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Veille juridique du 01 septembre 2020

SECTION DROIT DU TRAVAIL 

GÉNÉRAL

 

Carignan c. Maison Carignan inc., 2020 QCCA 1042

https://soquij.qc.ca/portail/recherchejuridique/ConsulterExtExpress/B6223F2C5F6A02CD22C84ACEE95ED03A?source=EXPTRAV

Le co-fondateur et directeur général de la Maison Carignan est congédié après 25 ans de loyaux services. Le conseil d’administration lui reproche une gestion budgétaire déficiente. Le juge de première instance confirme le congédiement. Vu le rôle du demandeur dans la hiérarchie, il est le principal responsable des mauvais résultats. Le demandeur fait appel de cette décision devant la Cour d’appel du Québec. Bien que celle-ci rejette l’appel concernant le congédiement, elle fait droit à une partie du recours visant notamment la manière dont s’est matérialisée la fin d’emploi. 

En effet, le demandeur apprend qu’il est congédié par une lettre d’huissier à son domicile. Les motifs du congédiement s’appuient sur une enquête de la firme Deloitte, mais les conclusions de l’enquête ne seront jamais communiquées au demandeur. Pour la Cour d’appel, il s’agit d’une faute distincte de celle du congédiement pour cause. Bien que le conseil d’administration possédait des motifs suffisants pour procéder à la fin d’emploi du demandeur, celui-ci avait droit à un traitement humain. La Cour précise que cette façon de faire est « brutale et dissociée de l’exercice raisonnable du droit de congédier ». En somme, le Tribunal reproche à l’intimée un processus de congédiement inhumain. Afin d’appuyer ses motifs, le juge Bélanger cite un communiqué de l’ordre des CRHA : 

[34] Dans une communication du 12 novembre 2018, l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés décrit le congédiement comme « un processus délicat à réaliser dans les règles de l’art ». Lorsqu’il faut congédier, y est-il écrit, « il faut garder l’humain au cœur du processus ». En l’espèce, l’intimée a failli à cette tâche de garder l’humain au cœur du processus, une tâche pourtant simple, élémentaire et fondamentale.  

La Cour d’appel quantifie à 20 000$ ce traitement déraisonnable. 

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Lantic inc. et Syndicat des travailleuses et travailleurs de Sucre Lantic-CSN (grief syndical), 2020 QCTA 343

https://soquij.qc.ca/portail/recherchejuridique/ConsulterExtExpress/19DDD38F18A377078C0BD3A5D890322B?source=EXPTRAV

Le 10 septembre 2014, l’Employeur abolit le poste de chargeur de vrac du quart de nuit assigné du lundi au vendredi. Ce n’est qu’en octobre 2015, que le syndicat dépose un grief prétendant que l’abolition est fictive. L’employeur argumente que le grief est prescrit et que l’abolition n’est pas fictive. 

Dans un premier temps, le Tribunal conclut qu’il s’agit d’un grief de nature continue et que par conséquent, celui-ci n’est pas prescrit. Effectivement, le syndicat soutient que, suivant l’abolition du poste de chargeur, l’employeur a recouru régulièrement à du temps supplémentaire sur le quart de nuit pour effectuer le chargement de vrac des camions. Ainsi, l’arbitre est d’avis que le syndicat ne pouvait constater la contravention à la convention collective que par l’écoulement du temps. 

Toutefois, sur le fond du litige, le tribunal conclut que l’abolition du poste n’est pas fictive. Durant l’année de référence, l’employeur a certes recouru aux heures supplémentaires afin de combler l’exécution des tâches effectuées par le chargeur de vrac. Or, les heures de supplémentaires sont largement inférieures à celles effectuées par la personne qui détenait le poste aboli. Par conséquent, le recours ponctuel, bien qu’important, aux heures supplémentaires par l’employeur, n’est pas suffisant pour conclure que l’abolition d’un poste est fictive.

Le grief est rejeté. 

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Maax Bath inc. et Syndicat des salariés d’acrylique de Beauce (CSD) (grief syndical), 2020 QCTA 316

https://soquij.qc.ca/portail/express/Depeche.aspx?page=2#1356-65536A5F45ADE31D73F3DB28EC04D566

Voici une autre affaire s’ajoutant à la saga des décisions concernant les congés pour obligations familiales. La convention collective intervenue entre les parties ne prévoit aucune rémunération pour les absences maladie et pour obligations familiales. Par contre, la convention contient une clause de congés mobiles. Les salariés disposent, selon leur poste, de quatre à six congés mobiles. Ces congés sont monnayables et les salariés acquièrent ces congés après un an de service continu. 

