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Veille juridique du 31 août 2021

 

SECTION DROIT DU TRAVAIL 

GÉNÉRAL

 

Syndicat du transport de Montréal et Société de transport de Montréal (Serge Éric Toguila), 2021 QCTA 376

https://soquij.qc.ca/portail/recherchejuridique/ConsulterExtExpress/9B52567307285CBD2EEA374E9E3CAB62?source=EXPTRAV

Dans ce dossier, l’arbitre Me Nathalie Faucher est saisie de cinq griefs contestant des avis écrits et le congédiement du plaignant. Les quatre premiers griefs contestent des lettres de l’employeur par lesquelles il rappelait le plaignant au travail ou, à défaut, lui demandait de signer des autorisations d’accès à ses dossiers médicaux. Le dernier grief conteste la décision de l’employeur de mettre fin à l’emploi du plaignant au motif d’avoir refusé de se conformer aux demandes initiales.

Le Tribunal doit d’abord déterminer si les mesures imposées au plaignant sont de nature administrative ou disciplinaire. Le syndicat est d’avis qu’il s’agit de sanctions disciplinaires. L’arbitre conclut plutôt que le congédiement est de nature administrative. En effet, malgré le langage utilisé dans les lettres contestées, les menaces de sanctions disciplinaires ne se sont jamais réalisées. L’employeur a préféré une approche purement administrative en lien avec l’inexécution des obligations contractuelles des parties. Les lettres, y incluant celle du congédiement, avaient pour objectif de faire le suivi de l’organisation et de l’assiduité au travail du plaignant et non de punir ou faire corriger un comportement. Ce type de contrôle est purement d’ordre administratif.

Cela dit, le Tribunal doit déterminer ensuite si les mesures administratives prises par l’employeur sont justifiées.

Bien que la convention collective permette à l’employeur de faire examiner le salarié absent pour cause de maladie par le médecin de son choix, le rôle de ce médecin se limite à décider si l’absence est justifiée et à déterminer la date à laquelle le salarié sera apte à reprendre le travail. Ainsi, l’examen médical est limité aux seuls aspects de la santé du salarié qui peuvent constituer une inaptitude ou une incapacité totale ou partielle à exercer ses fonctions. Dans ce cas-ci, l’employeur ne pouvait ignorer le certificat médical préalablement produit par le plaignant et le rappeler au travail. Le seul recours prévu à la convention collective pour gérer cette situation étant de le faire examiner par le médecin de son choix. Or, cet examen n’a jamais eu lieu et l’employeur a préféré demander au plaignant de consentir à donner l’accès à ses dossiers médicaux.

[69] Un tel texte constitue une autorisation extrêmement large puisqu’elle vise la totalité du dossier médical de M. Toguila et n’est pas limitée à l’invalidité empêchant ce dernier à reprendre ses fonctions. L’accès demandé pouvait permettre au médecin de prendre connaissance de conditions médicales que le plaignant n’avait peut-être pas envie de partager avec son employeur et qui mettaient en cause son intimité et sa vie privée.

[…]

[74] Or, il n’est pas inutile de rappeler que, dans le présent cas, le mandat du médecin est limité aux seuls aspects de la santé du salarié qui sont à la base de son invalidité (art. 9.07 (2) de la convention collective). Il faut donc que la demande de renseignements soit circonscrite en conséquence. L’expertise ne peut se transformer en une expédition de pêche.

Ce faisant, le Tribunal retient que les demandes d’accès aux dossiers médicaux étaient trop larges puisqu’elles visaient la totalité du dossier médical du plaignant, ce qui pouvait inclure des informations non nécessaires et n’ayant aucun lien avec l’invalidité à la source du litige. Conséquemment, les actions de l’employeur, soit de forcer le plaignant de signer les autorisations et de mettre fin à son lien d’emploi, sont déraisonnables.

[96] En conséquence, il était manifestement déraisonnable de le forcer à signer ces autorisations d’accès, dont la portée excédait nettement les aspects sur lesquels le médecin avait à se prononcer et contrevenait à la clause 9.07 de la convention collective. Il en est de même de la rupture du lien d’emploi, puisque celle-ci repose sur le refus du plaignant de fournir ces informations médicales et sur son défaut de reprendre son emploi, alors que son absence était motivée.

Les griefs sont accueillis et le lien d’emploi est rétabli.

