SECTION DROIT DU TRAVAIL
GÉNÉRAL
Mercier c. Ville de Montréal, 2020 QCTAT 2858
https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2020/2020qctat2858/2020qctat2858.pdf
Dans cette affaire deux fonctionnaires municipaux déposent une plainte en vertu de l’article 72 de la Loi sur les cités et villes afin de contester des suspensions imposées par l’employeur. L’employeur impose une suspension de trois (3) mois à M. Mercier pour avoir permis à M. Renaud d’exercer les fonctions de chef de division par intérim tout en étant rémunéré à titre de contremaître afin qu’il puisse bénéficier du paiement d’heures supplémentaires. L’employeur impose également une suspension de six (6) mois à M. Renaud au motif qu’il a réclamé le paiement d’heures supplémentaires sachant qu’il n’y avait pas droit.
Les plaignants soulèvent un moyen préliminaire fondé sur l’amnistie implicite, doctrine qui veut qu’un employeur ne puisse pas imposer de mesures disciplinaires dans un délai déraisonnable de la connaissance des faits reprochés.
Le Tribunal indique que le droit de discipliner est conditionné par une obligation d’agir avec célérité, soit dans un délai raisonnable à partir des faits constatés, qui, selon la jurisprudence, ne dépasse pas six mois. Cette célérité ou diligence comporte aussi l’obligation sous-jacente que l’enquête servant à recueillir les faits doit être réalisée avec soin et application. Un premier rapport d’enquête a été produit en 2013. Le Tribunal retient que l’enquêteur en 2013 est uniquement allé rencontrer M. Mercier. Selon le Tribunal, il est assez surprenant qu’un enquêteur d’expérience aille, dans sa quête de la vérité, rencontrer une seule personne, à plus forte raison celle qui est visée par la dénonciation. Pour le Tribunal, il s’agit d’une enquête bâclée. En conséquence, le décompte du délai doit commencer à la production du rapport en 2013 et non en mars 2017. Convenir autrement serait de permettre à l’employeur, qui n’a pas respecté son obligation de diligence, de discipliner le salarié pour une faute commise tant et aussi longtemps qu’il n’a pas effectué une enquête sérieuse.
Le Tribunal conclut donc que l’employeur n’a pas imposé les mesures disciplinaires dans un délai raisonnable, puisque s’écoulant près de quatre ans entre la production du rapport et l’imposition des mesures.
Moyen préliminaire accueilli.
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Travailleurs unis de l’alimentation et du commerce, local 501 et Boulangerie Gadoua ltée (Naud-Lizotte et grief syndical), 2020 QCTA 357
https://soquij.qc.ca/portail/recherchejuridique/ConsulterExtExpress/C8524DABDDC7A979D1A7AFA0F893FE72?source=EXPTRAV
Une nouvelle décision en matière d’application de la nouvelle norme du travail concernant les congés pour obligations familiales et pour maladie ! Le Tribunal dans cette affaire est saisi de deux griefs dont la question est de déterminer si les modifications aux articles 79.7 et 79.16 de la Loi sur les normes du travail ajoutent deux congés payés à ceux déjà prévus à la convention collective ou si l’employeur peut procéder en déduisant les deux premières journées de congé prises dans une année pour obligation familiale ou pour maladie.
La preuve révèle qu’avant le 1er janvier 2019, les congés pour obligations familiales étaient sans solde. Les témoins syndicaux ont rapporté que certains salariés pouvaient avoir demandé et obtenu qu’un congé pour obligations familiales soit déduit de la banque de congé de maladie. Cela est confirmé par le témoin patronal en précisant que c’est notamment quand ils savaient que le salarié était dans le besoin qu’une telle décision était prise. Selon l’arbitre, nous sommes ici précisément dans la situation décrite par le législateur dans cette phrase de l’article 79.16 de la Loi où l’employeur, payant déjà plus de deux journées pouvant être prises à titre de congés de maladie, n’est pas tenu d’en payer d’autres de plus, même à titre de congé pour obligation familiale. Il suffit que les deux premières journées prises dans l’année, que ce soit pour obligation familiale ou pour maladie, soient payées. L’arbitre indique que même si la convention collective traite les deux types de congés distinctement l’un de l’autre, le législateur les rassemble quant au paiement de deux journées de congé prises dans une année pour l’un ou l’autre type de motif. L’arbitre se distingue de la décision rendue par l’arbitre Richard Mercier qui traitait les congés isolément, car dans le présent cas l’employeur ne réduit pas unilatéralement la banque de congés de maladie, il ne fait qu’appliquer la Loi sur les normes du travail qui lui permet cet amalgame entre obligations familiales et maladie pour les deux premières journées de congé prises dans l’année.
Griefs rejetés.