Tout d’abord, le Tribunal accueille le grief pour les salariés bénéficiant de moins d’un an de service continu, mais de plus de trois mois de service. Puisqu’ils n’ont pas acquis de congés mobiles, leur condition de travail est inférieure à ce qui est protégé par la LNT.  

De plus, et ce point est manifestement intéressant, l’arbitre Racine se questionne sur la nature des congés mobiles. La preuve révèle que ces congés sont pris pour des raisons variées, incluant les obligations familiales et les congés de maladie. Ainsi, le tribunal est d’avis que la nature des congés mobiles est plus englobante que ce qui est prévu par la LNT. Dès lors, la convention collective ne prévoit pas une norme inférieure à celle prévue par la Loi sur les normes du travail. Cependant, l’arbitre bonifie sa réflexion. 

[47] D’autre part, même si cela ne semble pas être le cas des trois salariés mentionnés dans le grief, et puisque les parties l’ont plutôt plaidé comme une question de principe générale d’interprétation à résoudre, le Tribunal est forcé de constater que, suivant les prétentions de l’Employeur, un salarié ayant déjà utilisé au cours de l’année les quatre ou six congés mobiles auxquels il a droit pour des raisons personnelles autres que la maladie et les obligations familiales après qu’ils lui aient été accordés à la suite d’une demande écrite à l’Employeur, serait susceptible de perdre le droit de s’absenter pour maladie ou des raisons familiales et d’être payé s’il en avait besoin durant la même année. 

[48] On se trouverait alors dans une situation où le fait de bénéficier légitimement d’un avantage négocié dans la convention collective entraînerait la perte du droit de bénéficier d’une norme minimale prévue à une loi d’ordre public. 

[49] On ne peut présumer qu’il était de l’intention du législateur que l’utilisation d’un avantage prévu à la convention collective entraînerait la perte d’un droit prévu à la LNT. 

Cette conclusion est intéressante. Un salarié ne doit pas perdre les bénéfices d’un avantage conventionné, étranger à la norme de travail réclamée. De cette façon, le Tribunal protège les acquis découlant d’une convention collective, tout en évaluant si les normes minimales prévues par la LNT sont respectées par l’employeur. Conséquemment, l’arbitre donne partiellement raison au syndicat.  

[52] Le Tribunal est cependant d’avis que l’Employeur devrait rémunérer au moins deux journées d’absences pour maladie ou obligations familiales dans le cas d’une personne ayant trois mois d’ancienneté même si elle a épuisé sa banque de congés mobiles, dans la mesure où ces journées avaient été utilisées auparavant pour d’autres motifs après avoir été dûment autorisés par l’Employeur conformément à la clause 29.01. 

[53] Ce faisant, la LNT sera respectée tout en faisant en sorte que les salariés continuent de pouvoir bénéficier d’une condition de travail légalement convenue à la convention collective et que la LNT n’avait pour effet de restreindre. 

Le grief est accueilli en partie. 

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Syndicat international des marins canadiens et Desgagnés Marine St-Laurent inc. (Michael Frégeau), 2020 QCTA 271

https://soquij.qc.ca/portail/recherchejuridique/ConsulterExtExpress/BF279C5002FD022477B43EC6A0AB003F?source=EXPTRAV

Le Tribunal est saisi d’un grief contestant le congédiement imposé à un salarié, occupant le poste de matelot sur un pétrolier, après qu’il ait obtenu des résultats positifs à une substance illégale lors d’un test aléatoire de dépistage de drogues effectué par l’employeur. Ces tests étaient tenus en vertu d’une politique relative à l’usage et à la consommation d’alcool et de drogues en vigueur dans l’entreprise.

L’employeur exploite une entreprise dont les activités se rapportent à la navigation de pétroliers, autant à l’échelle nationale qu’internationale. D’ailleurs, le test de dépistage litigieux a eu lieu lors d’une escale à Montréal, après être revenu de Houston pour procéder à un chargement et repartir vers le Royaume-Uni. Lors de l’arrivée au port de Montréal, une infirmière est montée à bord du navire pour soumettre quelques marins, dont le travailleur, à un test de dépistage. Le résultat est sorti positif et le congédiement du travailleur s’en est suivi. Ainsi, les parties soumettent quatre questions à trancher par l’arbitre, soit :

  • Déterminer si la politique découle des droits de direction ou est plutôt une condition de travail relevant de la convention collective;
  • L’exigence de se soumettre à un test de dépistage aléatoire constitue-t-elle une atteinte illicite aux droits fondamentaux du travailleur, notamment à son droit à la vie privée?
  • Le résultat obtenu par le test de dépistage doit-il être exclu en application de l’article 2858 du Code civil du Québec?
  • L’arbitre peut-il intervenir pour annuler le congédiement du travailleur dans les circonstances?

