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Veille juridique du 11 mai 2021

SECTION DROIT DU TRAVAIL 

GÉNÉRAL

 

P.T. c. Mohammad Naqeeb, 2021 QCCS 1378
https://canlii.ca/t/jfbrg

La salariée est originaire des Philippines et elle a travaillé pour M. Naqeeb et Mme Mannan de 2015 à 2018 en Arabie Saoudite, en Égypte et au Québec. Elle réclame le salaire minimum, du temps supplémentaire et des dommages moraux et punitifs pour le temps travaillé au Québec du 24 janvier au 9 octobre 2018.

Le tribunal détermine que la salariée a travaillé un total de 68 heures par semaine. Quant aux semaines lorsqu’elle les a accompagnés en vacances, le tribunal détermine qu’elle a travaillé quatre heures par jour, six jours par semaine. N’ayant été payée que 2 013,55$, ses employeurs lui doivent un total de 25 157,45$ pour la période travaillée au Québec.

Les employeurs ont également porté atteinte à sa dignité et à son droit à des conditions de travail justes et raisonnables. Ils ont omis de lui payer son salaire dans son compte de banque et de lui payer directement lorsqu’elle le demandait, ils ont conservé son passeport et ils l’appelaient par le nom de leur ancienne domestique. De plus, ils ne se sont pas assurés qu’elle prenne réellement une journée complète de congé chaque semaine et ils n’ont pas payé son voyage aller-retour pour se rendre aux Philippines comme vacances, comme convenu dans son contrat de travail. Cependant, la preuve n’a pas été faite à l’égard de ses autres allégations, telle l’humiliation causée par ses employeurs.

La salariée a droit à des dommages moraux de 50 000$. Les omissions des employeurs ont affecté la santé mentale, la confiance en soi et la dignité de la salariée. Il est évident que sa vulnérabilité a été exploitée.

La salariée a aussi droit à des dommages punitifs de 90 000$ de M. Naqeeb et de 10 000$ de Mme Mannan. La preuve n’a pas permis d’établir d’atteinte illicite et intentionnelle pour la plupart des manquements. Cependant, il y a preuve d’atteinte illicite et intentionnelle quant au refus de l’appeler par son nom et de lui verser directement son salaire. Ces agissements étaient inacceptables, inexcusables et contraires à la dignité de la salariée. Le tribunal refuse toutefois de prétendre qu’elle a été victime de travail forcé.

Le tribunal accueille partiellement les demandes de la salariée.

 

 

Syndicat des métallos, section locale 9224 et Maibec inc. Division St-Théophile – Usine Sud (grief syndicat), 2021 QCTA 200

https://soquij.qc.ca/portail/recherchejuridique/ConsulterExtExpress/D548892E662A37CD1CD4BD5C542A2E09?source=EXPTRAV

À la suite de la fermeture temporaire de ses activités, l’employeur suspend les cotisations salariales et patronales au régime de retraite. Le syndicat conteste cette décision, laquelle il prétend être contraire à la pratique établie et à la convention collective. Afin de savoir s’il a compétence, le tribunal doit déterminer si le régime de retraite est intégré à la convention collective.

Le régime de retraite a été instauré par l’employeur et s’applique à l’ensemble de ses travailleurs, qu’ils soient syndiqués ou non. Les dispositions peuvent être modifiées à la demande de l’employeur en vertu de l’article 10.4.1 du Règlement du régime de retraite. En 2009, à la suite de la crise financière de 2008, les cotisations avaient aussi été suspendues, mais aucun grief n’avait été déposé. À l’annonce de la suspension des activités en raison de la COVID-19, l’employeur décide de prendre diverses mesures afin de protéger la situation économique de l’entreprise, dont celle de suspendre les cotisations au régime de retraite.

