Le 12 octobre 2018, l’honorable Jacques Lacoursière, J.C.Q. accueillait une requête en exclusion de la preuve en vertu des articles 8 et 24 (2) de la Charte canadienne des droits et libertés (« la Charte »).
Le requérant, M. Jonathan Bettez, y faisait valoir que certaines informations avaient été obtenues sans mandat de manière illégale et que d’autres provenaient de mandats invalides eu égard aux protections constitutionnelles.
Bettez, était connu des milieux policiers comme principal suspect dans l’enquête portant sur la disparition de Cédrika Provencher. C’est d’ailleurs avec l’objectif de consolider leur preuve dans cette affaire que les policiers ont tenu à vérifier une potentielle implication de M. Bettez en matière d’infractions liées à la pornographie juvénile. Aucune preuve n’étayait alors cette inférence.
Dans le cadre de cette enquête parallèle, les policiers ont demandé à l’entreprise Facebook, sans autorisation judiciaire, la liste des adresses de protocole Internet (« adresses IP ») reliées au compte de M. Bettez. Ces informations ont permis aux enquêteurs de relier l’une de ces adresses IP à des sites Internet de pornographie juvénile.
S’agissant d’une saisi sans mandat, il appartenait à la défense de démontrer l’expectative de vie privée quant aux données et autres informations détenues par l’entreprise Facebook. Le tribunal précise qu’elles ne devraient être partagées qu’à la suite d’une autorisation judiciaire, conformément à ce qui est prévu à la politique d’utilisation des données. Au paragraphe 47 de sa décision, il écrit :
« Un utilisateur de Facebook est certainement en droit de penser qu’une communication de ses données personnelles aux autorités policières n’aura lieu que si elle fait l’objet d’une autorisation judiciaire ou qu’elle est exigée par la loi. «
Le juge précise par ailleurs qu’une adresse IP est bien plus qu’une simple combinaison de chiffres et qu’elle peut, comme en l’espèce, permettre de dresser un profil détaillé des activités d’un individu en retournant plusieurs années dans le passé.
Puisque ces informations ont été obtenues sans mandat, il appartenait au ministère public de renverser la présomption voulant que ces fouilles aient été abusives, ce qui n’a pas été démontré.
Plusieurs mandats et autorisations judiciaires seront obtenus suite aux informations fournies par Facebook. Le tribunal exclura cette preuve selon la théorie de « l’arbre empoisonné », mais offrira tout de même ses commentaires sur la manière dont les policiers ont procédé à la saisie et la fouille du matériel informatique de M. Bettez le 26 aout 2016.
À cette occasion, les policiers ont procédé en vertu de mandats généraux. Il s’agit d’autorisations judiciaires résiduelles auxquelles il est possible d’avoir recours lorsqu’aucun autre outil n’est prévu au Code criminel. Or, dans le cas présent, le mandat de perquisition était tout indiqué. Ce véhicule procédural requiert une preuve plus exigeante de la part des policiers vu le caractère sensible d’une saisie de matériel informatique. Le tribunal insiste sur l’importance de ne pas contourner les prescriptions légales pour parvenir à ses fins et invalide les mandats généraux.
En somme, le juge Lacoursière qualifie l’enquête policière de « partie de pêche » tenue sur la base d’une simple intuition et menant à une importante violation des droits garantis par la Charte. Bien que les infractions soient graves, il ordonne l’exclusion des éléments de preuve, objets ou renseignements saisis ou obtenus.
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