 

Ville de Gracefield et Syndicat des travailleuses et travailleurs de la Ville de Gracefield – CSN (Anne Saint-Amour), 2021 QCTA 390

https://soquij.qc.ca/portail/recherchejuridique/ConsulterExtExpress/9623C12449F1CEF5A48CD20F0345467E?source=EXPTRAV

Dans cette affaire, le Tribunal se prononce sur la compétence que possède un arbitre pour réunir et entendre des griefs alors que l’une des parties s’y oppose. Dans les faits, le syndicat dépose un grief pour harcèlement psychologique dont le Tribunal est actuellement saisi. Ensuite, il dépose quatre autres griefs mettant en cause la même salariée et des manquements de même nature et demande au Tribunal de joindre ceux-ci au premier pour qu’ils fassent tous l’objet d’une seule et même instruction. De l’avis du syndicat, l’article 100.2 du Code du travail accorde de vastes pouvoirs à l’arbitre, dont l’autorisation de joindre des griefs lorsque les circonstances le justifient. En l’occurrence, il est d’avis que les griefs déposés s’inscrivent dans le prolongement de l’affaire initiale et que l’intérêt de la justice serait mieux servi si tous les griefs étaient réunis. La durée de l’instruction en serait grandement réduite et les coûts afférents aussi. Pour sa part, l’employeur s’y oppose au motif que chacun des cinq griefs découle de faits distincts et non concomitants.

L’arbitre analyse l’étendue des pouvoirs qui lui sont conférés en vertu de l’article 100.2 C.tr.. À cet effet, bien que cet article accorde indubitablement à un arbitre une vaste compétence en matière de procédure et de preuve, l’arbitre doit d’abord avoir été valablement saisi d’un grief afin de pouvoir exercer cette compétence. En ce sens, la compétence de l’arbitre à l’égard d’un grief est tributaire de la décision conjointe des parties de lui confier le mandat de le trancher. Il en est de même de la réunion de griefs, laquelle ne peut avoir lieu que dans trois situations. Or, ces situations ne trouvent pas application dans le présent dossier.

[14] Quelles que soient les considérations qui l’expliquent, cependant, un arbitre ne peut réunir des griefs que dans trois circonstances. La première est celle qui est à l’origine de la décision de l’arbitre Lamy. Le tribunal est déjà saisi des affaires qu’une partie veut joindre à l’instance qu’il entreprend. La deuxième trouve sa source dans la convention collective que l’arbitre est invité à interpréter ou appliquer. La décision de l’arbitre Nathalie Faucher, dans Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec et Agence du revenu du Québec en est une illustration. Les parties avaient expressément prévu une procédure permettant à un arbitre d’entendre une requête pour joindre des griefs. Enfin, des griefs peuvent être réunis à la demande conjointe des deux parties. La demande du Syndicat, dans la présente affaire, ne s’inscrit pas dans le contexte de l’une ou l’autre de ces circonstances.

La demande en réunion de griefs est rejetée.

 

Perri c. Alimentation l’Épicier inc., 2021 QCCQ 6326

https://www.canlii.org/fr/qc/qccq/doc/2021/2021qccq6326/2021qccq6326.pdf

La Cour du Québec est saisie d’une demande en réclamation de dommages-intérêts. Le demandeur réclame de son ancien employeur le versement d’un boni et le paiement des heures supplémentaires effectuées mais qui n’ont pas été rémunérées. De plus, par le biais d’une demande reconventionnelle, le demandeur réclame le paiement de dommages non-pécuniaires ainsi que le remboursement d’honoraires extrajudiciaires engagés pour se défendre lors d’une poursuite dont la défenderesse s’est désistée trois (3) ans plus tard, et ce, à quelques jours du procès.

À propos du boni, la Cour considère que la preuve est insuffisante pour déterminer si le demandeur a rempli les conditions nécessaires pour être éligible au bonus de performance. Il en est autrement pour les heures supplémentaires. En fait, lors de l’embauche du demandeur, l’employeur ne lui a jamais fait part du fait qu’il serait tenu de travailler une fin de semaine sur deux. L’organisation du travail chez l’employeur entraînait des séquences de travail de 12 jours consécutifs, et ce, pendant plusieurs mois. En imposant cette obligation, l’employeur a substantiellement modifié les conditions de travail auxquelles le demandeur avait consenti à l’embauche. Par conséquent, toutes les heures supplémentaires effectuées doivent être rémunérées au taux de salaire majoré de 50 %.

