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Veille juridique du 3 mai 2022

SECTION DROIT DU TRAVAIL

GÉNÉRAL

 

Syndicat des travailleuses et travailleurs de Rolls-Royce Canada – CSN c. Rolls-Royce Canada limitée, 2022 QCTAT 1701 (CanLII) (j.a Jacques David)

https://canlii.ca/t/jnqgg

Dans cette affaire, dans le cadre d’une demande d’ordonnance visant à faire sanctionner une violation aux dispositions anti-briseurs de grève prévues aux articles 109.1 à 109.4 du Code du travail (ci-après, la « Code »), le syndicat demande du Tribunal administratif du travail (ci-après, le « TAT ») de rendre une ordonnance provisoire, selon l’article 9 de la Loi instituant le Tribunal administratif du travail et l’article 111.33 du Code. Le syndicat soutient que depuis le déclenchement d’un lock-out et d’une grève le 15 mars 2022, l’employeur utilise des briseurs de grève, soit quatre salariés opérateurs de machines fixes compris dans l’unité de négociation en grève, un superviseur et un ingénieur compris dans une autre unité de négociation.

L’employeur est une entreprise spécialisée dans les services d’entretien de moteurs d’avions civils et militaires. Quant aux autres opérateurs de machines fixes qui sont compris dans l’unité de négociations, l’employeur se défend d’utiliser leur service en invoquant l’article 109.3 du Code, qui prévoit qu’un employeur peut prendre les moyens nécessaires pour éviter la destruction ou la détérioration grave de ses biens. Ces salariés opèrent des systèmes de chauffage, de réfrigération, de traitement des eaux, de procédéschimiques ainsi que de traitement des eaux usées, de rinçage de ces procédés, de stockage ou distribution de gaz naturel ou industriel et de carburants. Selon l’employeur, ceux-ci ne font qu’exercer des fonctions conservatoires, lesquelles ne visent pas à permettre la continuation de l’exploitation des activités de production. Au contraire, le syndicat plaide que l’employeur n’a pas démontré l’existence de danger imminent ou appréhendé. Il ajoute que le critère de difficulté n’est pas prévu à l’article 109.3. Il s’agit là simplement d’un argument de commodité qui ne permet pas l’exception à la règle qui interdit l’utilisation de briseurs de grève.

Dans ses motifs, le TAT retient que les dispositions du Code relatives aux mesures anti‑briseurs de grève doivent être considérées comme un tout. Il souligne que le syndicat invoque l’article 109.1 qui prohibe, selon lui, le recours aux opérateurs de machines fixes alors que l’employeur invoque de son côté avoir le droit de les utiliser dans le contexte particulier de l’article 109.3 du Code. La situation doit être analysée dans son ensemble. Dans ces circonstances, il n’y a pas, selon le TAT, d’apparence de droit pour le syndicat à obtenir l’ordonnance qu’il demande au stade provisoire. Ensuite, le juge conclut que le syndicat ne fait pas valoir un préjudice sérieux et irréparable qui justifierait l’intervention immédiate du TAT. Finalement, le juge dernier considère que le poids des inconvénients pour chacune des parties à l’égard d’une ordonnance provisoire se compare. Cela ne milite pas en faveur de l’émission d’une ordonnance provisoire. Cependant, il y a lieu de statuer rapidement sur la demande d’ordonnance permanente afin de clarifier les droits des parties en plein conflit de travail.

La demande d’ordonnance provisoire est rejetée.

