Merci de vous inscrire à notre infolettre.
Infolettre
Si vous souhaitez recevoir de nos nouvelles, il suffit d’entrer votre adresse courriel dans la boîte ci-contre.
Veuillez remplir les champs correctement.

Veille juridique du 6 décembre 2022

SECTION DROIT DU TRAVAIL 

GÉNÉRAL

 

L. et Entreprises Jacques Dufour & Fils inc., 2022 QCTAT 4717

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jsmlz>

Dans ce dossier, le travailleur prétend être atteint d’une surdité d’origine professionnelle en raison de l’exposition à un environnement constamment bruyant dans lequel il a travaillé en tant que manœuvre spécialisé sur le pavage des routes et charpentier-menuisier de 1997 à 2017. L’attestation médicale utilisée pour appuyer sa réclamation est datée du 27 septembre 2017. Or, aux fins de son analyse, le Tribunal se questionne à savoir si les modifications apportées par la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail en ce qui concerne les atteintes auditives, entrées en vigueur le 6 octobre 2021, s’appliquent à la réclamation du travailleur qui est postérieure aux changements législatifs.

Malgré le silence du législateur, le Tribunal est d’avis qu’afin d’assurer un traitement uniforme des litiges qui lui sont soumis et de garantir une analyse en toute impartialité et équité, il doit tracer une ligne au 6 octobre 2021 en prenant en compte la date de l’attestation médicale et de la réclamation du travailleur. Ainsi, le seul fait que l’audience d’un dossier se déroule après cette date ne donne pas un effet rétroactif aux nouvelles dispositions législatives.

[17] De plus, faire rétroagir la LMRSST à des cas de surdité professionnelle dont la réclamation et l’attestation médicale sur laquelle elle s’appuie sont antérieures au 6 octobre 2021, sans que le législateur l’ait spécifiquement prévu, et ce, du seul fait que l’audience qui se déroule devant le Tribunal soit postérieure au 6 octobre 2021, implique, en apparence, un traitement différent des cas entendus avant le 6 octobre 2021 alors que les réclamations pouvaient également dater de septembre 2020, comme la réclamation analysée dans l’affaire Tadros.

Néanmoins, en vertu du régime applicable avant le 6 octobre 2021, le Tribunal conclut que le travailleur bénéficie de la présomption de maladie professionnelle parce qu’il a subi une atteinte auditive causée par le bruit et l’exercice de son travail l’exposait à un bruit excessif.

La contestation du travailleur est accueillie.

 

B. c. Gestion immobilière DLS inc., 2022 QCTAT 5209

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jt55w>

Le 5 janvier 2021, la plaignante, une assistante contrôleur financier, communique à l’employeur qu’elle est enceinte. Quelques heures plus tard, elle est informée qu’elle est congédiée. Le 11 janvier 2021, elle dépose une plainte en vertu de l’article 122 de la Loi sur les normes du travail pour contester son congédiement qu’elle allègue être motivé par sa grossesse. Pour sa part, l’employeur prétend que le congédiement résulte d’un problème de rendement.

Dans son analyse, le Tribunal rappelle que son rôle n’est pas de juger de la sévérité de la sanction imposée ou d’y substituer une mesure plus juste, il doit plutôt se demander si le congédiement de la plaignante serait tout de même survenu, n’eût été sa grossesse. De plus, dès lors que le congédiement découle d’un motif illicite ou que ce motif cohabite avec un autre qui est légal, la présomption en faveur de la plaignante s’applique et le congédiement est présumé être motivé par une pratique interdite.

Le Tribunal constate que l’employeur avait décidé de congédier la plaignante en raison d’un problème de compétence avant l’annonce de sa grossesse. Cependant, cette annonce a précipité la décision de l’employeur de mettre fin à l’emploi de la plaignante la même journée. Le Tribunal conclut que malgré l’explication de l’employeur au fait que la plaignante ne répondait pas aux exigences de l’emploi, le rôle joué par la grossesse est un vice irrémédiable dans la décision de l’employeur.

La plainte est accueillie et le congédiement annulé.

 

P. c. Union des employés et employées de service, section locale 800, 2022 QCTAT 4693

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jslcr>

Le plaignant dépose une plainte en vertu des articles 47.2 et suivants du Code du travail au motif que le syndicat ne l’a pas représenté convenablement lors d’une enquête ni lors du congédiement qui s’en est suivi. Le 15 août 2018, le plaignant est convoqué à une rencontre disciplinaire au sujet de la disparition d’un sac d’école appartenant à une étudiante dans lequel se trouvaient un ordinateur et un disque dur. Le 22 août 2018, l’employeur congédie le plaignant et le lendemain, le syndicat dépose un grief pour contester la mesure.

