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Veille juridique du 13 septembre 2022

SECTION DROIT DU TRAVAIL

 

GÉNÉRAL

 

Caisse populaire Desjardins de Saint-Raymond-Sainte-Catherine c. Girard, 2022 QCCA 1171

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jrrn6>

L’intimée, Mme Girard, comptait près de 33 années d’ancienneté auprès du mouvement Desjardins. Elle sombre dans la dépression et durant sa période d’invalidité, elle est congédiée le 16 février 2015. Mme Girard poursuit la Caisse en dommages-intérêts. En première instance, elle réclame une indemnité tenant lieu d’un délai de congé de 36 mois ainsi que des sommes importantes à titre de dommages-intérêts punitifs et en réparation du préjudice moral, en sus du remboursement de ses honoraires extrajudiciaires. Le juge donne partiellement raison à Mme Girard et condamne la Caisse à lui payer des indemnités totalisant 223 404 $, soit 129 709 $ pour tenir lieu d’un délai-congé de 24 mois, 75 000 $ pour dommages non pécuniaires et 18 695 $ pour certains frais et la perte d’avantages liés à son emploi.

Insatisfaites de cette décision, les parties, par voie d’appel et d’appel incident, se pourvoient contre le jugement de la Cour supérieure. La décision résume bien les positions respectives de chacune des parties :

[12] Les deux parties sont insatisfaites du jugement. L’appel de la Caisse porte sur les points suivants :

        • La durée et le point de départ du délai-congé;
        • L’obligation de Mme Girard de minimiser son préjudice;
        • Son droit aux bonis ainsi qu’aux augmentations salariales;
        • L’abus de droit (ou la faute distincte) et, subsidiairement, le montant de l’indemnité pour dommages non pécuniaires;
        • L’indemnité de 11 630 $ pour des vacances.

[13] Mme Girard, dans son appel incident, soutient que le juge a erré :

        • En déduisant de l’indemnité de délai-congé une partie des prestations d’invalidité versées par l’assureur;
        • En refusant de lui accorder une indemnité pour la perte liée à son fonds de pension;
        • En limitant la durée du délai-congé à 24 mois.

Sans énumérer chacun des éléments contestés, voici quelques points saillants.

La durée du délai de congé et son point de départ étaient des questions communes. La cour d’appel a examiné cette question en deux temps, en commençant par la prise en compte de l’ancienneté de la travailleuse puis en poursuivant avec la date du congédiement. La Cour supérieure avait octroyé un délai de 24 mois à compter du 16 février 2015 : celui-ci est maintenu en appel, mais chaque cas est un cas d’espèce.

La Cour d’appel étudie ensuite l’obligation pour la travailleuse de mitiger ses dommages. La Cour estime que Mme Girard a fait des efforts raisonnables pour se trouver un emploi dans le même domaine d’activité ou dans un domaine connexe et que la preuve ne révèle pas qu’elle aurait refusé des offres raisonnables dans les circonstances.

Ensuite, il est à retenir que l’intimée ne pouvait réclamer à l’appelant, sous forme de dommages-intérêts, ce qu’elle aurait pu réclamer à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail pour le préjudice moral et physique découlant d’une rencontre tenue avant son congédiement.

Enfin, concernant l’indemnité tenant lieu du délai de congé, le juge de première instance n’aurait pas dû déduire de celle-ci les prestations d’invalidité touchées par l’intimée, même si l’employeur finançait le régime d’assurance. Cela n’a aucune incidence avec l’obligation de l’employeur de verser un délai de congé suffisant.

En conclusion, l’appel principal et l’appel incident sont accueillis en partie. L’une des conclusions du jugement de première instance est infirmée et modifiée quant au quantum.

