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Veille juridique du 18 août 2020

SECTION DROIT DU TRAVAIL 

GÉNÉRAL

 

Syndicat des professionnelles et professionnels municipaux de Montréal (SPPMM) et Ville de Montréal (grief syndical), 2020 QCTA 358

https://soquij.qc.ca/portail/recherchejuridique/ConsulterExtExpress/B6223F2C5F6A02CD22C84ACEE95ED03A?source=EXPTRAV

Le présent litige porte sur le respect de deux droits fondamentaux : le droit à des conditions justes et raisonnables prévu à l’article 46 de la Charte des droits et libertés de la personne (ci-après « la Charte »), ainsi que le droit à la vie privée, contenu aux articles 35 et 36 de la Charte.

Le Syndicat soumet qu’en utilisant un logiciel de sécurité informatique qui enregistre et produit un journal quotidien des consultations de sites internet effectuées par les salariés de la Ville à des fins professionnelles ou personnelles pendant leurs heures de travail à partir du matériel informatique fourni par l’Employeur, ce dernier effectue une surveillance électronique constante ou continue, et donc illégale.

D’emblée, il ressort de la jurisprudence consultée par le Tribunal que la surveillance vidéo ou audio constante et continue d’un salarié pendant qu’il effectue son travail est généralement considérée comme étant une condition de travail déraisonnable. Qu’en est-il en l’espèce ? Le Tribunal conclut sur cet aspect, il n’y a pas de violation au droit à des conditions de travail justes et raisonnables, et ce pour les raisons qui suivent :

[26] En somme, ce suivi informatique implanté essentiellement pour éviter un danger (une attaque externe) ou réagir rapidement en cas d’attaque couvre une infime partie des activités qu’un employé exerce habituellement dans le cadre de son travail et de surcroit dévoile une information dépersonnalisée. Il s’agit essentiellement d’un système de sécurité qui capte des données ciblées de consultation, à partir des codes d’utilisateurs, des catégories des sites visités et du nombre de connexions effectuées, sans plus.

[27] Il m’apparait manifeste que ce suivi informatique des connexions Internet faites par des milliers d’utilisateurs (22 000) ne peut être assimilable à de la surveillance constante ou continue effectuée par exemple par une caméra qui fixe, capte ou épie un employé tout au long de sa journée de travail. En l’espèce, le logiciel Graylog n’épie aucunement les faits et gestes d’un employé ou d’un groupe d’employés de la Ville.

En ce qui a trait à l’argument fondé sur le droit à la vie privée, la preuve soumise relève que l’Employeur a mis en place des directives, soit la Directive sur les postes de travail ainsi que la Directive sur l’utilisation d’Internet, et qu’il a transmis à ses salariés plusieurs communiqués et mises en garde les informant du contrôle qu’il pouvait avoir et des vérifications qu’il pouvait faire sur leur poste de travail et sur le service Internet. Pour le Tribunal, il est donc indéniable que les salariés connaissaient les attentes de la Ville quant à l’utilisation des outils informatiques mis à leur disposition et également quant au droit de l’employeur de vérifier l’utilisation qu’ils en font.

Malgré tout, et se fondant sur un arrêt de la Cour suprême du Canada, le Tribunal mentionne que le droit à la vie privée ne peut être automatiquement rejeté dès lors qu’un employeur fournit à ses salariés du matériel informatique. Chaque cas est un cas d’espèce qui nécessite une analyse. Néanmoins, en l’espèce, et à la différence de l’arrêt R. c. Cole, les salariés connaissaient les politiques de l’Employeur quant à l’utilisation d’Internet à des fins personnelles et pendant les heures de travail. Il conclut ainsi quant à l’expectative de vie privée des salariés :

[55] En ce sens, si un employé peut avoir une certaine attente subjective de vie privée lorsqu’il utilise les outils informatiques de l’Employeur et quant au contenu de l’ordinateur mis à sa disposition pour le travail, il est manifeste que, dans le contexte qui nous occupe et considérant la nature des informations recueillies, il ne peut avoir d’attente subjective raisonnable quant au caractère privé de ce genre d’informations vis- à- vis de l’Employeur.

