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Veille juridique du 20 juillet 2021

SECTION DROIT DU TRAVAIL

GÉNÉRAL

 

Bourgoin et Habitations Polichinelle ltée., 2021 QCTAT 2383 

https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2021/2021qctat2383/2021qctat2383.pdf

Dans cette affaire, un travailleur subit un accident de travail le 5 juillet 1985, soit avant l’entrée en vigueur de la Loi sur les accidents de travail et maladies professionnelles (LATMP). En vertu de cette loi, les évènements survenus avant l’entrée en vigueur de la LATMP sont soumis aux dispositions de la Loi sur les accidents de travail. En 2020, le travailleur effectue une réclamation à la CNESST pour divers remboursements en lien avec son état de santé. La CNESST prétend que le TAT n’a pas compétence puisque l’événement initial est survenu avant l’entrée en vigueur de la LATMP. Or, le travailleur allègue que la CNESST a rendu plusieurs décisions implicites au cours des années reconnaissant que le travailleur a subi de multiples rechutes, récidives et aggravations. Dans ce contexte, un travailleur ayant subi une récidive bascule automatique vers le régime d’indemnisation de la LATMP.

Dans son analyse, le TAT reconnaît que la CNESST peut rendre des décisions implicites lorsqu’elle accorde le remboursement en lien avec le traitement des soins nécessaires à la condition du travailleur ou qu’elle verse des indemnités de remplacement de revenus sans pour autant rendre une décision administrative. Dans le cas du travailleur, le tribunal arrive à la conclusion que celui-ci a subi des récidives en 2008, 2010 et 2012. Ce faisant, le travailleur peut réclamer à la CNESST le remboursement des dépenses liées à son accident de travail.

Une fois que le tribunal a tranché la question des décisions implicites, il doit se pencher sur la nature des réclamations. Dans un premier temps, la famille réclame certains montants pour l’assistance dans les déplacements du travailleur à l’hôpital. Le travailleur a subi une blessure à la tête ayant drastiquement réduit sa capacité de langage et ses habiletés à comprendre et se faire comprendre. Le tribunal analyse la portée de l’article 115 :

La Commission rembourse, sur production de pièces justificatives, au travailleur et, si son état physique le requiert, à la personne qui doit l’accompagner, les frais de déplacement et de séjour engagés pour recevoir des soins, subir des examens médicaux ou accomplir une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation, selon les normes et les montants qu’elle détermine et qu’elle publie à la Gazette officielle du Québec.

La Commission prétendait que le service d’accompagnement et de transport était fourni par le CHSLD où réside le travailleur. Le tribunal rejette cet argument. D’une part, la preuve permet de constater que l’accompagnement n’est pas assuré par le CHSLD et que d’autre part, la présence d’un proche est indispensable pour que le travailleur puisse se faire comprendre.

Le tribunal accueille la contestation du travailleur.

 

Syndicat du personnel administratif du CIUSSS Centre-Sud-de-l’île-de-Montréal SCFP section locale 4628 c. Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l’île-de-Montréal, 2021 QCTAT 2100

https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2021/2021qctat2100/2021qctat2100.pdf

Le syndicat dépose une requête en détermination du statut de plusieurs salariés en vertu de l’article 39 du Code du travail. La demande vise les postes d’agent de gestion de personnel (AGP) et de technicien en administration (TA). Ces deux postes sont inclus dans le département de gestion de présence au travail (GPAT). L’employeur fait principalement valoir que ces salariés ont un rôle de représentation de l’employeur et qu’ils sont donc exclus de la définition de salarié au sens du Code du travail.

En général les employés du GPAT veillent à traiter les dossiers de salariés aux prises avec un dossier médical complexe limitant leur présence au travail. Ce département peut recommander de mettre fin à l’emploi du salarié lorsque les accommodements ne sont plus possibles. Ni les AGP ni les TA n’assurent une autorité hiérarchique sur les autres salariés. Pour le tribunal, bien qu’ils soient impliqués dans des décisions pouvant mener à des congédiements administratifs, les AGP et le TA n’ont pas une autonomie décisionnelle permettant d’outrepasser leur droit d’association. Le tribunal écrit : 

[100] Bien qu’ils participent à la décision de l’employeur, notamment pour une entente de dernière chance, une recommandation de fin d’emploi ou une rupture administrative de l’emploi après 36 mois d’invalidité, les AGP et les TA le font en raison de leur connaissance du dossier selon les règles applicables et leurs compétences professionnelles, fonctionnelles ou techniques et non pas en fonction d’un pouvoir discrétionnaire administratif significatif ou d’une autorité administrative, comme c’est le cas de la chef de service GPAT, qui est la représentante de l’employeur dans ses relations avec ses salariés. De plus, les décisions d’accommodement, d’entente de dernière chance ou de fin d’emploi sont prises de concert avec les Services des relations du travail ou juridiques.

