisonnable. Cette diligence repose sur trois devoirs distincts et essentiels, soit la prévoyance, l’efficacité et l’autorité. Le devoir de prévoyance impose à l’employeur d’identifier les risques reliés au travail et de déterminer les mesures de sécurité appropriées. La preuve démontre que l’employeur n’a jamais identifié les risques de chute, malgré les travaux en hauteur prévue.

Le devoir d’efficacité impose que des moyens concrets soient mis en place pour assurer la sécurité des travailleurs. Or, le tribunal conclut notamment à l’absence de formation au moment de l’accident quant aux travaux en hauteur. La preuve révèle aussi l’inefficacité de la supervision du contremaitre sur le toit, étant lui-même sans protection au moment des événements. De plus, le devoir d’autorité impose une intolérance de l’employeur face aux conduites dangereuses qui peut se traduire par l’imposition de sanction, à titre d’exemple. En l’espèce, la preuve est muette à cet effet et donc, il est impossible de conclure que l’employeur a exercé son devoir d’autorité.

Le tribunal conclut que la défense de diligence raisonnable est insuffisante dans les circonstances. Le tribunal déclare donc l’employeur coupable de l’infraction reprochée, puisque tous les éléments constitutifs ont été prouvés. À défaut de se présenter aux auditions pour fixer la peine, l’amende minimale sera imposée, soit un montant de 18 157$ avec les frais.