SECTION DROIT DU TRAVAIL
GÉNÉRAL
Cadieux c. Greyhound Canada Transportation Corp., 2020 QCCA 498
https://www.canlii.org/fr/qc/qcca/doc/2020/2020qcca498/2020qcca498.pdf
La Cour d’appel se prononce une fois de plus sur l’intérêt juridique d’un salarié syndiqué de se pourvoir personnellement en contrôle judiciaire d’une sentence arbitrale rejetant ses deux griefs, dont son grief de congédiement. Cette affaire reprend les enseignements de la Cour d’appel dans l’affaire Cinq-Mars c. Montréal (Ville de), laquelle prend appui sur l’arrêt de principe en la matière rendu par la Cour suprême sous la plume du juge Lebel, l’affaire Noël c. Société d’énergie de la Baie James.
La Cour d’appel confirme la décision rendue par la Cour supérieure qui énonce que malgré le fait que le Conseil canadien des relations industrielles (ci-après : « le CCRI ») a accueilli la plainte du plaignant pour mauvaise représentation de la part du syndicat en vertu de l’article 37 du Code canadien du travail, l’équivalent du 47.2 du Code du travail au Québec, le plaignant ne possède pas l’intérêt juridique suffisant afin de décider unilatéralement de se pourvoir en contrôle judiciaire de la décision arbitrale par laquelle l’arbitre rejette son grief de congédiement. Le plaignant invoquait que le syndicat était en conflit d’intérêts afin de décider de se pourvoir en contrôle judiciaire de la décision arbitrale, notamment car le syndicat n’a pas voulu porter son grief de congédiement en arbitrage avant que le CCRI l’ordonne.
Selon la Cour d’appel, à l’étape du pourvoi en révision judiciaire, un salarié peut certes alléguer qu’il est encore victime d’un défaut de représentation de la part de l’association accréditée, mais seul le CCRI est compétent afin de conclure que les faits allégués par le salarié constituent un défaut de représentation susceptible de priver l’association accréditée de son monopole de représentation, lequel comprend, le droit de décider de l’opportunité de se pourvoir en contrôle judiciaire contre une sentence arbitrale. En l’absence d’un constat par l’organisme compétent d’un défaut de représentation de l’association, celle-ci conserve son monopole de représentation.
Appel rejeté.
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Syndicat des métallos, section locale 9449 c. Glencore – Mine Raglan (grief syndical), 2020 QCTA 150
https://soquij.qc.ca/portail/recherchejuridique/ConsulterExtExpress/A97EA09F7A48815C76023C71DE73AFA0?source=EXPTRAV
Ce litige concerne la nouvelle norme du travail au sujet des vacances annuelles qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2019. La Loi sur les normes du travail accorde maintenant aux salariés justifiant trois (3) ans de service continu le droit à trois (3) semaines de vacances. Le syndicat dépose un grief contestant le fait que le nombre de semaines de vacances prévu à la convention collective est inférieur au minimum prévu dans la Loi sur les normes du travail.
L’employeur plaide que globalement, les avantages consentis aux salariés au chapitre des vacances sont supérieurs à la norme minimale que prévoit la loi. Il met en preuve que les indemnités de vacances sont beaucoup plus généreuses que ne le sont les prescriptions d’ordre public. Au niveau des indemnités l’arbitre constate que l’indemnité pour congé annuel dépasse de loin les exigences minimales de loi, car dès le départ un salarié a droit non pas à 4% mais 6% de son salaire, indemnité à laquelle s’ajoute un bonus de 525 $ par semaine dès l’atteinte par le salarié de trois (3) ans de service continu. Cependant, selon l’arbitre, cet avantage supérieur en regard de l’indemnité pour congé annuel ne peut cependant compenser le fait qu’au chapitre de la durée du congé lui-même, la convention comporte des droits inférieurs à la norme. Selon l’arbitre, il est bien établi depuis la décision de la Cour d’appel dans l’affaire Montreal Standardc. Middletonque la comparaison entre la convention collective et la loi doit se faire disposition par disposition. Or, bien que les droits à l’indemnité et à la durée du congé soient compris dans la section IV de la Loi intitulée « congés annuels payés », elles constituent deux normes distinctes. Conclure autrement permettrait à un employeur de n’octroyer qu’une semaine de vacances en accordant une forte rémunération ou de payer une indemnité selon un pourcentage inférieur à la norme sous prétexte d’accorder un grand nombre de semaines de vacances. La prétention de l’employeur ne respecte ni le texte ni l’esprit de la Loi sur les normes du travail.
