Les règles balisant l’emploi de la force lors d’une arrestation musclée : la Cour supérieure revient sur ces notions fondamentales

4 avril 2016

Sean Anthony Gamache c. La Reine

Le métier de policier est ponctué d’évènements imprévisibles lors desquels des décisions rapides doivent se prendre. On exige des agents de la paix qu’ils fassent preuve de jugement et de vivacité d’esprit dans le feu de l’action, bien que cela soit parfois mis à rude épreuve dans des situations où leur sécurité ou celle du public est compromise.

L’article 25 du Code criminel offre ainsi une certaine latitude aux policiers agissant dans le cadre de leurs fonctions quant à leur responsabilité criminelle, en justifiant l’usage de la force nécessaire dans certaines circonstances bien précises.

Il sera alors essentiel pour le juge d’analyser minutieusement le contexte factuel, lorsque saisi d’une accusation de voies de fait portée contre un policier ayant fait l’usage de la force lors d’une arrestation. C’est ce qu’a confirmé la Cour supérieure dans une décision récente plaidée en appel avec succès par Me Pierre Dupras assisté de Me Audray Julien-Béland de notre cabinet.

Sean Anthony Gamache c. La Reine, 640-36-000008-141, (C.S.)

Suivant une arrestation difficile pour bris de condition, l’agent Sean Anthony Gamache a été accusé puis déclaré coupable de voies de fait à l’égard de Maiva Tukalak, membre d’une communauté inuite, pour avoir fait usage de poivre de Cayenne. Cette condamnation a été portée en appel devant la Cour supérieure.

L’agent Gamache et son partenaire répondaient à un appel d’un proche de Tukalak qui craignait celui-ci en raison de son état d’intoxication et de son attitude belliqueuse. Tukalak avait déjà été arrêté plusieurs fois puis libéré sous conditions, notamment celle de ne pas consommer de l’alcool. Arrivés sur les lieux, les agents ont menotté Tukalak en procédant à son arrestation pour bris de condition.

Coopératif au début, Tukalak est rapidement devenu agressif et refusait de suivre les agents : il crachait et donnait des coups de pieds. Il a été blessé au front alors que l’agent Gamache tentait, sans succès, de l’introduire dans le véhicule patrouille. Suivant cette intervention infructueuse, Tukalak crachait du sang au visage de Gamache. Considérant la résistance du prévenu et après un avertissement, l’agent Gamache a décidé d’utiliser son poivre de Cayenne. Il a ensuite réussi à compléter adéquatement l’arrestation et le transport vers le poste.

Retour sur les principes justifiant l’utilisation de la force

L’honorable Simon Ruel de la Cour supérieure rappelle les trois éléments nécessaires à l’application de l’article 25 du Code criminel, à savoir 1) l’agent de la paix est autorisé par la loi pour procéder à l’arrestation du suspect, 2) il agit sur la base de motifs raisonnables dans l’utilisation de la force et 3) la force est nécessaire dans les circonstances.

Il est primordial de se replacer dans le contexte de l’arrestation pour apprécier le degré de force utilisé, qui doit non seulement être nécessaire, mais également proportionnel et raisonnable. La question est donc de savoir si l’agent avait la croyance subjective pour utiliser un tel degré de force, et si cette croyance était objectivement raisonnable dans les circonstances. Autrement dit, les policiers peuvent agir erronément si cela est raisonnablement justifiable dans les circonstances.

Bien malin celui qui voudra décortiquer chacun des gestes du policier impliqué en les sortant de leur contexte, à tête reposé et en bénéficiant de tout le recul nécessaire. Ce serait pourtant faire fausse route indique la Cour. C’est plutôt la conduite du suspect au moment des évènements qui doit être attentivement étudiée. Le juge Ruel illustre ses propos en positionnant le décideur dans les souliers de l’agent de police impliqué lors de l’arrestation. La gravité de l’infraction à l’origine de l’intervention policière a peu d’importance dans l’analyse du degré de force employé. La Cour reconnaît que les policiers ont le devoir d’assurer leur sécurité et celle du public et ainsi effectuer l’arrestation et le transport du suspect le plus rapidement possible.

Sur le critère objectif, il n’est pas sans intérêt de considérer les différents degrés de la force employée sur la base d’un modèle « un plus un » : lorsqu’une technique associée à un comportement donné du suspect s’avère inefficace, le policier sera justifié de passer à un niveau de force supérieur.

L’emploi adéquat et justifié de la force en l’espèce

Le comportement de Tukalak était hostile et menaçant alors qu’il crachait et frappait l’agent de ses pieds, ce qui le qualifiait à un niveau de résistance active. L’agent Gamache, qui a d’abord tenté d’utiliser prioritairement d’autres méthodes verbales et physiques, était justifié d’utiliser une arme de catégorie intermédiaire, le poivre de Cayenne. Il était seul pour procéder à l’arrestation, son partenaire ayant choisi de se positionner en retrait de la scène. Il était physiquement attaqué, et il craignait pour sa santé et sa sécurité notamment en raison des crachats de sang qu’il recevait au visage. Il a finalement averti Tukalak avant de procéder à l’aspersion du jet d’une seule pression de poivre de Cayenne. Eu égard au contexte factuel de l’arrestation, l’article 25 du Code criminel trouve ici application.

L’appel a donc été accueilli et Gamache, acquitté.

Au même effet, nous vous référons  également à l’affaire Cool c. Larochelle

Text

Retour aux articles

Vous aimez nos publications?

Restez informés en vous abonnant
à notre infolettre!

Modifier mes préférences
+

Nous utilisons des cookies pour faciliter votre navigation et activer certaines fonctionnalités. Vous pouvez consulter des informations détaillées sur tous les cookies dans chaque catégorie de consentement ci-dessous.

Témoins fonctionnels (Obligatoires)

Ces témoins sont essentiels au bon fonctionnement de notre site Web; c’est pourquoi vous ne pouvez pas les supprimer.

Témoins statistiques

Ces témoins nous permettent de connaître l’utilisation qui est faite de notre site et les performances de celui-ci, d’en établir des statistiques d’utilisation et de déterminer les volumes de fréquentation et d’utilisation des divers éléments.

Témoins publicitaires

Ces témoins sont utilisés pour fournir aux visiteurs des publicités personnalisées basées sur les pages visitées précédemment et analyser l'efficacité de la campagne publicitaire.

Refuser
Confirmer ma sélection
Fichiers témoins

Ce site utilise des cookies, déposés par notre site web, afin d’améliorer votre expérience de navigation. Pour plus d’information sur les finalités et pour personnaliser vos préférences par type de cookies utilisés, veuillez visiter notre page de politique de confidentialité.

Accepter tout
Gérer mes préférences