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Veille juridique du 25 octobre 2022

 

SECTION DROIT DU TRAVAIL

GÉNÉRAL

M. C. et Centre intégré universitaire de santé et services sociaux du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal – Centre hospitalier de Verdun, 2022 QCTAT 4663

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jsh2j>

La travailleuse dépose une réclamation à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail afin de faire reconnaitre son trouble d’adaptation à titre de lésion professionnelle. Elle souhaite également déposer en preuve une partie d’un enregistrement d’une discussion entre la gestionnaire et la conseillère en relations de travail, qu’elle a captée à la suite d’une rencontre et alors qu’elle avait quitté la pièce et qu’elle ne participait plus à l’échange.

Le Tribunal conclut que les discussions au cours desquelles une conseillère en relations de travail prodigue des conseils à son client, comme en l’espèce, sont de nature confidentielle. En effet, on peut s’attendre à ce qu’un gestionnaire ventile ou exprime sa vulnérabilité suite à une rencontre tendue. Ainsi, ces discussions font partie du domaine de la vie privée des participants et l’enregistrement entrave ce droit.

Le Tribunal retient toutefois qu’une atteinte à un droit fondamental peut être justifiée pour des motifs rationnels et lorsque les moyens choisis sont raisonnables. En l’espèce, il conclut que la travailleuse possède des motifs rationnels d’enregistrer la conversation. En effet, au moment de la rencontre, le syndicat a déposé plusieurs griefs contestant des décisions de l’employeur. Ainsi, elle cherche à recueillir une preuve pour démontrer que les propos et comportements de ce dernier sont hostiles. De plus, la travailleuse ne se sent pas bien assistée par son syndicat et une plainte en vertu de l’article 47.2 du Code du travail était pendante au moment de la rencontre. Le Tribunal considère donc qu’elle était justifiée d’enregistrer la rencontre. Il conclut également que le moyen choisi est rationnel puisqu’il permet d’atteindre l’objectif.

Quant au caractère raisonnable du moyen, le Tribunal considère qu’il est le moins intrusif possible puisque l’enregistrement dure 15 minutes, il ne capte que les paroles et il ne s’agit pas d’une surveillance continue. Ainsi, l’atteinte à la vie n’est qu’apparente et se justifie au sens de l’article 9.1 de la Charte québécoise et l’enregistrement est admissible en preuve.

Quant à la lésion professionnelle, le trouble d’adaptation, le Tribunal conclut qu’il résulte d’un événement imprévu et soudain, survenu par le fait ou à l’occasion du travail. En effet, il retient que l’employeur abuse de son droit de gestion à l’égard de la travailleuse, en n’agissant pas de manière équitable, et que toute personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances serait déstabilisée par le comportement de celui-ci.

De plus, le Tribunal retient que l’événement imprévu et soudain est la cause du trouble d’adaptation de la travailleuse. L’apparition de ses symptômes est concomitante aux événements, jusqu’à culminer le 17 septembre 2018, lorsqu’elle est relevée de ses fonctions. La situation vécue par la travailleuse dépasse donc le cadre normal, prévisible et habituel du travail. Le Tribunal conclut que la travailleuse a subi une lésion professionnelle.

Félicitations à Me Miriane Bouthillier pour son travail dans ce dossier!

 

Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 307, 2022 CanLII 95860

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jsfl1>

Le travailleur est à l’emploi de la Ville de Saint-Lambert (ci-après « employeur ») depuis 2013 et il occupe les fonctions d’ouvrier de parcs. La destruction d’un garage municipal est prévue pour octobre 2021 et les cols bleus se voient assigner la tâche de le vider. Le travailleur, en vidant le garage, remarque une armoire métallique jaune et, selon sa version, demande à son supérieur s’il peut la prendre. Ce dernier lui donne la permission en répondant « il faut que ça parte ». Le supérieur témoigne toutefois à l’effet qu’il a seulement donné la permission au travailleur de prendre du bois puisque c’est ce que la directive prévoit.

Le 17 octobre 2021, le travailleur se rend au garage et prend l’armoire métallique en plus d’une feuille de métal. Le 16 novembre 2021, il est avisé que son congédiement sera recommandé au conseil municipal. C’est le 22 novembre 2021 que le congédiement pour vol est entériné.

