Veille juridique du 18 avril 2023

18 avril 2023

PAR ÉMILE DENAULT ET ME KIM SIMARD

 

SECTION DROIT DU TRAVAIL

GÉNÉRAL

 

Syndicat des employé-e-s de métiers d’Hydro-Québec, section locale 1500 (SCFP), le syndicat et Hydro-Québec, 2023 QCTA 93

Disponible sur SOQUIJ

Dans cette affaire, le tribunal d’arbitrage se penche sur l’attribution équitable du temps supplémentaire des chefs monteurs chez Hydro-Québec. Le responsable de cette attribution aurait procédé au rappel de deux chefs monteurs qui, à la lumière de la liste de rappel et de compilation des heures en cause, n’étaient pas les employés ayant le moins d’heures compilées.

Le procureur syndical allègue que l’employeur n’a pas respecté ces obligations en lien avec la convention collective en vigueur en attribuant les heures supplémentaires à d’autres employés ayant compilé davantage d’heures que les plaignants.

Le procureur patronal, pour sa part, rappelle que l’attribution du surtemps relève de ses droits de direction et qu’en l’espèce, la preuve ne révèle aucune décision déraisonnable, discriminatoire ou de mauvaise foi.

Le Tribunal est d’avis que l’employeur n’a pas respecté ces obligations. Effectivement, il s’engage, dans la convention collective, à distribuer le travail supplémentaire de la façon la plus équitable possible.

Il n’y a aucune stipulation quant aux moyens d’y arriver dans la convention collective, toutefois l’employeur a abordé cet aspect dans une politique interne diffusée à tous les employés.

Dans cette politique interne, il était stipulé que le surtemps était attribué, en priorité, à l’employé qui a le moins d’heures compilées (il est à noter que lorsqu’un employé refuse d’effectuer les heures qui lui sont proposées, celles-ci sont tout de même inscrites à son crédit).

Malgré le fait que cette politique n’ait pas été intégrée à la convention par une lettre d’entente, l’employeur doit tout de même s’y soumettre tant et aussi longtemps qu’il ne la modifie pas. Ainsi, en l’espèce, l’employeur devait offrir le surtemps aux plaignants.

Le Tribunal accueille les deux griefs.

 

CSD Construction et Cegerco inc., 2023 QCTA 77 

Disponible sur SOQUIJ

Dans la présente, un charpentier-menuisier et contremaitre est congédié à la suite d’une altercation survenue sur les lieux du travail avec son supérieur immédiat et ami en présence de collègues de travail.

L’employeur prétend que le salarié a commis une faute grave justifiant son congédiement.

Le syndicat estime que l’écart de conduite ne justifie pas le congédiement d’autant plus que le salarié n’a pas été rencontré préalablement afin de recueillir sa version des faits et le contexte.

Le Tribunal est d’avis que le plaignant a commis un écart de conduite, mais que celui-ci, compte tenu du contexte et de l’absence de dommage, ne justifie pas une fin d’emploi. En effet, le salarié n’a fait que claquer des portes en présence de collègues. Il n’y a eu aucun dommage matériel ni aucun commentaire déplacé qui a été dit.

Le tribunal mentionne que ce comportement est déplacé, mais la gravité de la conduite mérite plutôt un simple rappel à l’ordre. Par ailleurs, il est important dans ce genre de cas de prendre en compte le contexte, ce qui n’a pas été fait puisque l’employeur n’a pas recueilli la version du salarié.

Le Tribunal annule le congédiement et y substitue un avis écrit.

 

Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, section locale 501 et Sobeys Québec inc., 2023 QCTA 102 

Disponible sur SOQUIJ

Il s’agit d’une situation où l’employeur refuse d’accorder un congé sans solde de longue durée au plaignant (congé d’un an). Le syndicat estime que l’employeur a renoncé à son droit de gestion en ne convenant d’aucun mécanisme pour refuser ce genre de congé dans la mesure où le salarié répond aux critères prévus à la convention collective. L’employeur prétend plutôt qu’il a conservé ce droit de gestion étant donné que la convention est muette à ce sujet.

