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Veille juridique du 13 octobre 2020

SECTION DROIT DU TRAVAIL 

GÉNÉRAL

 

Bendada et Institut universitaire en santé mentale Douglas, 2020 QCTAT 3168

https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2020/2020qctat3168/2020qctat3168.pdf

Le travailleur est infirmier lorsqu’il subit une lésion professionnelle au poignet droit pour laquelle il conserve des limitations fonctionnelles. La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (ci-après la « CNESST ») détermine qu’il n’est plus en mesure d’exercer son emploi. À ce moment, l’Employeur l’informe qu’il n’a pas d’emploi convenable à lui offrir. Par la suite, elle détermine qu’il est capable d’exercer l’emploi convenable de gestionnaire de dossiers ailleurs sur le marché du travail. Selon lui, le travailleur ne peut exercer l’emploi convenable déterminé dans le secteur de la santé puisqu’il ne détient pas de baccalauréat.

Ainsi, le Tribunal doit déterminer si l’Employeur a assumé son obligation d’accommodement raisonnable dans le cadre du processus de réadaptation professionnelle mise en place à l’égard du travailleur.

Depuis l’affaire Québec (Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail) c. Caron, [2018] 1 R.C.S. 35, il est maintenant bien établi que l’obligation d’accommodement raisonnable s’applique en matière de lésions professionnelles relativement à la réadaptation d’un travailleur handicapé, et que les employeurs sont des acteurs du processus de réadaptation. En conséquence, comme le mentionne le Tribunal, un employeur ne peut plus simplement évoquer que les limitations fonctionnelles du travailleur l’empêchent d’exercer son emploi ou encore qu’il n’a pas d’emploi convenable à offrir au travailleur au sein de son entreprise ou de son établissement.

En l’espèce, le Tribunal est d’avis que l’Employeur exerce de la discrimination à l’égard du travailleur en refusant de le réintégrer dans un emploi convenable. Cette décision, qui repose sur le fait qu’il conserve des limitations fonctionnelles, porte atteinte à son droit à l’égalité. Il s’exprime ainsi :

[26] En somme, la position de l’employeur, selon laquelle il n’a pas d’emploi convenable pour monsieur Bendada, est discriminatoire et porte atteinte à son droit à l’égalité. Le maintien du travailleur en assignation temporaire, dans le présent dossier, s’avère une solution temporaire, aux seules fins de protéger les intérêts financiers de l’employeur, sans véritable assise pour assurer la réadaptation et une certaine pérennité d’un emploi pour monsieur Bendada au sein de son établissement.

De plus, le Tribunal ne retient pas l’argument de l’Employeur selon lequel il n’a pas commis de discrimination à l’égard du travailleur considérant que celui-ci ne peut occuper l’emploi convenable déterminé au sein de son établissement puisqu’il ne possède pas le diplôme requit pour ce faire, et ce pour les motifs suivants :

[28] En effet, l’obligation de ne pas porter atteinte au droit à l’égalité d’un travailleur handicapé et de l’accommoder raisonnablement s’impose à l’employeur non pas après que la Commission ait déterminé un emploi convenable, mais plutôt dès que les séquelles du travailleur sont connues et qu’en raison de celles-ci, il ne peut exercer son emploi prélésionnel. L’employeur ne peut attendre la fin du processus de réadaptation pour évoquer des exigences professionnelles justifiées, alors qu’il n’a pas participé activement à ce même processus de réadaptation.

[29] Ainsi, l’absence d’un baccalauréat ne peut constituer, dans le présent cas, une exigence professionnelle justifiée, parce que le refus de l’employeur de réintégrer monsieur Bendada est motivé par l’existence de limitations fonctionnelles. C’est notamment en raison de celles-ci que madame Desrosiers informe la Commission, en mai 2015, que l’employeur n’a pas d’emploi convenable pour le travailleur et ce n’est pas en raison d’une quelconque exigence professionnelle justifiée. Si tel était le cas, l’employeur n’en a pas fait la preuve.

Après une revue de la jurisprudence applicable en matière d’accommodement raisonnable et de contrainte excessive, le Tribunal conclut que l’Employeur ne s’est pas acquitté de son obligation d’accommodement raisonnable en l’espèce puisqu’il n’a proposé aucune mesure d’accommodement au travailleur. Bien que ce dernier et son Syndicat auraient pu être plus actifs en lui soumettant des propositions d’emplois, il ne peut leur faire porter le fardeau de son échec puisqu’il est le débiteur principal de cette obligation. De plus, l’assignation temporaire ne peut représenter en l’espèce une mesure d’accommodement puisqu’elle n’a été prise qu’au bénéfice financier de l’Employeur et non afin de favoriser la pérennité du processus de réadaptation du travailleur au sein de son établissement.

