Le 26 mars 2024
PAR ME LYLIA BENABID
Le congédiement d’un employé qui a menti pour bénéficier d’un congé spécial auquel il n’avait pas droit au début de la pandémie est-il justifié ?
Dans l’affaire Hydro-Québec c. Roy, 2024 QCCS 687, la Cour supérieure rétablit un congédiement qui avait été annulé par un arbitre de grief à l’encontre d’un travailleur qui faisait partie de l’équipe « 24/7 » d’Hydro-Québec, soit une équipe qui s’occupe d’activités qualifiées de services essentiels, consistant notamment à répondre aux appels de services d’urgence (911) de toute la province, aux appels de pannes du service d’électricité et autres.
En prenant en compte de circonstances atténuantes, l’arbitre avait accueilli un grief à l’encontre d’un congédiement en imposant plutôt une suspension de 18 mois. L’arbitre s’était appuyé notamment sur les six ans d’ancienneté du plaignant et son dossier disciplinaire vierge. La Cour rappelle cependant que le cœur du raisonnement de l’arbitre reposait sur le contexte socio-sanitaire, soit les circonstances entourant le début de pandémie. De plus, la prise en compte du dossier disciplinaire vierge n’est pas déterminante considérant l’existence d’une clause d’amnistie dans la convention collective.
La Cour supérieure rétablit le congédiement en soulignant les multiples erreurs de l’arbitre qui s’est écarté de la raisonnabilité dans le contexte factuel du dossier. Un fondement décisionnel qui apporte une caution à une conduite moralement scandaleuse est déraisonnable selon la Cour.
La Cour rappelle les conclusions factuelles incontestées de la sentence arbitrale : le plaignant travaillait au sein d’un service essentiel; il a proféré un mensonge prémédité et répété; il a abandonné les membres de son équipe à leur sort; il n’a admis les faits que lors de l’audience devant l’arbitre et ce, du bout des lèvres; il n’a exprimé aucun remords, jugeant, au contraire, que sa conduite avait été acceptable; il rejette le blâme sur son supérieur, qu’il juge peu compatissant.
Malgré ces conclusions accablantes, l’arbitre banalise les gestes du plaignant en les qualifiant d’« erreurs de jugement » et déresponsabilise son comportement en considérant qu’il s’est « empêtré » dans son mensonge, sans pouvoir s’en sortir. La Cour rappelle, en ces termes, l’importance de l’honnêteté et de l’intégrité dans le monde du travail :
[21] Dans le monde du travail, l’honnêteté et l’intégrité sont des valeurs non négociables. Elles ne sont pas à géométrie variable au gré des circonstances. Aucun facteur extrinsèque ne peut ni justifier ni atténuer une telle malhonnêteté, laquelle contrevient non seulement à l’obligation de loyauté de l’employé, mais aussi à son obligation d’honnêteté, sans oublier celle d’exécuter sa prestation de travail.
[22] On a tort de banaliser et de relativiser la malhonnêteté. L’honnêteté est le ciment de la société. La société malhonnête d’aujourd’hui est la société corrompue de demain.
[23] Voilà une contrainte juridique que l’arbitre a fait défaut de respecter. C’est donc à tort que le syndicat plaide que, en considérant le contexte socio-sanitaire comme facteur atténuant, l’arbitre restait à l’intérieur de la sphère d’analyse qui lui était propre.
[24] Le comportement du plaignant est d’autant plus choquant qu’il mettait en péril le fonctionnement d’un service essentiel, plaçant ses intérêts personnels au-dessus de ceux de la société, manquant ainsi non seulement à ses obligations professionnelles, mais aussi à ses obligations civiques.
Considérant les nombreux mensonges du plaignant pour bénéficier d’un congé spécial auquel il n’avait pas le droit et le fait que l’arbitre reconnaît, que n’eût été le rôle qu’il a attribué au contexte socio-sanitaire, il aurait maintenu le congédiement, le renvoi devant un autre arbitre est superflu.
Le pourvoi en contrôle judiciaire est accueilli et le congédiement du plaignant est rétabli.
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