 

 

SOS Violence Conjugale c. Syndicat du personnel des organismes communautaires (SPOC-CSQ), 2022 QCTAT 1776 (CanLII) (j.a. François Beaubien)

 https://canlii.ca/t/jnrbt

Dans cette affaire, l’employeur, un organisme sans but lucratif qui opère une ligne centrale d’urgence d’accueil, d’évaluation et de référence, demande au Tribunal administratif du travail (ci-après, le « TAT ») d’ordonner aux parties de maintenir des services essentiels en cas d’une grève déclenchée par le syndicat.  L’employeur admet qu’il n’est pas visé expressément à l’article 111.0.16 du Code du travail (ci-après, le « Code ») énumérant les entreprises ou organismes considérés comme un « service public ». Toutefois, se basant sur les dispositions de l’article 111.0.17 du Code, il allègue que le TAT doit déclarer que la nature de ses opérations le rend assimilable à un tel service et ordonner aux parties de maintenir des services essentiels en cas de grève. Quant au syndicat, il est d’avis que la nature des activités de l’employeur ne le rend pas assimilable à un service public, mais que si le TAT décidait du contraire, une grève ne compromettrait pas la santé ou la sécurité publique.

Le TAT examine les activités de l’employeur à l’aune des caractéristiques permettant de déterminer s’il s’agit d’un service public. Il en conclut que l’employeur offre un service répondant à une mission publique et que le service s’adresse à une collectivité. De plus, nul doute, selon le TAT, que la problématique de la violence conjugale, de son impact sur les victimes et de l’augmentation notable des cas dans les dernières années, a une importance capitale dans la vie quotidienne du public. Ensuite, il constate que le service est offert de façon ininterrompue, qu’il répond à des besoins essentiels, d’intérêt général et que le service est fourni de façon universelle à la population. Finalement, le TAT conclut qu’il n’existe pas de véritable service de substitution à ceux rendus par l’employeur. Il conclut donc que la nature des activités de l’employeur le rend assimilable à un service public.

Le TAT constate également que l’interruption d’au moins un des services qu’il rend peut avoir pour effet de mettre en danger la santé ou la sécurité publique. Le Tribunal ordonne donc aux parties de maintenir des services essentiels en cas de grève.

 

 


 

POLICIERS ET POLICIÈRES

 

Fraternité des policiers et policières de la régie de police Thérèse-De-Blainville inc. c. Régie intermunicipale de police Thérèse-De-Blainville, 2022 CanLII 32524 (QC SAT)

https://canlii.ca/t/jnvk4

Dans cette affaire, le plaignant, un policier occupant un poste au service de la circulation, a été congédié par l’employeur en raison de différents manquements, dont le non-respect des heures de repas et le vol de temps, cela au terme d’une longue enquête. Les faits sont les suivants. Il fut porté à la connaissance de l’employeur que le plaignant avait pris l’habitude de prendre de longues pauses dans des restaurants, cela à l’extérieur des heures de repas qui, selon la convention collective, devaient être prises entre 11h00 et 14h00. L’inspecteur-chef demande alors, en 2016, à un inspecteur de mener une enquête. Celui-ci décide de comparer les informations des rapports d’activités quotidiennes (RAQ) du plaignant avec les rapports de localisation GPS du véhicule qu’il utilisait durant cette période. Cet exercice lui permet de constater que le rapport situe le véhicule du plaignant en position arrêtée devant divers restaurants différents pendant de longues périodes, à trente reprises sur les trente-six quarts de travail de jour effectués par le plaignant durant cette période. Il note ainsi pour l’ensemble de la période comprise entre le 3 mars et le 21 septembre 2016, que le plaignant a consacré à la prise de pauses ou de repas 782 minutes de plus que le maximum autorisé en vertu de la convention collective. Il constate en outre trois sorties non autorisées du territoire. Une surveillance sur la route de l’auto-patrouille du plaignant est par la suite effectuée, laquelle permet de confirmer les résultants de la première phase de l’enquête.