[56] La navigation sur Internet n’est pas un droit acquis aux employés, il s’agit d’un droit d’accès pour les fins du travail. Les données analysées par le logiciel et consultées par l’Employeur dans les rapports de journalisation ne font pas partie de la sphère privée de l’employé. Les données vérifiées par l’Employeur s’apparentent à une compilation de données relatives à l’utilisation par les employés des biens qu’il met à leur disposition.

[57] Un employé, dans de telles circonstances, ne peut avoir une attente subjective raisonnable quant au caractère privé des données générées par sa navigation sur Internet selon les paramètres ici en cause considérant de surcroit qu’il a connaissance des directives en vigueur qui lui indiquent les limites de son droit à la vie privée lorsqu’il utilise les outils informatiques mis à sa disposition par l’Employeur dans le cadre de son travail.

Finalement, bien qu’il conclue à l’absence de violation des droits fondamentaux en l’espèce, il précise que s’il avait conclut autrement, l’Employeur aurait démontré que cette atteinte est justifiée au sens de l’article 1er de la Charte.

Le grief est rejeté.

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Syndicat des travailleuses et travailleurs de la santé de Gatineau (FSSS-CSN) et Centre intégré de santé et de services sociaux de l’Outaouais (Fouad Bekkar), 2020 QCTA 325

https://soquij.qc.ca/portail/recherchejuridique/ConsulterExtExpress/19DDD38F18A377078C0BD3A5D890322B?source=EXPTRAV

Dans cette sentence arbitrale interlocutoire, le Tribunal tranche une objection à la preuve soulevée par l’Employeur dans le cadre d’un grief de congédiement. Plus précisément, il répond aux questions en litige suivantes :

Un ou des enregistrements audio de réunions de travail, impliquant entre autres un gestionnaire, peuvent-ils être mis en preuve par un salarié qui a été subséquemment congédié et ce, afin de contredire certains volets du témoignage de ce chef de service? De tels enregistrements, effectués l’aide d’un téléphone cellulaire (IPhone), portent-ils atteinte à la vie privée du gestionnaire et des autres personnes présentes à ces réunions compte tenu qu’ils ont été faits à l’insu de tous?

Le Tribunal répond d’abord à la deuxième question, et ce, par la négative. Dans le cadre de son analyse, le Tribunal rappelle d’abord que la jurisprudence reconnaît que le droit à la vie privée trouve application dans le cadre de relation de travail et sur les lieux de son exécution. Ce qui importe c’est de considérer le contexte dans lequel les enregistrements ont été effectués.

En l’espèce, le Tribunal retient qu’ils ont été pris à l’occasion d’une réunion de travail liée au suivi de projets dans lesquels le plaignant était impliqué directement et qui se déroulait chez l’Employeur. Étant donné que M. Fortin agissait à titre de gestionnaire en interagissant de façon ouverte avec les personnes présentes aux rencontres, le Tribunal ni voit aucune dimension de vie privée ni pour ce dernier ni pour les autres personnes y ayant participé.

En ajout, le Tribunal ne retient pas l’argument avancé par la partie patronale selon lequel il s’agit d’une entorse à l’expectative de vie privée du gestionnaire Fortin considérant d’une part que celui-ci n’a pas été entendu en ce sens à l’audience, et qu’il est ainsi impossible d’établir s’il avait réellement une telle expectative. D’autre part, étant donné le contexte en l’espèce, soit celui de rencontres d’équipe, cela rend peu plausible cette expectative.

