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Refus de promotion à titre de cadre supérieur, grief ou action civile ?

Dans un milieu syndiqué, est-ce que le refus de l’employeur de nommer un salarié à un poste de cadre supérieur est une matière pouvant faire l’objet d’un grief ? La réponse à cette question est cruciale car elle permettra de déterminer le tribunal compétent et, au surplus, de clarifier l’obligation de juste représentation du syndicat en semblable matière.

La Cour d’appel du Québec s’est récemment prononcée sur la question dans l’arrêt Larivière c. Ville de Montréal (Service de police de la Ville de Montréal)[1].

Dans cette affaire, Roger Larivière, policier retraité du SPVM, a déposé une requête introductive d’instance en dommages contre son ex-employeur alléguant notamment que ce dernier a commis une faute en refusant de le nommer à titre de commandant, un poste cadre non syndiqué. D’elle-même, la juge de première instance saisie du litige a soulevé la question de sa compétence sur la requête de Monsieur Larivière puisque ce dernier est un policier syndiqué au moment où sa promotion comme commandant est refusée.

L’article 27.09 de la convention collective des policiers de Montréal énonce :

« Le policier non satisfait d’une mesure disciplinaire, d’une mesure administrative au sens du sous-paragraphe a) du paragraphe 27.08 ou d’un refus de promotion ou d’une évaluation peut faire un grief. »

La juge de première instance estime qu’il n’est pas certain que la convention collective ne s’applique pas à Monsieur Larivière concernant le refus de promotion et renvoie ainsi le litige à un arbitre pour qu’il statue sur la compétence de la Cour supérieure, à la lumière de la convention collective. C’est cette décision qui est portée en appel.

D’emblée, la Cour d’appel affirme que la juge de première instance a commis une erreur en renvoyant le dossier à un arbitre pour statuer sur sa propre compétence. La Cour supérieure se doit de trancher elle-même la question de sa propre compétence sur un litige. Elle ne peut, au nom de la déférence, refuser de trancher la question et déférer le dossier à un arbitre de grief pour qu’il se prononce sur sa compétence exclusive.

Sur la question précise de la compétence de la Cour supérieure, la Cour d’appel conclut que la réclamation de monsieur Larivière ne tombe pas dans le champ d’application de la convention collective des policiers du SPVM.

En premier lieu, le certificat d’accréditation de la Fraternité des policiers et policières de Montréal ne vise pas le poste de commandant puisque le syndicat est accrédité pour représenter « [t]ous les employés policiers à savoir : les cadets policiers, les constables, les sergents de police, les lieutenants de police, les capitaines de police, les sergents-détectives et les capitaines-détectives ». Aucune mention des commandants n’y est faite.

En second lieu, la convention collective contient des dispositions qui définissent expressément les employés qu’elle régit en y excluant les cadres de commandement.

Ainsi, en l’absence d’une disposition explicite contraire, lorsque les parties emploient le terme « promotion » dans la convention collective en cause, elles ne peuvent viser que les promotions à des grades syndiqués de sergent, sergent-détective, lieutenant, lieutenant-détective, capitaine et capitaine-détective.

Le présent litige relatif au refus de promotion à un poste de commandant ne résulte ni expressément ni implicitement de la convention collective. L’essence du litige n’a aucun lien avec le champ d’application de la convention collective et les faits en litige ne découlent ni implicitement ni explicitement de la convention collective.

Conséquemment, la réclamation de Monsieur Larivière n’est pas un sujet pouvant faire l’objet d’un grief. La compétence exclusive d’un arbitre de grief est respectée lorsqu’un salarié syndiqué poursuit, devant les tribunaux de droit commun, son employeur pour avoir refusé de le nommer à titre de cadre.

Cet arrêt est majeur puisque la Cour d’appel vient indirectement clarifier le rôle des syndicats confrontés avec des litiges semblables. L’obligation de juste représentation ne s’étend pas aux litiges de refus de promotions à titre de cadre, lorsque cette matière n’est pas explicitement couverte par la convention collective.


[1] Larivière c. Ville de Montréal (Service de police de la Ville de Montréal), 2017 QCCA 957.