 

Rosier c. Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec, 2022 QCTAT 3810

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jrh9j>

Dans cette affaire, une travailleuse membre du Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec déposait une plainte à l’encontre de l’association en vertu de l’article 47.2 du Code du travail pour défaut de juste représentation. La travailleuse alléguait au manquement au niveau de l’analyse des chances de succès qu’avait fait l’association eu égard à son propre congédiement. En effet, le syndicat avait procédé au règlement du grief par lequel la plaignante contestait son congédiement. Le règlement avait toutefois été effectué sans le consentement de la travailleuse, au motif que le syndicat prétendait avoir la discrétion de le faire.

Le Tribunal réitère le fardeau de preuve qui incombe à la travailleuse, soit de démontrer que le syndicat se trouve dans l’un des quatre cas de figure tirés de l’arrêt Noël de la Cour suprême du Canada, soit : (1) une conduite de mauvaise foi, (2) un comportement discriminatoire, (3) un comportement arbitraire ou (4) une négligence grave.

Le Tribunal conclut que le syndicat a manqué à son devoir de représentation. Dans un contexte où l’importance du grief est manifeste, il va de soi que la discrétion du syndicat à procéder à des négociations ou à un règlement du grief sans la participation et l’accord de la travailleuse est grandement diminuée, voire quasi inexistante. Ce fut le cas en l’espèce, la travailleuse étant à l’emploi depuis 20 ans. Au surplus, le syndicat avait omis de considérer l’un des arguments principaux communiqués par la travailleuse à son conseiller syndical avant de régler le grief.

Ainsi, l’entente devient inopposable à la travailleuse et celle-ci est autorisée par le Tribunal à soumettre sa plainte à un arbitre nommé par le ministère du Travail.  Le Tribunal permet à la salariée d’être représentée par l’avocat de son choix dans le cadre de cette audience, et ce, aux frais du syndicat. Les honoraires et frais d’arbitrage devront également lui être remboursés. La preuve ne suffit toutefois pas à justifier l’imposition de dommages moraux à la plaignante par le syndicat.

La plainte (art. 47.2 et ss. C.tr.) est accueillie.

 

Bird c. Première Nation Paul, 2022 TCDP 17

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jqnls>

Dans la présente affaire, Mme Bird, la plaignante, est une mère monoparentale de trois enfants et occupait un emploi d’enseignante. La fille cadette de la famille avait l’habitude de se faire garder par la mère de la plaignante, jusqu’au jour où celle-ci fut soudainement hospitalisée. Mme Bird a alors demandé un congé de cinq semaines pour pouvoir s’occuper de sa fille. L’employeur a rétorqué en lui imposant de fournir et préparer cinq semaines de leçons aux étudiants avant de pouvoir bénéficier de son congé. Devant cette situation trop exigeante et ne bénéficiant d’aucune mesure d’adaptation raisonnable, la travailleuse démissionne. Mme Bird déposa alors une plainte en vertu de l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne pour avoir été traitée de façon défavorable en cours d’emploi en raison de sa situation de famille.

Le Tribunal considère en l’occurrence que le refus de l’employeur d’accorder à la plaignante un congé d’urgence pour s’acquitter de ses obligations en matière de garde d’enfants constitue de la discrimination fondée sur la situation de famille. Pour en arriver à cette conclusion, le Tribunal analyse la preuve de discrimination en fonction des quatre volets développés dans l’arrêt Johnstone de la Cour d’appel fédérale. D’abord, il ne faisait aucun doute que la plaignante avait la responsabilité légale d’assumer l’entretien et la surveillance de ses enfants; il ne s’agissait pas simplement d’un choix personnel, mais bien d’une obligation. Ensuite, la plaignante a démontré qu’elle avait déployé les efforts raisonnables pour s’acquitter de son obligation en matière de garde d’enfants en explorant des solutions de rechange raisonnables et qu’aucune de ces solutions n’était raisonnablement réalisable. En effet, ni sa mère ni la garderie ne pouvaient prendre en charge la fillette. Enfin, les règles attaquées régissant le milieu de travail entravaient d’une manière plus que négligeable ou insignifiante sa capacité de s’acquitter d’une obligation liée à la garde des enfants. En l’espèce, le fait d’imposer comme condition au congé une charge de travail équivalant à cinq semaines, devant une situation urgente, était excessif comme contrainte. Le tout constitue de la discrimination.

