Veille juridique du 13 juin 2023

13 juin 2023

PAR ME BÉATRICE PROULX, ME GENESIS R. DIAZ ET ME KIM SIMARD

 

SECTION DROIT DU TRAVAIL

GÉNÉRAL

 

Ville de Gatineau et Syndicat des cols bleus de Gatineau (CSN) (grief d’interprétation), 2023 QCTA 171 

Disponible sur SOQUIJ : AZ-51932514

Le 3 juin 2021, le gouvernement fédéral a sanctionné Loi modifiant la Loi sur les lettres de change, la Loi d’interprétation et le Code canadien du travail, laquelle a pour effet d’ajouter un nouveau jour férié au calendrier, soit la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation qui a lieu le 30 septembre 2021. Désormais, un employé qui travaille dans une entreprise fédérale a donc droit à un congé payé à cette date.  La convention collective liant les parties était cependant en vigueur depuis le 4 décembre 2020 et ne prévoyait pas expressément cette journée.

En l’espèce, l’Employeur, Ville de Gatineau, avait refusé de reconnaitre aux salariés cette nouvelle journée fériée au motif qu’elle n’est pas assujettie au Code canadien du travail et que les parties ne s’étaient pas entendues sur ce jour férié lors de la conclusion de la convention collective. Le Syndicat a alors déposé un grief donnant lieu à la présente sentence.

L’arbitre, Me Claude Martin, a rejeté l’argument de l’employeur vu le libellé de la clause de parité prévue à la convention collective. En effet, celle-ci prévoyait que toute journée fériée décrétée par un gouvernement supérieur était enchâssée à la convention collective par le biais de l’article 13.02 (clause remorque). Ainsi, le grief portait sur l’interprétation de la notion de gouvernement supérieur. Dans les circonstances, cette expression fait référence à une autorité gouvernementale autre que municipale. D’après le syndicat et avec raison, l’article 13.02 réfère à toute journée décrétée par le gouvernement du Canada ou le gouvernement du Québec. La Ville soutenait plutôt que ladite clause se limite à un congé décrété par le gouvernement du Québec. L’arbitre interprète la clause de manière à faire appel à un ordre de gouvernement ayant un pouvoir législatif différent de celui de la Ville et donc, rien n’exclut le palier de gouvernement fédéral.

Le grief est accueilli.

 

POLICIERS ET POLICIÈRES

 

M.L. et Ville de Bromont, 2023 QCTAT 2469

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jxjrk>

Le travailleur, un policier, conteste une décision en révision administrative de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail (la CNESST), laquelle confirmait la décision initiale de la CNESST refusant la réclamation du travailleur pour un diagnostic d’entorse musculotendineuse d’aspect postéromédial du genou droit et de légère entorse du ligament. En effet, le 5 novembre 2019, dans le cadre d’une formation d’endiguement, le travailleur a effectué un mouvement de coup de pied visant à enfoncer une porte. La formation ne se déroulait pas au poste de police, mais dans une caserne de pompiers. Il a immédiatement ressenti un étirement à son genou droit et a déclaré l’événement aux formateurs sur place, sans toutefois nécessiter un arrêt de travail sur le champ. Plus tard, après investigation, le diagnostic retenu fut celui de déchirure du ménisque interne du genou droit. Le Tribunal est lié par ce dernier diagnostic émis par le médecin qui a charge.

Le Tribunal conclut que le travailleur a subi une blessure sur les lieux de son travail, alors qu’il était à son travail. En effet, le Tribunal considère que le travailleur peut bénéficier de la présomption prévue à l’article 28 de la Loi sur les accidents du travail et des maladies professionnelles (LATMP), malgré la présence d’un diagnostic de nature mixte. Le travailleur a ressenti un inconfort de façon concomitante à l’exécution d’un mouvement. Le fait que la blessure soit survenue à la caserne de pompiers ne fait pas échec à la présomption, puisqu’il s’agit du lieu physique où il offrait une prestation de travail cette journée-là.  L’employeur ne s’est pas acquitté de son fardeau de renverser la présomption.