En deuxième lieu, et après avoir mis en lumière le courant jurisprudentiel développé par la Cour d’appel en la matière, notamment l’affaire récente Syndicat des travailleurs et travailleuses du CSS Vallée de- la-Gatineau c. Centre de santé et de services sociaux de la Vallée-de-la-Gatineau, 2019 QCCA 166, le Tribunal conclut ainsi quant à l’admissibilité de la preuve des enregistrements :

28. A fortiori, dans une situation, comme en l’espèce, où il n’y pas violation de droits fondamentaux, je suis d’avis que le principe de base favorisant la recherche de la vérité en dépit de l’obtention irrégulière, voire même immorale, d’une preuve doit être retenu.

L’employeur invoque par la suite que les enregistrements n’ont pas été obtenus de bonne foi dans la recherche de la vérité. Au soutien de cet argument, il avance que le Plaignant n’a retenu que ceux qui « fait son affaire » et a supprimé ceux qui pourraient lui être défavorables, privant ainsi le Tribunal d’une preuve complète. Or, le Tribunal se dit satisfait du témoignage du Plaignant justifiant les raisons pour lesquels il n’a pu converser l’entièreté des enregistrements qu’il avait faits lors des réunions d’équipe. En conséquence, il ne peut conclure à la présence d’une preuve obtenue de mauvaise foi qui aurait pour effet d’en écarter l’admissibilité.

En terminant, le Tribunal rappelle les principes suivants :

– La partie qui entend déposer en preuve des enregistrements doit le faire dès que possible dans le processus d’arbitrage afin d’en permettre les débats sur leur admissibilité.

– L’admissibilité d’une preuve est sujette à sa pertinence.

– Malgré l’admissibilité en preuve des enregistrements, le Tribunal d’arbitrage devra s’adonner à l’évaluation de la crédibilité des témoins ayant témoigné devant lui.

– Malgré une déclaration d’admissibilité, la preuve des enregistrements doit rencontrer les conditions requises de fiabilité et d’authenticité.

– Malgré l’admissibilité en preuve des enregistrements, ceux-ci demeurent sujets à une évaluation de leur valeur probante.

L’objection patronale est rejetée.

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Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 3333 c. Réseau de transport de Longueuil, 2020 QCTA 295

https://soquij.qc.ca/portail/express/Depeche.aspx?page=2#1356-65536A5F45ADE31D73F3DB28EC04D566

Le Tribunal est saisi d’un grief portant sur l’interprétation de l’article 32.07 de la convention collective liant les parties au présent litige, lequel vise les conditions d’obtention et les modalités d’application d’un congé d’assiduité.

À la lecture de cet article, le Tribunal constate qu’un salarié voulant se prévaloir d’un tel congé doit remplir quatre conditions. La seconde condition qui implique que le salarié ne doit pas s’être absenté du travail plus de dix jours au cours d’une année de référence est au cœur du présent litige. Cette seconde condition est liée aux modalités d’application suivantes :

Tous les types d’absences sont inclus, à l’exception des congés sociaux, des congés personnels accordés en application de la clause 34.01 a), des libérations syndicales, des formations dispensées par l’Employeur, des comparutions en justice en application de l’article 18, d’une lésion professionnelle et des retards tel que prévus à la clause 29.03 alinéas 1 et 2.

L’année de référence est du 1er novembre au 31 octobre de chaque année.

Le congé d’assiduité est rémunéré à même les gains accumulés par le chauffeur durant l’année de référence.

Au soutien de son grief, le syndicat prétend qu’un congé parental, un congé de maternité ou un congé de paternité ne devrait pas faire obstacle à l’obtention dudit congé, puisque pendant cette période d’absence, le salarié est réputé être au travail. En ce sens, il invoque les dispositions de la convention concernant le cumul de l’ancienneté, l’assurance vie, l’assurance collective, le régime de retraite et le calcul de l’indemnité de vacances. Selon lui, ces congés constituent des congés sociaux au sens l’article 32.07 de la convention collective. Enfin, il soutient qu’une interprétation de cette disposition ayant pour effet de priver un salarié d’un congé d’assiduité serait discriminatoire et contraire à la Charte des droits et libertés de la personne.