Seule une disposition dans la convention collective mentionne le régime de retraite, mais celle-ci ne concerne ni le règlement du régime de retraite ni le maintien de ses avantages, droits ou obligations. Ceci n’est pas assez pour déduire que le régime de retraite fait partie intégrante de la convention collective. Il doit y avoir une stipulation ou un renvoi de nature à intégrer le régime de retraite. Dans la jurisprudence, les arbitres interviennent lorsqu’il y a un engagement au moins implicite de respecter les droits et obligations découlant du régime de retraite. La simple mention de celui-ci ne suffit pas. La convention collective n’intègre donc pas le régime de retraite.

Le droit de direction de l’employeur comprend le droit de modifier le règlement du régime de retraite. La preuve ne démontre pas qu’il aurait agi de façon abusive ou déraisonnable. Au contraire, la décision de l’employeur fait suite aux décrets déclarant l’état d’urgence sanitaire forçant la fermeture de l’ensemble des usines. La crainte de difficultés économiques explique la décision de l’employeur.

L’arbitre rejette le grief.

 

 

Côté c. Lokia Trois-Rivières, 2021 QCCQ 2500
https://canlii.ca/t/jfqrg

La demanderesse réclame le montant de 14 500$ de la défenderesse pour avoir mis fin à son contrat de travail. La défenderesse nie l’existence d’un contrat de travail et plaide que c’est plutôt la demanderesse qui s’est désistée de l’emploi.

La demanderesse est préposée aux bénéficiaires depuis plusieurs années lorsqu’elle signe la proposition d’emploi de la défenderesse en mars 2019. En mai, la demanderesse informe son employeur qu’elle quitte son emploi et elle signe un contrat de travail avec la défenderesse. Cependant, en juin lors d’un appel avec la directrice des ressources humaines, elle apprend que la défenderesse met fin à son contrat de travail. Il y a eu fin du contrat de travail avant même que la demanderesse commence à travailler.

Le tribunal juge qu’il y a bel et bien eu un contrat de travail, et ce, même si la prestation de travail n’avait pas encore commencé. De plus, la preuve semble corroborer les prétentions de la demanderesse à l’effet que c’est la défenderesse qui a mis fin au contrat de travail, et non la demanderesse qui se serait désistée.

La demanderesse a ainsi droit à un délai-congé raisonnable. Le fait qu’elle n’avait pas encore commencé sa prestation de travail n’y fait pas obstacle. Le tribunal considère qu’un délai-congé de six semaines est raisonnable dans les circonstances, la défenderesse n’ayant pas réussi à prouver que la demanderesse ait manqué à son obligation de minimiser son préjudice. La défenderesse doit un montant de 2 570.40$ à titre de délai-congé.

La demanderesse réclame également des dommages-intérêts compensatoires pour le préjudice moral subi. Cependant, la preuve ne permet pas de faire droit à cette demande puisqu’il n’y a pas eu d’abus de droit en raison d’une négligence, de la mauvaise foi ou d’une faute identifiable de la défenderesse.

La demanderesse réclame aussi le salaire pour les journées de formation exigées par la défenderesse, réclamation à laquelle le tribunal ne peut faire droit non plus. Les formations étant des conditions dans la proposition de travail, la demanderesse a accepté en toute connaissance de cause de suivre ces formations afin de répondre aux exigences de la défenderesse.

La demande est accueillie en partie.

 

 

Thomson Tremblay inc., 2021 QCTAT 1493

https://canlii.ca/t/jf10g

 

L’employeur demande un transfert d’imputation des coûts reliés à une lésion professionnelle dont un de ses travailleurs a été victime en vertu de l’article 326 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

L’employeur offre des services de placement de personnel et le travailleur en question s’est blessé lorsqu’il occupait un emploi de cariste. Alors qu’il ne portait pas ses lunettes de sécurité, le travailleur a reçu de l’acide et des débris en plein visage le 3 février 2017. Sa lésion est consolidée le 23 novembre 2017, mais il demeure porteur d’un déficit anatomophysiologique évalué à 3%. Aucune limitation fonctionnelle n’est toutefois reconnue.