Quant au délai de consultation et au délai de déclaration à l’employeur, le Tribunal adhère aux prétentions du travailleur à l’effet qu’il ne s’agit pas de délais légaux ; ils ne font pas, non plus, partie des critères de la présomption. La preuve révèle également que le travailleur a fait des démarches diligentes pour remplir une déclaration d’accident et qu’il croyait sincèrement que la douleur se résorberait, d’où le délai avant de consulter un médecin.

Le Tribunal accueille la contestation du travailleur, infirme la décision de la CNESST et déclare que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 5 novembre 2019.

Le cabinet RBD représentait le travailleur dans ce dossier.

 

 

Ville de Sherbrooke (Police & 911) et Côté, 2023 QCTAT 1511 (CanLII)

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jwhq7>

Dans la présente affaire, une sergente-détective à l’emploi de la Ville de Sherbrooke avait déposé en 2018 une réclamation à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail (la CNESST) pour que soit reconnue une lésion professionnelle découlant d’une surcharge de travail. Un diagnostic de dépression majeure avait été posé par le médecin qui a charge en lien avec les événements. La CNESST avait reconnu la lésion par une décision du 8 novembre 2018, confirmée en révision (première contestation en litige). Le 19 aout 2021, la travailleuse est jugée victime d’une récidive, rechute ou aggravation (deuxième contestation en litige).

Dans le cadre de sa preuve, la travailleuse désire produire quatre documents, dont deux rapports d’intervention d’un inspecteur de la CNESST. Ceux-ci s’inscrivent à la suite d’une plainte en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité au travail (LSST) qui prétend à l’existence d’une surcharge de travail à la division des enquêtes criminelles où elle exerce ses tâches. De plus, la travailleuse souhaite verser au dossier un sommaire préparé par le consultant retenu par l’employeur pour effectuer un diagnostic sur la situation visée et qui propose un plan d’action pour y remédier. Enfin, la travailleuse souhaite recevoir et déposer un compte rendu rédigé par la directrice du Service des ressources humaines de l’employeur à l’inspecteur de la CNESST sur les démarches entreprises et réalisées à ce sujet. Ainsi, le Tribunal administratif du travail (le TAT) était appelé à statuer sur une objection de l’employeur au dépôt en preuve de ces documents.

Le TAT est d’avis que bien que l’intervention de l’inspecteur ne concerne pas directement la travailleuse, il concerne néanmoins le département où elle travaille. Étant donné que la travailleuse n’évolue pas en vase clos, la preuve qui tend à démontrer une problématique de la nature de celle alléguée est pertinente. Effectivement, la règle de la pertinence est celle qui sert à décider de l’admissibilité en preuve. Il importe de s’attarder au lien de connexité entre l’élément de preuve et la question en litige. Le TAT souligne également que les rapports d’intervention ne sont pas activement contestés par l’employeur et démontrent une augmentation significative des crimes à traiter par le département des enquêtes entre 2015 et 2019. Les quatre éléments de preuve dépeignent un tableau d’ensemble de l’environnement de travail qui est susceptible de toucher la notion de « risques particuliers en cas de maladie professionnelle ».

L’objection de l’employeur est rejetée.

Le cabinet RBD représentait le travailleur dans ce dossier.

 

 

Commissaire à la déontologie policière c. Gagné, 2023 QCCDP 48

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jxjcr>

Le Comité à la déontologie décide que les agents ont dérogé aux articles 8 et 10 du Code de déontologie des policiers duQuébec et doit les sanctionner. Il conclut que les deux policiers ont été négligents ou insouciants à l’égard de la santé ou de la sécurité du plaignant en omettant d’inscrire les informations relatives à sa médication dans la fiche du détenu. Il a également conclu que les deux policiers ont présenté de fausses déclarations aux enquêteurs du Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), tant au niveau du compte-rendu que des déclarations faites aux enquêteurs du BEI.

Le Comité retient que bien que le contexte entourant l’inconduite des policiers à l’article 10 du Code traduit un degré de gravité supplémentaire quant à la tâche rudimentaire d’inscrire les informations importantes à la fiche du détenu, rien n’indique que les policiers ont agi de mauvaise foi à l’égard du détenu. Il retient par ailleurs que la preuve administrée à l’audience n’indique aucun lien de causalité entre le décès du plaignant et l’omission des policiers. Il estime que la sanction proposée par la Commissaire de vingt (20) jours est trop sévère compte tenu des circonstances. Une sanction de deux (2) jours sans traitement est appropriée.

