PAR ME LYLIA BENABID ET ME MYLÈNE LAFRENIÈRE ABEL
SECTION DROIT DU TRAVAIL
GÉNÉRAL
Association des ingénieurs et scientifiques des systèmes spatiaux (AISSS) c. Corporation MacDonald Dettwiler et associés (MDA), TA, 8 septembre 2023, a. Me Amal Garzouzi
Disponible sur demande.
La présente affaire conteste la fin d’emploi du plaignant. En l’espèce, le syndicat soumet que la rupture du lien d’emploi résulte d’un congédiement déguisé alors que l’employeur invoque que le salarié a démissionné.
Par une démission, un salarié manifeste sa volonté de rompre unilatéralement le lien d’emploi. Deux éléments doivent être présents pour qu’une démission ait lieu : 1/ un élément objectif par la manifestation écrite ou verbale et 2/ un élément subjectif, soit l’intention de démissionner.
Une fois la preuve de l’existence de la démission établie par l’employeur, notamment par la production d’un écrit du salarié qui manifeste sa volonté de démissionner, c’est au salarié de prouver la nullité de cette démission.
À la fin d’une rencontre d’équipe via Zoom, le plaignant évoque qu’il considère démissionner en raison du mauvais traitement de la part de son employeur alors qu’un document n’aurait pas été produit par le plaignant selon les attentes du superviseur. Le plaignant invoque qu’il se sentait humilié et que c’est sous le coup de l’émotion et du stress qu’il aurait prononcé ces paroles. Selon la preuve présentée à l’audience, le plaignant aurait rappelé un des gestionnaires, après cette rencontre, pour lui demander les étapes requises pour officialiser sa démission.
En ce qui concerne l’intention du salarié, le plaignant aurait envoyé un courriel à la suite de la rencontre où il précise qu’il a accepté une meilleure offre. L’employeur répond en confirmant sa démission déclarée verbalement le matin même et lui demande de contacter les ressources humaines afin qu’il leur précise sa dernière journée de travail. Le salarié explique, à l’audience, qu’il était en pourparlers pour une meilleure offre et qu’il était possible qu’il l’accepte. Pour justifier son courriel, il déclare qu’il s’agissait d’une erreur de frappe.
L’arbitre conclut qu’il se peut que le plaignant ait agi sous le coup de la colère et de l’émotion, mais que la preuve administrée ne démontre pas qu’il était inapte à prendre une telle décision ou que son consentement était vicié.
La démission du plaignant s’est concrétisée du point de vue juridique, et ce, même s’il a manifesté son désir de changer d’avis ou d’évaluer les possibilités alternatives qui s’offraient à lui au sein de son employeur quelques jours après sa volonté de démissionner exprimée.
Le salarié avait valablement démissionné et le grief est rejeté.
Le cabinet RBD représentait le salarié dans le présent dossier.
A. V. M. et Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Centre (Champlain) et Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail, TAT, 13 septembre 2023, j.a. Marie-Claude Poirier
Disponible ici.
La travailleuse est infirmière auxiliaire au Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Centre (Champlain).
Le 25 janvier 2019, elle fait une chute sur la glace alors qu’elle se rend au domicile d’un patient. Elle tombe sur le coccyx et heurte sa tête sur le sol. Un accident du travail est reconnu par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail (ci-après, Commission) ainsi que les diagnostics suivants : contusions au crâne, au dos, ainsi qu’au coccyx et un traitement craniocérébral léger. La Commission accepte également le nouveau diagnostic d’exotropie, mais refuse un tassement D8-D11, une discarthrose L4-L5 et un trouble de l’adaptation.
La Commission confirme ces décisions à la suite d’une révision administrative et confirme le refus d’accorder à la travailleuse une aide personnelle à domicile, le refus de payer le coût d’un psychologue, établit la nouvelle base salariale à 40 089, 21$, refuse le nouveau diagnostic de trouble de l’adaptation, met fin au droit de l’aide personnelle à domicile le 15 janvier 2021, refuse de rembourser le médicament Saxenda.
Le 15 février 2022, la Commission rend une décision à la suite d’une révision administrative postérieure à l’avis rendu le 15 novembre 2021 par le docteur Sung-Joo Yuh, neurochirurgien, à titre de membre du Bureau d’évaluation médicale. Elle confirme que les soins et les traitements pour les contusions au crâne, au dos et au coccyx ne sont plus nécessaires après le 26 février 2020 et que l’indemnité de remplacement du revenu se poursuit. La Commission établit que la travailleuse conserve une atteinte permanente de 5,5 %, mais aucune limitation fonctionnelle.
