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Congédiement administratif et bonne foi de l’employeur

Le 16 avril 2024

 

PAR ME BÉATRICE ROULX

 

Un arbitre de griefs a annulé le congédiement administratif d’une technicienne en travail social imposé par l’employeur en raison de divers manquements relatifs à la qualité de son travail.

Selon l’arbitre, la démarche entreprise par l’employeur avait pour réel objectif de faciliter son congédiement plutôt que de lui permettre d’améliorer la qualité de son travail.

 

L’affaire Centre intégré universitaire du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal et Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (Hara Photopoulos), 2024 QCTA 83 (a. Claude Martin – 6 février 2024) concerne le congédiement administratif d’une technicienne en travail social œuvrant pour l’employeur dans un CLSC. Ce dernier lui reprochait divers manquements relatifs à la qualité de son travail, lesquels ont mené l’employeur à débuter un suivi administratif en juillet 2019. Le syndicat a contesté le plan de redressement imposé par grief. Au terme du plan de redressement, en décembre 2019, elle fut retirée de ses fonctions, puis congédiée. L’employeur invoquait dans la lettre de congédiement que la travailleuse persistait à offrir une prestation de travail insatisfaisante et qu’elle avait fait l’objet de plaintes des usagers. Par la voie d’un second grief, le syndicat a contesté la mesure de congédiement. Le tribunal d’arbitrage, en l’espèce, était donc saisi des deux griefs.

L’arbitre Me Claude Martin établit d’entrée de jeu que les mesures prises par l’employeur sont de nature administrative. Selon lui, un employeur a le droit d’assurer la compétence de ses employés. Suivant cette prémisse, le plan de redressement constitue une mesure administrative et la rupture du lien d’emploi qui en découle est de la même nature. Ainsi, le rôle de l’arbitre est plus limité qu’en matière disciplinaire – il se limite à vérifier si la mesure est abusive, discriminatoire ou arbitraire. Il contrôle la rigueur de la démarche suivie par l’employeur.

Il a été mis en preuve que la travailleuse avait effectivement des lacunes au niveau de la rédaction des demandes de service. Elle était accompagnée et suivie pour ce problème depuis 2014. Le plan de redressement était donc fondé. Or, le tribunal conclut que même si l’employeur avait de sérieuses raisons d’imposer un plan de redressement à la salariée, la démarche qu’il a entreprise par la suite avait pour but de faciliter le congédiement de celle-ci plutôt que de lui permettre d’améliorer la qualité de son travail afin de satisfaire aux attentes.

L’arbitre, bien qu’il se serve des critères de l’arrêt Costco comme guide d’analyse de la démarche de l’employeur, précise qu’il faut éviter un exercice aveugle et systématique de l’application de ces critères. Selon lui, l’analyse doit s’articuler autour de trois conditions : (1) l’employeur doit démontrer que la salariée a été avisé de ses attentes ; (2) il doit s’assurer que la salariée a eu le soutien nécessaire pour satisfaire ces attentes et ; (3) il doit lui avoir donné l’occasion de corriger ses déficiences. Pour lui, tel était l’intention de la Cour d’appel dans l’arrêt précité, sans se limiter aux cinq critères de manière rigoureuse et aveugle. Il attache une importance particulière à la bonne foi de l’employeur dans le processus.

La preuve démontre, selon l’arbitre, que l’employeur n’avait pas réellement l’intention de replacer la salariée dans une autre catégorie d’emploi au sein de l’organisation. L’arbitre convient qu’il ne s’agit pas expressément d’un critère prévu par l’arrêt Costco, mais le seul fait de tenter de calquer la démarche enseignée par la Cour d’appel ne suffit pas. Cela ne témoigne pas de la bonne foi de l’employeur.

Le grief contestant le congédiement est accueilli, mais le grief contestant le plan de redressement est rejeté. Le congédiement est annulé et la réintégration de la plaignante est ordonnée, avec compensation pour le salaire et les avantages dont elle a été privée.