Pour sa part, l’Employeur soutient que l’intention commune des parties étaient plutôt de récompenser le salarié assidu, soit celui présent au travail. Selon lui, les congés parentaux ne peuvent être qualifiés de congés sociaux selon la convention collective. De plus, bien qu’il reconnaisse que les congés parentaux peuvent être considérés comme étant des heures travaillées, il précise que c’est le cas seulement pour les fins prévues expressément à la convention collective.

Le Tribunal est d’avis qu’à la lecture de la convention collective, il existe une différence entre les congés sociaux, qui sont d’une courte durée et rémunérés, et les congés parentaux, qui au contraire, sont de longue durée et non rémunérés. En effet, bien que l’article 32 porte le titre de « congé sociaux », il constate que l’article 32.01 prévoit des congés pour des raisons particulières et personnelles, tel que le mariage, le décès d’un parent, la naissance ou l’adoption d’un enfant, que l’article 32.03 permet les absences en raison d’un sinistre rendant la maison du salarié inutilisable, et finalement, que l’article 32.06 accorde un congé d’anniversaire. Pour le Tribunal, l’article 32 énonce une liste exhaustive de congés spéciaux que les parties ont choisi de qualifier comme étant des « congés sociaux », et que si leur intention était d’inclure les congés parentaux, de maternité et de paternité dans cette liste, il l’aurait fait expressément. De plus, ces congés font l’objet d’une disposition distincte de la convention collective.

Dans le même ordre d’idées, le Tribunal rejette l’argument syndical selon lequel un salarié en congé lié à la parentalité est réputé être au travail au sens de la convention collective, puisque ce n’est pas ce que les parties y ont prévu. Elle prévoit certes des situations spécifiques où un salarié sera réputé être au travail pour lui permettre de bénéficier de certains avantages, mais ce n’est pas le cas pour de tels congés. Puis, le Tribunal souligne que les dispositions de la Loi sur les normes du travail ne permettent pas non plus de soutenir cet argument. Il conclut en ces termes :

[27] Le congé d’assiduité n’est pas un avantage lié à l’emploi du salarié. Il s’agit, au contraire, d’un avantage lié à sa prestation de travail. Pour y avoir droit, il ne doit pas s’être absenté à plus de trois occasions et pour un maximum de dix jours au cours d’une année de référence qui, elle, s’étend du 1er novembre au 31 octobre de chaque année, selon la modalité 14). La modalité 15) ajoute que le congé est rémunéré à même les gains accumulés durant cette année. Il faut donc comprendre que l’employé qui désire se prévaloir d’un congé d’assiduité doit avoir effectué son travail et ne pas s’être absenté à plus de trois occasions et pour au plus de dix jours entre le 1er novembre et le 31 octobre. Il doit avoir fourni sa prestation de travail au cours de cette période.

Finalement, le Tribunal ne peut faire droit aux prétentions du Syndicat fondées sur la Charte. D’une part, il en est ainsi puisque l’état parental ne renvoie pas à l’état civil, et en conséquence ne constitue pas un motif de discrimination interdit par l’article 10 de la Charte. D’autre part, cela s’explique par le fait que le congé d’assiduité est intrinsèquement lié à la prestation de travail, et tous les salariés, hommes et femmes, en perdre le bénéfice lorsqu’ils s’absentent pour plus de dix jours au cours de l’année de référence, quelle que soit la cause de l’absence. Pour le Tribunal, reconnaître à la salariée qui s’est absentée en congé de maternité un droit au congé d’assiduité alors qu’elle ne remplit pas les conditions pour l’obtenir reviendrait à la placer dans une situation plus avantageuse que les autres salariés qui eux, en seraient privés s’ils ne remplissent pas ces conditions.

Le grief est rejeté.