Au sujet de la politique, l’arbitre donne raison à l’employeur au fait que celle-ci est incorporée à la convention collective. En fait, la politique, bien qu’adoptée unilatéralement par l’employeur, était déjà en vigueur au moment de la signature de la convention et les parties s’y réfèrent d’ailleurs autant dans la convention que dans le code de discipline. Par conséquent, les deux parties en connaissaient le contenu et le syndicat, ne l’ayant jamais contesté auparavant, a donc accepté la politique et les conséquences de son non-respect par les salariés.

Également, le Tribunal rejette les prétentions syndicales au fait que le test de dépistage aléatoire constitue une atteinte illicite tant à l’intégrité physique du travailleur, qu’à son droit à la vie privée. L’arbitre Viau conclut, après une revue de la jurisprudence en matière de légalité de tests aléatoires en milieu de travail, qu’effectivement il s’agit d’une atteinte aux droits fondamentaux du travailleur, mais qu’elle est justifiée. Tout en prenant acte des enseignements de l’arrêt de principe Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 300 c. Pâtes & Papier Irving, Ltée, 2013 CSC 34, l’arbitre affirme qu’il existe des particularités, outre la dangerosité évidente des lieux de travail, justifiant l’atteinte aux droits fondamentaux du travailleur.

[212] Dès lors, compte tenu du fait que la Politique est incorporée par référence à la convention collective et que le syndicat a reconnu que l’employeur avait des motifs légitimes justifiant l’existence de tests de dépistage aléatoire, que cette politique a été portée à l’attention du plaignant dès son embauche et qu’il aurait pu s’y référer tout au long de son emploi, une copie de celle-ci se trouvant à bord du navire, il y a lieu de conclure qu’il s’agit d’une limite raisonnable aux droits fondamentaux du plaignant en ce qui a trait à ce qui pourrait être révélé sur ses habitudes de vie par des tests de dépistage et autres examens médicaux.

Abondant dans le même sens, le Tribunal réfute la demande d’exclusion, présentée en vertu de l’article 2858 du Code civil du Québec.

2858. Le tribunal doit, même d’office, rejeter tout élément de preuve obtenu dans des conditions portant atteinte aux droits et libertés fondamentaux et dont l’utilisation est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

L’affirmation voulant que le test de dépistage constitue une atteinte justifiée aux droits fondamentaux répond en partie à cette question. Non seulement les tests étaient légitimes et justifiés au regard des droits du plaignant, mais surtout ils constituent une preuve pertinente qui se doit d’être admise dans le cadre du litige.

Pour conclure, l’arbitre Viau ne peut annuler le congédiement puisque le code de discipline adopté par les parties est clair et prévoit qu’en cas de résultat positif, la sanction disciplinaire applicable est le congédiement immédiat. Ce faisant, il n’appartient pas à l’arbitre de modifier les sanctions que les parties ont elles-mêmes négociées.

Le grief est rejeté.

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Alliance interprofessionnelle de Montréal (AIM-FIQP) et Centre d’hébergement et de soins de longue durée Providence Notre-Dame-de-Lourdes, 2020 QCTAT 2430

https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2020/2020qctat2430/2020qctat2430.pdf

Dans cette affaire, le Tribunal est saisi d’une demande d’ordonnance de sauvegarde déposée par le syndicat afin d’ordonner à l’employeur, en attendant que le litige soit résolu au fond, de fournir des masques de type N95 au personnel qui offre des soins infirmiers et cardio-respiratoires aux patients atteints de la COVID-19 ou suspectés de l’être.