En l’espèce, le Tribunal est d’avis que l’employeur n’a pas contrevenu à la convention collective ni exercé son droit de gestion de façon abusive, déraisonnable ou discriminatoire. Effectivement, la convention collective ne prévoit aucun critère restreignant le droit de l’employeur de refuser les congés sans solde de longue durée. Le premier alinéa de l’article en cause, quant à lui, prévoit des critères restreignant le droit de gestion de l’employeur dans le cadre de congé sans solde de courte durée.

Ainsi, le tribunal est d’avis qu’en l’absence de renonciation expresse, l’employeur conserve son droit de renonciation.

Si les parties avaient voulu retirer à l’employeur toute possibilité de refuser un tel congé, elles devaient le stipuler expressément comme ce fut le cas au premier alinéa de l’article en cause.

D’autre part, l’employeur n’a pas exercé son droit de gestion de façon déraisonnable, abusive ou discriminatoire en refusant les demandes de congé sans solde présentées par les plaignants. En effet, les refus de congés sont dans le but d’assurer le bon fonctionnement de l’établissement dans un contexte de pénurie de personnel.

Par ailleurs, l’employeur évalue les motifs invoqués dans le cas de demande de congé sans solde de longue durée. Il ne les refuse pas systématiquement comme le prétend le syndicat. Il autorise plutôt les demandes fondées sur des motifs personnels, comme le fait de prendre soin d’un proche, ou des raisons médicales.

Le tribunal rejette les griefs.

 

Ville de Montréal et Syndicat des fonctionnaires municipaux de Montréal (SCFP), 2023 QCTA 116 

Disponible sur SOQUIJ

Dans cette affaire, il s’agit d’un employé qui gérait un comité social dans le but d’offrir des cadeaux aux employés lors de leurs anniversaires ou de financer diverses activités. Le comité n’avait aucune affiliation et aucun compte à rendre à l’employeur. L’argent provenait de la vente de café et autres denrées aux employés. Le plaignant était alors gestionnaire bénévole de ce comité. Ne voulant plus s’en occuper, il a cessé ses fonctions. Ne trouvant pas de remplaçant, le plaignant décide de verser les fonds à une ancienne présidente afin que l’argent soit redonné aux membres fondateurs du comité compte tenu de sa fermeture.

L’employeur s’est alors ingéré dans la gestion du comité, a trouvé des remplaçants pour gérer ce comité et a enquêté sur un problème de transition entre l’ancien comité et le nouveau, plus particulièrement en ce qui a trait aux sommes restantes au compte de banque.

Ayant rencontré le plaignant et fait une enquête, l’employeur décide de congédier celui-ci au motif qu’il a manqué à son devoir de loyauté et d’honnêteté lors de l’enquête par ses omissions, mensonges et incohérences en s’appuyant sur le code de conduite de l’employeur.

Le Tribunal est d’avis que lorsque le plaignant s’occupait du comité social, il le faisait dans le cadre d’une entité distincte, qui n’avait aucun lien avec sa fonction de travail. Le comité n’avait aucun compte à rendre à l’employeur ou ses gestionnaires. La recommandation de congédiement qui concluait à un manquement à son devoir de loyauté envers son employeur soulevait des faits qui n’ont rien à voir avec l’emploi du plaignant.

Ainsi, l’employeur a commis un abus de droit en intervenant alors qu’il n’y avait aucun lien avec l’emploi du plaignant et en congédiant celui-ci sur la base de son code d’éthique, lequel n’était pas applicable dans ces circonstances.

Le Tribunal annule le congédiement et ordonne la réintégration.