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POLICIERS ET POLICIÈRES

 

Lamothe c. Ville de Montréal, 2020 QCCQ 2292

https://www.canlii.org/fr/qc/qccq/doc/2020/2020qccq2292/2020qccq2292.pdf

Le présent jugement statuant sur une demande d’ordonnance s’inscrit dans le cadre d’une instance en appel de la décision de la défenderesse, la Ville de Montréal, de suspendre sans solde le demandeur en raison de son refus injustifié d’effectuer sa prestation de travail en acceptant les postes qu’elle lui propose. Ce dernier allègue avoir subi une destitution déguisée, et demande la réintégration dans le poste de direction adjoint à la Direction stratégique du SPVM qu’il occupait ainsi que des dommages et intérêts. Préalablement à cette suspension sans solde, le demandeur avait été suspendu avec traitement alors qu’il était l’objet d’enquêtes criminelle et disciplinaire, au terme desquelles, bien qu’aucune accusation ne fût déposée contre lui, la défenderesse refusa de le réintégrer dans ses fonctions.

Le demandeur fonde sa demande d’ordonnance de sauvegarde sur le régime particulier prévu aux articles 87 et suivants de la Loi sur la police (ci-après la « Loi »), lequel prévoit un maintien de salaire en cas de réduction de traitement d’un directeur d’un corps de police ou d’un policier-cadre. La conclusion recherchée par cette demande est la suivante :

ORDONNER à la défenderesse de continuer le paiement de la rémunération due au demandeur avec tous les avantages et allocations afférents jusqu’à ce qu’un jugement final soit rendu sur la demande en appel modifiée du demandeur contre la défenderesse dans le présent dossier.

Comme le Tribunal le souligne, le régime particulier s’imbrique aux critères traditionnels de l’ordonnance de sauvegarde, qui depuis l’arrêt de la Cour Suprême Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores Ltd sont bien connus, à savoir l’urgence, l’apparence de droit, le préjudice irréparable et la balance des inconvénients.

D’abord, pour le Tribunal, il ne fait aucun doute qu’il y a urgence à agir, considérant que le demandeur est sans salaire depuis sa suspension survenue le 19 avril 2020.

Quant au deuxième critère, la défenderesse plaide que le demandeur n’a pas l’apparence de droit requise puisque les articles 87 à 89 de la Loi visent exclusivement les cas de destitution ou de réduction de traitement d’un directeur de police ou d’un policier-cadre résultant d’une décision unilatérale et arbitraire de corps municipaux. Le Tribunal ne peut retenir cette interprétation puisqu’elle n’est pas soutenue par le texte des articles sous étude. Elle s’exprime ainsi :

[39] Ces dispositions sont claires. Le législateur ne limite pas le champ d’application des articles 87 à 89 aux résolutions de conseils municipaux adoptées dans un contexte d’abus de pouvoir, d’arbitraire, ou de geste unilatéral. Or, en présence d’un texte législatif ou réglementaire clair et non équivoque, le rôle de la Cour est de l’appliquer. Il n’appartient pas à la Cour d’ajouter au texte de l’article 87 des mots qui ne s’y trouvent pas.

De plus, une simple lecture de l’article 88 de la Loi permet au Tribunal de conclure que la suspension sans traitement d’un policier-cadre cadre n’entre en vigueur que dans trois hypothèses : lorsque la personne y acquiesce, lorsque le jugement rejetant l’appel est rendu ou à l’expiration du délai d’appel.

Elle conclut donc que le demandeur a démontré prima facie son apparence de droit.

En ce qui a trait au critère du préjudice irréparable, le Tribunal est d’avis que le fait pour la défenderesse de ne pas donner son plein effet aux articles 87 et suivants de la Loi revient à priver ces dispositions de tout effet, ce qui, en soi, crée un préjudice que le demandeur peut invoquer.

Finalement, la Cour conclut que la balance des inconvénients favorise le demandeur. Aux yeux du Tribunal, la défenderesse tente de faire obstacle à l’intention du législateur en refusant de verser au demandeur son salaire. Or, en règle générale, les tribunaux favorisent le statu quo durant les procédures judiciaires, ce qui implique un respect de la législation applicable.

