Syndrome du stress post-traumatique : présomption de lésion professionnelle reconnue à titre de blessure

18 juin 2025

Le contexte de la décision A. et Société de transport de Montréal – Réseau des autobus – Opération, 2025 QCTAT 2160, 26 mai 2025 (j.a. Danielle Tremblay) est le suivant : un chauffeur d’autobus se prépare à débuter son quart de travail lorsqu’il est percuté par un autre autobus qui recule soudainement, alors qu’il se trouve à bord d’un autobus stationné dans le garage de l’employeur. Secoué d’y avoir échappé belle, le travailleur n’effectue pas son quart de travail et consulte un médecin quatre jours plus tard qui posera un diagnostic de syndrome de stress post-traumatique.

La CNESST accueille initialement sa réclamation, mais change d’avis à l’étape de la révision administrative et conclut le contraire, d’où la contestation du travailleur devant le Tribunal. Le travailleur estime avoir été exposé à une menace de blessures graves, justifiant l’application des prestations que prévoit la législation. L’employeur soutient pour sa part qu’aucune lésion professionnelle ne s’est produite, que la blessure alléguée ne donne pas ouverture à la présomption de l’article 28 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (ci-après : la « Loi ») et qu’aucun événement imprévu ou soudain n’a eu lieu.

Le Tribunal doit d’abord déterminer si le syndrome de stress post-traumatique du travailleur constitue une blessure au sens de la présomption de l’article 28 de la Loi. Cette dernière ne fait aucune distinction entre les lésions physiques ou psychiques.

L’article 2 de la Loi définit un accident de travail comme un événement imprévu et soudain survenant à une personne, directement par le fait de son travail ou encore à l’occasion de son travail et qui entraîne chez elle une lésion professionnelle. Par la suite, l’article 28 de la Loi permet d’établir la relation causale entre l’événement allégué et la lésion diagnostiquée. Dès lors que les trois conditions de cet article sont réunies, la relation causale est présumée.

Selon le Tribunal, l’employeur s’appuie sur un courant jurisprudentiel désuet déterminant que la lésion psychologique du travailleur s’assimile à une maladie plutôt qu’à une blessure, échappant à l’applicabilité de la présomption de l’article 28 de la Loi. Cependant, contrairement au contexte qui prévalait à l’époque, l’on retrouve désormais plusieurs décisions qui confirment que le concept de blessure se décline de manière physique tout autant que de manière psychologique.

Pour étayer cet argument, le Tribunal se réfère à la décision Boies et CSSS Québec-Nord[1], qui traite de la portée et de la cohérence de la présomption de l’article 28 de la Loi. Voici les principes importants :

  • L’article 28 de la Loi revêt une importance capitale pour les travailleurs dans l’analyse des accidents du travail;
  • L’article 28 de la Loi nécessite une interprétation large et libérale;
  • L’article 28 de la Loi nécessite une mise en garde relativement au vocable diagnostique employé, c’est-à-dire d’aller au-delà des mots utilisés par les professionnels de la santé en s’intéressant particulièrement aux signes objectifs de la lésion sur le plan clinique;
  • L’article 28 de la Loi nécessite une seconde mise en garde quant aux limites établies provenant des dictionnaires;
  • La décision réitère que certaines pathologies sont de nature mixte et sont donc susceptibles de se manifester autant sous la forme d’une blessure qu’une maladie;
  • La décision précise qu’afin de découvrir la véritable nature de la lésion, il faut vérifier si cette dernière est apparue à un moment précis dans le temps plutôt que sur une période plus ou moins longue, de manière subite et non de manière progressive ou insidieuse, comme ce que l’on retrouve habituellement dans le cas d’une maladie;
  • La décision souligne qu’il ne faut pas toujours accorder une importance à la notion d’agent vulnérant extérieur, car cet indice n’est pas susceptible de s’appliquer à toutes les situations.

Dès lors, le Tribunal considère donc que le syndrome de stress post-traumatique du travailleur se manifeste comme une blessure au sens de l’article 28 de la Loi. Les symptômes se présentent sans latence, au point où il est incapable de poursuivre sa journée de travail. L’attestation médicale du médecin traitant tout comme le formulaire d’enquête paritaire démontrent la symptomatologie alléguée.

Ainsi, les critères de la présomption de l’article 28 de la Loi sont respectés. Puisque l’employeur ne peut renverser l’effet de cette dernière en réfutant, au moyen d’une preuve, le lien entre la lésion et l’événement imprévu et soudain ou encore en démontrant qu’elle résulte d’une cause étrangère, le Tribunal conclut que le travailleur a subi une lésion professionnelle, le 17 décembre 2021.

De plus, même en l’absence d’application de l’article 28 de la Loi, le Tribunal précise que les critères de l’article 2 de la Loi auraient néanmoins été remplis. L’employeur invoque quelques jurisprudences relatives au cumul de microtraumatismes pour inclure la notion d’événement imprévu et soudain, mais le Tribunal retient plutôt que l’exposition à une menace sérieuse de blessure grave, voire de mort, constitue un événement objectivable justifiant le diagnostic de syndrome de stress post-traumatique.

En somme, le Tribunal confirme que le travailleur a bel et bien subi une lésion professionnelle le 17 décembre 2021, tant au sens de l’article 28 que de l’article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Text

Notes de bas de page

[1]

2011 QCCLP 2775

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