Cette demande s’inscrit dans un litige ayant débuté par une plainte du syndicat à la CNESST, reprochant à l’employeur de ne pas mettre à la disposition des travailleurs les équipements de protection personnels requis en raison de la situation sanitaire, et notamment les masques de type N95. Or, la CNESST, tant dans sa première décision qu’en révision administrative, déclare que l’employeur n’est pas requis de fournir cet équipement à tout son personnel. Dès lors, le syndicat se pourvoit devant le TAT, mais dépose une demande d’ordonnance de sauvegarde en raison de l’urgence d’agir. Toutefois, la CNESST, partie intervenante au dossier, soutient que la division de la santé et de la sécurité du travail du Tribunal n’a pas le pouvoir de prononcer l’ordonnance souhaitée, puisque cela irait à l’encontre de la volonté du législateur qui a décrété que la décision de la CNESST en révision administrative est exécutoire nonobstant appel.

À ce sujet, le Tribunal rejette la prétention de la CNESST et déclare que la division de la santé et de la sécurité du travail dispose du pouvoir de rendre ce type d’ordonnance, en vertu de l’article 9 de la LITAT prévoyant expressément les pouvoirs généraux du Tribunal administratif du Travail. En effet, le TAT est un tribunal statutaire dont les pouvoirs sont circonscrits par la loi. Donc, si le législateur avait voulu retirer à cette division le pouvoir de rendre une ordonnance de sauvegarde, il l’aurait prévu, comme c’est le cas ailleurs dans la loi (par exemple à l’article 40 LITAT).

Pour ce qui est de l’ordonnance de sauvegarde demandée, le Tribunal n’y fait pas droit. En fait, cette demande répond aux mêmes critères cumulatifs que ceux de l’injonction interlocutoire. De plus, puisque l’ordonnance vise l’obligation de faire quelque chose, elle est considérée comme mandatoire. Dans de tels cas, la jurisprudence reconnaît que la partie requérante doit démontrer une forte apparence de droit.

Or, le Tribunal considère que le syndicat ne remplit pas ce fardeau. Le fait que plusieurs ordonnances aient été rendues depuis la déclaration de l’état d’urgence sanitaire, le 13 mars 2020, par le gouvernement du Québec et qu’aucune ne soit en lien avec les équipements de protection personnels, milite à l’encontre d’une forte apparence de droit. Également, le 8 juin 2020, le directeur de la santé publique, en conformité avec les pouvoirs qui lui sont octroyés lors d’un état d’urgence sanitaire, a rendu une ordonnance à l’effet que les masques de type N95 sont réservés aux interventions générant des aérosols. Cependant, de telles interventions n’ont pas lieu chez l’employeur. Le Tribunal doit donc s’en tenir, au stade préliminaire, à l’ordonnance rendue par le directeur de la santé publique.

[68] Puisque cette ordonnance détermine les moyens de protection individuelle ayant force de loi pendant la période où l’urgence sanitaire est déclarée, la FIQP n’a pas fait la démonstration d’une forte apparence de droit quant au droit pour le personnel en soins infirmiers et cardio-respiratoires d’obtenir des masques de type N95 lorsqu’ils prodiguent des soins aux patients atteints de la COVID-19 ou suspectés de l’être.

[69] La présence d’une certaine controverse scientifique sur l’opportunité de fournir des masques de type N95 n’apparaît pas pour le Tribunal, constituer une forte apparence de droit. Il s’agit d’une question que le Tribunal devra trancher sur le fond du litige. Il demeure assez rare qu’une question médicale aussi pointue entraîne une unanimité dans la communauté scientifique.

La demande d’ordonnance de sauvegarde est rejetée.

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POLICIERS ET POLICIÈRES

 

Fédération des policiers municipaux du Québec c. Procureure générale du Québec, 2020 QCCS 2496

https://www.canlii.org/fr/qc/qccs/doc/2020/2020qccs2272/2020qccs2272.pdf

Il s’agit d’une demande en rejet de l’expertise déposée par la Procureure générale du Québec, dans le cadre du pourvoi en contrôle judiciaire intenté par divers syndicats visant à contester la validité constitutionnelle de certaines dispositions de la Loi concernant le régime de négociation des conventions collectives et de règlement des différends dans le secteur municipal, mieux connue comme la Loi 24. En effet, la PGQ s’oppose au dépôt par les demandeurs du rapport d’expertise rédigé par Me Michel Coutu, un professeur de droit à l’École des relations industrielles de l’Université de Montréal, sur la base de deux motifs, soit la partialité de l’expert et l’usurpation du rôle du tribunal.