 

Hydro-Québec et Syndicat des technologues d’Hydro-Québec, 2023 QCTA 140

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jwkgp>

Dans cette affaire, le Tribunal se penche sur la question de savoir si les employés mis en disponibilité qui, pendant leur période d’inactivité, perçoivent néanmoins leur salaire normal ont également droit aux diverses primes habituelles. Effectivement, en raison de la Covid-19 et des restrictions imposées, certains salariés étaient mis en disponibilité par leur employeur et étaient tout de même rémunérés pendant cette période d’inactivité.

La question qui se pose est donc de savoir s’ils ont droit aux primes habituelles comme une prime de quart, une prime hebdomadaire de résidence parce qu’ils sont normalement affectés à la centrale Péribonka ou, s’ils travaillent à la Baie James, une prime en raison de leur horaire de travail particulier.

L’employeur ayant mis en disponibilité les employés qui ne pouvaient effectuer leurs tâches en télétravail a tout de même continué de rémunérer ceux-ci, mais cesse de verser les primes mentionnées ci-haut. Le syndicat, considérant cette pratique illégale, a déposé un grief syndical. La convention collective ne mentionne aucune exigence particulière à laquelle les salariés en disponibilité et qui perçoivent néanmoins leur salaire normal doivent s’astreindre.

Le tribunal est d’avis que l’employeur n’avait pas à payer ces primes aux salariés. En effet, les primes sont versées aux salariés afin de les dédommager de différents inconvénients qui surviennent par le fait ou à l’occasion de leur travail dans des conditions et des contextes particuliers que d’autres salariés n’ont pas à subir. Par exemple, le fait de travailler dans des milieux isolés.

En l’espèce, les salariés devaient certes être disponibles, mais n’avaient pas à subir les contraintes particulières qui donnaient droit aux primes. Le tribunal mentionne que le temps pendant lequel les salariés mis en disponibilité étaient à leur domicile, dans les circonstances de la présente affaire, doit être considéré comme du temps travaillé, mais ne peut donner au surplus droit aux primes particulières.

Le tribunal rejette les griefs.

 

POLICIERS ET POLICIÈRES

 

Commissaire à la déontologie policière c. Légaré, 2023 QCCDP 22

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jwksl>

Dans cette affaire, la Commissaire à la déontologie policière cite une patrouilleuse et le sergent de patrouille pour ne pas avoir procédé immédiatement à l’arrestation d’un suspect pour harcèlement criminel envers son ex-conjointe. Le suspect a par la suite assassiné son ex-conjointe lorsque cette dernière s’est présentée à son domicile pour récupérer ses biens à la suite de leur séparation.

La Commissaire reproche à l’agente de ne pas avoir procédé immédiatement à l’arrestation du suspect, à la suite de la visite au poste de police de son ex-conjointe. Lors de sa visite au poste, la victime rencontre les intimés, à qui elle raconte ce qui s’était passé en début de matinée et dans les derniers jours. Elle ne veut pas porter plainte, mais désire récupérer son compte Facebook afin que son ex-conjoint cesse de l’utiliser, et son téléphone cellulaire, sans lui faire de tort. Elle dit vouloir passer à autre chose.

Elle ne veut pas être accompagnée par la police pour se rendre récupérer ses effets personnels, ayant prévu s’y rendre avec sa belle-mère. L’agente intimée s’impose à elle, ne lui donne pas le choix, et lui dit qu’elle va l’accompagner. Elles quittent le poste et se dirigent vers leurs véhicules respectifs. La policière demande l’assistance d’un duo de policiers, tel que le sergent intimé l’exige.

Arrivée à l’adresse que lui a donnée la victime, l’agente intimée constate que, sans l’attendre, la victime s’est rendue seule dans l’appartement. À la porte de son domicile, l’ex-conjoint se présente à elle couvert de sang, avouant avoir attaqué la victime. L’agente intimée le met en état d’arrestation pour tentative de meurtre. Cette dernière est conduite en ambulance à l’hôpital où son décès est constaté. Le suspect est alors mis en état d’arrestation, cette fois pour meurtre.

