SECTION DROIT DU TRAVAIL
GÉNÉRAL
Syndicat des travailleuses et travailleurs du béton du Bas-Saint-Laurent- CSN et Béton provincial ltée (grief syndical), 2022 QCTA 63
https://soquij.qc.ca/portail/recherchejuridique/AZ/51829340
Le syndicat dépose un grief pour réclamer à l’employeur de se conformer à la convention collective lors des prochaines embauches de journaliers. Une annexe de la convention détermine l’échelle salariale applicable à ce titre d’emploi et les conditions d’intégration et de progression d’échelons. Or, l’employeur verse un salaire supérieur à celui conventionné à certains journaliers nouvellement embauchés au motif de la pénurie de main-d’œuvre.
Le syndicat considère que l’employeur applique l’annexe de manière diverse. Notamment, il attribue aux nouvelles embauches un échelon supérieur à celui auquel elles auraient droit en considérant leur expérience antérieure dont la convention collective ne prévoit pourtant pas la prise en compte. Dans d’autres cas, il a établi des durées distinctes que celles prévues pour l’obtention d’échelons supérieurs. Pour sa part, l’employeur considère que la reconnaissance de l’expérience antérieure des nouveaux journaliers relève du droit de direction. De plus, il soulève la théorie de l’estoppel, selon laquelle le syndicat est forclos de réclamer l’application stricte de l’échelle salariale prévue à la convention collective ayant accepté implicitement cette pratique.
Malgré la réalité de pénurie de main-d’œuvre qui sévit dans la région de Matane, et plus particulièrement pour l’emploi de journalier, l’arbitre rappelle que l’enjeu porte sur les bonifications salariales accordées par l’employeur, hors convention collective, aux nouvelles embauches, et ce, sans consultation ni accord préalable du syndicat. La compétence et rôle de l’arbitre se limitent d’abord à l’étude des dispositions de la convention collective négociées par les parties.
L’arbitre Roy conclut que l’employeur a renoncé à ses droits résiduels de direction relativement aux modalités d’intégration à l’échelle salariale lors de l’embauche et au terme de la période de probation puisque celles-ci ont été explicitement déterminées par les parties. Toute entente individuelle entre l’employeur et un salarié n’est valide que si le syndicat y consent. L’arbitre s’exprime ainsi :
[19] Le Tribunal partage l’avis de la partie syndicale que ces décisions du directeur des opérations de verser un salaire plus élevé que celui établi par les parties dérogent à la convention collective et de ce fait, contreviennent aux engagements pris par l’Employeur à l’égard des salaires pour la durée du contrat collectif.
[20] En premier lieu, les dispositions conventionnelles applicables sont claires et sans ambiguïté. L’Employeur plaide néanmoins qu’il doit verser davantage que ce qui a été convenu à la convention collective pour pallier la pénurie de main-d’œuvre, particulièrement criante pour les journaliers, et qu’il peut le faire. Sans nier les difficultés auxquelles l’Employeur est exposé ni la pertinence d’offrir un salaire permettant d’attirer de bons candidats en nombre suffisant, le Tribunal estime que le directeur des opérations s’accorde une discrétion que la convention collective ne reconnaît pas à l’Employeur.
Quant à l’argument de l’estoppel invoqué par l’employeur, l’arbitre considère que les conditions d’application ne sont pas remplies. En effet, cette règle d’équité, qui s’apparente à une fin de non-recevoir, est un moyen utilisé en défense d’un grief réclamant l’exécution de la convention collective, alors que le syndicat a toléré une pratique dérogatoire laissant ainsi croire à l’employeur que la disposition de la convention collective ne serait pas appliquée. Trois conditions sont nécessaires pour son application :
-
- L’employeur et le syndicat se sont consciemment et volontairement comportés d’une manière dérogeant à la convention collective concernant le sujet en litige ;
- La tolérance consciente de ce comportement a perduré sans plainte ni protestation pendant suffisamment longtemps pour amener l’autre partie à croire que l’application litigieuse est la bonne ou qu’il y a accord avec ce procédé ;
- Le changement soudain porterait, de manière inéquitable, préjudice à l’autre partie dans les circonstances.
Aucune des trois conditions n’est remplie. La preuve ne démontre pas que les ententes individuelles intervenues entre l’employeur et les salariés avaient été portées à la connaissance du syndicat sans objection de sa part, et ce, pour une durée suffisamment longue. De plus, aucun préjudice n’a été démontré.