Finalement, le Tribunal conclut que la fusion de plusieurs établissements pour créer le CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal et la présence de plusieurs syndicats à la suite de celle-ci ne constitue pas une contrainte excessive puisque l’Employeur n’en a pas fait la démonstration.

En conséquence, la décision de la CNESST déterminant l’emploi convenable du travailleur est prématurée.

La contestation est accueillie. La décision de la CNESST relative à l’emploi convenable est infirmée. Le dossier est retourné à la CNESST pour que le processus de réadaptation professionnelle soit repris en tenant compte du droit à l’égalité du travailleur.

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Syndicat des travailleuses et travailleurs de la Ferme St-Zotique inc. et Ferme St-Zotique inc. (grief syndical), 2020 QCTA 450

https://soquij.qc.ca/portail/recherchejuridique/ConsulterExtExpress/FD1EACFC2DE6E22E08C3203CFCC759CC?source=EXPTRAV

Dans cette affaire, le Tribunal d’arbitrage doit déterminer si les conditions salariales des salariés à temps partiel et des salariés étudiants lorsqu’ils travaillent la fin de semaine respectent l’article 41.1 de la Loi sur les normes du travail. Le Syndicat soutient que le taux de salaire de ces salariés, pour du travail effectué la fin de semaine, est attribué en fonction de leur statut d’emploi, ce qui constitue une disparité de traitement. Tous les salariés sont dans la même classification d’emploi et effectuent les mêmes tâches. La clause contestée se lit comme suit :

ARTICLE 17 SEMAINES ET HEURES DE TRAVAIL

17.01 Semaine et horaires de travail

[…]

Les salariés à temps plein, dans la classification journalier poulailler et dans la classification opérateur d’empaqueteuse d’œufs à la ferme qui travaillent le samedi et/ou le dimanche reçoivent leur taux normal du salaire de base majoré de cinquante pour cent (50%).

Les salariés à temps partiel et les étudiants à la ferme reçoivent la prime de fin de semaine, comme prévu à l’article 26.05.

Pour sa part, l’Employeur plaide que la Loi n’interdit pas aux parties à une convention collective de négocier des conditions salariales plus avantageuses pour les salariés ayant le statut de temps plein. Il ajoute que selon la Loi, la notion de « taux de salaire » est distincte de celle de « condition de travail », et que la clause 17.01 prévoit une disparité de traitement au niveau des conditions de travail de deux catégories d’emplois différentes, ce qui n’est pas prohibé par la Loi.

Le Tribunal est d’avis que la prime de 0.70 $ versée aux salariés à temps partiel et aux salariés étudiants qui effectuent du travail la fin de semaine n’est pas une disparité de traitement contraire à l’article 41.1 L.n.t. puisque le taux de salaire de base est le même pour une même classification d’emploi, et ce indépendamment du statut d’emploi. Ce qui diffère, c’est la rémunération globale versée à chaque salarié en raison du travail effectué les journées de fin de semaine.

Selon lui, la majoration de 50 % du taux de salaire que reçoivent les salariés à temps plein constitue une condition de travail assimilable à une prime, ce qui est un concept juridique distinct du « taux de salaire » auquel réfère l’article 41.1. L.n.t. Ainsi, cet article ne vise que le « taux de salaire » et non les autres composantes du salaire. En l’espèce, les parties ont négocié une condition de travail distinctes et plus généreuse au bénéfice des salariés à temps plein, et cet avantage, dans la mesure où leur taux de salaire de base respectif est identique lorsqu’ils effectuent les mêmes tâches, ne contrevient pas à la Loi.

Le grief est rejeté.

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Caisse Desjardins de Chomedey c. Tribunal administratif du Travail, 2020 QCCS 2728

https://www.canlii.org/fr/qc/qccs/doc/2020/2020qccs2728/2020qccs2728.pdf

La Cour supérieure est saisie d’une demande de pourvoi en contrôle judiciaire d’une décision du Tribunal administratif du travail (ci-après le « TAT ») ayant accueillie une plainte pour congédiement sans cause juste et suffisante au motif que l’omission de l’employeur d’une part, d’aviser la salariée d’un possible congédiement à défaut de corriger ses lacunes et d’atteindre ses objectifs annuels, et d’autre part, d’effectuer un effort pour la réaffecter, rendait son congédiement administratif illégal.