En décembre 2019, la CNESST a confirmé la décision de première instance déclarant que l’employeur n’avait pas droit au droit d’imputation. L’employeur juge qu’il y a droit en raison de la négligence du travailleur. Selon l’article 326 al. 2 LATMP, il sera possible pour l’employeur d’obtenir cette réduction s’il est démontré que l’imputation de ces sommes a pour effet de l’obérer injustement. Selon la jurisprudence, l’employeur doit démontrer deux choses :

  • une situation d’injustice, c’est-à-dire une situation étrangère aux risques inhérents qu’un employeur doit normalement supporter, qui n’est pas liée à ses activités ou qui est le résultat de circonstances inhabituelles, exceptionnelles ou anormales;
  • une proportion des coûts attribuables à la situation d’injustice qui est significative par rapport aux coûts découlant de l’accident du travail en cause.

Il faut tenir compte des sommes imputées et de l’impact financier sur l’employeur. Le tribunal rappelle toutefois que les critères ne sont pas absolus et qu’il est possible d’y déroger dans certains cas. Quant à la simple négligence du travailleur, la jurisprudence est quasi-unanime à l’effet que ça fasse partie des risques inhérents qu’un employeur doit normalement supporter. Toutefois, le degré de négligence peut parfois faire juger le tribunal autrement.

Bien que l’article 27 de la même loi fasse mention de la négligence grossière et volontaire du travailleur, le tribunal n’a pas à chercher si le travailleur a agi ainsi. Il faut plutôt déterminer si le travailleur a été négligent au point où il a entrainé une situation ayant pour effet d’obérer injustement l’employeur. Cependant, l’employeur en l’espèce n’a pas réussi à faire cette preuve.

L’employeur prétend que les éclaboussures sont survenues après que le travailleur ait ajouté de l’eau dans l’accumulateur. Cependant, la preuve est contradictoire à cet effet et le tribunal ne peut retenir la prétention de l’employeur. De plus, bien que le travailleur ait été négligent dans ses actions, il se trouvait tout de même dans sa sphère d’activités professionnelles. Il s’agit donc d’un risque qu’il doit normalement supporter. L’imminence du danger n’a pas non plus été démontrée. Puisque la simple négligence est insuffisante pour accorder un transfert d’imputation, le tribunal ne peut accueillir la contestation de l’employeur.

La contestation est rejetée.

 

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POLICIERS ET POLICIÈRES

 

 

Association des policiers et policières de Sherbrooke et Ville de Sherbrooke, décision rendue le 5 mai 2021.

Disponible sur demande

 

Le Syndicat conteste le fait que l’employeur octroie des remplacements aux policiers temporaires sur appel pour des périodes inférieures à celles des policiers remplacés. L’employeur prétend que la pratique passée est constante et qu’il se conforme à la convention collective.

Les policiers temporaires sur appel ne travaillent pas des quarts de travail complets, contrairement à leur partenaire et aux policiers qu’ils remplacent. Ceci cause certains inconvénients. Par exemple, le partenaire doit retourner au poste pour aller chercher le policier temporaire au début de son quart de travail.

Le grief vise donc à déterminer si le terme « remplacer » à la clause 2.02 de la convention collective signifie que le policier temporaire doit bénéficier de la même durée du quart de travail que le policier qu’il remplace. À cet effet, l’arbitre rappelle les règles d’interprétation énoncées par la Cour suprême : il faut regarder si le texte est clair ou ambigu, et si le texte ambigu il faut découvrir l’intention commune des parties. Il est toutefois possible de considérer le contexte lorsqu’il faut déterminer si le texte est clair ou non.