Quant à la sanction relative aux fausses déclarations dans le cadre d’une enquête indépendante, le Comité rejette la prétention de la partie policière voulant que les policiers étaient visés par une enquête criminelle. À ce sujet, il précise que les policiers ont enfreint leurs obligations légales issues du Règlement sur le déroulement des enquêtes indépendantes en omettant de rédiger un compte-rendu « exact, détaillé et exhaustif ».  Le Comité souligne que le tribunal n’a jamais imposé une sanction à un policier ayant enfreint l’article 8 du Code en présentant une fausse déclaration qu’il savait fausse ou inexacte à un enquêteur du BEI. Il rejette la proposition de la Commissaire d’une destitution et impose une suspension de vingt (20) jours sans traitement dans les circonstances.

Le cabinet RBD représentait les policiers dans ce dossier.

 

 

TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

 

J. P. c. Tribunal administratif du travail et al, 7 juin 2023, Cour supérieure du Québec, 700-17-017937-219 (j. Danielle Turcotte)

Disponible ici

Le travailleur, un ambulancier, prend une médication qui le rend immunosupprimé. Il dépose une réclamation de retrait préventif fondée sur l’article 32 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST), devant les recommandations de l’Institut national de santé publique du Québec (l’INSPQ) durant la pandémie de la Covid-19. La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail (la CNESST) refuse cette demande. Le travailleur conteste la décision de la CNESST devant le Tribunal administratif du travail (le TAT), lequel rend une décision maintenant le refus en écartant la notion de danger et en omettant de se prononcer sur l’altération relative à l’état de santé. Le travailleur se pourvoit ainsi à l’encontre de la décision du TAT devant la Cour supérieure.

En première instance, le juge administratif Lalonde avait conclu que le SARS-CoV-2 ne constituait pas un contaminant au sens de l’article 32 de la LATMP et qu’il ne présentait aucun danger pour le travailleur. Ce faisant, le TAT s’écartait du courant jurisprudentiel majoritaire pour conclure que le coronavirus ne peut être considéré comme étant un contaminant, vu l’absence de lien avec les opérations de l’employeur, l’absence de contrôle. Le SARS-Co-V-2 n’est pas généré par l’employeur, tel que le veut la définition de contaminant prévue à l’article 1 de la LSST. Aucun équipement, machine, procédé, produit, substance ou matière ne génère le virus chez l’employeur.

Sous la plume de l’honorable Danielle Turcotte, la Cour supérieure a rejeté le pourvoi du travailleur. Les parties admettent à bon droit que la norme de contrôle appropriée est celle de la décision raisonnable. La Cour supérieure est d’avis que la conclusion du TAT fait partie des issues possibles du litige, même si elle s’inscrit dans un courant minoritaire. Le juge administratif Lalonde a étudié la notion de contaminant selon les principes d’interprétation du professeur Pierre-André Côté. De surcroit, la Cour supérieure considère que, subsidiairement, le travailleur devait faire la démonstration que le SARS-CoV-2 représentait un danger pour lui, alors que la preuve médicale tendait à démontrer que ce n’était pas le cas. Les tribunaux administratifs entendent les dossiers de novo et donc, peuvent apprécier l’ensemble de la preuve et même de l’évolution des connaissances scientifiques.

Le pourvoi est rejeté.

Le cabinet RBD représentait le travailleur dans ce dossier.

 

POMPIERS ET POMPIÈRES

 

Rien à signaler.

 

ARTISTES

 

Rien à signaler.

 

 

SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRAL

 

DPCP c. Robichaud, 2023 QCCQ 2958

Disponible ici: <https://canlii.ca/t/jx75k>

La défenderesse a présenté une requête en arrêt des procédures alléguant l’illégalité de son arrestation, la violation de son droit à la liberté d’expression, le comportement répréhensible des policiers et la perte d’un élément de preuve. L’intervention policière s’articule avant l’émission d’un constat pour refus de se tenir à une distance de plus de deux mètres, conformément à la Loi sur la santé publique, en mai 2020. L’élément de preuve perdu est un fichier d’une caméra du Centre des sciences de Montréal qui capte l’intervention auprès de la défenderesse.