En avril 2017, le plaignant est informé qu’il fait l’objet d’une enquête disciplinaire et que l’on attend de lui un changement dans ses comportements. Le 8 mai 2017, le directeur adjoint demande à l’inspecteur chargé de l’enquête de vérifier si le plaignant s’est plié aux exigences de l’employeur depuis la réunion du 6 avril. La surveillance de l’auto-patrouille du plaignant se poursuit. Comme aucune amélioration n’est constatée, le 12 juin 2017, le directeur adjoint signifie par huissier au plaignant, un avis de convocation disciplinaire dans lequel sont énumérés par le menu les différents reproches formulés au plaignant. Cette rencontre se tient le 20 juin 2017. Son congédiement est par la suite recommandé par le directeur adjoint.

Sur le fond, le tribunal conclut qu’il n’y a pas matière à intervenir dans la décision de l’employeur de congédier le plaignant. Au sujet des heures de repas et des pauses repos, le tribunal juge que cette faute répétée constitue de l’insubordination et ne justifie pas à elle seule le congédiement. Cependant, l’ensemble des autres reproches étant justifiés (non-respect des points primaires, insubordination, vol de temps) l’arbitre juge que la mesure imposée se situe dans la fourchette des mesures justes pouvant raisonnablement être imposées à la suite des manquements prouvés par l’employeur. L’arbitre s’attarde particulièrement au vol de temps. Selon lui, il s’agit de l’infraction la plus grave commise par le plaignant. Il rappelle que la jurisprudence se montre généralement fort sévère à l’égard de ce type d’infractions. En l’espèce, les années d’expérience du plaignant et la nature même de son travail de policier constituent des facteurs aggravants, l’employeur et la société en général étant en droit de s’attendre d’un représentant des forces de l’ordre à une conduite exemplaire au chapitre de l’honnêteté.

Le grief est rejeté.

 

 

Plainte à l’encontre de l’arbitre Me Truchon, Comité de discipline de la conférence des arbitres du Québec, 22 avril 2022 (Me Joëlle L’Heureux, présidente, Monsieur Denis Gagnon, Me Jean-Yves Brière)

Disponible ici.

La Fraternité des policiers de Terrebonne (ci-après, « la Fraternité ») a déposé une plainte au Comité de discipline de la Conférence des arbitres du Québec (ci-après, « le Comité ») à l’encontre des agissements de l’arbitre Me André Truchon. La plainte reproche à celui-ci un comportement contraire à l’éthique professionnelle, plus particulièrement de ne pas avoir satisfait aux obligations de dignité, d’intégrité et d’impartialité prévues aux articles 2 et 7 du Code de déontologie de la Conférence des arbitres du Québec.

Les faits sont les suivants. Me Truchon siège à titre de président d’un Conseil de règlement des différends (ci-après, « le CRD »), dont le mandat porte sur le renouvellement de la convention collective entre la Fraternité et la Ville de Terrebonne. L’audience en est à l’étape des moyens préliminaires soulevés par la Fraternité : cette dernière demandait la suspension de l’instance devant le CRD pour divers motifs.

Le 15 juillet 2021, le président de la Fédération témoigne devant le CRD. À l’occasion d’une pause, le témoin reste dans la salle, de même qu’une observatrice et les trois membres du CRD. Ces derniers se mettent à discuter entre eux. C’est alors que le président et l’observatrice entendent Me Truchon dire que les policiers vivent dans un monde de licornes et que, à la base, les policiers remettent en question le processus du CRD et que c’était à eux de montrer aux policiers comment les choses fonctionnent. La Fraternité a demandé aux membres du CRD de se récuser. Une décision du CRD rejette la demande de récusation. La Fraternité a logé un pourvoi en contrôle judiciaire que la Cour supérieure a accueilli en partie, ordonnant à Me Truchon de se récuser.

Le Comité conclut que le comportement de Me Truchon constitue un accroc aux articles 2 et 7 du Code de déontologie, particulièrement en ce qui a trait à l’impartialité requise et à l’obligation de se comporter avec dignité :

[24]  Dans le contexte décrit, l’utilisation de l’expression « monde de licornes », qui fait référence à un monde fantaisiste, ne peut être que péjorative envers les parties impliquées, même si Me Truchon nie avoir associé ladite expression aux policiers. Son explication sur le sens qu’il a voulu lui donner, faisant référence à la société en général, est trop vague pour être retenue.