Au soutien de sa demande, la PGQ invoque un manque d’impartialité et d’objectivité dans l’opinion de l’expert. Pour ce faire, elle reprend des rapports rédigés par Me Coutu dans d’autres litiges et, surtout, elle lui reproche vivement ses opinions exprimées dans des lettres ouvertes et des éditoriaux parus au fil des ans dans les journaux. Il en ressortirait de ces écrits que l’expert a clairement exprimé son animosité à l’égard du gouvernement lorsque vient le temps d’analyser des conflits de travail opposant l’État et des associations de travailleurs. Par conséquent, pour la PGQ, Me Coutu ne remplit pas les critères relatifs à l’admissibilité de son expertise, d’autant plus qu’elle s’apparente davantage à une plaidoirie de la thèse des demandeurs.

Or, le juge Granosik rejette le premier motif invoqué. Celui-ci rappelle que le critère déterminant pour admettre l’opinion de l’expert est que son opinion ne changerait pas, peu importe la partie qui retient ses services. Conséquemment, il retient les arguments présentés par les demandeurs au fait que la cohérence intellectuelle de l’expert s’illustre par son opinion ferme et peu susceptible de modification.

[10] Il n’est pas faux de conclure que les écrits cités tendent à montrer que Me Coutu a une vision particulière des relations industrielles, voire à sens unique. Toutefois, il s’agit de son approche et de ses hypothèses. Il est donc envisageable que dans tous les dossiers dans lesquels il a agi, et dans toutes les lettres ouvertes qu’il a écrites, sa position soit défendable. En matière de sciences sociales, le vrai et le faux sont plus difficiles à cerner. Il existe une multitude de variables et même les opinions opposées se valent parfois. De surcroît, un scientifique peut défendre une théorie (un médecin, l’étiologie particulière d’une pathologie, un physicien, les causes d’un phénomène, etc.) laquelle ne fait pas nécessairement l’unanimité parmi ses pairs. Cela ne veut pas dire qu’un tel expert manque d’impartialité au point où son témoignage ne serait pas admissible. Il ne s’agit pas ici de la même situation que celle examinée dans l’arrêt Roy c. Québec (Procureure générale), plaidée avec insistance par la PGQ, alors que dans ce dernier dossier, l’expert avait caché des informations cruciales, que ses propres actions se trouvaient à la source même du litige et que son rapport n’était pas de la nature d’une expertise mais correspondait plutôt à une reprise de sa demande de permis, dont le rejet avait donné lieu à une action en dommages.

Pour ce qui est de l’usurpation du rôle du décideur, le Tribunal mentionne que le témoignage de l’expert est nécessaire lorsque vient le temps de combler les connaissances qui échappent à l’expertise du juge des faits.  L’expert doit être prudent lorsqu’il s’aventure dans le domaine juridique, puisqu’il peut aisément tomber dans l’opinion juridique. À ce sujet, la nature du litige est importante, car s’agissant d’une affaire constitutionnelle, la pertinence de présenter les conséquences réelles ou probables des dispositions législatives attaquées est considérable. Le Tribunal procède donc à une analyse scindée du rapport, afin de distinguer les éléments qui constituent l’étude en sociologie du droit et ceux relevant de l’opinion juridique.

Le juge en vient à la conclusion que le rapport d’expertise est dans l’ensemble admissible. Il émet toutefois des réserves à l’égard de deux parties qu’il considère problématiques, soit la partie 4.2.2 (Le régime actuel) et la section 5 (L’arbitrage des différends en droit international du travail et des droits de la personne).

[36] En somme, la section 4.2.2 du Rapport (sauf exceptions) analyse la Loi 24 et applique le droit à ses prescriptions, ce qui relève du domaine de l’expertise du juge. Cette partie du Rapport est une opinion juridique dans son sens classique et on n’y retrouve pas des faits législatifs, historiques et sociaux. Me Coutu y expose son avis sur ce qu’est désormais l’état du droit québécois et procède à l’analyse de la législation dans la perspective des questions juridiques soulevées dans le cadre du pourvoi. Les aspects d’application de la Loi 24 abordés dans le Rapport sont de pures questions de droit, relevant, au premier titre, de la compétence et de l’expertise même des tribunaux et des avocats.

Le Tribunal écarte donc la partie 4.2.2, mais reporte l’analyse de la section 5, concernant le droit international, lors de l’audience au fond puisqu’il n’est pas convaincu de la pertinence du droit international pour la résolution du litige. Aussi, il émet des réserves quant à l’expertise que possède Me Coutu en matière de droit international.

La demande de rejet de l’expertise est accueillie en partie.