Pour ces raisons, le tribunal accueille la requête du syndicat.

 

 

Béton Brunet ltée c. Syndicat des travailleuses et travailleurs des industries manufacturières – CSN, 2021 QCCS 2592

https://www.canlii.org/fr/qc/qccs/doc/2021/2021qccs2592/2021qccs2592.pdf

Dans le cadre d’un arbitrage de différend, l’arbitre Cléroux est nommé par le Ministère du Travail. L’employeur apprend que l’arbitre a été négociateur pour la CSN pendant plusieurs années, soit la centrale syndicale affiliée à la défenderesse dans le dossier. L’employeur rédige une demande de récusation sur la base du parcours professionnel de l’arbitre Cléroux. Celui-ci rend une décision par laquelle il se déclare apte à entendre le différend. La Cour supérieure est saisie d’une demande de pourvoi en contrôle judiciaire accompagnée d’une demande en sursis d’exécution de la décision de l’arbitre Cléroux.

Sur la base des critères de l’arrêt RJR Macdonald, la Cour supérieure est appelée à déterminer si la demanderesse a démontré une question sérieuse, un préjudice irréparable et que la balance des inconvénients l’avantage. Pour le tribunal, la question de l’impartialité du décideur, ayant un rôle quasi législatif, est une question sérieuse à juger. C’est l’intégrité du processus d’arbitrage de différends. Pour la Cour supérieure, les arguments soulevés par la demanderesse ne sont pas de la nature de soupçons. Le parcours professionnel de l’arbitre Cléroux est de « nature à susciter une crainte raisonnable de partialité ou d’apparence de partialité ».

De plus, la juge Mainville considère que le préjudice que subirait une partie de devoir procéder devant un tribunal, avec crainte de partialité, est un préjudice irréparable. D’une part, l’exercice risque de miner la confiance entre les parties pour les prochaines années. Au surplus, les parties devront engager des frais et de l’énergie dans un dossier alors qu’ils risquent de devoir reprendre à zéro si le pourvoi était accueilli.

Au final, la balance des inconvénients est à l’avantage de la demanderesse. Le tribunal note que l’article 59 du Code du travail permet le maintien des conditions de travail existantes, il n’y a donc aucun préjudice à l’autre partie qui pourra bénéficier rétroactivement des augmentations salariales.

 

 

Teamsters Québec, local 1999 et Coop de taxi de Montréal (grief syndical), 2021 QCTA 327

https://www.canlii.org/fr/qc/qcsat/doc/2021/2021canlii55288/2021canlii55288.pdf

Un employeur place une caméra de surveillance directement dirigée sur les bureaux de travail des employés d’un centre de répartition. Pour l’employeur, la caméra de surveillance agit comme effet dissuasif contre les vols des objets perdus ou abandonnés dans les taxis et dont les images pourraient servir à justifier une mesure disciplinaire. Les caméras fonctionnent en tout temps et l’employeur peut voir en continu les images qui sont sauvegardées pour une période de trente jours. À ce jour, l’employeur n’a jamais eu besoin d’y recourir en plus de deux ans.

Pour le tribunal, l’employeur n’a pas démontré un objectif réel et urgent. La simple commodité qu’offre l’installation d’une caméra de surveillance n’est pas un objectif valable pour aller à l’encontre des droits fondamentaux des employés. Le tribunal s’exprime ainsi :

[40] Cela étant, le Tribunal ajoute qu’une surveillance vidéo en continu et permanente, comme celle en l’instance, ne peut être qualifiée d’atteinte minimale aux droits fondamentaux des salariés. L’atteinte est directe et ne permet aucune nuance de jugement.

Le grief est accueilli et l’arbitre ordonne à l’employeur de retirer la caméra de la salle de répartition dans les cinq jours ouvrables de la décision.

 

 

Syndicat des travailleurs de Demix (Lasalle – Longueuil) – CSN et Demix Béton, une division de Groupe CRH Canada inc. (Hubert Robichaud), 2021 QCTA 298

https://www.canlii.org/fr/qc/qcsat/doc/2021/2021canlii48299/2021canlii48299.pdf

Dans cette affaire, un employé se rend au travail. Après le début de son quart, il tombe malade. On lui diagnostiquera plus tard une gastro-entérite. Il est retrouvé allongé au sol dans un bureau. On appelle l’ambulance pour lui. Le salarié donne l’autorisation à un représentant de l’employeur d’aller chercher son portefeuille dans son véhicule personnel. L’employeur découvre une « cocotte » de cannabis dans le véhicule.