Le TAT avait d’abord conclu que l’Employeur avait démontré les lacunes et l’incompétence de la salariée, et avait rejeté la prétention de cette dernière selon laquelle son congédiement était de nature disciplinaire. Toutefois, à la seconde étape de son analyse, il conclut qu’il n’avait pas respecté les exigences qui s’imposent lors d’un congédiement administratif pour manque de compétence. À la lumière de la jurisprudence, six conditions doivent être remplies pour qu’un Tribunal conclut à la légalité d’un tel congédiement. Selon le TAT, l’Employeur a failli a respecté le cinquième et le sixième critère, soit que « Le salarié a été prévenu du risque de congédiement à défaut d’amélioration de sa part » et que « L’employeur a déployé les efforts raisonnables pour trouver un autre poste au salarié ». Concernant le cinquième critère, il est d’avis qu’en raison de la tolérance passé de l’Employeur à l’égard de la salariée, il était primordial de lui donner un préavis formel de congédiement. Finalement, en ce qui a trait au sixième critère, il conclut qu’en raison des circonstances du présent dossier, l’employeur n’a pas fourni les efforts suffisants pour tenter d’identifier un nouveau poste à la salariée.

Le Tribunal doit donc déterminer si la décision rendue par le TAT est raisonnable au sens des enseignements de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Vavilov et de la jurisprudence rendu subséquemment. En d’autres termes, il doit déterminer si elle est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquels le décideur est assujetti. Une telle décision raisonnable en est une « qui se tient ». À l’inverse, une décision déraisonnable présentera un manque de logique interne ou un caractère indéfendable sous certains rapports.

Concernant l’absence de préavis de congédiement, le Tribunal conclu que la décision du TAT s’inscrit dans la jurisprudence unanime en la matière et ainsi, il n’y relève aucune incohérence. Quant au sixième critère, il est d’avis, contrairement aux prétentions de l’Employeur, que le TAT ne lui a pas aveuglement imposé l’exigence de relocalisation de la salariée, mais a plutôt a soigneusement évalué la preuve pour en décider ainsi. En conséquence, l’analyse du TAT est conforme aux enseignements de la Cour d’appel dans l’affaire Commission scolaire Kativik c. Association des employés du Nord québécois, 2019 QCCA 961 qui énonce que « la question de savoir si un congédiement pour rendement insatisfaisant est justifié au regard des règles pertinentes est contextuelle. » Pour ces motifs, le Tribunal considère que la décision du TAT possède tous les attributs de la raisonnabilité.

La demande de pourvoi en contrôle judiciaire est rejetée.

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Houle et Distributions Gerry Grondin inc., 2020 QCTAT 3322

https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2020/2020qctat3322/2020qctat3322.pdf

Les questions en litige devant être tranchées par le Tribunal dans ce dossier sont les suivantes :

– L’emploi de préposée aux services d’information et aux services à la clientèle est-il un emploi convenable au sens de la Loi?

– Le cas échéant, la travailleuse peut-elle bénéficier d’une suspension de la période de recherche d’emploi en raison de la Covid-19?

– La travailleuse a-t-elle droit au remboursement du coût des traitements de massothérapie?

D’abord, il répond par l’affirmative à la première question dont il est saisi. Il ne retient pas les arguments de la travailleuse selon lesquels l’emploi de préposé aux services à la clientèle ne respecte pas sa capacité résiduelle puisque les effets secondaires de la médicamentation qu’elle prend en lien avec sa lésion professionnelle la rendent incapable d’exercer cet emploi. Il retient de la preuve que la travailleuse conserve des limitations fonctionnelles de classe 2, soit des restrictions modérées, et que bien qu’elle ressente des effets secondaires de la médicamentation prise, aucun des médecins consultés n’est d’avis qu’ils la rendent incapable de travailler.