Nous tenons à souligner le travail de Me Laurent Roy dans le présent dossier !

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Fraternité des policiers et policières de Longueuil Inc. et Ville de Longueuil, QCTA, 22 août 2020

Sur demande seulement.

Dans cette affaire, le syndicat s’appuie sur les modifications législatives à la Loi sur les normes du travail, entrées en vigueur en janvier 2019, afin de demander au Tribunal de reconnaître deux journées rémunérées concernant les congés pour obligations familiales. La convention collective, signée en 2017, avant les modifications de la loi, ne prévoit aucune disposition concernant les obligations familiales. Par contre, l’employeur crédite une banque de quarante-cinq (45) heures pour les absences de maladie à chaque année. De plus, les salariés disposent d’une journée pour affaires personnelles.  

Pour le syndicat, ces congés ne peuvent être utilisés en matière d’obligations familiales, ce qui ne permet pas de respecter l’article 79.7 de la LNT. De son côté, l’employeur prétend que la banque monnayable de quarante-cinq (45) heures est supérieure à ce qui est le minimum requis par la LNT à l’article 79.16, soit deux journées rémunérées pour maladie ou obligations familiales. Le Tribunal retient l’argument patronal. 

[25] La même situation se produit dans le présent dossier. La clause 26.02 de la convention collective assure aux salariés 45 heures de congé de maladie payé par année. Ces congés sont monnayables s’ils ne sont pas utilisés. À la demande du salarié, ils peuvent aussi être reportés dans la banque de congés pour affaires personnelles, jusqu’à concurrence de 36 heures par année. Dans tous les cas de figure, l’employeur rémunère donc plus de deux jours de congé de maladie par année, soit en payant les congés, soit en remettant la valeur en argent au salarié, soit en transférant les congés payés dans une autre banque. 

[26] En conséquence, le Tribunal doit conclure que le plafond des obligations établi par le législateur à l’article 79.16 de la LNT est atteint et même dépassé. Cette disposition, modifiée en même temps que l’article 79.7, est impérative. Le Tribunal ne peut imposer d’obligation additionnelle à l’employeur en se basant sur la LNT, et c’est ce que le grief demande. Il doit donc être rejeté sur cette base. 

En raison du caractère monnayable de la banque de maladie, l’arbitre conclut que les salariés bénéficient d’une condition de travail plus avantageuse que celle prévue à la LNT.  

Le grief est rejeté.

*Il est à noter que l’arbitre L’heureux arrive à cette conclusion en raison du caractère monnayable des congés de maladie. Pourtant, l’arbitre Racine, dans l’affaire Maax Bath, en vient à une conclusion différente pour des congés mobiles qui sont tout autant monnayables. * 


TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

Rien à signaler.

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POMPIERS ET POMPIÈRES

Rien à signaler.

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ARTISTES

Rien à signaler.

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SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRAL

 

R. c. Deschênes, 2020 QCCQ 1678

https://www.canlii.org/fr/qc/qccq/doc/2020/2020qccq2368/2020qccq2368.pdf

Dans cette affaire, l’accusée, une infirmière mère de 2 jeunes enfants, a plaidé coupable sous 10 chefs d’accusation de fabrication de faux, 11 chefs d’usage de faux, 11 chefs de fraude à l’identité et 1 chef de possession d’oxycodone. Ces infractions ont été commises de juin à décembre 2018 au moyen d’un cahier d’ordonnances médicales volé à l’urgence d’un centre hospitalier et avaient pour but de faire face à la dépendance à l’oxycodone dont l’accusée souffrait après que cet analgésique à base d’opioïdes lui eut été prescrit afin de soulager des douleurs causées par la fibromyalgie. L’accusée a été arrêtée une première fois, remise en liberté sous conditions, puis arrêtée de nouveau après avoir commis de nouvelles infractions de même nature.

Le juge Jacques Trudel réaffirme le principe selon lequel l’absolution conditionnelle n’est pas une mesure exceptionnelle et elle ne s’applique pas seulement aux infractions techniques ou d’une gravité minime, mais bien à toutes les infractions qui ne sont pas exclues par le législateur. L’absolution conditionnelle est dans le véritable intérêt de l’accusée, une personne de bonne moralité, sans antécédents judiciaires, dont la réhabilitation ne nécessite pas une peine dissuasive et pour laquelle une condamnation aurait des conséquences néfastes et démesurées par rapport au préjudice causé par les infractions perpétrées.

Absolution conditionnelle accordée.

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