À son retour au travail, le salarié se voit suspendu sans solde pour fins d’enquête. Il est ensuite rencontré par l’employeur. Il lui est demandé de procéder à un test d’urine. Le salarié a procédé tout en contestant la pratique. À la suite des résultats du test, l’employeur modifie la suspension sans solde en suspension avec solde. Il s’en suit deux expertises médicales avec les Dr Rivas et Chamberland. Le Dr Chamberbland diagnostique un trouble de consommation léger. L’employeur impose un protocole de retour au travail exigeant des tests aléatoires d’urine. L’employeur impose aussi une suspension de deux semaines pour possession de cannabis sur la propriété de l’employeur.

Le dossier comprend plusieurs griefs. D’abord, la suspension administrative est confirmée. Après la découverte de la « cocotte », l’employeur pouvait investiguer pour s’assurer de l’aptitude au travail du salarié.

En ce qui concerne l’imposition d’une mesure disciplinaire, l’arbitre confirme que le comportement du plaignant est contraire à la politique sur l’alcool et la drogue de l’employeur. Conséquemment, il considère que le salarié a commis une faute en apportant une « cocotte » de cannabis sur les lieux de travail. Or, la sanction de deux semaines est excessive. Il impose deux jours de suspension.

Un grief porte sur le test d’urine imposée par l’employeur au retour au travail du salarié et sur l’entente de retour au travail. Le tribunal est d’avis que l’employeur ne disposait d’aucun motif raisonnable pour considérer que le salarié était inapte au travail. La simple possession d’une substance par ailleurs légale n’est pas suffisante pour justifier une atteinte à la vie privée, soit un test urinaire. Au surplus, le tribunal s’oppose aux recommandations du Dr. Chamberland relativement à une entente de trois ans au cours de laquelle l’employeur peut soumettre le salarié à des tests urinaires. Le tribunal considère que l’opinion du Dr. Chamberland ne vise que l’abstinence du salarié et qu’il n’y a aucune raison objective de soumettre le salarié à ces tests. Le tribunal écrit :

[147] Les recommandations du Dr Chamberland, intégrées dans l’entente de retour au travail, ont clairement pour effet de forcer le Plaignant   l’abstinence totale.

[148] L’entente est clairement excessive. Elle pour conséquence de priver le Plaignant de son libre arbitre et de la jouissance de sa vie privée.

Le grief est accueilli en partie.

 


 

POLICIERS ET POLICIÈRES

 

Commissaire à la déontologie policière c. Croteau et Des Rochers

Décision disponible sur demande

Dans cette affaire, le Commissaire à la déontologie policière) cite les agents Croteau et Des Rochers devant le Comité de déontologie policière pour avoir contrevenu à l’article 7 du Code de déontologie des policiers du Québec. Il reproche aux agents de ne pas avoir respecté l’autorité de la loi et des tribunaux et collaboré à l’administration de la justice en utilisant la force contre monsieur Zhang, en l’arrêtant, en le détenant et en le fouillant sans droit.

Les faits ayant donné lieu à la présente citation sont les suivants. Le 10 novembre 2016, le duo formé des agent Croteau et Des Rochers reçoivent un appel de leur superviseur, le sergent Marie-Josée Lépine. Elle leur achemine une demande d’assistance provenant du poste de quartier (PDQ) 46. Cette demande consiste à vérifier si un dénommé Yuming Zhang est à son domicile et à procéder à son arrestation pour bris de conditions.

L’agent Croteau cogne à la porte. L’agent Des Rochers est à ses côtés. Le sergent Lépine, quant à elle, va se placer à l’arrière de l’édifice pour parer toute tentative de fuite de monsieur Zhang. Un homme mince d’origine asiatique entrouvre la porte. L’agent Croteau, après s’être identifié, lui indique qu’ils sont là pour arrêter un certain monsieur Yuming Zhang pour bris de condition.