Grief accueilli.
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Taillon et Retraite Québec, 2020 QCTA 138
https://www.canlii.org/fr/qc/qcta/doc/2020/2020canlii19350/2020canlii19350.pdf
Dans cette affaire, une salariée technicienne en service de garde auprès de la Commission scolaire Marie-Victorin depuis plus de 30 ans, dépose un recours afin de contester une décision rendue par Retraite Québec qui refuse une demande de rachat de certaines périodes d’absence sans traitement.
Le contexte de l’affaire est le suivant: la nature du travail de la salariée a entraîné de nombreuses périodes d’absence sans solde en raison de mises à pied cycliques. Avant la fin 2015, Retraite Québec refusait toute demande de rachat de ce type de périodes de service, au motif que les absences en cause équivalent à des ruptures du lien d’emploi et entraîneraient donc l’impossibilité du rachat. Cette approche a été ensuite écartée par l’arbitre Beaupré dans une décision de 2013 suivant laquelle une mise à pied n’impliquait en aucun temps une rupture du lien d’emploi et donc qu’il était possible de racheter ces périodes de service (ci-après : « l’affaire Carignan »). Cette décision a été confirmée par la Cour d’appel en 2015. À partir de 2015, il est donc devenu possible pour les participants au Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics (ci-après : « RREGOP ») de procéder au rachat des périodes de service de cette nature. Ensuite, le 21 mars 2018, une nouvelle loi a été adoptée et sanctionnée, soit la Loi concernant la mise en œuvre de recommandations du Comité de retrait de certains régimes de retraite du secteur public et modifiant diverses dispositions législatives (ci-après : « la Loi modificatrice »). L’article 76 de la Loi modificatrice vient interdire le rachat des périodes de mises à pied cycliques, sauf celles reçues par Retraite Québec avant le 15 février 2018.
C’est dans ce contexte que Retraite Québec refuse de permettre à l’appelante le rachat des périodes de mises à pied cycliques. L’appelante soutient que la façon dont la modification législative a été apportée à la Loi sur le régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics ainsi que le délai accordé par la disposition transitoire ne lui permettaient pas de faire sa demande de rachat en temps utile. Elle invoque une impossibilité d’agir au sens de l’article 2904 du Code civil du Québec.
Selon l’arbitre, en omettant de diffuser à l’avance la date limite pour la présentation des demandes de rachat de périodes de mises à pied et en n’accordant qu’un délai très court pour ce faire aux salariés à partir de l’adoption de la Loi modificatrice, le législateur a posé des embûches presque incontournables aux participants qui voulaient exercer leur droit de rachat. Cette approche a entraîné une impossibilité pour les salariés d’agir à l’intérieur des délais fixés. L’arbitre énonce qu’il faut donc faire preuve de beaucoup de souplesse dans l’appréciation de la validité des demandes de rachat de service. L’arbitre conclut que les salariés qui ont effectué des démarches concrètes avant le 15 février 2018 afin de mettre en œuvre leur droit au rachat des périodes de service liées à des mises à pied temporaires sont en droit de profiter de cet avantage.
Demande accueillie.
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POLICIERS
Canada (Procureur générale) c. Picard, 2020 CAF 74
https://www.canlii.org/fr/ca/caf/doc/2020/2020caf74/2020caf74.pdf
La Cour d’appel fédérale se prononce sur une question constitutionnelle importante à savoir si les relations de travail des policiers autochtones à l’emploi de divers conseils de bande relèvent de l’autorité fédérale ou provinciale.
La Cour d’appel fédérale confirme la décision rendue par la Cour fédérale sous la plume du juge Martineau qui en est arrivée à la conclusion que les policiers et constables spéciaux embauchés et rémunérés par les conseils de bande aux termes d’une entente tripartite impliquant également les gouvernements fédéral et québécois occupent un emploi dans un ouvrage, une entreprise ou une activité de compétence fédérale. Par voie de conséquence, leur régime de pension constitue un régime agréé en vertu de la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension, L.R.C. 1985et donc le Bureau des institutions financières du Canada doit continuer à en assurer la gestion.
Appel rejeté.
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PARAMÉDICS
Fédération des employés du préhospitalier du Québec (FPHQ) c. Services préhospitaliers Paraxion inc., Tribunal d’arbitrage, Me Dominique-Anne Roy, 20 avril 2020.
Décision disponible sur demande.