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Syndicat des travailleurs des pâtes et papiers de Windsor inc. (CSN) c. Domtar inc., Usine de Windsor, 2020 QCTAT 3043
https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2020/2020qctat3043/2020qctat3043.pdf
Le syndicat dépose une plainte pour ingérence dans la conduite de ses affaires, en contravention de l’article 12 du Code du travail et une plainte pour intimidation et mesures de représailles à l’endroit de ses représentants allant à l’encontre des articles 13 et 14 du Code du travail.
Les faits sont les suivants : après 42 séances de négociation visant à renouveler la convention collective l’employeur présente au syndicat une offre globale et finale. Le syndicat répond à l’employeur que l’offre ne sera pas présentée aux salariés pour discussion et ratification tant que s’appliqueront les mesures de confinement décrétées par le gouvernement du Québec en raison de la pandémie qui sévit. Le syndicat informe ses membres du dépôt de l’offre finale en indiquant qu’il n’a pas été possible de régler le différend du fait que l’employeur n’a pas progressé dans sa position sur certains enjeux sans les identifier. Insatisfait de la position adoptée par le syndicat et invoquant tout particulièrement l’inexactitude de ce qu’affirme le syndicat à son endroit, l’employeur prépare sa propre présentation de la situation et, après l’en avoir informé, transmet directement aux salariés le contenu détaillé de son offre.
La question en litige est donc la suivante : la communication de l’employeur faite directement aux salariés du contenu de son offre finale, en invoquant son droit « de rectifier le tir », soit de rétablir les faits eu égard à l’aboutissement de cette ronde de négociation, est-elle en contravention à la règle de non-ingérence voulant qu’un employeur ne doit pas chercher de quelque manière à entraver les activités d’une association de salariés ?
Le Tribunal conclut que l’employeur avait des motifs afin d’intervenir à ce stade des négociations et que l’interdiction d’ingérence dans les activités d’une association de salariés faite à l’employeur ne prive pas celui-là de la liberté fondamentale d’expression. Selon le Tribunal, l’employeur n’a pas cherché à entraver les activités du syndicat en leur communiquant les éléments fondamentaux de son offre finale et globale. Le syndicat a fait défaut de lui fournir une réponse laissant la négociation en plan tout en lui imputant la responsabilité de son insuccès, soit de ne pas avoir progressé sur certains enjeux, sans les identifier. De plus, selon le Tribunal, la communication de l’employeur n’a pas altéré le rôle du syndicat que l’employeur a toujours reconnu comme son seul interlocuteur.
Plainte rejetée.
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POLICIERS ET POLICIÈRES
Alex Therrien c. Comité de déontologie policière et Commissaire à la déontologie policière, Cour d’appel, 11 septembre 2020.
Sur demande seulement.
La présente décision concerne une requête pour permission d’appeler d’un jugement rendu en cours d’instance le 7 juillet 2020 par la Cour supérieure à l’égard d’une décision interlocutoire rendue par le Comité de déontologie policière (ci-après : « le Comité »). Par cette décision, le Comité rejette l’objection à la preuve du requérant à l’égard d’une série de messages textes qui avaient été saisis sur son cellulaire par le Service de police de Sherbrooke, soit son employeur. Le requérant s’est objecté à ce que preuve saisie illégalement dans cadre de l’enquête criminelle puisse être déposée dans cadre de l’instance disciplinaire en alléguant que l’affidavit, qui a permis d’obtenir l’ordonnance de saisie des messages textes contenait des allégations trompeuses, exagérées et incomplètes. Le Comité a conclu que les messages textes avaient été obtenus en contravention de la Charte des droits et libertés de personne et de la Charte canadienne des droits et libertés, mais a néanmoins rejeté l’objection, car il était d’avis que l’administration de justice ne serait pas déconsidérée. La Cour supérieure a déterminé qu’une telle décision était raisonnable.
En appel, le requérant soutient que la Cour supérieure a mal estimé la gravité de la violation des droits fondamentaux et a omis de tenir compte des principes de l’arrêt Vavilov.
La Cour d’appel estime que l’appel soulève des questions qui méritent l’attention de la Cour suivant les critères établis en vertu de l’article 30 C.p.c.
Requête pour permission d’appeler accueillie.
Nous tenons à souligner le bon travail de Me Jean-François Raymond dans le présent dossier !
TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER
Rien à signaler.
POMPIERS ET POMPIÈRES
Rien à signaler.