L’homme ne parle pas français. L’agent Croteau lui répète en anglais le but de sa présence. L’individu informe les agents que monsieur Zhang n’est pas là. L’agent Croteau lui demande donc la permission de faire le tour de l’appartement pour vérifier. L’homme s’écarte et, en faisant un signe de la main, laisse entrer les policiers. Il referme la porte derrière eux. Les agents font rapidement le tour de l’appartement en regardant dans chaque pièce. Personne d’autre n’est à l’intérieur. L’agent Croteau veut voir une pièce d’identité, mais l’individu refuse. Il lui demande s’il est monsieur Zhang. L’individu confirme que c’est lui et demande à l’agent Croteau pourquoi il est là. L’agent Croteau répète que les agents veulent l’arrêter pour bris de conditions. Monsieur Zhang exige alors de parler au superviseur de l’agent Croteau. Il clame son innocence. L’agent Croteau l’informe qu’il pourra donner sa version aux enquêteurs s’il accepte de les suivre au poste de police. Monsieur Zhang accepte. L’agent Croteau procède alors à l’arrestation de monsieur Zhang dans son domicile. Il saisit son poignet droit afin de lui passer les menottes. Soudainement, monsieur Zhang se raidit et tente de ramener ses bras vers l’avant. Aidé de l’agent Des Rochers, l’agent Croteau réussit à le menotter dans le dos. Monsieur Zhang est informé des motifs de son arrestation. On lui lit ses droits constitutionnels.

Dans un premier temps, le Comité conclut que les policiers cités devaient obtenir un mandat d’entrée pour arrêter monsieur Zhang dans son domicile. L’arrestation de monsieur Zhang dans son domicile était donc interdite, à moins que les agents puissent démontrer que monsieur Zhang a validement consenti à les laisser entrer dans le but d’accomplir leur objectif, soit l’arrêter dans son domicile. Toujours selon le Comité, la preuve administrée devant le Comité ne démontre pas de façon prépondérante que le consentement de monsieur Zhang était libre et éclairé. Son arrestation était donc illégale et les agents y ont procédé sans droit (chef 2). Il en découle que les agents ont utilisé la force sans droit (chef 1) à son endroit et que la fouille incidente à son arrestation (chef 4), de même que sa détention (chef 3) étaient aussi illégales et faites sans droit.

La conduite est jugée dérogatoire.

 


 

TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

 

Rien à signaler.

 


 

POMPIERS ET POMPIÈRES

 

Rien à signaler.

 


 

ARTISTES

 

Rien à signaler.

 


 

SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRALE

R. c. Dubé, 2021 QCCA 1143

https://www.canlii.org/fr/qc/qcca/doc/2021/2021qcca1143/2021qcca1143.html

Dans cet arrêt, le Ministère public se pourvoit contre la peine de neuf ans d’emprisonnement qui fut imposée à Normand Dubé par la Cour du Québec après qu’il ait été déclaré coupable de trois méfaits à l’égard du réseau de transport d’électricité d’Hydro-Québec.

Ce jugement condamne l’intimé à une peine totale de neuf ans d’emprisonnement, à être purgée de façon concurrente avec une peine de sept ans à laquelle il était déjà assujetti à la suite d’un jugement rendu quelques mois plus tôt par un autre juge, dans un autre dossier et en lien avec des infractions entièrement distinctes.

Le ministère public ne conteste pas la quotité de la peine proprement dite, mais uniquement la décision du juge de l’imposer concurremment à l’autre peine, plutôt que consécutivement, comme elle l’avait requis.

La Cour d’appel est d’avis que le juge de première instance erre sur les principes applicables lorsque, pour justifier son refus d’imposer une peine consécutive à l’intimé, il invoque, au paragraphe 39 de ses motifs, que les « délits pour lequel [sic] le Tribunal a déclaré coupable l’accusé ont été commis avant le délit dit Hydro-Québec ». Il ressort clairement de son jugement que le juge a noté que les crimes dont il avait déclaré l’intimé coupable étaient de natures différentes, avaient été commis à l’égard d’autres victimes et à d’autres dates que les méfaits dont son collègue l’avait déclaré coupable dans le dossier Hydro-Québec.

Selon la Cour d’appel, ces erreurs permettent à la Cour d’intervenir et d’effectuer sa propre analyse. C’est dans ce contexte que la Cour conclut que le juge aurait dû ordonner que l’intimé purge la peine qu’il lui a imposée consécutivement à celle dans le dossier Hydro-Québec.

Cette conclusion entraîne au bout du compte pour l’intimé une peine d’emprisonnement totale de 16 ans, moins les crédits de détention provisoire applicables. Néanmoins, il s’agit d’un cas où une telle peine, bien que sévère, demeure justifiable au regard des principes de détermination de la peine, notamment ceux de dénonciation et de dissuasion générale, et n’est pas manifestement non indiquée dans les circonstances.

L’appel est accueilli. Une peine de 16 ans d’emprisonnement est substituée.