Le grief est accueilli.
Syndicat des professeurs et professeures de l’Université du Québec à Montréal c. Université du Québec à Montréal, 2022 QCTAT 396
Le Tribunal administratif du travail est saisi de trois plaintes déposées en vertu de l’article 12 du Code du travail par les syndicats représentant les professeurs et étudiants de l’Université du Québec à Montréal (SPUQ, SPPEUQAM, SÉTUE). Ces syndicats allèguent que l’employeur a entravé leurs activités syndicales par la mise en ligne d’un site Web intitulé « Info-Négo » et l’inclusion d’une adresse courriel incitant la communication directe avec les salariés relativement aux relations de travail et au déroulement des négociations. Selon les syndicats, ces agissements empiètent sur le monopole de représentation des syndicats.
L’article 12 C.tr. est une protection contre les interventions d’un employeur qui peuvent compromettre le droit des salariés d’appartenir à une association de leur choix. Ce droit s’interprète à la lumière des protections constitutionnelles relatives à la liberté d’association. Ainsi, l’entrave au sens de cette disposition réfère aux formes d’atteinte à l’intégrité, à la viabilité ou à la crédibilité du syndicat en tant que détenteur du monopole de représentation des salariés de l’unité de négociation. C’est l’acteur syndical qui est l’interlocuteur obligé avec lequel l’employeur doit transiger en matière de relations du travail. Tout de même, cet article ne prohibe pas toute communication directe entre les salariés et l’employeur. Le Tribunal rappelle à cet effet les critères d’analyse pour évaluer la communication de l’employeur :
[57] Désignés sous le vocable des « 3c », ce sont le contexte des relations du travail dans lequel s’inscrit la communication, son contenu ainsi que ses conséquences sur les activités syndicales qui doivent être analysés afin de déterminer si un employeur transgresse les dispositions de l’article 12 du Code.
Après analyse de la preuve, le Tribunal considère que la rubrique « Information », sous laquelle le déroulement des négociations est longuement discuté sur le site Web, est problématique puisqu’il n’y aucune indication quant à l’origine du contenu. À la lecture de cette rubrique, un doute subsiste à savoir si l’employeur ou le syndicat en est le rédacteur. L’arbitre conclut :
[99] En effet, un salarié peut facilement se méprendre sur l’origine de cette rubrique, d’autant plus que sa facture visuelle est distincte de celle du reste du site Web des ressources humaines par lequel on y accède. En voyant le nom du syndicat apparaissant en haut de cette rubrique, une confusion peut naître dans son esprit quant à la participation ou non du syndicat qui le représente aux points d’information qu’elle contient. La crédibilité de ce syndicat est alors fragilisée.
[100] Le message d’accueil de l’Ino-Négo laisse d’ailleurs planer cette confusion, puisqu’on y fait mention que ce site Web présente « les derniers développements des négociations en cours », sans préciser la provenance de ce contenu.
[101] L’absence d’une telle mention constitue une imprudence grave de la part de l’employeur et il ne pouvait en ignorer les conséquences. Une correction est donc requise à l’Info-Négo. Une note devra clairement indiquer dans la rubrique « Information » que son contenu émane uniquement de l’Université et que le syndicat concerné n’y a pas participé.
Par conséquent, le Tribunal ordonne que l’employeur corrige la situation. Notamment, une mention doit être indiquée pour clarifier l’origine du contenu qui se trouve sur le site Web et l’adresse courriel doit être désactivée et retirée. En effet, elle constitue un moyen de contourner le monopole de représentation des syndicats alors qu’elle sert à la communication directe entre l’employeur et les salariés relativement aux relations du travail et au déroulement des négociations.
Les plaintes sont partiellement accueillies.
Association des formateurs en conduite automobile du Québec (CSD) et École de conduite Tecnic Rive-Sud inc. (grief syndical), 2022 QCTA 47
Au mois de mars 2020, alors que le gouvernement du Québec décrète l’état d’urgence sanitaire, l’employeur, qui opère plusieurs écoles de conduite sur la Rive-Sud de Montréal, met à pied tous ses salariés qui donnent des cours de conduite automobile. Puis, quelques mois plus tard, l’employeur demande aux salariés mis à pied s’ils souhaitent donner des cours théoriques en ligne. Dans les jours qui suivent, certains salariés manifestent leur intérêt et débutent l’enseignement en ligne le 4 mai 2020.