La Cour du Québec se prononce ensuite sur la demande reconventionnelle. Dans les faits, le demandeur annonce le lundi 22 janvier 2018 son intention de quitter l’entreprise. Malgré qu’il donne à ce moment un préavis de deux semaines, l’employeur lui demande de quitter immédiatement. Or, trois jours plus tard, l’employeur lui fait parvenir, par l’intermédiaire de ses avocats, une mise en demeure lui reprochant d’inciter d’autres employés, sous-traitants, fournisseurs et autres prestataires de services à mettre fin à leur relation avec l’entreprise. Moins de dix jours plus tard, l’employeur fait parvenir une seconde mise en demeure par laquelle elle lui réclame la somme de 50 000 $ à titre de dommages, sans fournir aucune explication relative au montant. Moins d’un mois plus tard, l’employeur dépose la demande introductive d’instance. Il s’ensuit plusieurs procédures, dont des interrogatoires au préalable et des dépôts de pièces en vue de l’audition. Les parties sont informées en mars 2020 que le procès est fixé du 11 au 14 mai 2021. Néanmoins, l’employeur signe un acte de désistement de la demande introductive d’instance en date du 3 mai 2021, soit quelques jours avant le début du procès.

À la lumière de cette trame factuelle, le juge se montre particulièrement sévère dans ses propos à l’égard de la conduite patronale. En effet, une entreprise dont le chiffre d’affaires s’élève à plusieurs dizaines de millions de dollars ne peut faire abstraction de l’intensité de la pression qu’elle exerce sur un ancien employé en décidant de le poursuivre en justice. Le rapport de force entre les parties est disproportionné. Dans l’exercice de la bonne foi de ses droits civils, cette entreprise doit se montrer particulièrement soucieuse des conséquences que peut produire chez un employé dont le salaire était de 50 000 $ l’obligation de faire face à une réclamation de 84 999 $. En l’espèce, la Cour considère que la séquence des événements donne toutes les apparences d’une tentative d’intimidation et de représailles plutôt que d’un exercice légitime et de bonne foi du droit d’ester en justice pour protéger ses intérêts.

[68] Une telle conduite, dans les circonstances relatées ci-dessus, contrevient à la norme de conduite d’une personne raisonnable et constitue une utilisation abusive et excessive des procédures judiciaires. Elle engage la responsabilité d’Alimentation envers M. Perri et justifie la réclamation de celui-ci pour les honoraires d’avocat qu’il a encourus pour se défendre à la réclamation d’Alimentation.

La demande reconventionnelle est accueillie en partie. La Cour accorde des sommes de 5 000 $ à titre de dommages non-pécuniaires et de 4 876 $ à titre de remboursement d’honoraires extrajudiciaires.

 

Fortin et Collège Ahunstic, 2021 QCTAT 3080

https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2021/2021qctat3080/2021qctat3080.pdf

La travailleuse dépose une contestation au Tribunal administratif du travail à l’encontre des décisions de la CNESST ayant refusé la réclamation par laquelle elle alléguait avoir été victime de harcèlement psychologique. Par un moyen préliminaire, l’employeur allègue que la travailleuse a renoncé à exercer son recours ou s’est désisté de celui-ci dans le cadre de transactions intervenues entre les parties.

Dans les faits, la travailleuse cesse de travailler le 12 janvier 2018. À ce moment, elle dépose un premier grief par lequel elle prétend avoir été victime de harcèlement psychologique. Le 28 mars 2018, elle dépose une réclamation à la CNESST pour les mêmes faits. Le lendemain, l’employeur avise la travailleuse dans une lettre qu’il ne va pas la réengager. Un second grief est donc déposé. Ensuite, le 18 juin 2018, la travailleuse dépose une plainte, en vertu de l’article 32 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (ci-après « LATMP »), dans laquelle elle allègue une relation entre la réclamation déposée à la CNESST et la lettre de l’employeur.

Par la suite, des discussions ont lieu entre les parties et aboutissent à deux transactions, signées en décembre 2018. Par la première transaction, la travailleuse se désiste de sa plainte contre l’employeur en échange d’une somme d’argent. On y prévoit une quittance générale. La seconde transaction, impliquant cette fois-ci la travailleuse, l’employeur et le syndicat, contient un désistement aux griefs déposés. Elle comporte également des clauses générales de quittance. C’est donc sur la base de ces transactions que l’employeur prétend que la travailleuse a renoncé à sa contestation de la décision de la CNESST ayant refusé de reconnaître la lésion professionnelle.

