Le 16 avril 2024
PAR ME BÉATRICE PROULX
Le tribunal d’arbitrage est appelé à déterminer si, en vertu de la convention collective liant les parties, les avantages sociaux étaient liés au lien d’emploi ou à la prestation de travail.
Dans l’affaire Fraternité des policiers et policières de Longueuil inc. et Ville de Longueuil (3 avril 2024), a. Jean-Yves Brière, grief 2021-03 (disponible sur demande), plaidée par notre collègue Me Frédéric Nadeau, la Fraternité requérante avait déposé un grief au nom de deux policières dans le but de leur faire reconnaitre les avantages sociaux dont elles avaient été privées, dans deux cas de figure. La Fraternité contestait d’une part, le mode de calcul de la paie de vacances de Mme Lefebvre lorsqu’elle a pris sa retraite au terme d’une absence maladie et d’autre part, le fait que Mme Arsenault n’avait pas reçu le crédit de congés fériés auquel elle avait droit à son retour au travail à la suite d’une absence maladie.
L’interprétation syndicale voulait que les vacances ne soient pas reportables ou monnayables, sauf lors de la prise de retraite. Le policier continue de cumuler ses vacances durant la première année d’absence. Ainsi, selon la Fraternité, Mme Lefebvre avait droit de se faire payer ses vacances pour la période comprise entre le 1er mai 2020 et le 1er décembre 2020, période où elle ne travaillait pas. La Fraternité réclamait 140 heures de vacances, soit un prorata de 7/12 de 240 heures de vacances au total auquel elle avait droit étant donné son ancienneté. Concernant les congés fériés de Mme Arsenault, la Fraternité prétend qu’elle avait droit à 68,25h pour l’année 2020, soit le prorata des mois travaillés dans sa deuxième année d’absence (la première année d’absence, elle continue de bénéficier de son crédit de congés fériés).
Ultimement, la seule question qui se posait devant le Tribunal était de déterminer si les avantages sociaux sont liés au lien d’emploi ou à la prestation d’emploi, malgré les deux cas de figure différents. Pour la Fraternité, il suffit que le policier ait un lien d’emploi pour avoir droit au bénéfice (congés fériés ou vacances), et ce, qu’il fournisse ou non une prestation de travail. Dans le cas du policier qui quitte son emploi, il aura droit à un prorata pour les mois où il a été à l’emploi.
De prime à bord, notons que l’arbitre considère que les dispositions pertinentes de la convention collective sont claires, elles ne souffrent d’aucune ambiguïté.
Ainsi, relativement aux vacances, le Tribunal considère qu’il s’agit d’un avantage relié à la prestation de travail et non au lien d’emploi. Il arrive à cette conclusion en s’appuyant sur la définition de « service continu » prévue à la convention, puisque c’est le service continu qui donne droit aux vacances. Cette définition fait référence à « la période de temps fournie par un policier (…) ». Le terme « fourni » réfère nécessairement au fait de fournir des heures de travail et non « fournir » un lien d’emploi. L’arbitre appelle à la prudence, considérant le fait que toutes les conventions collectives sont différentes.
Ensuite, relativement aux congés fériés, le crédit de 117 heures de congés fériés est accordé sans égard aux heures travaillées. Au 15 décembre de chaque année, toutes les heures de congés fériés non prises sont monnayées au taux horaire régulier du policier. Le paragraphe 115 de la sentence explique bien le raisonnement suivi par l’arbitre : « En effet, le policier a droit à la totalité des heures fériées pour la première année de son absence. En somme, les parties ont voulu garantir au policier le droit au crédit de 117 heures pendant toute la première année d’absence et non pendant la première année de calendrier. » Ainsi, cet avantage est relié à l’existence du lien d’emploi pour la première année d’absence.
Le grief est partiellement accueilli. La réclamation de Mme Lefebvre est rejetée et la réclamation de Mme Arsenault est accueillie.
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