DROIT DU TRAVAIL – GÉNÉRAL
Procureur général du Canada c. Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN 2019 QCCA 979
https://www.canlii.org/fr/qc/qcca/doc/2019/2019qcca979/2019qcca979.pdf
Le Procureur général du Canada se pourvoit devant la Cour d’appel d’un jugement de la Cour supérieure qui déclare l’inconstitutionnalité de l’article 113 b) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral.
113 La convention collective qui régit une unité de négociation qui n’est pas définie à l’article 238.14 ne peut pas avoir pour effet direct ou indirect de modifier, de supprimer ou d’établir :
b) une condition d’emploi qui a été ou pourrait être établie sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, la Loi sur la pension de la fonction publique ou la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État.
Pour la Cour d’appel, le juge de première instance a bien cerné le litige concernant l’entrave substantielle de cette disposition sur le droit d’association du syndicat. La preuve a démontré que le régime de retraite et la dotation sont des sujets d’importance capitale pour le syndicat et que l’interdiction d’inclure ces sujets dans la convention collective ne respectait ni la liberté de choix ni le concept de rapport de force équilibré entre la direction et le syndicat.
Or, la Cour se distance du jugement de première instance en ce qui concerne la justification en vertu de l’article premier de la Charte. La juge en chef expose que la Cour supérieure a exigé un degré de preuve excessif de la part de l’État. Ainsi, la Cour d’appel juge que le Procureur général du Canada a démontré la raisonnabilité de son choix politique et que celui-ci constitue une atteinte minimale au droit d’association du syndicat. Conséquemment, la Cour d’appel casse le jugement de première instance et confirme la constitutionnalité de la disposition en litige.
Appel accueilli.
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Gagné et Aluma Systems inc. 2019 QCTAT 2015
https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2019/2019qctat2015/2019qctat2015.pdf
Dans cette affaire, le Plaignant occupe depuis le mois de février 2015 un poste d’échafaudeur chez l’employeur. Il allègue avoir été congédié sans cause juste et suffisante à la suite d’un incident survenu au travail le 21 mars 2018. Un accident est survenu sur le chantier lors de la fixation d’un madrier mal noué. Le plaignant était en charge et il était accompagné de manœuvres. À la suite de l’incident, le plaignant a une altercation avec son contremaitre et décide d’effectuer un droit de refus, se sentant inapte à poursuivre la journée. Il quitte sans que le contremaitre lui demande de rester. Le lendemain, le plaignant est congédié sur le champ et on ne lui fait part d’aucun reproche. Il reste donc sans justification jusqu’à l’audience.
L’Employeur plaide que le congédiement est justifié par le fait que le Plaignant s’est soustrait à l’obligation de se soumettre à un test de dépistage de drogues et d’alcool à la suite d’un incident. Le plaignant exerce un métier qualifié de dangereux. Dans ce contexte, l’employeur a mis sur pied une politique intitulée « Politique relative aux drogues et alcool-Canada ». Elle prévoit que l’Employeur peut exiger des tests de dépistage de drogues et d’alcool dans certaines circonstances spécifiques.
Le Tribunal retient que l’employeur peut imposer un test de dépistage dans deux circonstances. Premièrement, lorsqu’il a « des motifs valables de croire » que l’employé a contrevenu aux normes prescrites. Ensuite, lorsque survient un « accident, un quasi-accident ou tout autre incident potentiellement dangereux » et qu’il y a des « raisons valables de croire » que la consommation de drogues ou d’alcool est un élément contributif.
Dans ce cas-ci, l’employeur invoque que le plaignant était la personne responsable de la manœuvre et que donc la responsabilité de l’événement lui incombait. De plus, le plaignant aurait des « antécédents » d’intoxication. Le tribunal en arrive à une autre conclusion. D’une part, il ressort de la preuve qu’aucun représentant de l’employeur ne lui a demandé de passer un test de dépistage. De plus, le tribunal détermine qu’une telle demande aurait été contraire à la Charte car l’employeur ne disposait pas de motifs raisonnables de croire à l’intoxication du plaignant. Ceux invoqués sont insuffisants, selon l’enseignement de la Cour suprême sur la question.
Plainte accueillie.
