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Veille juridique du 2 août 2022

 

SECTION DROIT DU TRAVAIL

GÉNÉRAL

 

Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 4134 et Ville de Saint-Jean-sur-Richelieu (grief syndical), 2022 QCTA 295, SOQUIJ AZ-51863972

Disponible sur SOQUIJ

Le syndicat dépose un grief dans lequel il allègue que l’employeur a refusé d’octroyer le congé férié appelé Journée nationale de la vérité et de la réconciliation à tous les salariés (30 septembre) inclus dans l’unité d’accréditation des employés de bureau, en vertu de l’article 13.02 de la convention collective :

Toute nouvelle fête civique décrétée par les autorités fédérales, provinciales ou municipales, à l’occasion d’un événement spécial, est fériée payée le jour même de la fête ou à une autre date déterminée par les parties dans le cas où tel décret ne le prévoit pas.

L’employeur s’oppose au grief, d’avis que le syndicat a, par le passé, omis de soulever la clause en litige pour bénéficier du jour férié du Souvenir, également contenu au Code canadien du travail. Selon lui, le syndicat a, par conséquent, renoncé à l’application de cette clause pour la durée de la convention collective en vigueur. De plus, l’employeur plaide que la nouvelle fête n’est pas survenue « à l’occasion d’un évènement spécial » qui est une condition nécessaire à l’application de la clause en litige. Finalement, il prétend qu’il n’est pas soumis à la juridiction des autorités fédérales en ce qui concerne l’ajout d’un congé férié à la convention collective.

Le tribunal accueille le grief. Selon l’arbitre, la preuve extrinsèque administrée par l’employeur ne permet pas d’inférer de la conduite du syndicat que celui-ci aurait renoncé à l’application de la clause prescrivant l’inclusion automatique dans la convention collective de tout nouveau jour férié, en l’occurrence la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation.La preuve extrinsèque du comportement ou de la compréhension des parties ne permet pas d’opposer une fin de non-recevoir au syndicat. Le tribunal conclut également que les mots « à l’occasion d’un évènement spécial » peuvent très bien s’appliquer à la situation sociale et historique canadienne qui a amené le législateur fédéral à adopter un nouveau congé férié de « commémoration » et « pour rendre hommage aux survivants ». Quant à l’argument de l’absence de juridiction de l’autorité fédérale d’imposer un congé férié à un employeur de juridiction provinciale, il ne peut être retenu puisque l’obligation découle de l’application de la convention collective convenue librement par les parties et non pas de la volonté du législateur fédéral.

Le tribunal déclare donc que la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation mentionnée au Code canadien du travail est un congé férié, chômé et payé pour les salariés couverts par la convention collective liant les parties, rétroactivement au 30 septembre 2021 et ordonne à l’employeur de verser aux salariés éligibles la rémunération prévue et payable pour ce congé férié.

 

Massé c. Caisse Desjardins Pierre-Le Gardeur, 2022 QCTAT 3049

https ://canlii.ca/t/jq351

Dans ce dossier, le Tribunal administratif du travail est saisi de plusieurs plaintes déposées par la plaignante, une ancienne directrice, développement des marchés à une Caisse populaire, dont une plainte de harcèlement psychologique. Les faits sont brièvement les suivants. En 2017, alors qu’on lui reproche certains comportements dans le cadre d’une évaluation de rendement, la plaignante s’absente pour cause de maladie et dépose une plainte pour harcèlement psychologique. Elle revient au travail en mars 2019. Le 4 décembre 2019, elle dépose de nouvelles plaintes contre l’employeur, dont une autre plainte de harcèlement psychologique. Par la suite, elle communique directement avec la présidente du Conseil d’administration de la Caisse pour se plaindre de ses gestionnaires. Elle est congédiée dans les jours qui suivent cette communication. Elle dépose de nouvelles plaintes.

Le tribunal retient de la preuve que le retour au travail de la plaignante, alors que sa plainte pour harcèlement psychologique de 2017 est pendante devant le tribunal, se déroule dans un contexte de tension. Puisque l’employeur craint que la reprise de contacts entre la plaignante et ses gestionnaires puisse générer des problèmes, il décide, à titre de mesure préventive, de réduire à leur plus simple expression tous les contacts entre la salariée et ses gestionnaires.

