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Victoire totale pour le Syndicat des employé-es de Métier d’Hydro-Québec, section locale 1500 (SCFP-FTQ)

Le 7 septembre 2023, la Cour suprême a rejeté la demande d’autorisation d’appel de l’arrêt de la Cour d’appel du Québec, 2022 QCCA 1714, produite par Hydro-Québec (ci-après, l’« Employeur »). Dans cet arrêt, la Cour d’appel confirme que l’Employeur ne pouvait pas modifier unilatéralement, se fondant sur son droit de gérance, les conditions de travail des opérateurs mobiles qui travaillent dans les centrales hydroélectriques Outardes-3, Outardes-4, Manic 3 et au Poste Micoua dans la région de Manicouagan (collectivement, les « centrales du Milieu du complexe ») qui sont prévues dans des lettres d’entente dont l’application remonte aux années 1980.

L’Employeur a déposé, le 17 février 2023, une demande d’autorisation d’appel de cet arrêt. Il prétendait notamment que la décision majoritaire de la Cour d’appel constitue un contrôle d’opportunité plutôt qu’un contrôle judiciaire. Selon l’Employeur, la Cour d’appel se serait focalisée seulement sur l’issue qu’elle juge la plus raisonnable, sans procéder à une analyse déférentielle.

En refusant d’intervenir dans ce dossier, la Cour suprême met fin à ce litige ayant débuté en 2019, avec une fin heureuse pour le Syndicat et ses membres.

 

Un rappel du contexte et de l’historique judiciaire du dossier

L’historique du dossier est le suivant : le Syndicat des employé-es de métiers d’Hydro-Québec, section locale 1500 (SCFP-FTQ) (ci-après, le « Syndicat »), déposait un grief pour contester la modification unilatérale par l’appelante des conditions de travail des opérateurs mobiles dans les centrales du Milieu complexe. Ceux-ci sont soumis à un horaire de type 3-2-2-3 sur des quarts de travail de 12 heures, en alternance de jour et de nuit.

En vue d’établir un tel horaire, les parties ont négocié des conditions de travail qui dérogent à la convention collective. Par une lettre d’entente, les parties avaient entre autres convenu que l’employeur verserait une indemnité de repas fixe pour chaque journée de travail passée à la centrale, plus une prime hebdomadaire. De surcroit, l’employeur logeait gratuitement les opérateurs mobiles dans une résidence prévue à cet effet, la résidence Vallant, située à Micoua.

En raison de l’évolution de la technologie, une partie importante des opérations peut désormais se faire à distance. L’employeur décide de fermer la résidence, ce qui oblige les travailleurs à se déplacer à l’intérieur des heures de leur quart de travail. Une grève survient. Le 12 décembre 2018, les parties signent une nouvelle convention collective et les lettres d’entente MAN 8 et 9 sont reconduites. Le 8 février 2019, l’employeur annonce la fermeture définitive de ladite résidence. S’en suit alors l’abolition de la prime de non-résidence et l’indemnité de repas.

L’arbitre rejette le grief sur la base du droit de gérance de l’employeur. La Cour supérieure, quant à elle, annule la sentence arbitrale au motif que les conclusions de l’arbitre ne constituent pas l’une des issues raisonnables du litige, accueille le grief et ordonne à l’appelante de respecter intégralement les lettres d’entente. La Cour d’appel, en l’espèce, devait décider si le juge de la Cour supérieure a erré dans l’application de la norme de la décision raisonnable.

La Cour d’appel, dans son arrêt rendu le 22 novembre 2022, rejette l’appel. Elle analyse dans un premier temps le traitement par l’arbitre de la question en litige. Elle considère qu’il s’est livré à un exercice d’interprétation inapproprié des lettres d’entente MAN 8 et MAN 9 en les scindant aux fins de son analyse. En effet, la Cour d’appel analyse de plus près le raisonnement qui figure aux paragraphes 75 à 79 de la sentence arbitrale. Sous la plume de madame la juge Gagné, la Cour est en accord avec la position de la Cour supérieure selon laquelle l’arbitre n’était pas fondé d’interpréter les lettres d’entente, car le texte est clair et ne souffre d’aucune ambiguïté. La Cour supérieure a correctement appliqué la norme de la décision raisonnable en ce sens : les treize (13) conditions de travail qui figurent à la lettre d’entente sont indissociables les unes des autres. Les parties ont d’autant plus appliqué les lettres d’entente comme un tout durant des décennies, jusqu’à tout récemment.

La Cour d’appel considère que l’erreur fondamentale de l’arbitre est d’avoir considéré les articles 9 à 13 des lettres d’entente non pas comme des conditions de travail essentielles, mais comme « l’accessoire du principal ». Ces conditions de travail, dont le logement, ont largement influencé les travailleurs à postuler pour obtenir ces postes d’opérateurs mobiles. Dès lors, l’employeur ne pouvait modifier ces conditions de travail essentielles unilatéralement en cours de convention collective. L’arbitre ne pouvait, sans usurper le rôle des parties dans le processus de négociation, réécrire les lettres d’entente afin qu’elles s’accordent mieux avec ce qu’il considère être la nouvelle réalité du travail.

Madame la juge Cotnam est dissidente; elle aurait plutôt accueilli l’appel, infirmé le jugement de première instance, rejeté le pourvoi en contrôle judiciaire et rétabli la sentence arbitrale.

 

Le résumé de la cause produit par la Cour suprême est disponible au lien suivant.