Le syndicat conteste une politique de l’employeur qui consiste à refuser d’accorder à des techniciens ambulanciers paramédics des congés de maladie pour motifs personnels lorsque la liste de rappel est vide. Selon le syndicat, une analyse individuelle de chaque demande doit être effectuée par l’employeur et ce dernier doit faire des efforts suffisants afin de permettre la mise en œuvre d’un droit conventionné. Le syndicat prétend que les appréhensions de l’employeur quant à l’impact de la prise de ces congés sur la main-d’œuvre et les services à dispenser à la population sont non fondées.
Le Tribunal donne raison au syndicat sur le volet de la politique de l’employeur. L’arbitre énonce que la démarche analytique de l’employeur afin d’octroyer ou non un congé pour motif personnel ne peut reposer sur une politique générale de traitement des demandes de congé. La démarche de l’employeur doit comporter un examen individualisé d’une demande de congé. L’employeur doit mettre de l’avant des efforts sérieux pour faire droit au congé.
En ce qui concerne les deux cas précis de refus de congé qui avaient été soumis au Tribunal, l’arbitre considère que les motifs de refus invoqués par l’employeur auraient été valables même au terme d’une étude individuelle. L’arbitre analyse les principes à retenir dans l’évaluation d’un motif « valable » de refus. Selon l’arbitre, l’employeur a fait la preuve qu’il arrive qu’il ne réussisse pas à combler ses besoins personnels tant en temps régulier qu’à taux majoré, après avoir épuisé les listes de rappel des salariés à temps complet et à temps partiel. Des fermetures de camion se produisent plusieurs fois par an de ce fait, entraînant alors un bris de service. Sur la base de cette réalité, l’employeur est fondé à craindre l’impact de prises de congés pour motifs personnels sur sa capacité à dispenser les services attendus lorsque la liste de rappel est dégarnie.Par ailleurs, l’arbitre retient également de la preuve que l’employeur a fait des efforts raisonnables afin de garnir sa liste de rappel.
En conclusion, selon l’arbitre, l’employeur était fondé de refuser l’octroi des congés personnels demandés par les deux (2) salariés visés par le grief considérant notamment les éléments suivants : l’état de la liste de rappel le jour des demandes de congés des paramédics visés par le grief, les nombreux efforts infructueux déployés par l’employeur pour contrer la pénurie de main-d’œuvre, la fragilité de la situation révélée par les bris de service existants, la période de prise de ces congés, les engagements contractuels de l’employeur ainsi que la nature des services dispensés par l’entreprise.
Grief partiellement accueilli.
Bravo à Me Sophia Rossi pour son travail dans ce dossier !
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ARTISTES
Rien à signaler.
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SECTION DROIT CRIMINEL
GÉNÉRAL
R. c. Kadoura (C.Q., 2020-04-15), 2020 QCCQ 1455, SOQUIJ AZ-51682708
https://soquij.qc.ca/portail/recherchejuridique/AZ/51682708
Décision sur l’enquête pour mise en liberté provisoire de l’accusé faisant face à divers chefs de possession d’armes à feu et d’extorsion. La poursuite s’oppose à la remise en liberté aux motifs que la détention de l’accusé est nécessaire pour assurer la protection ou la sécurité du public. L’accusé fait valoir qu’en raison de l’épidémie de COVID-19 et du plus grand risque de contamination dans un établissement carcéral, il doit être libéré.
En l’espèce, la défense a déposé une lettre ouverte adressée aux gouvernements fédéraux et provinciaux, datée du 6 avril 2020 et cosignée par 123 professionnels de la santé, professeurs d’université et étudiants. Dans cette lettre (qui a été rapportée dans les médias nationaux la semaine dernière), les signataires soumettent que le risque de propagation du coronavirus dans les prisons est accru en raison de la nature même des établissements. La lettre implore les gouvernements à libérer le plus grand nombre de détenus possible dans les plus brefs délais. Au stade de l’enquête sur mise en liberté provisoire, le juge Galiatsatos statue qu’une telle lettre est admissible. Toutefois, malgré le sérieux incontestable de la pandémie, il n’y a pas lieu d’abolir les prisons ou la détention provisoire (qui est déjà strictement balisée par les principes énoncés par la Cour suprême) ni de contrecarrer les dispositions législatives applicables (par. 85).
ll est incontestable que les autorités carcérales doivent prendre des mesures appropriées afin de réduire les risques de propagation à un minimum dans les centres de détention. Foncièrement, les prévenus ont le droit de ne pas être exposés indument à des risques d’infection. Cependant, la façon d’atteindre cet objectif n’est pas en exposant la communauté à des individus dangereux ou violents (par. 78).
Détention provisoire ordonnée.
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