Or, le syndicat dépose un grief pour contester la décision de l’employeur de ne pas afficher de nouveaux postes afin de sélectionner les salariés qui donnent les cours théoriques en ligne. L’argument syndical est à l’effet que le travail de l’instructeur en ligne est suffisamment distinct de celui en présentiel que l’employeur se trouve dans l’obligation de créer de nouveaux postes et ensuite les afficher.
À la lecture de la convention collective, l’arbitre retient que les seules caractéristiques essentielles d’un poste sont le titre d’emploi, l’école du poste, les qualifications requises et les tâches qui y sont associées. Pourtant, le syndicat ne réussit pas à démontrer que l’une ou plusieurs de ces caractéristiques sont modifiées par l’offre des cours en ligne. En effet, les instructeurs effectuent essentiellement le même travail que celui qu’ils exécutaient avant la mise à pied. L’employeur n’avait donc aucune obligation de créer de nouveaux postes.
Le grief est rejeté.
Pitre c. Metosak inc., 2022 QCTAT 256
Le plaignant, responsable des ressources humaines chez l’employeur, dépose une plainte en vertu de l’article 122 de la Loi sur les normes du travail puisqu’il considère avoir été congédié à la suite d’une absence du travail pour des raisons de santé.
Le droit de s’absenter du travail pour une raison de santé est prévu à l’article 79.1 de la L.n.t. et il est interdit à un employeur de sévir à l’endroit d’un salarié pour cette raison en vertu de l’article 122 (1) L.n.t. De plus, l’effet combiné de la Loi sur les normes du travail et le Code du travail crée une présomption en faveur du salarié, lorsque les conditions d’application sont remplies, selon laquelle la mesure qui lui a été imposée l’a été en raison de l’exercice de ce droit. Ces conditions sont les suivantes :
-
- Le statut de salarié ;
- L’imposition d’une mesure ou sanction ;
- L’exercice d’un droit protégé par la loi ;
- La concomitance entre l’exercice de ce droit et la mesure ou sanction imposée.
Une fois la présomption établie, celle-ci peut être renversée par l’employeur s’il démontre une autre cause juste et suffisante à l’origine de la mesure ou sanction. Cette cause doit être sérieuse et constituer la cause véritable du congédiement.
Dans ce dossier, il n’y a pas de débat quant aux deux premières conditions alors que l’employeur admet le statut de salarié et l’imposition d’une mesure, soit le congédiement. Or, il n’admet pas que l’absence était pour une raison de santé.
Le Tribunal retient de la preuve que l’origine de l’absence du plaignant résulte effectivement de sa condition médicale alors qu’un billet médical indiquait que ce dernier souffrait d’une intoxication aux métaux lourds et qu’un retrait du travail était recommandé considérant les travaux de soudure réalisés dans l’entreprise. D’ailleurs, le plaignant avait assuré un suivi régulier de l’évolution de sa condition avec l’employeur.
De même, la concomitance nécessaire à l’application de la présomption est celle qui résulte d’un lien temporel et plausible entre l’exercice du droit protégé et la mesure imposée. Le Tribunal constate cette concomitance alors que le congédiement est imposé le jour même de la date prévue pour le retour au travail du plaignant à la suite de l’absence pour raison de santé. La présomption s’applique et l’employeur ne réussit pas à la renverser.
[63] En la présente instance, l’Employeur a fait état de neuf reproches spécifiques au soutien de sa décision de congédier le Plaignant. C’est donc dire qu’il aurait commis autant de fautes qui, ultimement, se seraient traduites par une rupture du lien de confiance.
[64] Puisque la preuve présentée par l’Employeur ne permet de renverser la présomption dont bénéficie le Plaignant en vertu de l’article 17 du Code, le Tribunal retient que le ramassis de suppositions et perceptions subjectives qui ressortent des témoignages du Président et du DG pour expliquer la décision de le congédier laisse transparaître une seule chose : les reproches invoqués à l’audience ne sont qu’un prétexte pour se débarrasser de lui à la suite de son absence du travail pour raison de santé.
La plainte est accueillie.
POLICIERS ET POLICIÈRES
Rien à signaler.
TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER
Rien à signaler.
POMPIERS ET POMPIÈRES
Rien à signaler.
ARTISTES
Rien à signaler.
SECTION DROIT CRIMINEL
GÉNÉRAL
Rien à signaler.
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