Merci de vous inscrire à notre infolettre.
Infolettre
Si vous souhaitez recevoir de nos nouvelles, il suffit d’entrer votre adresse courriel dans la boîte ci-contre.
Veuillez remplir les champs correctement.

Ordonnance de sauvegarde : l’obligation pour une salariée de choisir entre son emploi à temps plein et ses obligations parentales constitue un préjudice sérieux

Le 19 mars 2024

PAR ME NADER AL-KURDI

 

Récemment, dans le cadre d’une demande d’ordonnance de sauvegarde, le tribunal d’arbitrage a déterminé qu’une salariée devait être réintégrée à son horaire de jour puisque la décision de l’employeur la force à choisir entre son emploi à temps plein et ses responsabilités parentales. 

 

Dans l’affaire Syndicat des travailleuses et travailleurs des centres d’hébergement du Grand Montréal (CSN) et Providence Notre-Dame-de-Grâce (Guerda Louis-Jacques), 2024 QCTA 31 (a. Me Michael McCrory, 23 janvier 2024 – disponible sur SOQUIJ), le Syndicat dépose une plainte en vertu de l’article 59 du Code du travail à la suite de la modification unilatérale par l’employeur de l’horaire d’une salariée infirmière auxiliaire. Le Syndicat, étant nouvellement accrédité, allègue que son consentement était requis étant donné que l’horaire de travail constitue une condition de travail, que les droits au lock-out ou à la grève n’étaient pas exercés et que les parties n’ont pas convenu d’une convention collective. C’est dans le cadre de ce litige que le Syndicat demande au Tribunal d’arbitrage une ordonnance de sauvegarde visant à ordonner à l’employeur de réintégrer la salariée sur son ancien quart de travail de jour dont elle bénéficiait depuis seize ans, par opposition à son horaire modifié qui est désormais de soir.

Le Tribunal souligne le caractère exceptionnel d’une ordonnance de sauvegarde, et rappelle les critères permettant son octroi : (1) une apparence de droit, (2) l’existence d’un préjudice sérieux ou irréparable, et (3) la balance des inconvénients qui penche en faveur du requérant. Le Tribunal décide également de prendre en compte le critère de l’urgence, intégré dans l’évaluation du critère de l’existence d’un préjudice sérieux ou irréparable.

Les parties reconnaissent qu’il y a apparence de droit, critère que le Tribunal reconnait également et qui, ultimement, ne fait pas débat. Sur la question du préjudice sérieux ou irréparable, le Tribunal considère que le Syndicat, au moment de la demande, est placé dans une position de vulnérabilité, et que la modification unilatérale de l’horaire de la salariée affaiblit l’autorité de ce dernier. Une décision accueillant la plainte sur le fond ne pourra adéquatement réparer ce déséquilibre.

Concernant la salariée, le Tribunal juge que la modification d’horaire la force à choisir entre son emploi à temps plein et ses responsabilités parentales, ce qui implique et impliquera pour plusieurs mois des conséquences économiques pour elle. En effet, étant donné la modification d’horaire, celle-ci doit dorénavant se limiter à quatorze heures de travail par semaine plutôt que de trente-cinq. Ces circonstances constituent manifestement un préjudice sérieux qui présente un caractère d’urgence.

Pour ce qui est de la balance des inconvénients, elle penche nettement en faveur du Syndicat, puisque le rapport de force sera extrêmement difficile, voire impossible à réinstaurer de façon rétroactive entre celui-ci et l’employeur, et qu’en raison de la modification d’horaire, la salariée se trouve à travailler uniquement deux jours par semaine. De plus, le refus de travailler le soir peut entrainer des conséquences disciplinaires importantes pour la salariée allant jusqu’au congédiement.

Le Tribunal accueille donc en partie la demande d’ordonnance de sauvegarde et ordonne à l’employeur de réintégrer la salariée dans son horaire de travail précédent la modification d’horaire.