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POLICIERS
Ville de Chambly c. Procureure générale du Québec 2019 QCCS 1999
https://www.canlii.org/fr/qc/qccs/doc/2019/2019qccs1999/2019qccs1999.pdf
En 2014, la Ville de Chambly amorce des démarches visant à sortir de la Régie intermunicipale de police Richelieu-Saint-Laurent. Elle désire ainsi mettre sur pied son propre corps de police et ne plus dépendre de la Régie. Il s’agit en fait d’une promesse électorale du maire Lavoie. Or, cette démarche se soldera par un échec lorsque le 7 mai 2015, la ministre de la Sécurité publique, Lyne Thériault, refuse la création du corps de police de Chambly en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par la Loi sur la police.
71. Les municipalités locales faisant partie de la Communauté métropolitaine de Montréal, de la Communauté métropolitaine de Québec ou de l’une des régions métropolitaines de recensement décrites à l’annexe E sont desservies par un corps de police municipal, selon les modalités suivantes :
1° elles établissent, par règlement approuvé par le ministre, leur propre corps de police ;
La ville de Chambly se pourvoit à l’encontre de cette décision devant la Cour supérieure. À ses yeux, la ministre est dans l’obligation d’accorder la création du service de police, il s’agirait d’un pouvoir lié et la ville a complété l’ensemble des étapes prévues par la Loi sur la police. Or, pour le tribunal, la réalité est bien différente. Le juge de la Cour supérieure précise que le pouvoir de la ministre Thériault s’apparente à une autorité de tutelle qui impose une grande discrétion de la part des tribunaux de droit commun. Ainsi, la Cour ne peut infirmer la décision que si elle est déraisonnable.
Les procureurs de la Ville de Chambly prétendent que la ministre a agi hors de sa compétence puisqu’elle aurait refusé la création du corps de police au lieu de simplement refuser d’approuver le règlement (de création du corps de police) entériné par la ville de Chambly lors de conseil municipal. Le juge ne retient pas cet argument.
[96] D’abord, une telle distinction relève plus de l’argutie linguistique que d’une réelle différence de nature. En effet, il va de soi que le fait de ne pas approuver un règlement établissant un corps de police équivaut à ne pas approuver la création de celui-ci. Prétendre le contraire relève d’un sophisme.
Par la suite, la municipalité évoque une absence de motivation de la décision ministérielle. Ce faisant, la décision serait inintelligible et donc incorrecte. Il est vrai que la décision ne mentionne que le refus sans justifier les motifs sous-tendant la décision. Cependant, le tribunal considère l’ensemble des échanges entre le Ministère et la Ville comme étant des motivations suffisantes, bien que ces échanges aient eu lieu avant la décision finale de la ministre.
[115] Le Tribunal partage plutôt l’interprétation que propose la PGQ. Cette décision présente bien pour la ministre Thériault une importance particulière puisqu’elle est la première de ce type sous le régime de la nouvelle LSP. Celle-ci allait donc, d’une manière ou d’une autre, constituer un précédent et donner le ton pour l’avenir. Pour elle, il était donc impérieux de s’assurer que le processus soit correctement suivi et qu’elle puisse exercer son pouvoir de surveillance en conformité à ses obligations découlant de la loi.
[116] D’ailleurs, rappelons que le MSP réitère à plusieurs reprises ses demandes d’informations de multiples manières et par divers interlocuteurs. Mais Chambly s’entête tout simplement à ne pas collaborer. La ministre Thériault finit par en tirer les conséquences et refuse d’approuver le règlement d’établissement du corps de police. Chambly n’a qu’elle à blâmer.
En somme, le tribunal considère que le Ministère de la Sécurité publique a agi avec le peu d’information que la ville de Chambly daignait leur transmettre. Après de multiples demandes ignorées ou contestées, la ministre Thériault a pris la décision de rejeter la demande de Chambly puisqu’elle n’était pas en mesure de s’assurer que les services seraient rendus de façon adéquate la population. En décidant de la sorte, elle agissait selon les pouvoirs qui lui sont conférés par la Loi sur la police. Par la suite, la Cour supérieure fait une analyse similaire de la décision du ministre Moreau. Celui-ci a prolongé la Régie afin de s’assurer que le territoire soit desservi par un corps de police durant la poursuite judiciaire intentée par la ville de Chambly. Le tribunal ne voit aucun motif pour intervenir dans cette seconde décision ministérielle.
Rejet de la demande introductive d’instance.