Le Tribunal conclut qu’il n’y a pas de doute que le travailleur a pris une feuille de métal et une armoire métallique sur le terrain de l’employeur. C’est l’existence ou non de la permission donnée par le supérieur qui est litigieuse en l’espèce. Il est retenu qu’il n’y a pas de preuve que la directive à l’effet que seul le bois peut être pris par les employés a été diffusée et connue de tous. Ainsi, le Tribunal ne peut conclure que le travailleur devait savoir qu’il ne pouvait prendre l’armoire métallique. Quant à la permission obtenue par le supérieur, le Tribunal retient la version du travailleur et conclut que ce dernier avait toutes les raisons de croire qu’il était autorisé à prendre l’armoire métallique. Il n’avait donc pas l’intention de commettre un vol. Il n’en est cependant pas de même pour la feuille de métal étant donné que le travailleur n’a jamais demandé la permission pour la prendre.

Le Tribunal souligne qu’on ne peut conclure à la commission d’un vol si l’employé pensait en toute bonne foi avoir le droit de prendre l’objet. De plus, il mentionne que bien que le travailleur n’ait pas eu l’autorisation de s’emparer de la feuille de métal, un doute demeure quant à son intention d’en priver l’employeur. Or, le Tribunal conclut que le travailleur savait qu’il devait demander la permission et qu’il a commis une faute en ne le faisant pas. Cette faute ne justifie cependant pas le congédiement.

Une suspension de trois jours est substituée au congédiement.

Félicitations à Me Isabelle Leblanc pour son travail dans ce dossier!

 

APTS – Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (CPS et APTMQ) c. Centre universitaire de santé McGill, 2022 QCTAT 4304

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/js3sz>

L’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (ci-après « syndicat ») dépose une plainte en vertu de l’article 12 du Code du travail contre le Centre universitaire de santé McGill (ci-après « CUSM »), alléguant que ce dernier a entravé sa liberté d’association et d’expression en mettant fin à une marche silencieuse qui se déroulait à l’intérieur du site Glen.

Au printemps 2020, en raison de la COVID-19, le gouvernement instaure une prime de 8% ajoutée au salaire pour le personnel de première ligne dans certains établissements de santé et services sociaux et de 4% pour les travailleurs de la santé œuvrant dans d’autres secteurs. Au mois de septembre 2021, le syndicat entreprend une campagne de revendication afin que l’ensemble de ses membres reçoivent la prime de 8%. Un rassemblement est prévu le 8 septembre 2021 au site Glen du CUSM.

Lors du rassemblement, le chef du Service de la sécurité contacte Suzanne Mailloux, la cheffe de service pour les relations de travail et ressources humaines, afin de lui indiquer que des personnes sont réunies dans l’atrium du Glen et qu’un agent est intervenu pour leur demander d’aller à l’extérieur. Un conseiller syndical contacte ensuite Mme Mailloux pour se plaindre de l’intervention de l’agent de sécurité puisqu’ils ont le droit de manifester à l’intérieur de l’établissement. Cette dernière répond qu’ils peuvent manifester à l’extérieur.

Le CUSM fait valoir différents moyens pour soutenir que la liberté d’expression n’est pas absolue. Il prétend notamment, s’appuyant sur l’article 100 de la Loi sur la santé et les services sociaux, qu’en raison de la nature de ses activités, il ne peut tolérer aucun type de manifestation dans ses installations. Le Tribunal conclut que cette disposition est assujettie à la Charte québécoise, qui garantit la liberté d’expression, une composante essentielle des relations de travail. La vocation de l’établissement ne peut servir de frein à la liberté d’expression sans aucun discernement. Ainsi, le CUSM a agi de manière précipitée en mettant fin au rassemblement. De plus, la preuve démontre qu’il a cherché à tout prix à éviter que la marche ait lieu à l’intérieur ou à l’extérieur de ses installations. Ce faisant, il compromet le droit à la liberté d’expression du syndicat de manifester de manière pacifique.

Le Tribunal conclut qu’en interdisant toute manifestation dans ses installations, le CUSM cherche à entraver les activités du syndicat. Cette décision n’est pas le fruit d’une mise en balance proportionnée des droits protégés par la Charte québécoise et ne prend pas en considération les valeurs fondamentales prévues à celle-ci.