Puis, quant à la suspension demandée par la travailleuse, le Tribunal refuse de lui accorder. La CNESST avait déterminé que la travailleuse était capable d’exercer cet emploi convenable à compter du 20 mars 2019, et qu’elle continuerait de recevoir une indemnité de remplacement du revenu (ci-après l’ « IRR ») pendant « la période de recherche d’emploi » jusqu’à ce qu’elle occupe cet emploi ou au plus tard le 19 mars 2020, conformément à ce que prévoit l’article 49 alinéa 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (ci-après « LATMP »). Toutefois, en raison de la récidive, rechute ou aggravation (ci-après « RRA ») subie par la travailleuse du 27 mars 2019 au 18 février 2020, la CNESST a suspendu la période de recherche d’emploi et l’a repoussée jusqu’au 9 février 2021. Le Tribunal est d’avis que la Loi ne prévoit pas d’exception permettant d’augmenter la période d’une année au cours de laquelle la travailleuse peut recevoir une IRR. En fait, la Loi prévoit la suspension ou l’interruption de cette année de recherche d’emploi en cas de RRA mais malgré cela, la durée totale du droit à l’IRR pour la période de recherche d’emploi ne peut excéder 365 jours. C’est ce qui s’est produit en l’espèce : pendant la période où la travailleuse a subi une RRA, la CNESST a interrompu la période de recherche d’emploi de 328 jours, pendant laquelle celle-ci a pu bénéficier d’une IRR. En repoussant au 9 février 2021 la fin de la période de recherche d’emploi, la CNESST s’assure qu’elle puisse recevoir pendant au plus un an l’IRR à laquelle elle a droit. Faire droit à la demande de la travailleuse aurait pu effet de lui permettre de recevoir plus que ne l’autorise la Loi.

Quant à la troisième question, le Tribunal conclut que la travailleuse a le droit aux traitements de massothérapie prescrits par sa médecin traitante puisqu’ils lui sont nécessaires. Bien qu’un massothérapeute ne soit pas un professionnel de la santé au sens du paragraphe 1 de l’article 189 LATMP qui traite de l’assistance médicale et que ni cette profession ni leur traitement ne soit énumérés au Règlement auquel réfère le paragraphe 5 de ce même article, la jurisprudence enseigne que devant une demande de remboursement de frais y étant non prévus, le Tribunal doit analyser si cette demande satisfait les dispositions du droit à la réadaptation. C’est le cas en l’espèce.

La contestation est accueillie en partie.

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Van Lierop c. Fortin, 2020 QCCS 1782

https://www.canlii.org/fr/qc/qccs/doc/2020/2020qccs1782/2020qccs1782.pdf

Dans le cadre de la gestion d’une instance en diffamation, le Tribunal est appelé à se prononcer sur une demande d’audience virtuelle faite en contexte de la pandémie de la Covid-19. Les défendeurs s’opposent à cette demande pour les motifs suivants :  1- La question en litige est directement reliée à la crédibilité des témoins et que celle-ci aura nécessairement un impact sur la décision du tribunal; 2- Les demandeurs demeurent à la même adresse et il sera ainsi difficile de gérer leur interaction à l’extérieur du champ de la caméra; et 3- Les défendeurs ont droit à une défense pleine et entière.

Quant au premier motif, le Tribunal est d’avis qu’il n’y a pas de réelles assises à la crainte alléguée par les défendeurs concernant la question de la crédibilité. Les invraisemblances ou l’incohérence peuvent se percevoir tant en réel qu’en virtuel. D’ailleurs en permettant les audiences par moyen virtuel technologique, le législateur atteste qu’un tel moyen ne nuit pas à l’appréciation des témoignages.

Ensuite, le Tribunal répond au deuxième motif en invoquait que la présomption de bonne foi doit primer. Il ajoute que le déroulement de l’instruction et les règles applicables devant le tribunal sont les mêmes pendant une audience physique se tenant au palais de justice que pendant une audience virtuelle.

En conséquence, puisque l’un de demandeurs est âgé de plus de 70 ans, et qu’il est fait partie d’un groupe de la population plus à risque de succomber aux complications liées à la Covid-19, la demande de procéder de manière virtuelle ne relève donc pas d’un simple caprice ou d’une préférence, mais bien d’une mesure à favoriser pour contrer le danger réel auquel fait face notre société.

Le Tribunal ordonne que le procès procède virtuellement.

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POLICIERS ET POLICIÈRES

Rien à signaler.

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TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

Rien à signaler.

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POMPIERS ET POMPIÈRES

Rien à signaler.

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ARTISTES

Rien à signaler.