Parmi les reproches formulés au syndicat, le plaignant allègue n’avoir pas été bien représenté lors de la rencontre disciplinaire. Or, la plainte est déposée le 21 octobre 2019, soit plus de six mois après la tenue de la rencontre disciplinaire. Ce reproche est rejeté par le Tribunal puisqu’il est prescrit en vertu de l’article 47.5 du Code du travail. Pour les autres reproches, le plaignant reproche au syndicat d’avoir refusé de transmettre son dossier à l’avocat de son choix. Dans les faits, le syndicat assure la représentation du plaignant jusqu’au 17 octobre 2020, date de la signature du plaignant afin que l’avocat prenne le relais dans le dossier de grief. Ce faisant, avant cette date, malgré la présence de l’avocat, le dossier appartient au syndicat et il n’avait pas l’obligation d’en transmettre une copie. La preuve démontre néanmoins que le syndicat a collaboré avec son avocat. Le Tribunal rejette également le reproche quant au refus du syndicat de remettre une copie des notes prises par les représentants syndicaux lors des rencontres préparatoires avec des témoins ou avec le plaignant. Le syndicat n’a pas l’obligation de consigner par écrit les informations recueillies lors des rencontres ni de les transmettre, le cas échéant. Le Tribunal est d’avis que le syndicat n’a pas contrevenu à son devoir de juste représentation. D’ailleurs, les droits du plaignant ont été protégés, le grief a été déféré à l’arbitrage et l’audience a débuté au mois d’octobre 2019.

La plainte est rejetée.

 


 

POLICIERS ET POLICIÈRES

G. et Ville de Saguenay, décision rendue le 30 novembre 2022 (Tribunal administratif du travail)

Disponible ici.

Dans cette affaire, la travailleuse est une policière à l’emploi de la Ville de Saguenay qui, durant l’été 2021, est affectée à l’escouade à vélo. Après quelques semaines, une douleur au genou gauche apparaît, puis se transpose également au genou droit. Le diagnostic de tendinopathie de la patte d’oie bilatérale est retenu et la travailleuse dépose une réclamation à la CNESST pour faire reconnaître une lésion professionnelle. La CNESST refuse la réclamation, mais ne se prononce que sur le diagnostic posé en regard du genou gauche. Le Tribunal est donc saisi pour déterminer le diagnostic à retenir et si la travailleuse a subi une lésion professionnelle.

Quant au diagnostic, le Tribunal reprend les paramètres jurisprudentiels en matière d’actualisation de la preuve médicale pour retenir le diagnostic de tendinopathie de la patte d’oie bilatérale. En effet, la preuve médicale démontre la présence de douleurs bilatérales dès le début du suivi médical et les rapports médicaux font également état du diagnostic bilatéral avant la décision de la révision administrative. Pour la lésion professionnelle, le Tribunal est d’avis que la travailleuse a effectivement subi un accident de travail puisque l’apparition de la douleur est concomitante à l’affectation à l’escouade à vélo, ce qui a entraîné pour la travailleuse des modifications importantes à ses conditions de travail. L’ensemble de ces éléments correspond à la notion élargie d’événement imprévu et soudain exigée par l’article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

La contestation est accueillie.

Félicitations à Me Béatrice Proulx  pour son travail dans ce dossier!

 


 

TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

Z. et Corporation d’Urgences-Santé (CCS), 2022 QCTAT 5055

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jt0mp>

Dans ce dossier, la travailleuse est une répartitrice médicale d’urgence chez l’employeur. Elle conteste la décision de la révision administrative de la CNESST qui refuse sa réclamation pour un accident de travail au motif que l’événement n’est pas survenu par le fait ou à l’occasion du travail. Dans les faits, la travailleuse s’est blessée au travail en glissant dans une douche chez l’employeur. Le diagnostic est une entorse lombaire et une fracture L3. L’employeur prétend que la travailleuse était dans une sphère personnelle au moment de l’événement.