Dans le présent cas, le Comité est d’avis que l’arrestation ne pouvait s’effectuer immédiatement comme leur reproche la citation. Il est clair, selon la preuve, que la victime voulait se rendre sans attendre la présence d’une escorte, pas même celle de sa belle-mère et, encore moins, celle d’une escorte policière. Cette dernière ne pouvait y être retenue contre son gré.

En raison de l’intervention telle que faite par l’agente citée auprès de la victime, allant même à s’imposer à elle en l’escortant, le Comité considère que la policière a vraiment eu au cœur de ses préoccupations la sécurité de cette jeune femme. Cette policière a agi même au détriment de sa propre sécurité, en se rendant seule à l’appartement en raison du retard du duo d’assistance. En tout temps, elle a agi afin de la protéger et a tenté de l’assister comme le prévoit la procédure.

Malgré cette évidente volonté de protection, la jeune victime a réussi à se présenter seule à l’appartement même si elle se doutait bien que son ex-conjoint y serait.

Le Comité rejette également la citation à l’égard du sergent. Il conclut que si le sergent avait accompagné l’agente citée comme il lui avait proposé de le faire pour escorter la victime, et même pour aller arrêter l’ex-conjointe comme l’aurait voulu la Commissaire, il serait arrivé sur place après la victime. Il n’aurait malheureusement pas pu empêcher le drame survenu dû à l’empressement malheureux de la victime.

Citation rejetée.

Le cabinet RBD représentait les parties policières dans le présent dossier

 

TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

 

Rien à signaler.

 

POMPIERS ET POMPIÈRES

 

Rien à signaler.

 

ARTISTES

 

Rien à signaler.

 

SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRAL

 

Plourde c. R., 2023 QCCA 361

Disponible ici :  <https://canlii.ca/t/jw80d>

Dans cet arrêt, la Cour d’appel du Québec réitère l’importance des recommandations communes dans le système de justice pénale.

La Cour affirme que le juge du procès ne devrait pas écarter une recommandation conjointe, à moins qu’elle soit à ce point dissociée des circonstances de l’infraction et de la situation du contrevenant, que son acceptation amènerait les personnes renseignées et raisonnables, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris l’importance de favoriser la certitude dans les discussions en vue d’un règlement, à croire que le système de justice a cessé de bien fonctionner.

La Cour d’appel est d’avis de rétablir la recommandation conjointe des parties. Elle substitue une peine de 13 mois d’emprisonnement à la peine de 24 mois d’emprisonnement imposée en première instance.

 

R. c. Breault, 2023 CSC 9 

Disponible ici :  <https://canlii.ca/t/jwmd1>

Dans cet arrêt, la Cour suprême du Canada tranche que les policiers doivent avoir un appareil de détection approuvé (ci-après, ADA) à leur disposition lorsqu’ils ordonnent à quelqu’un de fournir un échantillon d’haleine.

En effet, un ordre formulé en vertu de l’al. 254(2)b) C. cr. ne peut être présumé valide en l’absence d’un ADA sur les lieux de l’interception. Rien dans cette disposition n’indique que le Parlement avait l’intention de créer une telle présomption de validité.

Une personne ne peut engager sa responsabilité criminelle pour avoir refusé d’obéir à un ordre auquel il était concrètement impossible d’obéir en raison de l’absence d’ADA au moment de la formulation de l’ordre.

Enfin, la validité de l’ordre ne peut être conditionnelle au délai de livraison de l’ADA à destination, car une telle approche placerait le conducteur devant une incertitude insoutenable. En effet, lorsqu’un conducteur détenu est appelé à répondre à un ordre lui intimant de fournir un échantillon d’haleine, il doit être en mesure de savoir si l’ordre est valide et si son refus engagera sa responsabilité criminelle.

Dans un contexte où ce dernier n’a pas le bénéfice de l’assistance d’un avocat, on ne saurait attendre de lui qu’il accepte à l’avance d’obtempérer, puis qu’il sache ensuite déterminer à quel moment le délai de livraison de l’ADA justifie un refus.

Pourvoi rejeté.

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