Avant de trancher la question, le Tribunal rappelle les limites du droit de gérance : bien qu’il ne soit pas tenu à la perfection, l’employeur ne doit pas exercer ce droit de façon capricieuse, arbitraire, déraisonnable, abusive ou discriminatoire. Il écrit :

[35]        Parfois, la frontière entre le harcèlement et le droit de gérance ne sera pas facile à définir. Les critiques envers la personne s’approcheront souvent du harcèlement alors que celles qui visent les actions ou les comportements tiendront plus souvent du droit de gérance. Chaque cas doit être évalué en fonction de ses circonstances particulières.

En l’espèce, selon le tribunal, la décision de l’employeur de réduire tous les contacts entre la plaignante et ses gestionnaires ne constituait pas un exercice raisonnable de son droit de direction, mais plutôt une conduite vexatoire ayant créé un milieu de travail néfaste pour celle-ci.

La plainte de harcèlement psychologique est accueillie.

 

Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail et Jaafri-Hayani, 2022 QCTAT 3461

https ://canlii.ca/t/jr2qk

 Dans cette affaire, la travailleuse, qui travaille à titre d’agente d’indemnisation Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (ci-après, la « CNESST ») présente une réclamation pour une lésion professionnelle survenue le 8 mai 2020. La travailleuse associe l’apparition d’une tendinite-bursite de l’épaule gauche au fait d’avoir travaillé à un poste mal adapté en raison du télétravail imposé à la suite de la déclaration d’urgence sanitaire de mars 2020.

La CNESST, portant son chapeau d’assureur, rend, le 27 août 2020, une décision reconnaissant que la tendinite-bursite constitue une lésion professionnelle. La CNESST, sous son chapeau d’employeur, se pourvoit devant le Tribunal administratif du travail de la décision rendue le 11 décembre 2020 à la suite d’une révision administrative confirmant que la travailleuse a été victime d’une lésion professionnelle. Il prétend que le type de travail effectué n’est pas susceptible de causer une tendinite-bursite. Si le tribunal devait conclure autrement, il prétend qu’il s’agit d’une aggravation d’une condition personnelle.

Avant la pandémie, la travailleuse disposait d’un poste de travail qui avait été adapté à sa physionomie. À la suite au décret déclarant l’état d’urgence sanitaire, l’employeur a demandé à la travailleuse de fournir sa prestation de travail à partir de son domicile. Elle a donc dû improviser un poste de travail avec les moyens du bord. En vertu de la preuve fournie par la travailleuse, le tribunal retient que les conditions d’exercice de son travail ont été modifiées de façon suffisamment substantielle pour que l’on reconnaisse la présence d’un événement imprévu et soudain. Il conclut également que cet événement est la cause de pathologie de la travailleuse et rejette l’argument de l’employeur concernant l’aggravation d’une condition préexistante.

Le tribunal rejette la contestation de l’employeur et déclare que la travailleuse a été victime d’une lésion professionnelle.

 


 

POLICIERS ET POLICIÈRES

Fraternité des policiers et policières de Montréal c. Bureau des enquêtes indépendantes, Cour d’appel, 29 juillet 2022 (j.c.a. Stephen W. Hamilton)

Disponible ici.

Le 16 juin dernier, la Cour supérieure, sous la plume du juge Marc St-Pierre, accueille partiellement le pourvoi en contrôle judiciaire initiée par Fraternité des policiers et policières de Montréal (FPPM) en déclarant invalides et inopérantes certaines dispositions du Règlement sur le déroulement des enquêtes du Bureau des enquêtes indépendantes (le Règlement) parce qu’elles violent le droit à la protection contre l’auto incrimination et le droit au silence des policiers et policières se croyant impliqués dans l’enquête du BEI.