La plainte est accueillie et le Tribunal accorde à la plaignante une réparation fondée sur l’article 53(2) de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le Tribunal ordonne à la Première Nation Paul de verser une indemnité de 6 500$ à la plaignante pour préjudice moral.

 

Couture c. Ordre des évaluateurs agréés du Québec, 2022 QCTAT 3541

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jr4zh>

Cette décision interlocutoire s’inscrit dans le cadre d’une requête déposée par la plaignante le 28 janvier 2020 pour fixation de quantum en vertu de l’article 123.15 de la Loi sur les normes du travail. Cette requête faisait suite à une décision du Tribunal administratif du travail (TAT-1) ayant accueilli la plainte en harcèlement psychologique de la travailleuse contre son employeur. Cette décision prévoyait d’octroyer à la plaignante des dommages moraux et punitifs, mais sans véritablement l’entendre sur les mesures de réparation demandées. C’est pourquoi la plaignante a demandé la révision de la décision TAT-1. Une décision a alors subséquemment été rendue par le Tribunal en janvier 2021 portant uniquement sur la détermination du montant des dommages moraux et punitifs découlant de la décision de TAT‑1. Cette décision fait mention que la détermination du droit ou non de la requérante à des mesures de réparation autres que des dommages moraux et punitifs a été suspendue en attendant l’issue de sa demande de révision. Celle-ci est rejetée le 8 décembre 2021 en raison de sa tardiveté. Dans le cadre du présent litige, la requérante soutient avoir le droit d’être entendue sur les autres mesures de réparation demandées dans sa requête en fixation de quantum.

Le Tribunal accueille la plainte de la requérante et lui accorde des dommages non pécuniaires et punitifs, sans toutefois l’entendre sur les autres mesures de réparation demandées. En principe, lorsqu’un tribunal rend une décision, il tranche la question de façon définitive. Or, une réserve de compétence implicite peut parfois s’inférer d’une difficulté latente non tranchée.  Cette réserve n’ayant pas été exercée, la requérante pourra présenter ses arguments à l’égard des autres mesures de réparation au Tribunal.

 


POLICIERS ET POLICIÈRES

Rien à signaler.

 


TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

Rien à signaler.

 


POMPIERS ET POMPIÈRES

Rien à signaler.

 


ARTISTES

Rien à signaler.

 


SECTION DROIT CRIMINEL

 

GÉNÉRAL

Saillant c. R., 2022 QCCA 1187

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jrs06>

L’appelant a été déclaré coupable d’avoir déchargé une arme à feu dans l’intention de blesser, mutiler ou de défigurer le plaignant. Il prétend que la preuve au soutien de sa condamnation est insuffisante, notamment par l’identification oculaire et la faible preuve reliant l’arme retrouvée qui ne permettaient pas de conclure qu’il était l’auteur du crime. Ainsi, il avance que le verdict est déraisonnable.

Selon la Cour, pour considérer qu’un verdict est déraisonnable ou non, on doit analyser si le juge d’instance s’est appuyé sur quelque interprétation raisonnable que ce soit de la preuve. Il faut donc apprécier la preuve dans son ensemble et non chaque élément isolément. En l’espèce, la juge d’instance ne commet aucune erreur en ce qu’elle accepte les témoignages comme étant crédibles et francs.

De plus, elle se met en garde dès le début de son jugement contre les dangers de la preuve d’identification par témoin oculaire et reconnait que l’identification souffre d’une lacune importante. Cependant, la preuve d’identification par témoin oculaire était appuyée par des éléments de preuve circonstancielle, notamment l’ADN sur l’arme retrouvée un mois après l’agression et la mention du nom de l’appelant par une personne qui n’a pas témoigné.