ARTISTES
Union des artistes et VEGA Musique inc. (grief syndical), 2020 QCTA 415 (CanLII)
https://www.canlii.org/fr/qc/qcsat/doc/2020/2020canlii63500/2020canlii63500.pdf
Le 27 août 2019, l’UDA dépose un grief contre VEGA au nom des Artistes. Les parties sont liées par l’entente collective du phonogramme conclue entre l’UDA et l’ADISQ le 1er décembre 1997 (« l’Entente collective »), laquelle est en vigueur jusqu’à la signature d’une nouvelle entente. L’UDA est une association d’artistes qui représente ses membres de façon analogue à celle d’un syndicat professionnel au sens de la Loi sur les syndicats professionnels. VEGA est un producteur qui retient les services d’artistes en vue de produire ou de représenter en public des œuvres artistiques dans le domaine de la musique. Elle est membre de l’Association québécoise de l’Industrie du Disque, du Spectacle et de la Vidéo (« l’ADISQ »).
VEGA soutient que le grief de l’UDA a été déposé hors délai et soulève un moyen préliminaire d’irrecevabilité fondé sur la prescription. À titre de moyen subsidiaire, VEGA demande au Tribunal de suspendre la procédure d’arbitrage en raison de son action déposée à la Cour fédérale du Canada contre les Artistes et d’autres défendeurs.
Les faits de l’affaire sont les suivants : les Artistes signent un Contrat d’exclusivité en faveur de VEGA le 26 novembre 2013. Ce contrat prévoit notamment que les Artistes s’engagent à fournir à VEGA, pendant toute sa durée et en exclusivité, leurs services aux fins de l’enregistrement de bandes maîtresses incorporant leurs prestations artistiques. Ce contrat énonce qu’à sa seule discrétion, il sera loisible pour VEGA d’exercer une option afin que les Artistes procèdent à l’enregistrement de deux albums additionnels. Le 28 mai 2019, VEGA transmet une lettre de mise-en-demeure aux Artistes. Elle leur reproche d’agir en contravention avec les termes du Contrat d’exclusivité et leur réclame le remboursement de certaines dépenses ainsi que le paiement de dommages qu’elle aurait subis en raison de leurs agissements. Le 27 août 2019, l’UDA dépose son grief contre VEGA . En substance, elle plaide que cette dernière a fait défaut d’exercer son option de produire un deuxième album du groupe « The Seasons » conformément aux modalités et délais prescrits autant au contrat d’exclusivité qu’à l’entente collective.
L’arbitre rejette le moyen préliminaire ainsi que la demande de suspension de la procédure d’arbitrage de VEGA. Selon le Tribunal, l’arbitre de grief est le seul à pouvoir trancher le litige entre les parties conformément aux articles 8-2.05 et 10-1.01 de l’entente collective. L’action à la Cour fédérale du Canada, qui vise des défendeurs autres que l’UDA, ne peut court-circuiter l’application de ces articles. De plus, le Tribunal indique que l’évènement qui enclenche le droit au grief est la notification de la mise-en-demeure que VEGA a adressée aux Artistes le 28 mai 2019 et donc que le grief est valide.
Moyens préliminaires rejetés.
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SECTION DROIT CRIMINEL
GÉNÉRAL
Tremblay c. R., 2020 QCCA 1131
https://www.canlii.org/fr/qc/qcca/doc/2020/2020qcca1131/2020qcca1131.pdf
Dans cette affaire, appelant se pourvoit contre un jugement de la Cour du Québec qui le déclare coupable de sept chefs d’accusation concernant la possession et le trafic de stupéfiants, y compris un chef de complot. La question centrale dans cet appel est de déterminer si le juge de première instance a erré lorsqu’il a conclu qu’il n’y avait pas eu une violation de l’article 8 de la Charte au motif que la conduite des policiers était conforme aux principes établis par la Cour suprême dans l’arrêt Evans.
La conduite en question remonte à 2014, lorsque les policiers planifient une opération avec un agent d’infiltration qui vise l’obtention de nouveaux motifs pouvant mener à une perquisition au domicile de l’appelant. L’opération consiste à envoyer un agent d’infiltration cogner à la porte de la résidence et en informer l’occupant que « tout le monde vient de se faire arrêter » et que « le patron fait dire de se débarrasser du stock ». Il invite donc l’occupant à lui « remettre le stock » afin qu’il puisse s’en occuper. L’occupant révèle à l’agent d’infiltration que « c’est dans le sous-sol ». S’ensuit l’obtention d’un mandat de perquisition pour la résidence qui permet la découverte de 1817,5 grammes de cannabis ainsi qu’une somme de 1 276 353 $ en argent canadien et 40 $ en argent américain.
La Cour d’appel conclut que le juge de première instance n’a pas erré lorsqu’il a conclu que les droits de l’appelant tels qu’ils sont protégés par l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés n’avaient pas été enfreints par la conduite des policiers dans le cadre d’une vaste enquête visant le trafic de stupéfiants. En effet, l’agent d’infiltration n’a pas outrepassé l’invitation implicite en se présentant à la porte de la résidence de l’appelant et en communiquant avec son occupant en vue de faire progresser l’enquête.
Appel rejeté. Déclaration de culpabilité maintenue.
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