Le 29 juin 2022, le procureur général du Québec porte le jugement de la Cour supérieure en appel. Le même jour, le ministère de la Sécurité publique émet une directive à tous les corps de police les avisant que durant l’appel, les conclusions déclaratoires du juge St-Pierre sont suspendues et qu’ainsi il compte appliquer intégralement le règlement, malgré la déclaration d’invalidité de la Cour supérieure.

Dans le but de préserver les droits fondamentaux des policiers impliqués relatifs à la non-incrimination et au droit au silence, la FPPM présente une demande d’injonction provisoire qui fût rejetée par le juge Mark Phillips de la Cour supérieure, le 6 juillet dernier.

La FPPM demande à la Cour d’appel la permission d’appeler de ce jugement. Elle demande également à la Cour de prononcer une ordonnance de sauvegarde enjoignant le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) à se conformer au jugement du juge Marc St-Pierre jusqu’à ce que la Cour statue sur le jugement du juge Mark Phillips. Finalement, elle présente une requête de bene esse dans le dossier d’appel du jugement du juge Marc St-Pierre pour obtenir le prononcé d’une ordonnance provisoire du jugement, ou alternativement, le prononcé d’une ordonnance de sursis.

La Cour d’appel rejette les requêtes de la FPPM. La question de l’effet de l’appel sur le jugement St-Pierre est fondamentale aux requêtes de la FPPM. Selon cette dernière, ces effets ne sont pas suspendus par l’appel et la déclaration d’inconstitutionnalité a donc plein effet pendant l’appel.

Le juge Stephen W. Hamilton se rallie plutôt à l’opinion de son collègue, le juge Frédéric Bachand qui, dans l’arrêtMouvement laïque québécois c. English Montreal School Board, avait conclu que l’article 355 du Code de procédure civile a pour effet de suspendre l’effet d’un jugement déclaratoire. La Cour d’appel conclut alors que le jugement du juge Marc St-Pierre est suspendu par l’appel et que le Règlement sur le déroulement des enquêtes du Bureau des enquêtes indépendantes demeure en vigueur en attendant le jugement de la Cour dans le dossier BEI.

De plus, la Cour d’appel refuse la permission d’appeler du jugement du juge Mark Phillips ayant rejeté la demande d’injonction provisoire de la FPPM. La demande pour obtenir le prononcé d’une ordonnance de sauvegarde n’a plus d’objet et elle est rejetée sans frais de justice.

Finalement, la Cour rejette la requête de bene esse dans le dossier d’appel du jugement Saint-Pierre. Le juge Hamilton est d’avis que le test pour surseoir à l’application d’une disposition législative pendant les procédures portant sur sa validité constitutionnelle (le test de l’arrêt Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores Ltd), n’est pas rencontré.

 


 

TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

Rien à signaler.

 


 

POMPIERS ET POMPIÈRES

Rien à signaler.

 


 

ARTISTES

Association québécoise des techniciens et techniciennes de l’image et du son, section locale 514, de l’Alliance internationale des employés de scène, de théâtre, techniciens de l’image, artistes et métiers connexes des États-Unis, ses territoires et du Canada (AIEST) et 9393-9866 Québec inc. (Objectif 9) (grief syndical), 2022 QCTA 278

https://canlii.ca/t/jq151

Dans ce dossier, un premier assistant à la caméra ayant travaillé une journée et demie sur un plateau d’un long métrage, découvre en cours de contrat que le producteur ne retient les services que d’entrepreneurs autonomes. Le syndicat prétend qu’en imposant ainsi en cours d’emploi un statut fiscal au technicien, il contrevient à l’article 4.2 de la convention collective liant les parties. Le grief a également une plus large portée : le syndicat prétend que cet article interdit au producteur de choisir un modèle d’affaires selon lequel seuls les services d’entrepreneurs autonomes sont retenus. Il demande que tous les techniciens ayant travaillé sur ce plateau de tournage soient indemnisés en conséquence.