La demande d’ordonnance de sauvegarde est accueillie.

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Fraternité des policiers et policières de Gatineau c. Moro, 2020 QCCS 2272

https://www.canlii.org/fr/qc/qccs/doc/2020/2020qccs2272/2020qccs2272.pdf

Dans cette affaire, le Tribunal est saisi d’une demande de pourvoi en contrôle judiciaire de la sentence arbitrale rejetant la contestation de la suspension avec solde de l’une de ses membres et maintenant sa destitution imposée par l’employeur.

La Plaignante est policière à la Vile d’Aylmer et de Gatineau et occupe le poste d’enquêteur aux délits de fuite. Dans le cadre de son travail, elle utilise les bases de données du Centre de renseignements policiers du Québec (CRPQ) et du Versadex, la base de données du service de police de la Ville de Gatineau (SPVG), lesquelles contiennent des informations confidentielles reliées à la conduites de véhicules automobiles, notamment des renseignements personnels des citoyens.

Il est interdit à tous policiers de consulter ces banques de données à des fins personnelles.

D’ailleurs, en vertu de l’article 286 de la Loi sur la Police, le directeur d’un corps de police doit sans délai informer le ministre de la Sécurité publique de toute allégation relative à une infraction criminelle commise par un policier, ce qui enclenche une enquête et peut mener au dépôt d’accusations criminelles à l’encontre d’un policier fautif.

Dans le cas où il est trouvé coupable, le policier est automatiquement destitué à moins qu’il ne démontre l’existence de circonstances particulières justifiant une autre sanction, conformément à l’article 119 (2) de la Loi sur la Police.

En l’espèce, au terme de la procédure d’enquête usuelle, la Plaignante fût accusée d’avoir frauduleusement obtenu des informations à services d’ordinateurs du SPVG. Celle-ci plaida coupable à ces accusations et bénéficia d’une absolution inconditionnelle.

Dans le cadre du processus disciplinaire qu’il s’en est suivi, la Plaignante invoqua à titre de circonstances particulières sa dépression, son anxiété et le stress financier qu’elle vivait à cette époque. Au terme de ce processus, elle fut néanmoins destituée et suspendue de ses fonctions.

Dans le cadre de l’arbitrage pour contester cette décision, la question en litige était de déterminer si la preuve démontre l’existence de circonstances particulières justifiant une autre sanction que celle imposée. Se fondant sur l’arrêt Lévis (Ville) c. Fraternité des policiers de Lévis Inc. rendu par la Cour suprême du Canada, le Tribunal doit, lors de son analyse, tenir compte de toutes les circonstances relatives à l’infraction et doit analyser la capacité future du policier de servir le public avec efficacité et crédibilité. L’arbitre conclut à l’absence de circonstances particulières en l’espèce et rejette le grief. Son raisonnement est le suivant :

[135] La preuve démontre certes que la plaignante est anxieuse, triste et déprimée lorsqu’elle met fin à sa relation avec J. C. après avoir réalisé qu’elle l’a bernée afin de pouvoir acheter une maison, qu’elle consulte son médecin et que ce dernier lui prescrit des médicaments pour traiter ces symptômes le 18 août 2013. Toutefois, rien dans l’ensemble de la preuve administrée ne permet de conclure qu’au moment des six consultations des banques de données policières elle était dans un état d’esprit tel que son sens du jugement était altéré.

[…]

[138] Que la plaignante ait admis spontanément les consultations des banques de données policières, qu’elle n’ait tiré aucun avantage des informations obtenues et ne les ait pas divulguées, qu’elle regrette ses gestes et qu’on peut lui faire confiance, qu’elle est au service de la Ville depuis 20 ans et a un dossier disciplinaire et déontologique vierge, que son travail est bien fait et apprécié, qu’elle ait obtenu une absolution inconditionnelle sont certes des éléments qui lui sont favorables. Mais ce ne sont pas des circonstances particulières susceptibles d’expliquer les gestes qu’elle a posés. Ce sont des circonstances atténuantes et ce n’est que s’il en vient à la conclusion que des circonstances particulières ont été démontrées et qu’il n’y a pas lieu de maintenir la destitution que le tribunal peut les examiner et s’en servir pour déterminer une autre sanction. Tel n’est pas ici le cas.

