STRESS POST-TRAUMATIQUE AU TRAVAIL : AVANCÉES CANADIENNES ET RETARD QUÉBÉCOIS
Par Me Dominic Jobin-Cotnoir
Le ministre du Travail ontarien Kevin Flynn a récemment confirmé l’intention de son gouvernement de présenter, dans les semaines à venir, un projet de loi modifiant la Loi de 1997 sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail afin d’y créer une présomption de reconnaissance de l’état de stress post-traumatique (ESPT) chez les intervenants d’urgence. Un tel mécanisme aurait pour effet de faciliter grandement l’indemnisation des policiers, pompiers et paramédics oeuvrant en Ontario et souffrant d’un ESPT. Une telle présomption éviterait à ces travailleurs d’avoir à faire la preuve que leur état de santé découle d’évènements précis vécus en raison de leur métier. Ce lien étant ainsi présumé, il appartient alors à l’employeur de démontrer son inexistence.
Si le gouvernement ontarien va de l’avant avec ce projet de loi, la province deviendra alors la troisième juridiction au Canada à s’être dotée d’une présomption légale à l’égard de l’admissibilité de l’ESPT à titre de lésion professionnelle. En effet, le Workers’ Compensation Act albertain prévoit déjà, depuis 2012, une telle présomption au bénéfice des policiers, pompiers et paramédics. Le législateur manitobain, quant à lui, a modifié sa Loi sur les accidents du travail en juin dernier afin d’inclure une présomption légale pour l’ESPT couvrant tous les travailleurs. Cette présomption, plutôt que de s’appliquer uniquement à l’égard de certains métiers, prend effet dès qu’un travailleur a été exposé à « un évènement d’un type précisé dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux » et qu’il a reçu un diagnostic d’ESPT. Cette modification a pris effet le 1er janvier 2016.
Des projets de loi similaires ont été déposés au Nouveau-Brunswick en 2015 et en Nouvelle-Écosse en 2014. En date d’aujourd’hui, aucun projet de loi en ce sens n’a été déposé au Québec.
LA SITUATION QUÉBÉCOISE
Bien qu’elle ait longtemps été à l’avance de ses comparables canadiens relativement à l’indemnisation des lésions psychologiques, la législation québécoise n’a pas fait l’objet de modifications récentes afin de pallier aux difficultés vécues par les travailleurs souffrant d’un ESPT en raison de leur emploi. En l’absence de présomption légale, l’ESPT est habituellement indemnisé par la Commission des normes, de l’équité et de la santé et sécurité du travail (CNESST) lorsque le travailleur démontre à cet organisme qu’il a subi un accident du travail, soit un évènement imprévu et soudain au sens de l’article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. La reconnaissance de l’ESPT à titre de maladie professionnelle, au sens de l’article 30 de la loi, est ainsi beaucoup plus rare.
Or, l’indemnisation de ces travailleurs est souvent compliquée par les lignes directrices administratives de la CNESST, laquelle considère qu’un évènement ne peut être « imprévu et soudain » s’il est prévisible dans le cadre de la situation professionnelle particulière de la personne effectuant la réclamation. À titre d’exemple, la CNESST a déjà refusé des réclamations pour ESPT à des paramédics étant intervenus auprès d’enfants gravement blessés dans des accidents au motif qu’il est normal pour des personnes œuvrant dans ce domaine d’être confrontées à de telles situations. Les conséquences de ces lignes directrices affectent donc particulièrement les travailleurs exposés, de par leurs fonctions, à des situations objectivement traumatisantes : plus ceux-ci sont exposés au risque, moins ceux-ci sont indemnisés.
Bien que cette logique ne soit toutefois pas partagée par l’ensemble des décideurs du Tribunal administratif du travail, le tribunal d’appel des décisions de la CNESST, il est encore ardu pour plusieurs victimes de stress post-traumatique d’obtenir l’indemnisation à laquelle ils ont droit. L’adoption de modifications à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles s’inspirant des avancées du Manitoba ou de l’Alberta serait, à tout le moins, une façon efficace de favoriser la reconnaissance d’une telle maladie.
Entre temps, toutefois, les travailleurs qui voient leurs réclamations pour stress post-traumatique refusées par la CNESST n’ont alors d’autre choix que de contester ces décisions devant le Tribunal du travail. Ce processus, bien qu’il puisse permettre d’infirmer les décisions de la CNESST, s’avère toutefois complexe. Il est donc important d’être accompagné dans la contestation de telles décisions de la CNESST par un professionnel qualifié et expérimenté.
Si vous désirez obtenir plus d’informations à propos de ce sujet, nous vous invitons à communiquer avec un avocat de Roy, Bélanger Avocats S.E.N.C.R.L
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