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Contant et Sécurité-Policiers – Ville de Montréal 2019 QCTAT
https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2019/2019qctat2433/2019qctat2433.pdf
Dans cette affaire, un policier retraité a développé une surdité neurosensorielle bilatérale. Considérant que cette maladie a été provoquée par ses fonctions de patrouilleurs pour la ville de Montréal, le policier exerce une réclamation à la CSST en vue de faire reconnaître sa surdité comme étant une maladie professionnelle. La Commission refuse la réclamation, comme c’est souvent le cas en semblable matière. Le plaignant amorce donc une contestation devant le tribunal administratif du travail.
Le tribunal établit les conditions d’ouverture de la présomption légale. En vertu de la loi, le policier doit faire la preuve d’une atteinte auditive causée par le bruit et de l’exercice d’un emploi l’exposant à un bruit excessif. Le diagnostic ne pose pas problème en l’espèce, bien que le tribunal analyse l’asymétrie de la surdité explicable en raison des exercices de tir. D’ailleurs, les exercices de tir sont aussi identifiés par le tribunal comme étant un élément constitutif de l’exposition à un bruit excessif des policiers. Le TAT est d’avis que le policier bénéficie de la présomption.
Réclamation accueillie.
Félicitations à Me Félix Martineau pour cette belle victoire!
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Commissaire à la déontologie policière c. Suréna 2019 QCCDP 24
https://www.canlii.org/fr/qc/qccdp/doc/2019/2019qccdp24/2019qccdp24.pdf
Cette décision fait suite à une décision sur le fond par laquelle le Comité de déontologie policière a décidé que l’agente Surena avait manqué de prudence et de discernement en traversant une intersection sur un appel d’urgence. L’intersection en « T » dans laquelle la policière s’est aventurée se composait de voies multiples et lors de la manœuvre, celle-ci avait la vue obstruée par un autobus. Ce faisant, le Comité en est venu à la conclusion que la policière devait redoubler de prudence lors de la traversée de l’intersection.
Sur la sanction appropriée, la partie syndicale a fait valoir que les sanctions en semblables matières étaient trop élevées en comparaison avec d’autres manquements déontologiques, tel l’emploi de la force excessive. Pour le Comité, la « fréquence inexplicable » des incidents relatifs à la conduite de véhicules de patrouilles justifie l’imposition de sanctions dissuasives et exemplaires. Malgré de nombreux facteurs atténuants (sirènes, gyrophares, arrêt complet du véhicule à l’intersection, faible accélération), le Comité n’y voit pas de motifs suffisants pour déroger à la fourchette des sanctions habituelles. Se ralliant à la position du Commissaire, le Comité impose 8 jours de suspension à l’agente Surena.
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POMPIERS
Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, section locale 501 — FTQ et Ville de Rosemère 2019 QCTAT 2307
https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2019/2019qctat2307/2019qctat2307.pdf
Le syndicat et la ville de Rosemère ont amorcé des négociations collectives à compter du 6 novembre 2013. Alors que le syndicat est en demande pour obtenir la mise en place d’une garde permanente nécessitant un investissement supplémentaire dans le Service d’incendie, Rosemère cherche à réduire le coût du service en diminuant le temps de garde. La dernière rencontre de négociation a eu lieu le 17 février 2015 et s’est soldée par une offre syndicale, à laquelle Rosemère n’a jamais répondu formellement.
En juin 2015, Rosemère amorce des démarches notamment avec Blainville s’informant des tenants et aboutissants d’une possible entente de service quant à la desserte du Service d’incendie. Quelques mois plus tard, le syndicat fait une demande d’arbitrage de différends en vertu du Code.
Le 7 mars 2016, Rosemère adopte trois (3) résolutions. Par la première, elle accepte la conclusion d’une entente intermunicipale avec Blainville concernant une desserte de service d’incendie. Par la deuxième, elle met fin à l’emploi de tous les pompiers. La troisième annonce la fermeture du Service de sécurité incendie de Rosemère. Cette fermeture permettrait, selon la preuve administrée, d’économiser près de 500 000$.