[25]  Me Truchon réitère devant le Comité que son approche se voulait pédagogique.

[26]  Avec égards, cette affirmation revient à dire, d’une autre façon, qu’il devait montrer aux policiers comment les choses fonctionnaient. Le problème est justement là. Ces propos démontrent une absence d’ouverture de la part de Me Truchon face aux arguments qui étaient présentés, et illustrent l’expression d’une opinion bien arrêtée autant sur la valeur du moyen préliminaire, que sur la démarche globale de la Fraternité, et ce avant d’avoir entendu les parties.

Le Comité souligne que l’impartialité d’un décideur ne signifie pas qu’il ne puisse s’exprimer sur le sujet qui lui est soumis. Il doit cependant être en mesure d’évaluer en toute ouverture, respect et impartialité les positions des deux parties, et ce en toute circonstance.

Le Comité émet un blâme à l’endroit de Me Truchon.

 


 

TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

 

Rien à signaler.

 


 

POMPIERS ET POMPIÈRES

 

Saint-Rémi (Rémi) c. Association des pompiers de Saint-Rémi, 2022 CanLII 31992 (QC SAT) (Me Pierre-Georges Roy)

https://canlii.ca/t/jntvx

Dans cette affaire, le syndicat conteste la décision de l’employeur de ne pas payer un montant spécifié à la convention collective pour ce que le syndicat considère comme un rappel au travail. Il s’agit, pour l’essentiel, d’une question d’interprétation du texte de la convention collective. L’article 9.02 de cette convention fixe une rémunération correspondant à trois heures de salaire lorsqu’un salarié est rappelé pour toutes tâches qui impliquent une présence au travail pour une durée inférieure.

Le plaignant a travaillé à des activités normales le 21 septembre 2020, jusqu’à ce qu’il retourne à sa résidence en fin d’après-midi. Il s’est ensuite déplacé pour un appel d’urgence vers 16h46 avant de revenir à nouveau à sa résidence vers 17h30. Il est à nouveau retourné au travail vers 19h00 pour une réunion déjà programmée. Pour la période correspondant au rappel d’urgence, l’employeur lui a remis 2,25 heures de salaire, jugeant qu’il y avait chevauchement entre cette période et celle débutant à 19h00, qui était déjà programmée.

Selon le syndicat, ces trois périodes de travail sont distinctes et justifient le paiement de la rémunération prévue à la convention collective. Pour l’employeur, il serait inacceptable qu’un salarié reçoive une double rémunération. Le plaignant a été payé pour chacune des heures de travail qu’il a effectuées le 21 septembre 2020 et qu’il ne peut donc réclamer un montant de rémunération additionnel.

L’arbitre se dit d’avis que la règle mise en place par l’article 9 de la convention collective est d’assurer une rémunération minimale à un salarié qui doit se présenter au travail à la suite d’un appel d’urgence : les parties ont prévu une indemnité permettant de compenser l’inconvénient causé par le rappel au travail pour une courte durée. La convention collective prévoit même qu’un deuxième rappel au travail qui en suit un autre de près pouvait donner droit au paiement d’une deuxième indemnité.

L’arbitre rejette l’argument de l’employeur selon lequel les heures de travail du plaignant se chevauchent, entre 19h00 et 19h45, et qu’il ne peut être payé en double pour des heures de travail dans de telles circonstances :

[34]       L’argument présenté par la partie patronale n’est donc pas bien fondé. Il s’agit en effet d’une situation où il faut respecter l’intention des parties qui, dans le contexte très particulier du travail de pompier à temps partiel, ont choisi de compenser adéquatement toutes les situations d’appels au travail de courte durée. Je ne nie évidemment pas que cela puisse avoir des effets qui paraissent surprenants pour la partie patronale. J’en ai cité un précédemment. Il y en a assurément plusieurs autres. C’est toutefois là l’intention claire des parties et elle ne peut être mise en échec pour les motifs avancés par l’employeur.