Le terme « remplacer » n’est pas défini dans la convention collective. Il faut donc regarder son sens usuel, ce que l’arbitre retient comme étant « substituer quelqu’un dans les fonctions d’une autre personne ». Ainsi, le policier temporaire doit exécuter les fonctions du policier permanent, mais rien n’est prévu quant aux conditions de travail qui encadrent cette exécution. Selon l’arbitre, la clause de la convention collective n’est pas ambigüe et n’a pas à être interprétée. La lecture du restant de la convention collective confirme cette conclusion. La clause 2.02 vise les circonstances dans lesquelles il est possible d’appeler un policier temporaire. Rien dans celle-ci ne vise les conditions de travail des policiers temporaires.

La preuve de la pratique passée et le comportement des parties démontrent que la clause de la convention collective ne garantit pas aux policiers temporaires d’effectuer le même nombre d’heures que les policiers qu’ils remplacent lors d’un quart de travail. Quant à l’employeur, rien ne permet d’établir qu’il aurait usé de son droit de direction de manière déraisonnable ou qu’il y aurait eu abus de droit. Il est demeuré dans les limites de la convention collective et de la loi.

L’arbitre rejette le grief syndical.

 

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TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

 

Rien à signaler.

 

 

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POMPIERS ET POMPIÈRES

 

 

Rien à signaler.

 

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ARTISTES

 

Rien à signaler.

 

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SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRAL

 

 

R. c. C.P., 2021 CSC 19

https://canlii.ca/t/jfs3g

Dans cet arrêt, la Cour suprême tranche qu’il est constitutionnel de refuser aux jeunes contrevenants un droit d’appel automatique. Elle confirme la condamnation de l’appelant déclaré coupable d’agression sexuelle parce que la victime, une adolescente, était trop ivre pour consentir à l’activité sexuelle.  

Les faits ayant donné lieu au présent arrêt découlent d’une fête qui s’est déroulée sur une plage de la région de Toronto et au cours de laquelle un garçon de 15 ans a agressé sexuellement une jeune fille de 14 ans. Après avoir été reconnu coupable d’agression sexuelle, le garçon, désigné par les initiales C.P. parce qu’il est un jeune contrevenant, a interjeté appel à la Cour d’appel de l’Ontario. Il prétendait que le verdict était déraisonnable compte tenu de la preuve. L’appel de C.P. a été rejeté, mais l’un des trois juges a exprimé son désaccord avec ses collègues sur un point de droit.

Les adultes qui sont déclarés coupables de crimes graves de ce genre en vertu du Code criminel et dont l’appel est rejeté disposent d’un droit d’appel automatique au plus haut tribunal du Canada lorsqu’il y a désaccord entre les juges de la Cour d’appel sur une question de droit. Mais ce n’est pas le cas pour les contrevenants reconnus coupables de tels crimes en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA). Dans son appel, C.P. a contesté le paragraphe 37(10) de la LSJPA, affirmant que cette disposition viole les droits garantis aux adolescents par la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte).

Une majorité de juges de la Cour suprême a conclu que le verdict était raisonnable. Selon eux, la juge du procès a fourni de solides motifs pour appuyer sa conclusion quant à ce qui s’est passé selon elle la nuit de l’agression sexuelle. Ils ont affirmé que les motifs sur la base desquels la juge du procès a déclaré C.P. coupable étaient rigoureux et soigneusement expliqués.  

En ce qui a trait aux arguments de C.P. sur la constitutionnalité du paragraphe 37(10) de la LSJPA, les juges Wagner, Moldaver, Brown et Rowe ont estimé que le paragraphe 37(10) ne viole pas les droits garantis de l’appelant par l’article 15. Ils affirment que le Parlement n’a pas fait preuve de discrimination envers les adolescents quand il a adopté la LSJPA. Selon ces juges, la loi établit un équilibre entre les avantages d’un mécanisme d’appel à l’encontre d’une décision et les préjudices nécessairement liés à un tel processus, par exemple le principe voulant que l’issue finale des procédures criminelles ne soit pas retardée inutilement.

L’appel est rejeté. La juge Côté, dissidente, aurait pour sa part accueilli l’appel et substitué un verdict d’acquittement en raison de la déraisonnabilité du verdict de culpabilité.