Le syndicat demande au Tribunal de condamner le CUSM à des dommages moraux et punitifs. Aucune preuve n’a été faite en lien avec les dommages moraux, ainsi il n’y a pas lieu d’en accorder. Quant aux dommages punitifs, le Tribunal retient que le CUSM savait qu’en interdisant le rassemblement, il nuirait au syndicat. Ainsi, il octroie des dommages-intérêts punitifs au montant de 5000$.

 


 

POLICIERS ET POLICIÈRES

Rien à signaler.

 


 

TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

Rien à signaler.

 


 

POMPIERS ET POMPIÈRES

M. et Ville de Lévis, 2022 QCTAT 4470

Disponible ici :  <https://canlii.ca/t/js8dv>

Le travailleur allègue avoir subi une synovite post-traumatique du genou droit alors qu’il fermait une valve d’alimentation en eau d’un boyau d’arrosage, qui a fait un contrecoup et qui l’a frappé au-dessus de la rotule, entrainant une extension brusque de sa jambe. La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail refuse la réclamation du travailleur. Ce dernier conteste cette décision devant le Tribunal.

Le Tribunal conclut que la description de l’événement livrée par le travailleur est crédible et qu’il n’existe pas de raison de douter que le boyau d’arrosage ait fait un contrecoup, ce qui constitue un événement imprévu et soudain. Toutefois, il retient que la preuve ne démontre pas de relation causale entre la synovite et le coup subi par le boyau d’arrosage.

En effet, le travailleur admet n’avoir ressenti aucune douleur au moment où il a été frappé, il a terminé son quart de travail et a travaillé le lendemain. Ce n’est que trois jours plus tard qu’il ressent une légère douleur et il consulte un médecin sept jours après l’événement. Le diagnostic de synovite post-traumatique est posé lors de la deuxième consultation et le médecin note un épanchement du genou droit depuis un trauma subi au travail. Or, le travailleur témoigne à l’effet que l’épanchement est apparu cinq jours après l’événement. De plus, le témoignage du médecin apporte peu de détails sur le fait accidentel et sur ce qui permet d’établir la relation causale, malgré le délai d’apparition de la douleur.

Le Tribunal conclut que le délai d’apparition des symptômes de la synovite est trop long pour la relier à l’événement imprévu et soudain. La réclamation du travailleur est rejetée.

 


 

ARTISTES

Rien à signaler.

 


 

SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRAL

Étienne c. R., 2022 QCCA 1397

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jsf8m>

L’appelant a été reconnu coupable d’une infraction de meurtre en première instance. La Cour d’appel devait se prononcer sur deux moyens soulevés par l’accusé: 1) le verdict du jury du procès est déraisonnable; 2) le juge du procès a commis une erreur en autorisant une preuve qui n’aurait pas dû être présentée au jury.

Au sujet du premier moyen d’appel, selon l’appelant, la preuve d’intoxication aurait dû, en droit, amener le jury à conclure qu’il subsistait un doute raisonnable sur son intention de tuer la victime ou de lui causer des lésions corporelles qu’il savait être de nature à causer sa mort, et qu’il lui était indifférent que la mort s’ensuive ou non.

L’évaluation de la preuve, soit l’attribution d’une valeur à la crédibilité et à la fiabilité de celle-ci, est une pure question de fait et relève exclusivement du jury. Le jury était entièrement libre de croire en totalité, en partie ou aucunement les témoignages et la preuve.

Pour déterminer si le verdict est raisonnable ou non, le tribunal d’appel doit se demander non seulement si le verdict s’appuie sur des éléments de preuve, mais également si la conclusion du jury ne va pas à l’encontre de l’ensemble de l’expérience judiciaire.

Le succès d’une défense d’intoxication peut varier en fonction de l’infraction et le degré d’intoxication doit être particulièrement avancé pour opposer une telle défense à certains types d’homicides où la mort est la conséquence évidente des actes commis. Planter un couteau dans le milieu du dos d’un être humain avec force est un geste dont les conséquences paraissent évidentes. Dans la présente affaire, la preuve de consommation d’alcool et de drogue était approximative et la consommation s’est étendue sur une période de plusieurs heures.