Le plaignant avait clairement droit au paiement des heures de travail exécutées entre 8h00 et 16h00, ainsi que de celles consacrées à la rencontre des officiers, de 19h00 à 23h00. Pour ce qui est du rappel au travail, sa rémunération, peu importe le nombre d’heures réellement travaillées, doit être équivalente à trois heures de travail.

Le grief est accueilli.

 


 

ARTISTES

 

Rien à signaler.

 


 

SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRAL

 

R. c. Dussault., 2022 CSC 16

https://canlii.ca/t/jnwr3

Dans cet arrêt, la poursuite se pourvoit contre un arrêt de la Cour d’appel du Québec qui a annulé la déclaration de culpabilité de meurtre contre l’intimé et ordonné un nouveau procès. L’intimé a été arrêté relativement à des accusations de meurtre et d’incendie criminel. Il a été informé de ses droits et emmené au poste de police, où il a parlé au téléphone avec un avocat durant dix minutes. Son avocat et lui ont mis fin à l’appel, croyant que les policiers avaient accepté de leur permettre de continuer leur conversation au poste de police. Quand l’avocat est arrivé au poste, les policiers ne l’ont pas laissé rencontrer l’intimé. Avant que ce dernier ne parle à nouveau avec son avocat, il a été interrogé et a fait une déclaration incriminante.

La question en litige dans cette affaire consiste à décider si les policiers ont donné à l’intimé une possibilité raisonnable de consulter un avocat, et plus particulièrement, s’ils avaient l’obligation de lui donner une possibilité additionnelle de consulter un avocat avant de l’interroger.

Selon la Cour, même si l’appel téléphonique constituait une consultation complète en soi, les policiers avaient néanmoins l’obligation de donner à l’intimé une seconde possibilité de consulter l’avocat. Ils ne l’ont pas fait, en conséquence, ils ont violé les droits que l’al. 10b) de la Charte garantit à l’intimé. S’appuyant sur les principes de l’arrêt R. c. Sinclair, la Cour réitère qu’un détenu a droit à une seconde possibilité de consulter un avocat lorsqu’il existe des indices objectivement observables que la conduite des policiers a miné les conseils juridiques qui ont été fournis pendant la première consultation. L’objet de l’art. 10b) de la Charte consiste à fournir à la personne détenue la possibilité d’obtenir des conseils juridiques propre à sa situation juridique et visent à faire en sorte que la décision du détenu de coopérer ou non à l’enquête soit à la fois libre et éclairée. La réalisation de l’objet l’article 10b) sera contrecarrée par une conduite policière qui amène le détenu à mettre en doute l’exactitude juridique des conseils qu’il a reçus ou la fiabilité de l’avocat qui les a donnés. Dès lors, il est justifié de dire qu’une telle conduite policière mine les conseils juridiques qu’un détenu a reçus.

En l’espèce, deux actes distincts des policiers ont eu pour effet de miner les conseils juridiques donnés par l’avocat et d’induire l’intimé en erreur. Le premier est lorsque l’avocat a avisé l’intimé qu’il se rendait au poste de police pour le rencontrer et que dans l’intervalle il serait placé en cellule et devrait garder le silence. En refusant de permettre à l’avocat de rencontrer l’intimé, les policiers ont faussé une prémisse importante des conseils de l’avocat. Le deuxième survient lors de l’interrogatoire de l’intimé. Ce dernier a à maintes reprises verbalisé que son avocat serait présent. Il a d’ailleurs exprimé son incompréhension relativement au fait que son avocat ne s’était pas présenté. Lorsque ces déclarations sont considérées dans leur ensemble, il est évident qu’il existe des indices objectivement observables que les conseils juridiques donnés à l’intimé ont été minés. Ainsi, la conduite des policiers dans la présente affaire a eu pour effet d’amener l’intimé à croire qu’une consultation en personne avec son avocat aurait lieu, et qu’il n’était pas venu au poste en vue de cette consultation.