La travailleuse conteste toutes ces décisions devant le Tribunal administratif du Travail.
Le Tribunal conclut qu’il n’y a pas lieu de modifier la base salariale établie par la Commission en utilisant la méthode d’annualisation qui doit respecter l’esprit des dispositions visant à établir le revenu brut annuel d’emploi. Selon le Tribunal, les conjonctures proposées par la travailleuse ne sont pas le reflet réaliste de sa situation financière dans l’avenir.
De plus, le Tribunal considère que le trouble de l’adaptation évoluant vers une dépression majeure avec idéations suicidaires n’est pas en relation avec la lésion professionnelle : le stress lié à la gestion de son dossier fait partie du processus normal auquel toute personne victime d’une lésion professionnelle est confronté. Ce facteur prend une place importante dans l’évolution de l’état mental de la travailleuse. Ainsi, la lésion professionnelle en soi n’est pas un facteur prépondérant ayant influencé la condition psychologique de la travailleuse.
Le Tribunal établit que la travailleuse n’a pas droit à une aide personnelle supplémentaire selon les critères applicables (voir para. 152), ni au remboursement des frais de ménage et du Saxenda, un médicament visant à limiter la prise de poids de la travailleuse. Selon le Tribunal, la prise de poids n’est pas liée à sa lésion professionnelle ni au plan de traitement prescrit pour cette lésion. Les limitations fonctionnelles retenues par le docteur Yuh dans son avis du 15 novembre 2021 sont confirmées.
Le cabinet RBD représentait la salariée dans le présent dossier.
Unifor, section locale 1209 c. Delastek inc., 2023 QCTAT 3844
Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jztxr>
Depuis le 9 juin 2022, une convention collective liant les parties était échue. Les négociations visant le renouvellement de cette convention se terminent par le dépôt d’une hypothèse de règlement préparée par un médiateur-conciliateur du ministère du Travail le 3 juillet 2023. Le syndicat et l’employeur l’acceptent le lendemain.
Le 11 juillet 2023, le syndicat transmet à l’Employeur le texte final de la convention collective. L’employeur se manifeste une semaine plus tard en exigeant que l’Annexe F, traitant de la formation des employés à l’extérieur de l’usine, soit retirée. À défaut, il n’apposera pas sa signature sur la convention collective.
Le 1er août 2023, le syndicat dépose deux plaintes au Tribunal administratif du Travail. La première plainte a pour objectif de faire constater le manquement de l’employeur de négocier avec diligence et bonne foi en refusant de signer une convention collective fidèle à l’entente de principe intervenue. De plus, le syndicat invoque une entrave à ses activités syndicales et demande notamment au Tribunal d’ordonner à l’employeur de signer la convention collective ainsi que de lui payer des dommages-intérêts moraux et punitifs.
Lors des négociations initiales, il n’est aucunement question de l’Annexe F, pourtant au centre du présent litige. À la vue des difficultés de coordonner de nouvelles rencontres de négociation, le syndicat effectue une demande de nomination d’un médiateur-conciliateur au ministère du Travail.
Lors du processus, la coordonnatrice des ressources humaines convoque le président syndical de manière inopinée et l’informe qu’il s’agit de l’offre finale de l’employeur. Le médiateur-conciliateur n’est pas en copie conforme du courriel qui confirme l’offre finale de l’employeur, l’annexe F est retirée du texte de la convention collective, certains autres articles sont modifiés sans que ces changements ne soient clairement identifiés.
Face à cette situation, le médiateur-conciliateur propose de préparer une hypothèse de règlement, soit un compromis qui sera acceptable pour toutes les parties. L’entente est acceptée par les parties le 4 juillet 2023.
Le refus de l’employeur de signer la nouvelle convention collective en exigeant le retrait de l’annexe F constitue un manquement à l’obligation de négocier avec diligence et bonne foi de la part de l’employeur, prévue à l’article 53 du Code du travail. En effet, les textes de la convention collective qui ne font l’objet d’aucune mention dans l’hypothèse de règlement préparée par le médiateur-conciliateur sont reconduits dans la nouvelle convention collective. L’employeur avait la responsabilité de faire les validations appropriées ou, à défaut, de rejeter cette hypothèse de règlement, s’il était en désaccord avec ces textes ou si une confusion persistait.
Par ailleurs, le Tribunal conclut que le refus de l’employeur de signer la nouvelle convention collective, alors qu’elle avait été présentée et approuvée par les membres du syndicat, constitue de l’entrave aux activités du syndicat. L’efficacité du syndicat peut être remise en cause par ces agissements patronaux.