Au soutien de sa demande de pourvoi en contrôle judiciaire, la Fraternité soutient que l’arbitre a rendu une décision déraisonnable en ce qu’elle comporte les trois erreurs graves et manifestes. Elle plaide notamment que l’arbitre limite la notion de circonstances particulières en tenant compte uniquement des circonstances au moment de la commission de l’infraction et non des autres éléments tels l’absolution inconditionnelle accordée à la plaignante, l’absence de conséquences pour les personnes visées par les consultations, les états de service, le dossier disciplinaire vierge et les regrets de la plaignante. Elle soutient également qu’elle commet une erreur d’une part, en exigeant une preuve d’expert médicale dans le cadre de l’analyse des circonstances particulières, et d’autre part, en omettant les répercussions de la conduite criminelle de la plaignante sur sa capacité à exercer ses fonctions.

Le Tribunal ne retient toutefois pas ces arguments. Il est plutôt d’avis que l’arbitre a bien étoffé son raisonnement sur la question de l’expertise médicale en le fondant sur la jurisprudence, qu’elle a apprécié toutes les circonstances favorables et défavorables à la Plaignante, qu’elle a tenu compte de la gravité de l’infraction et de l’impact des gestes illégaux posés par la Plaignante au regard de la confiance du public avant de rendre sa décision. Il n’y voit donc aucune erreur importante permettant de réviser la décision rendue.

La demande de pourvoi en contrôle judiciaire est rejetée.

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Commissaire à la déontologie policière c. Lavoie, 2020 QCCDP 24

https://www.canlii.org/fr/qc/qccdp/doc/2020/2020qccdp24/2020qccdp24.pdf

Dans cette affaire, le policier reconnaît avoir commis deux des trois inconduites qui lui sont reprochées, soit d’avoir fouillé sans motifs raisonnables le véhicule stationné à l’adresse du plaignant et d’avoir pénétré sans droit dans la résidence du plaignant.

Alors qu’il était en patrouille, le policier s’est vu remettre un portefeuille par une citoyenne. À l’aide de l’adresse indiquée, il s’est présenté au domicile du propriétaire vers 1h38 et a aperçu un portefeuille dans la voiture du plaignant, qui était déverrouillée. Il a ensuite pris le portefeuille et est entré dans la résidence par la porte arrière, qui était déverrouillée, dans le but de remettre les deux portefeuilles. Le policier s’est identifié, mais les résidents de la demeure étaient endormis. Le plaignant s’est finalement réveillé, et il a discuté avec le policier. Ce dernier a expliqué être entré par la porte arrière et a rappelé au plaignant de toujours barrer ses portes pour sa sécurité. Le plaignant a ensuite téléphoné vers 2h21 pour porter plainte.

À l’audience, le policier reconnaît avoir fouillé sans droit le véhicule stationné à l’adresse du plaignant, puisqu’il ne disposait d’aucun pouvoir ni motif lui permettant d’effectuer cette fouille.  Le policier reconnaît également avoir fouillé sans droit le véhicule stationné à l’adresse du plaignant, puisqu’il ne disposait d’aucun pouvoir ni motif lui permettant d’effectuer cette fouille.

Le juge administratif entérine la suggestion commune d’une suspension sans traitement de un jour ouvrable avoir fouillé sans droit la voiture du plaignant et de deux jours ouvrables pour être entré illégalement dans la maison du plaignant, à être purgés de façon consécutive pour un total de trois jours de suspension sans traitement.

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POMPIERS ET POMPIÈRES

 

Rien à signaler.


