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La Reine c. Audette

DISPOSITIF

Le 29 janvier 2018, l’Hon. Thierry Nadon J.C.Q. acquitte l’accusé, M. Jean Audette, des cinq (5) chefs d’accusation reprochés (Fraude, vol, avoir utilisé et amené à utiliser des documents contrefaits et abus de confiance).

R. c. Audette

FAITS 

L’accusé était directeur général adjoint à la grande fonction des enquêtes criminelles de la Sureté du Québec (SQ). Dans le cadre de ses fonctions, l’accusé a exécuté l’ordre du directeur général, M. Richard Deschesnes de payer les honoraires de M. Denis Despelteau à même le budget de dépenses spéciales d’opération (DSO).

  1. Despelteau était un acteur essentiel dans la négociation du contrat de travail et dans le règlement de conflits aux ressources humaines de la SQ. Sa nomination relevait du ministre de la Sécurité publique. À la suite de l’entrée en vigueur d’une nouvelle règlementation, M. Despelteau devait obtenir une attestation émise par Revenu Québec afin contracter avec la SQ. Étant aux prises avec des problèmes avec Revenu Québec, il était dans l’impossibilité d’obtenir ladite attestation. L’accusé n’était pas informé de l’étendue des problèmes de M. Despelteau.

POSITION DE LA DÉFENSE

La défense plaide l’ignorance et l’exercice en toute légalité de son pouvoir discrétionnaire dans le cadre de la gestion du fond de dépenses spéciales d’opération non assujetti aux règles usuelles en matière de dépenses publiques.

ANALYSE

D’emblée, le juge Nadon indique que l’attestation de Revenu Québec n’était pas requise par Despelteau afin qu’il puisse contracter avec la SQ. Le juge poursuit tout de même l’analyse pour chacun des chefs reprochés.

Fraude

 

Le juge Nadon rejette l’interprétation restrictive de la nature des dépenses spéciales d’opération proposée par la couronne. Les DSO étaient d’application variable d’un dirigeant à l’autre. Il y a un pas qui n’a pas été franchi entre des lacunes sur le plan administratif et une fraude. L’accusé n’était pas au courant de l’étendue des problèmes contractuels et des problèmes au sujet de l’attestation de Revenu Québec de M. Despelteau. Il n’a pas fait preuve d’aveuglement volontaire. L’accusé recevait des ordres de son patron qui concernaient un homme de confiance de la SQ. Une personne raisonnable, au courant des pratiques établies et des circonstances particulières de l’affaire ne conclurait pas à la malhonnêteté. Il n’y a pas eu de dissimilation de faits importants. Le Tribunal ne retient pas non plus le mensonge ni la supercherie. L’acte prohibé n’a donc pas été prouvé hors de tout doute raisonnable. Au surplus, ni la privation, ni la connaissance subjective que l’acte prohibé pourrait causer un préjudice à autrui n’ont été prouvés. En conclusion, aucun des éléments essentiels de l’infraction de fraude n’a été prouvé hors de tout doute raisonnable.

Vol

Le Tribunal conclut que l’accusé n’a pas pris frauduleusement et sans apparence de droit les sommes d’argent. Le juge Nadon applique mutatis mutandis les conclusions de l’analyse de la preuve sur le chef de fraude. Il ne retient pas la position du ministère public selon laquelle le paiement dans les comptes personnels de Despelteau aurait dû soulever des questions. Cette position fait fi de l’utilisation historique des DSO et des explications données par l’accusé sur le contrat qu’il croyait propre à Despelteau. Le Tribunal estime aussi que le ministère public n’a pas prouvé hors de tout doute raisonnable que l’accusé avait l’intention de priver le Gouvernement du Québec ou la SQ de ses droits quant aux sommes payées.

User de documents contrefaits et amener des employés de la fonction publique ou des membres de la SQ à se servir des documents contrefaits, à savoir les comptes d’honoraires et les formulaires 042042

 

Il n’a pas été prouvé hors de tout doute raisonnable que les documents étaient contrefaits, pas plus qu’il n’a été démontré que l’accusé en avait connaissance ou qu’il a fait preuve d’aveuglement volontaire. Les comptes d’honoraires de Despelteau contiennent une partie du travail effectué par ce dernier, le nombre total d’heures facturées étant plus élevé que le nombre d’heures facturées. La situation est la même pour les formulaires 042042. Les documents ne prétendaient pas être autre chose que ce qu’ils étaient.

Abus de confiance

Cette infraction met en cause l’intégrité des fonctionnaires et protège les fondements du fonctionnement démocratique. Il importe de tracer la ligne entre l’erreur de jugement, la faute administrative et l’acte criminel en suivant les enseignements de l’arrêt Boulanger de la Cour suprême. En l’espèce, le ministère public allègue l’abus de confiance par la fraude. Le Tribunal ayant déjà disposé de l’accusation de fraude, il rejette l’accusation d’abus de confiance. L’analyse des normes de responsabilité et de conduite que lui impose sa charge ou son emploi doit s’inscrire dans le cadre de la pratique applicable aux DSO. Le Tribunal ne considère pas qu’il lui appartient d’émettre des commentaires sur la nécessité de changer, clarifier ou mieux encadrer les normes applicables. De plus, le Tribunal conclut que l’accusé n’a pas agi à d’autres fins que l’intérêt public.