La preuve au dossier démontre que depuis 2018, l’employeur fournit des pédaliers à ses travailleurs et les encourage à les utiliser et à faire de l’activité physique pour diminuer le stress au travail. D’ailleurs, deux kinésiologues sont engagés par l’employeur pour promouvoir l’activité physique. Le jour de l’événement, la travailleuse utilise le pédalier durant environ une heure avant sa pause, tout en répondant aux appels. À la fin de l’heure d’exercice, elle va prendre sa douche au début de sa pause. La douche se situe dans le même établissement et sur le même étage où elle exerce son travail. Or, la travailleuse glisse dans la douche, se retient avec le distributeur de savon et elle ressent immédiatement des engourdissements dans le bas du dos. Dans ces circonstances, le Tribunal est d’avis que la travailleuse a subi une lésion professionnelle puisque l’événement est survenu par le fait ou à l’occasion du travail alors que la travailleuse était toujours dans la sphère professionnelle.

[39] Le Tribunal retient que l’employeur permet aux travailleurs de prendre une douche dans l’édifice. La qualification de cette permission est peu utile pour résoudre le présent litige. Il importe davantage d’évaluer si la travailleuse est dans une sphère personnelle ou professionnelle lorsqu’elle exerce cette activité. Or, la conclusion qui s’impose est que la travailleuse est demeurée dans une sphère professionnelle puisqu’il s’agit d’une activité qui est reliée au fait que la travailleuse exerce une activité physique tout en travaillant. Ce dernier élément est déterminant afin d’établir une connexité avec le travail.

La contestation est accueillie.

 


 

POMPIERS ET POMPIÈRES

Rien à signaler.

 


 

ARTISTES

Rien à signaler.

 


 

SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRAL

R c. Landry, 2022 QCCS 4168

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jsz6v>

Dans la présente affaire, la Couronne conteste un acquittement prononcé à la suite d’une accusation de conduite d’un véhicule automobile avec une alcoolémie dépassant la limite légale. Cet acquittement découle d’un jugement interlocutoire dans lequel la juge du procès conclut que les policiers ont enfreint le droit de M. Landry de communiquer avec l’avocat de son choix et ordonne l’exclusion des résultats des tests d’alcoolémie.

L’appel de cette décision porte donc sur l’obligation qui incombe aux policiers, selon l’article 10.b) de la Charte canadienne des droits et libertés, de donner à une personne détenue ou arrêtée une opportunité raisonnable de communiquer avec l’avocat de son choix et sur l’exclusion de la preuve, en vertu du para. 24 (2) de la même Charte, à titre de réparation en cas de manquement à cette obligation.

La preuve des tests éthylométriques n’aurait pas dû être exclue en vertu de la Charte. Dans l’ensemble, les policiers ont agi raisonnablement pour donner à l’intimé une opportunité de communiquer avec l’avocat de son choix. Dans les circonstances, il était difficile, voire impossible, de contacter l’avocat au milieu de la nuit, entre la nuit de samedi à dimanche.

L’appel est accueilli et la tenue d’un nouveau procès est ordonnée.

 

Lamoureux c. R., 2022 QCCA 1531

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jt0lt>

Dans cette affaire, un accusé a été déclaré coupable sous 29 chefs d’accusation relatifs à des infractions de nature sexuelle commises à l’endroit de 12 victimes âgées de 12 à 21 ans. L’appelant s’oppose à la peine prononcée par le juge de première instance.

L’appelant fait valoir que le juge de première instance a commis une erreur de principe dans l’application de la méthode pour déterminer la peine. Il prétend aussi que la peine serait manifestement plus sévère que celles infligées en semblable matière et qu’elle s’écarte de la fourchette établie.

La démarche qui prévoit de déterminer des peines individuelles pour chacune des infractions, de décider si elles doivent être purgées concurremment ou consécutivement, puis de les rajuster pour tenir compte des principes de la totalité et de la proportionnalité de la peine n’a rien de formaliste. Il est aussi possible d’établir une peine globale pour toutes les infractions et d’ensuite la répartir entre celles-ci. Attribuer des peines individuelles et expliquer le raisonnement qui mène à la peine retenue demeure un exercice préférable. Cependant, un juge qui omet de le faire ne commet pas, en soi, une erreur justifiant une intervention en appel si son analyse est raisonnée, intelligible et transparente quant à la détermination de la peine.

Ainsi, l’appelant échoue à obtenir la réduction de la peine d’emprisonnement de 15 ans et 6 mois prononcée en première instance devant la Cour d’appel. D’une part, le juge de première instance n’a commis aucune erreur en abordant les multiples infractions commises à l’égard de nombreuses victimes. D’autre part, le juge était fondé à conclure que les crimes de l’appelant comportaient des caractéristiques qui justifiaient une peine plus sévère. Un autre juge aurait pu parvenir à une peine moins importante, mais cela ne suffit pas pour permettre l’intervention de la Cour.

L’appel est rejeté.