Quant à la fiabilité de l’identification, la juge accepte qu’une seule rencontre suffise pour reconnaître l’appelant. Cette question est purement factuelle et la juge ne commet aucune erreur dans son analyse. Quant à la preuve relative à l’arme à feu, elle n’est pas que de nature circonstancielle, l’ADN retrouvé sur l’élément de preuve est compatible avec celle de l’appelant. Même si la preuve d’identification n’était pas parfaite, la juge s’est livrée à une appréciation mesurée de la preuve, en étant consciente de ses faiblesses et des principes applicables. Elle ne commet aucune erreur et sa conclusion n’est pas incompatible avec la preuve.

L’intervention de la Cour sur cette question factuelle n’est pas justifiée. Le verdict est confirmé.

L’appel est rejeté.

 

Archambault c. R., 2022 QCCA 1170

Disponible ici: <https://canlii.ca/t/jrqrl>

L’appelant se pourvoit contre un jugement qui le déclare coupable d’avoir commis une infraction de fraude contre son employeur, la Sûreté du Québec. Il conteste les conséquences juridiques tirées par le juge de première instance des faits qui ont mené à sa condamnation. Alors qu’il était en congé de maladie, il a dénaturé ses activités au sein des agences de voyages de son ex-conjointe et son état de santé en général afin que son incapacité totale et permanente d’accomplir ses fonctions de policier soit reconnue. Il fait valoir que le juge de première instance a commis des erreurs lors de l’analyse des éléments constitutifs de l’infraction. Il conteste également la peine d’emprisonnement de six mois.

Les faits qui donnent lieu au pourvoi concernent les déclarations de l’appelant lors d’une rencontre tenue avec un médecin-arbitre qui devait évaluer son incapacité.

La Cour estime que les conclusions du juge au sujet de l’existence d’un acte malhonnête sont inattaquables, car il ne fait pas de doute que, dans le contexte de l’évaluation médicale à laquelle l’appelant devait se soumettre, la dissimulation importante de la nature véritable de son rôle au sein des agences de voyages serait considérée comme un acte malhonnête par une personne raisonnable. La minimisation par l’appelant de ses capacités générales de fonctionnement dans la vie quotidienne justifie la même conclusion et s’avère significative. Les conclusions du juge ne recèlent aucune erreur manifeste et déterminante. De plus, le juge n’était pas lié par l’évaluation du médecin-arbitre qui n’avait pas l’impression que l’appelant dissimulait des informations pertinentes à son évaluation. On ne peut importer la preuve ou les conclusions antérieures à l’égard de la crédibilité d’un témoin dans un autre forum juridique. Conséquemment, l’appelant ne démontre aucune raison de remettre en cause la déclaration de culpabilité.

Quant à l’appel relatif à la peine, la Cour est d’avis que le jugement sur la détermination de la peine est complet, équilibré et nuancé. Il considère aussi une abondante jurisprudence. La Cour rappelle qu’une déclaration de culpabilité pour un acte posé par un policier, qu’il ait ou non été en devoir au moment de cet acte, remet en cause l’autorité morale et l’intégrité du policier dans l’exercice de ses responsabilités en matière d’application de la loi et de protection du public. Du point de vue du public, il y a rupture du lien de confiance nécessaire à l’exercice de ses fonctions par le policier. L’appel sur la peine est rejeté.

La juge Cotnam est dissidente et estime que le juge de première instance commet une erreur de droit en concluant que la Sûreté du Québec subit une privation découlant des réticences de l’appelant lors de sa rencontre avec le médecin-arbitre. Selon la juge, en l’absence de preuve de privation au niveau de l’actus reus, il y a lieu d’intervenir afin de substituer un verdict de tentative de fraude au verdict de fraude. Cette conclusion justifie également d’accueillir l’appel de la sentence.