Le tribunal accueille en partie le grief. La preuve démontre qu’au moment de la conclusion du contrat de service, la question relative au statut fiscal du premier assistant à la caméra n’a pas été discutée ni acceptée par celui-ci. Ainsi, en exigeant par la suite, que ce dernier réclame son dû comme entrepreneur autonome équivaut, selon le tribunal d’arbitrage, à imposer un statut fiscal selon l’article 4.2 de la convention collective alors que le technicien travaille habituellement comme salarié.

Le tribunal rejette cependant le grief à l’égard de tous les autres techniciens, puisque l’article 4.2 de la convention collective n’empêche pas le producteur de choisir un modèle d’affaires prévoyant l’embauche d’entrepreneurs autonomes seulement.

Le grief est accueilli en partie.

 


 

SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRAL

 

R. c. Kirkpatrick, 2022 CSC 33

https://scc-csc.lexum.com/scc-csc/scc-csc/fr/item/19458/index.do

L’appelant et la plaignante se sont rencontrés en ligne. La plaignante a consenti aux relations sexuelles seulement si l’appelant portait un condom. À la fin de leur deuxième rapport sexuel, la plaignante a réalisé que l’appelant avait omis de porter un condom. Elle a donc porté plainte. Au procès, le tribunal a accueilli la requête de l’appelant alléguant que la Couronne n’avait pas prouvé l’actus reus de l’infraction selon les principes de l’arrêt R. c. Hutchinson, 2014 CSC 19, puisque la plaignante avait consenti à tous les actes physiques auxquels ils s’étaient livrés. Le juge d’instance a accueilli la requête faisant valoir l’absence de preuve et a rejeté l’accusation d’agression sexuelle. La Cour d’appel a accueilli l’appel de la Couronne à l’unanimité et a annulé l’acquittement.

De l’avis de la majorité des juges de la Cour, le point de départ et la disposition principale pour juger de l’existence du consentement ou non à une activité sexuelle en matière d’agression sexuelle est l’article 273.1 du Code criminel. L’utilisation du condom, lorsqu’elle est une condition du consentement de la personne plaignante, fait partie de « l’activité sexuelle » visée par cet article. L’accord conditionnel à l’utilisation du condom est au cœur de l’existence du consentement subjectif. Ce dossier se distingue des affaires relatives au sabotage du condom ou à la tromperie. Il s’agit plutôt d’un refus de porter un condom alors que le consentement de la plaignante était conditionnel à son utilisation, et non d’une fraude. Cet élément démontrait l’absence de consentement subjectif de la plaignante.

En l’espèce, l’agression sexuelle spécifique alléguée, et l’activité sexuelle était le rapport sexuel vaginal sans condom. Selon les principes de l’arrêt Hutchinson « l’acte sexuel physique spécifique », un rapport sexuel sans condom est un acte physique fondamentalement et qualitativement différent d’un rapport sexuel avec un condom. Un contact sexuel direct est un acte physique différent d’un contact sexuel indirect. La question de savoir si un condom est exigé est fondamentalement liée à l’acte physique. De plus, l’article 273.1(2) du Code confirme expressément que le rejet d’une activité spécifique doit être respecté pour que le consentement ait un sens. L’utilisation du condom ne saurait être dépourvue de pertinence, secondaire ou accessoire lorsque la plaignante a expressément verbalisé que son consentement était conditionnel. Selon la Cour, reconnaître que l’utilisation du condom puisse faire partie de l’activité sexuelle affirme que tout individu a le droit de décider qui touche son corps et de quelle manière. Cette reconnaissance constitue la seule façon de répondre à la nécessité que la personne plaignante ait donné son consentement affirmatif et subjectif à chaque acte sexuel, et ce, à chaque fois, et situe l’utilisation du condom au cœur de la définition du consentement, comme il se doit.

Les juges Côté, Brown et Rowe ont des motifs concordants et estiment plutôt que lorsqu’une personne donne son accord à des rapports sexuels à la condition que son partenaire porte un condom, mais que cette condition n’a pas été respectée de quelque façon que ce soit, la seule voie menant à la responsabilité́ criminelle est celle de l’analyse relative à la fraude viciant le consentement en application de l’al. 265(3)c) du Code criminel.

L’appel est rejeté. Un nouveau procès doit être tenu.