Dans la décision Sévigny et Ambulance Demers inc., 2024 QCTAT 2991 (16 août 2024, Josée Picard, juge administrative), le travailleur, un technicien ambulancier paramédical, allègue avoir subi un accident du travail au cours d’une intervention où une mère a accidentellement tué son fils en effectuant une manœuvre avec son véhicule le 24 décembre 2016. Le travailleur allègue avoir été injurié par la mère de la victime, qui lui imputait notamment la responsabilité du décès de son fils.
Près de trois ans après l’événement, le travailleur est diagnostiqué d’un trouble de stress post-traumatique et demande la reconnaissance de cette condition à titre de lésion professionnelle auprès de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (ci-après : « CNESST »). La CNESST rejette sa demande, estimant d’abord qu’aucun événement imprévu et soudain n’a eu lieu, puis conclut, en révision, qu’il n’y a pas de lien de causalité entre l’évènement et le diagnostic.
Le travailleur et l’employeur s’entendent sur les trois éléments à établir afin de conclure à un accident du travail, mais sont en désaccord sur la date de la lésion professionnelle. Le travailleur est d’avis que la date à retenir est celle du 7 janvier 2020, date à laquelle il a cessé de travailler, tandis que l’employeur identifie la date du 24 décembre 2016, date de l’évènement d’origine.
Le 24 décembre 2016, le travailleur intervient dans une situation d’urgence où une mère a accidentellement tué son fils en manœuvrant son véhicule. À leur arrivée, les ambulanciers trouvent la victime sous le véhicule. À travers cette scène chaotique, la mère de la victime accuse le travailleur de la mort de son fils, notamment pour avoir suggéré d’attendre l’intervention des pompiers pour déplacer le véhicule. Le Tribunal conclut que cet événement, marqué par des accusations et une forte charge émotionnelle, constitue un événement imprévu et soudain, dépassant le cadre normal du travail.
Le Tribunal poursuit en concluant que le trouble de stress post-traumatique diagnostiqué chez le travailleur en 2020 est directement lié à l’intervention du 24 décembre 2016, notamment en raison des notes médicales contemporaines au diagnostic qui font spécifiquement référence à cet événement traumatisant. En janvier 2020, un retour au travail a ravivé ces symptômes, confirmant la relation entre l’événement et le trouble de stress post-traumatique. Le Tribunal n’estime qu’aucun autre traumatisme n’explique ces symptômes et que le délai avant le diagnostic ne remet pas en cause la validité de la réclamation, puisque qu’un trouble de stress post-traumatique peut se manifester tardivement.
Ultimement, le Tribunal détermine que la lésion professionnelle du travailleur doit être reconnue à partir du 30 décembre 2019. Bien que des symptômes aient été présents après l’accident de 2016, ils étaient insuffisants pour établir un diagnostic de trouble de stress post-traumatique à cette époque. Ce n’est qu’à la fin de l’année 2019 que le travailleur commence à verbaliser ses symptômes et qu’un professionnel de la santé établit un diagnostic de trouble de stress post-traumatique en lien avec l’événement du 24 décembre 2016. Ainsi, le Tribunal conclut que le trouble a débuté à partir du 30 décembre 2019, date où les symptômes sont devenus suffisamment présents pour justifier une consultation médicale.
Le Tribunal conclut que le travailleur a subi une lésion professionnelle, soit un trouble de stress post-traumatique et que la date de la lésion professionnelle doit être fixée au 30 décembre 2019.
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