ARTISTES

 

Rien à signaler.


SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRAL

 

R. c. Rémillard, 2020 QCCQ 2368

https://www.canlii.org/fr/qc/qccq/doc/2020/2020qccq2368/2020qccq2368.pdf

Dans cette affaire, l’accusé fait face à un chef d’avoir conduit son véhicule avec les facultés affaiblies par l’alcool. Il présente une requête en arrêt des procédures et reproche aux policiers de ne pas lui avoir offert de transport entre le bar La P’tite Grenouille et l’hôtel qu’il avait contacté avant qu’il ne conduise son véhicule avec les facultés affaiblies.

Le juge Serge Champoux de la Cour du Québec rejette la requête. Il juge qu’hormis le fait que des raisons de sécurité ont été mentionnées par l’officier de police pour justifier ne pas faire une telle chose – par exemple s’il avait reçu un appel d’urgence alors qu’il transportait une personne ivre dans sa voiture – il semble injuste pour plusieurs raisons d’imposer une telle obligation à un service de police (par. 46).

Le juge se questionne à savoir combien de voitures de patrouille supplémentaires le service de police devrait s’équiper et combien de policiers devraient être engagés pour effectuer un raccompagnement de tous les fêtards qui n’ont pas fait d’arrangement sécuritaire pour retourner chez eux ou à un hôtel (par. 47).

Ainsi, selon le juge, il n’existe aucune obligation pour les policiers d’offrir gratuitement un service de raccompagnement des personnes intoxiquées. Cela n’empêche pas, si les circonstances le permettent, d’accommoder occasionnellement des personnes aux prises avec des circonstances particulières.

Requête en arrêt des procédures rejetée.

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Service de police de la Ville de Montréal c. Me A, 2020 QCCS 1830

https://www.canlii.org/fr/qc/qccs/doc/2020/2020qccs1830/2020qccs1830.pdf

Dans cette décision, le juge Cournoyer aborde la question de savoir si un avocat qui a subi des menaces de la part de son adversaire dans un litige civil, lui aussi avocat, peut porter plainte à la police.

Les faits ayant donné naissance à cette affaire sont les suivants. Deux avocats représentants des parties à un litige civil ont une conversation téléphonique qui est enregistrée par l’un des deux avocats. Environ deux semaines plus tard, cet avocat rencontre deux policiers pour se plaindre de menaces et d’intimidation. Lors de cette rencontre, l’avocat fournit une déclaration de témoin et les policiers écoutent les passages pertinents de la conversation. Par la suite, un policier fait rapport à un juge de paix de la saisie sans mandat de la clé USB sur laquelle se trouve une copie de l’enregistrement numérique de cette conversation. Le SPVM et le DPCP présentent conjointement une requête de type Lavallée afin d’être autorisés à prendre connaissance des parties non privilégiées de l’enregistrement.

Le juge Cournoyer reconnaît d’abord le droit de tout individu de porter plainte à un corps policier, de même que l’obligation des policiers de mener une enquête sur cette plainte. Ensuite, le juge évalue la possibilité de lever les privilèges du secret professionnel de l’avocat ou du privilège relatif au litige pour qu’une personne puisse porter plainte et qu’une enquête soit réalisée.

Bien que ces deux privilèges découlent des principes de justice fondamentale, ils jouissent d’une exception, soit lorsqu’une infraction criminelle est commise à l’occasion des échanges couverts par ces privilèges.

Le juge Cournoyer prend connaissance de l’enregistrement de la conversation, et détermine qu’il existe une preuve prima facie permettant l’application de l’exception de crime. Ce faisant, il permet l’accès au service de police, ainsi qu’au DPCP, de l’enregistrement de la conversation des avocats. Cet enregistrement permettra aux policiers ainsi qu’au DPCP d’évaluer si un crime a été commis et, le cas échéant, si des accusations criminelles doivent être portées.

Requête accueillie. Enregistrement communiqué au SPVM et au DPCP.

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