Pour le TAT, le droit à la négociation collective s’est vu reconnu comme une composante du droit constitutionnel d’association par la jurisprudence de la Cour suprême du Canada.Il y a d’ailleurs consensus entre les parties au présent litige à cet égard. Or, dans le présent cas, la municipalité n’a jamais entendu ni permis aux représentants de se faire entendre sur sa décision de cesser d’offrir le Service d’incendie ni sur les compensations auxquelles les salariés auraient droit. C’est là où se trouve l’atteinte substantielle au droit d’association. Le syndicat a été empêché d’assumer les responsabilités de représentation qui lui échoient et les salariés de négocier les conséquences de cette décision de fermeture.
[48] Il ne fait pas de doute que Rosemère a manqué à son obligation constitutionnelle de négocier de bonne foi. La décision de fermer le Service d’incendie a un impact majeur, c’est le moins qu’on puisse dire, sur les conditions de travail des salariés et sur la survie de l’association.
[49] Après l’annonce de la décision de cesser les activités, Rosemère a tout simplement ignoré le Syndicat. Elle a en quelque sorte nié au Syndicat son droit d’intervenir au nom de ses membres et en son nom. Elle l’a empêché d’assumer ses obligations de représentation en conformité avec les exigences du droit d’association. Considérant la gravité des conséquences de cette décision : (pertes d’emploi, disparition du Syndicat), l’atteinte au droit d’association est ici substantielle.
Toutefois, le TAT prend soin de mentionner que la décision de fermer le service était légale. L’employeur n’était pas animé par une motivation antisyndicale, seuls les incitatifs économiques d’une telle restructuration motivaient la municipalité.
Plainte accueillie en partie.
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PARAMÉDICS
Ambulances Rawdon 1981 inc. et Malette 2019 QCTAT 2511
https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2019/2019qctat2511/2019qctat2511.pdf
Dans cette affaire, l’employeur demande au tribunal administratif du travail de déclarer que la lésion professionnelle du 6 juillet 2016 a causé une entorse dorsale, qui est consolidée depuis le 11 avril 2017, avec suffisance de soins et traitements à cette date. De plus, comme la travailleuse n’a pas contesté la décision faisant suite à l’avis rendu par le membre du Bureau d’évaluation médicale et que la lésion professionnelle n’a entraîné aucune atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, l’employeur demande au Tribunal de déclarer que la travailleuse était capable d’exercer son emploi depuis le 11 avril 2017.
Au moment de la survenance de la lésion professionnelle, la travailleuse est ambulancière depuis 2007. Elle travaille également à son compte comme entraîneuse privée. Le 6 juillet 2016, en déplaçant une patiente qui était sur une civière et dont les roues s’enfonçaient dans le gravier, elle ressent une vive douleur sous l’omoplate gauche. Le 25 juillet 2016, la Commission accepte la lésion professionnelle dont le diagnostic est une entorse cervico-dorsale. Ce diagnostic est contesté par l’employeur.
Le tribunal administratif du travail doit décider du diagnostic, de la consolidation, des soins et traitements de la salariée. À la demande de l’employeur, la travailleuse a rencontré le docteur Maurais le 24 novembre 2016, qui dans son expertise rendue le 6 décembre 2016, retient uniquement le diagnostic d’entorse dorsale. Par la suite, dans un avis complémentaire, le docteur Bellemare, alors médecin qui a charge, se dit d’accord avec le diagnostic d’entorse dorsale. En mars 2017, le docteur Bellemare ajoute le diagnostic de hernie discale D4-D5 à celui d’entorse dorsale. Le 7 avril 2017, la Commission refuse la relation causale entre la hernie discale D4-D5 et la lésion professionnelle. Cette décision n’a pas été contestée et est devenue finale.
En ce qui concerne la consolidation, une différence d’un an départage la partie patronale et la salariée. L’employeur indique qu’aucune amélioration n’est prévisible depuis avril 2017 et que la salariée a atteint un plateau de stabilité. La consolidation serait intervenue lors de l’examen du docteur Lacasse du 11 avril 2017.
Le tribunal ne retient pas cette approche. En réexaminant l’historique des consultations médicales, le TAT est d’avis que la condition de la salariée n’était pas stabilisée en 2017. Les différents médecins ayant observé la salariée en 2017 ont tous fait état des douleurs persistantes. Ce faisant, le TAT se rabat à la date de consolidation fixée par le BEM, soit le 27 mars 2018.
Bravo à Me Élizabeth Perreault !
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ARTISTES
Rien à signaler.
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DROIT CRIMINEL ET PÉNAL
Rien à signaler.
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