Cela dit, le Tribunal rappelle que la LATMP est d’ordre public. Toutefois, un travailleur peut renoncer, au moyen d’une transaction, à un droit né et actuel. La partie qui fait valoir une transaction à titre de moyen d’irrecevabilité dans le cadre d’un recours a le fardeau d’en démontrer l’existence. Ici, l’employeur doit démontrer que la travailleuse a renoncé à son recours ou s’est désistée lorsqu’elle a signé les transactions. Pour ce faire, l’employeur soutient que les clauses de quittance générale équivalent à un désistement ou à une renonciation. À cet égard, il existe deux courants au sein de la jurisprudence du TAT.

[40] Comme on peut le constater, deux courants se dégagent quant à la portée d’ententes rédigées en termes généraux. Pour certains, cela s’avère suffisant pour conclure qu’un travailleur renonce à un droit ou un ensemble de droits. Alors que pour d’autres, cette renonciation doit passer par une clause rédigée en termes précis avec une référence claire à ce ou ces droits.

En l’occurrence, le Tribunal adhère au second courant. Effectivement, pour qu’une transaction emporte le désistement d’un recours, il faut que ledit désistement y soit prévu en termes clairs et soit précisément identifié. Or, ce n’est pas le cas, aucune des deux transactions ne fait référence au dossier d’indemnisation de la lésion professionnelle alléguée, et ce, malgré qu’au moment de la signature des transactions, la réclamation, la décision initiale et la demande de révision avaient déjà eues lieu.

[43] Dans ces décisions et d’autres également, il est décidé qu’une travailleuse ou un travailleur peut renoncer à l’exercice d’un droit, encore faut-il que ce droit soit né et actuel et que cette renonciation soit exprimée clairement. Le Tribunal a retenu qu’une quittance générale n’est pas la démonstration d’une renonciation expresse à l’exercice d’un droit, soit la reconnaissance d’une lésion professionnelle et la contestation de la décision de refus.

[44] Ainsi, la travailleuse, en signant la transaction relative à la plainte déposée en vertu de l’article 32 de la Loi et celle reliée aux griefs, n’a pas renoncé par la quittance générale, à demander la révision de la décision ou à exercer son droit. Enfin, l’employeur, qui a le fardeau de preuve, n’a pas soumis une preuve testimoniale supplémentaire à la preuve documentaire constituée essentiellement des transactions.

Le moyen préliminaire de l’employeur est rejeté.

 


POLICIERS ET POLICIÈRES

Rien à signaler.

 


TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

 

Rien à signaler.

 


POMPIERS ET POMPIÈRES

Rien à signaler.

 


ARTISTES

Rien à signaler.

 


SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRAL

R. c. Leblanc, 2021 QCCA 1283

https://www.canlii.org/fr/qc/qcca/doc/2021/2021qcca1283/2021qcca1283.html

Dans cet arrêt, le Ministère public porte en appel l’acquittement de l’intimé sur les deux chefs de conduite avec les facultés affaiblies causant des lésions corporelles et la mort.

La présente affaire concerne une collision entre deux automobiles qui entraîne la mort de deux personnes et des lésions corporelles à une troisième. La violence de l’accident projette le moteur et la batterie de l’automobile des victimes à une centaine de mètres du point d’impact.

La poursuite avance que le premier juge a commis une erreur de droit en analysant le critère de causalité entre la conduite de l’intimé et l’accident et, d’autre part, en omettant de considérer l’ensemble de la preuve se rapportant à la question ultime de la culpabilité ou de l’innocence de l’accusé.

La Cour d’appel, pour les motifs du juge Cournoyer, accueille l’appel du ministère public. Dans son jugement, le juge d’instance tente d’établir les circonstances précises de l’accident afin de déterminer si la visibilité réduite du conducteur de l’automobile des victimes a contribué à l’accident. Or, comme le précise la Cour d’appel, tel n’était pas son rôle. Il devait plutôt déterminer si l’intimé avait contribué de façon appréciable à la survenance de l’accident, et non pas le rôle de l’autre conducteur dans celui-ci. Ayant abordé la question de causalité selon un cadre d’analyse erroné, il omet de considérer certains éléments de preuve pertinents.

Si le juge d’instance avait utilisé le prisme analytique approprié, il aurait dû considérer si les éléments de preuve suivants établissaient que l’intimé avait causé l’accident : l’alcoolémie, la vitesse, l’inattention de l’accusé, la manipulation de son téléphone et de son système audio dans les minutes précédant l’accident, l’absence de manœuvres d’évitement et de freinage adéquates ainsi que l’absence d’autres explications pour la survenance de l’accident.

Dans les circonstances, la Cour d’appel est d’avis qu’il est impossible de conclure que le verdict aurait été le même.

Appel accueilli. Ordonnance de nouveau procès rendue.