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SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRAL

 

 R. c. Martinez Abarca, 2020 QCCA 1196

https://www.canlii.org/fr/qc/qcca/doc/2020/2020qcca1196/2020qcca1196.pdf

Appel du ministère public à l’encontre d’une décision dans laquelle une juge de la Cour du Québec a acquitté l’intimé d’une accusation de voies de fait graves (art. 268 C.cr.), et l’a déclaré coupable de l’infraction incluse de voies de fait causant des lésions corporelles.

Dans cette affaire, la victime a subi les blessures suivantes : dents cassées, fracture ouverte de la mâchoire, nécessité d’une plaque de titane pendant un an, mâchoires immobilisées pendant six semaines empêchant l’absorption de toute nourriture solide, impossibilité de parler pendant cette période et deux interventions chirurgicales.

 Le seul motif pour lequel la juge rejette l’accusation de voies de fait graves est que les lésions ne sont pas permanentes. Or, la Cour d’appel rappelle que caractère permanent des blessures n’est pas obligatoire. La juge a donc commis une erreur de droit en ajoutant un élément essentiel à la notion légale de voies de fait graves.

La Cour d’appel accueille le pourvoi du ministère public et y substitue une déclaration de culpabilité.

 En ce qui a trait à la peine infligée par la juge (absolution conditionnelle), elle devient illégale puisqu’elle ne peut être accordée en cas de voies de fait graves. Il y a alors lieu de rendre une ordonnance conforme à la suggestion des parties, soit de retourner le dossier en première instance aux fins de la détermination de la peine.

Appel accueilli. Déclaration de culpabilité substituée. Peine d’absolution conditionnelle cassée et renvoi du dossier en première instance aux fins de la détermination de la peine.

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Manrique c. R., 2020 QCCA 1170

https://www.canlii.org/en/qc/qcca/doc/2020/2020qcca1170/2020qcca1170.pdf

Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté l’appel d’une déclaration de culpabilité. Rejeté.

Dans cette affaire, l’appelant a envoyé une centaine de messages à la plaignante en moins de 48 heures. La juge de première instance a conclu que ces messages n’avaient pas engendré chez elle une crainte pour sa sécurité. Elle a acquitté l’appelant sous le chef de harcèlement criminel (art. 264 du Code criminel (C.Cr.)) mais l’a déclaré coupable sous le chef de communications harcelantes (art. 372 (3) C.Cr.).

En appel, l’appelant argue que le mot «harceler» («harass») prévu à l’article 372(3) C.cr. devrait être interprété de la même que pour celle prévue à l’article 264 C.Cr., soit selon le sens qui lui est attribué dans l’arrêt Lamontagne.

Le juge Patrick Healy analyse l’historique de l’infraction d’harcèlement criminel et constate que l’adoption de cette disposition en 1993 a marqué un virage vers une protection accrue des personnes contre le harcèlement, ce qui explique son classement parmi les infractions contre la personne du Code criminel. Cependant, ce virage n’est pas suffisant pour conclure que le terme «harceler» employé aux articles 372 (3) et 264 C.Cr. doit recevoir la même interprétation quant à la mens rea requise. En effet, la comparaison des peines disponibles aux deux infractions démontre que le législateur considère l’infraction de harcèlement criminel comme ayant une gravité objective supérieure à celle de l’infraction de communications harcelantes (par. 33).

De plus, le juge Healy constate que les éléments de l’actus reus diffèrent entre ces deux infractions. L’infraction prévue à l’article 372 (3) C.Cr. requiert que les communications harcelantes soient transmises par un moyen de télécommunication, mais sans exiger la preuve de leur réception. Les communications répétées peuvent aussi constituer du harcèlement criminel en vertu de l’article 264 C.Cr., qu’elles soient transmises par voie de télécommunication ou autrement, mais elles doivent avoir été reçues par la victime et avoir suscité chez elle une crainte pour sa sécurité. L’élément de mens rea prévu par l’article 372 (3) C.Cr. est l’intention de transmettre une communication harcelante. On ne peut y assimiler les éléments de mens rea requis par l’article 264 C.Cr. sans y ajouter une exigence de la connaissance de l’effet causé par le comportement harcelant ou d’une insouciance à cet égard. Une telle interprétation aurait pour effet de modifier les éléments constitutifs de l’infraction énoncée à l’article 372 (3) C.Cr. ainsi que la gravité objective des 2 infractions d’une manière qui n’est pas conforme à l’intention du législateur (par. 37).

Appel rejeté. Déclaration de culpabilité maintenue.

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