Au sujet du deuxième moyen d’appel concernant l’admission d’une preuve, le juge de première instance a rejeté une objection et a permis la preuve d’une déclaration de l’appelant au chef portier d’un bar peu de temps avant les faits. La preuve est contemporaine à l’affrontement et est probante quant à une question en litige : l’état d’esprit de l’appelant. L’exercice de pondération de la valeur probante et de l’effet préjudiciable de cette preuve relève de l’exercice d’une discrétion qui commande la déférence lorsque le juge s’est bien dirigé en droit.

Selon la preuve présentée, le jury pouvait écarter la défense d’intoxication et conclure que l’appelant avait, au moment d’agir, l’intention de tuer ou de causer des lésions corporelles qu’il savait être de nature à causer la mort et qu’il lui importait peu que la mort en résulte ou non.

Le verdict était donc raisonnable et l’appel est rejeté.

 

R. c. Lévesque, 2022 QCCQ 6808

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jsf8g>

Une peine de 6 ans d’emprisonnement est imposée à une enseignante ayant notamment plaidé coupable au chef d’accusation de contacts sexuels à l’endroit d’un enfant âgé de 8 ans auquel elle offrait des services de tutorat.

La Cour rappelle les grands principes en matière de détermination de peine et l’objectif de toute peine qui est de contribuer, parallèlement à d’autres initiatives, à la prévention du crime, au respect de la loi et au maintien d’une société juste, paisible et sûre par l’imposition de sanctions justes. En effet, la peine vise à la fois les objectifs punitifs et curatifs suivants : dénoncer le comportement illégal et le tort causé par le délinquant à la collectivité, dissuader de façon générale et individuelle, isoler au besoin le délinquant et favoriser sa réinsertion sociale, assurer la réparation des torts causés à la collectivité et amener la prise de conscience par le délinquant de ses responsabilités.

La détermination de la peine est un exercice hautement discrétionnaire, puisque le Tribunal peut choisir de donner préséance à certains objectifs et facteurs aggravants ou atténuants afin de prononcer la peine qu’il juge adéquate. La peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant. Bien que l’on doive chercher à harmoniser la peine avec celles habituellement infligées pour des infractions semblables, l’individualisation demeure un critère important de la détermination de la peine.

En l’espèce, la Cour analyse l’ensemble des facteurs pour établir le degré de responsabilité de l’accusée et la peine à appliquer, notamment la nature et la gravité intrinsèque de l’infraction, la fréquence de l’infraction, l’abus de confiance et d’autorité en tant qu’enseignante, les conséquences des infractions sur la victime, le comportement post-délictuel, l’âge de l’accusée, l’écart d’âge entre l’accusée et la victime, les conséquences négatives pour la famille de l’accusée, la vulnérabilité de la victime ainsi que les facteurs atténuants (comme le plaidoyer de culpabilité, la collaboration de l’accusée avec le Directeur de la protection de la jeunesse et les policiers ainsi que l’absence d’antécédent judiciaire).

La Cour rappelle que la protection des enfants est une valeur fondamentale dans la société canadienne. Les enfants ont le droit de vivre leur enfance à l’abri de la violence sexuelle. L’abus sexuel des jeunes enfants est un fléau et un crime particulièrement odieux puisqu’il s’exerce contre des êtres sans défense, souvent facilité par une relation affective ou de confiance, qu’il traumatise la victime et la prive d’un développement normal de sa propre sexualité. Même un incident isolé de violence sexuelle risque d’altérer à jamais la vie d’un enfant. Les tribunaux doivent faire savoir que ce type de crime répugne à notre société et les peines imposées doivent refléter le fait que la société ne tolère pas ce type de crime. En matière de crimes sexuels commis sur des enfants, les objectifs de dénonciation et de dissuasion doivent se voir accorder une importance particulière. Sauf exception, une peine d’emprisonnement s’impose en matière d’abus sexuel sur des enfants. De plus, la Cour rappelle que pendant longtemps, l’existence même de femmes agresseurs sexuelles a été complètement niée et que l’abus sexuel d’enfants est un crime sous-dénoncé, surtout lorsque l’agresseur est une femme.

Dans les circonstances, le Tribunal conclut que la peine proposée par le poursuivant est une peine juste, raisonnable et proportionnelle.

L’accusée est condamnée à purger une peine de six ans d’emprisonnement.