Les plaintes sont accueillies. Il est ordonné à l’employeur de signer la convention collective et autorisé au syndicat de déposer la convention collective au ministère du Travail en cas de refus de l’employeur de signer la convention collective. De plus, l’employeur devra afficher sans délai des exemplaires de la présente décision à des endroits auxquels les salariés de l’unité de négociation ont librement accès. Bien que l’atteinte à la liberté d’association soit reconnue, la réclamation pour dommages-intérêts punitifs est rejetée considérant que les ordonnances permettront de favoriser les saines relations de travail et la paix industrielle sans qu’il soit nécessaire de punir l’employeur.
POLICIERS ET POLICIÈRES
Rien à signaler.
TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER
Rien à signaler.
POMPIERS ET POMPIÈRES
Rien à signaler.
ARTISTES
Bergeron c. Association québécoise des techniciens et techniciennes de l’image et du son, section locale 514 de l’Alliance internationale des employés de scène, de théâtre, techniciens de l’image, artistes et métiers connexes des États-Unis, ses territoires et du Canada, 2023 QCTAT 3532
Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jzh8z>
Plusieurs techniciens de scène déposent des plaintes pratiquement identiques alléguant un défaut de juste représentation en vertu de l’article 24.2 de la Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, du cinéma, du disque, de la littérature, des métiers d’art et de la scène (ci-après, la Loi).
Les plaignants reprochent à son association d’artistes mieux connue sous le nom d’AQTIS, section locale 514 AIEST, de ne pas respecter ses statuts et ses règlements, de ne pas tenir d’assemblées, de ne pas soumettre de budgets, que les membres du conseil d’administration se seraient votées des augmentations de traitement sans le consentement des membres et ne respecteraient pas des résolutions. Pour ces raisons, ils demandent essentiellement la tenue d’un vote de non-confiance et d’élections.
Le Tribunal rejette les plaintes car elles n’ont pas de chances raisonnables de succès. En effet, selon la Loi, le Tribunal n’a pas compétence pour statuer sur les reproches exprimés par les plaignants, soit des motifs de régie interne invoqués plutôt que des motifs basés sur la représentation dans les relations avec les producteurs dont la responsabilité est déléguée à l’association reconnue pour les représenter. Dans ce contexte, le devoir de représentation n’est pas engagé.
Le Tribunal administratif du Travail rejette les plaintes.
SECTION DROIT CRIMINEL
GÉNÉRAL
R. c. Larocque, 2022 QCCQ 14057
Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jxqdw>
Dans cette affaire, les coaccusés font notamment face à l’accusation d’avoir amené une personne de moins de dix-huit ans à offrir ou à rendre des services sexuels moyennant rétribution, commentant ainsi l’acte criminel prévu à l’article 286.3(2) du Code criminel. Durant son témoignage, la plaignante a fait référence, de manière fortuite, à une période antérieure où elle se serait adonnée à des activités de prostitution. Les coaccusés désirent la contre-interroger sur cet aspect, puisqu’ils sont d’avis qu’elle confond les événements. Le Ministère public s’y oppose.
La Cour du Québec est donc appelée à décider si la preuve des activités de prostitution antérieures de la plaignante est admissible. Selon l’article 276(2) du Code prévoit ceci :
Dans les poursuites pour une infraction prévue aux articles 151, 152, 153, 153.1 ou 155, aux paragraphes 160(2) ou (3) ou aux articles 170, 171, 172, 173, 271, 272 ou 273, la preuve de ce que le plaignant a eu une activité sexuelle avec l’accusé ou un tiers est inadmissible pour permettre de déduire du caractère sexuel de cette activité qu’il est :
a) soit plus susceptible d’avoir consenti à l’activité à l’origine de l’accusation;
b) soit moins digne de foi.
Puisque l’accusation de proxénétisme d’une mineure n’y est pas énumérée, la Cour doit déterminer si la prohibition prévue à cet article trouve, malgré tout, application. La Cour suprême précise que cela sera le cas s’il existe un lien entre l’infraction reprochée et une des infractions énumérées au paragraphe 276(1) du Code. En l’espèce, un tel lien existe bel et bien, selon la Cour.
La Cour considère que la preuve concernant les activités sexuelles antérieures de la plaignante (activités liées à la prostitution) n’est pas admissible, notamment en raison de l’atteinte à la dignité de la plaignante et de son droit à la vie privée, dans un contexte où il existe encore beaucoup de préjugés discriminatoires concernant les femmes qui s’adonnent à la prostitution.
La Cour déclare inadmissible la preuve des activités de prostitution antérieures de la plaignante.
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