L’appel est rejeté et la déclaration incriminante est écartée en application du paragraphe 24(2) de la Charte.

 

 

R. c. Lévesque, 2022 QCCA 510

https://canlii.ca/t/jnnpg

Dans cet arrêt, l’intimé a participé à un événement au cours duquel un groupe de personnes est allé remettre à un journaliste, dans les bureaux de l’employeur de ce dernier, un trophée satirique en réponse à un article qu’il avait rédigé. À la suite de son procès, l’intimé a été acquitté relativement à 4 chefs d’accusation : entrée par effraction, méfait, harcèlement criminel et intimidation. Le ministère public se pourvoit à l’égard des verdicts d’acquittement prononcés pour les accusations d’introduction dans un endroit par effraction avec l’intention d’y commettre un acte criminel et d’avoir commis un méfait.

La Cour estime que la juge a commis trois erreurs de droit en écartant l’application de la présomption prévue à l’article 350 b) (ii) C.cr. La première consiste à excuser l’introduction par effraction au motif que les événements s’étaient déroulés pacifiquement et que l’intimé exerçait sa liberté d’expression. Cet argument ne constitue pas une justification ou une excuse légitime pour écarter la présomption. La seconde se retrouve dans la référence à l’article 2b) de la Charte.  Le crime d’introduction par effraction dans un local privé dans l’intention d’y commettre un acte criminel ne met pas en cause la liberté d’expression comme cela est le cas pour les endroits ouverts au public. Finalement, la juge commet une erreur en important le moyen de défense prévu à l’article 430 (7) du Code criminel pour l’appliquer à l’introduction par effraction. L’intimé ne pouvait bénéficier de ce moyen de défense, car il ne s’est pas contenté de communiquer un message dans un local privé : il a commis des gestes qui n’étaient pas raisonnablement nécessaires pour ce faire. Il a, de plus, eu recours à un autre acte criminel que le méfait afin de communiquer son message, soit celui de s’être introduit par effraction dans les locaux.

En ce qui concerne la mens rea, la juge a erré en concluant à la présence d’une preuve contraire suffisante pour repousser la présomption prévue à l’article 348 (2) a) du Code criminel. La preuve contraire devait tendre à susciter un doute raisonnable quant à l’intention de l’intimé. Que l’intimé ait eu l’intention de commettre un acte criminel avec le moins de heurts possible ne permet pas de conclure autrement qu’il agissait tout de même avec l’intention de le commettre.

Quant à l’interprétation du mot « jouissance », en droit criminel, la personne qui jouit légitimement d’un bien a nécessairement un intérêt suffisant dans celui-ci pour en faire un usage sans entrave. Les droits de propriété, de possession ou d’usage d’un bien impliquent d’en tirer les satisfactions que ce bien est censé procurer à son détenteur légitime. Ainsi, la juge a commis une erreur en limitant son analyse aux seuls inconforts vécus par les employés lors de l’interruption de leur travail par le groupe conduit par l’intimé, alors qu’elle devait diriger son attention sur l’incidence que les gestes ont eue sur la jouissance et l’exploitation du local.

Néanmoins, même si les accusations d’introduction par effraction dans un dessein criminel et de méfait sont distinctes, elles s’inscrivent dans la même transaction criminelle. Par conséquent, la règle interdisant les condamnations multiples trouve application.

L’appel est accueilli. L’arrêt des procédures à l’égard de l’accusation de méfait est prononcé. Le verdict d’acquittement pour l’accusation introduction par effraction dans un dessein dangereux et substitué par celui de culpabilité.