La perte de ce fichier constitue un préjudice concret pour la défenderesse. Il s’agit d’une violation de son droit à une défense pleine et entière. Le comportement des policiers à l’origine de la perte de cette preuve est le suivant. En réponse à la demande de la défenderesse en mai 2020, les policiers obtiennent une copie du fichier sur une clé USB au Centre des sciences. L’agent chargé de récupérer le fichier a visionné les images et téléversé celles-ci dans un fichier temporaire. Ces images ont ultimement été effacées. Un technicien rapportera que le fichier original était corrompu, ne pouvant plus être consulté en raison du long délai de traitement de la clé USB, entre juin et novembre 2020.

Selon le juge, il était prévisible que la clé USB pouvait s’avérer défectueuse. La clé USB n’est analysée qu’en novembre 2020, ce qui révèle une négligence de la part du service de police. Le tribunal estime donc que le comportement de l’État est inacceptable.

Compte tenu des circonstances, le tribunal considère que les conditions du remède demandé sont réunies. L’arrêt des procédures conformément à l’art. 24 (1) de la Charte Canadienne est ordonné.

 

 

R. v. Ngarukiye, 500-01-216798-212 (Production of Records), 7 mars 2023

Disponible ici.

R. v. Ngarukiye, 500-01-216798-212 (Production of Records), 21 mars 2023

Disponible ici.

Dans cette affaire, l’accusé doit subir son procès devant jury pour avoir désarmé le policier Sanjay Vig et avoir fait feu sur ce dernier. Il formule à la Cour supérieure, avant le début de son procès, une demande pour obtenir toutes les plaintes déontologiques et disciplinaires à l’égard du policier Vig. Le Ministère public, le SPVM, le Commissaire à la déontologie policière et le policier s’opposent à cette demande de divulgation.

Le juge François Dadour de la Cour supérieure a rendu deux jugements portant sur cette demande de divulgation. Le premier jugement porte sur la première étape de l’arrêt O’Connor, soit le seuil de pertinence à atteindre afin de déterminer si la divulgation peut avoir lieu. Dans le second jugement, le juge Dadour détermine quel matériel doit être divulgué à l’accusé.

Dans le premier jugement, le juge rappelle que sous le régime de l’arrêt O’Connor, destiné aux tiers, l’accusé doit établir que les documents sont de « pertinence probable » à la défense de l’accusé. Le juge établit que c’est le régime de l’arrêt O’Connor, et non celui de McNeil qui s’applique, puisque monsieur Vig est un témoin, et non un membre de l’enquête sur l’accusé, comme dans l’arrêt McNeil. Le juge Dadour conclut qu’en raison de l’identification de monsieur Camara comme étant son agresseur par monsieur Vig, l’accusé a rempli le seuil de pertinence en voulant attaquer la crédibilité et la fiabilité du témoignage de monsieur Vig. Le juge Dadour mentionne toutefois qu’il devra procéder à l’analyse individuelle des plaintes logées contre monsieur Vig afin d’analyser si elles seront communiquées à l’accusé.

Dans le second jugement, le juge Dadour traite de la deuxième étape de l’arrêt O’Connor, laquelle prévoit que le juge doit examiner chacun des documents recherchés pour déterminer s’ils doivent être communiqués à l’accusé. En premier lieu, le juge est d’avis que les plaintes antérieures au dossier de monsieur Vig ne soulèvent pas d’enjeu de vie privée. De plus, le juge Dadour mentionne que dans l’optique où les plaintes visant l’agent Vig seraient divulguées à l’accusé, cela ne les rend pas admissibles en preuve pour autant. En effet, différentes règles régissent la procédure de divulgation de celles entourant l’admissibilité. Le juge est d’avis que la balance entre le droit à une défense pleine et entière et le droit à la vie privée milite en faveur de la divulgation. Par conséquent, le juge Dadour ordonne la communication à l’accusé de certaines plaintes incluses dans le tableau préparé par le SPVM et le Commissaire à la déontologie policière.

Le cabinet RBD représentait le policier dans ce dossier.

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