Veille juridique du 22 février 2022

22 février 2022

SECTION DROIT DU TRAVAIL

GÉNÉRAL

 

FIQ — Syndicat des professionnelles en soins de santé de l’Ouest-de-l’île-de-Montréal (FIQ — SPSSODIM) c. Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Ouest-de-l’île-de-Montréal (CIUSSS), 2022 QCCA 234

https://canlii.ca/t/jmhcr

La Cour d’appel a prononcé un arrêt le 17 février 2022 en renversant en partie la décision de la Cour supérieure rendue dans le cadre d’un pourvoi en contrôle judiciaire. Dans le cadre de ce pourvoi, l’employeur demandait le contrôle d’une sentence arbitrale concernant le fardeau de tâches de certains postes. L’arbitre avait accueilli en partie le grief syndical de l’appelante et avait ordonné la création de postes d’infirmières et d’infirmières auxiliaires, de même que la création de postes de préposés aux bénéficiaires, des salariés non visés par le certificat d’accréditation détenu par le Syndicat, non couverts par son unité de négociation et dont les conditions de travail sont régies par une autre convention collective. Devant la Cour supérieure, l’employeur prétendait que cette décision était déraisonnable. Le juge Marc St-Pierre a accueilli le pourvoi en partie.

La Cour d’appel conclut que le juge de la Cour supérieure a mal appliqué la norme de contrôle de la raisonnabilité en décidant que l’arbitre ne pouvait se prononcer sur la situation de fardeau de tâches des infirmières et infirmières auxiliaires affectées aux quarts de jour et de soir. La Cour d’appel juge plutôt que le raisonnement de l’arbitre repose sur un « socle jurisprudentiel solide » (paragraphe 57). Elle écrit :

[53]      En concluant que l’Arbitre pouvait uniquement se prononcer sur le fardeau de tâches du quart de nuit, le juge ne se livre pas à un contrôle de la légalité de la décision arbitrale, mais plutôt à un contrôle de son opportunité. Il exprime son désaccord avec le résultat retenu par l’Arbitre sans chercher à comprendre le fil de son raisonnement qui l’a conduit à interpréter libéralement la plainte. Il choisit la norme de contrôle de la décision raisonnable, mais applique celle de la décision correcte.

Ensuite, la Cour conclut que le juge ne commet pas d’erreur en décidant que la question de la compétence de l’arbitre d’ordonner la création de postes de préposés aux bénéficiaires a été soulevée par l’employeur devant l’arbitre et tranchée par ce dernier. Finalement, pour d’autres motifs que ceux soulevés par la Cour supérieure, la Cour d’appel est d’avis que l’arbitre a commis une erreur déraisonnable en ordonnant à l’employeur de créer des postes de préposés aux bénéficiaires. Pour la Cour d’appel, la conclusion de l’arbitre est déraisonnable puisqu’il ne possède pas la compétence d’ordonner la création de postes de préposés aux bénéficiaires, soit des salariés non visés par le certificat d’accréditation détenu par le Syndicat, non inclus dans l’unité de négociation de ce dernier, non visés par la convention collective signée entre l’employeur et le syndicat et non représentés à l’audience devant l’arbitre. En d’autres mots, « l’arbitre ne pouvait imposer à l’employeur une obligation qui ne découlait aucunement de la convention collective intervenue entre ce dernier et le Syndicat » (paragraphe 105).

 

 


 

POLICIERS ET POLICIÈRES

 

Fraternité des policiers et policières de la Ville de Québec c. Québec (Ville), 2022 CanLII 9952 (QC SAT)

https://canlii.ca/t/jmgj8

Cette sentence arbitrale répond à la question de savoir si l’employeur pouvait déplacer des quarts de travail en se prévalant d’une disposition de la convention collective selon laquelle il lui est permis de changer l’heure de début du quart de travail des constables de l’équipe Flex. Cette clause générale relève du droit de direction de l’employeur, ce qui n’est pas contesté par la Fraternité.

Or, ce que prétend la Fraternité est que la latitude octroyée à l’employeur pour modifier l’heure d’entrée ne permet pas pour autant de changer un quart au complet.

Il ressort de l’analyse que la clause en litige n’était pas claire et qu’elle souffrait d’ambiguïté, donc l’arbitre a procédé à la recherche de l’intention commune des parties. En appréciant les clauses les unes par rapport aux autres, il conclut que les parties n’ont pas voulu donner à l’employeur le droit de changer les quarts prévus à l’horaire conventionné. Des variations dans les heures de début et de fin ne font pas en sorte que la qualification du quart change elle aussi :

[57]     (…) Un quart de jour ne cesse pas d’être un quart de jour, même si certaines heures sont effectuées le soir ou la nuit précédente. C’est la zone où la discrétion de l’Employeur peut s’exercer.

Ainsi, le respect de l’horaire prévu à la convention collective donne lieu à une interprétation restrictive. À plus forte raison, permettre de telles modifications à l’horaire aurait des incidences directes sur la rémunération qui varie selon le quart de jour, soir ou nuit.

Le grief est accueilli.

 

 

Dowd c. Gerry Paul (500-09-029254-208), 18 février 2022

Décision disponible ici.

L’appelant, le Commissaire à la déontologie policière, se pourvoit contre le jugement rendu par la Cour supérieure accueillant la demande de pourvoi en contrôle judiciaire d’un jugement de la Cour du Québec rendu en appel d’une décision du Comité de déontologie policière. La Cour supérieure a infirmé le jugement de la Cour du Québec et a rétabli la décision du Comité sur sanction.

Les faits à l’origine du dossier sont les suivants. L’intimé, policier à l’emploi du Service de Mashteuiatsh, subit son procès pour une accusation de voie de faits et est déclaré coupable. Au terme de la sentence, une absolution conditionnelle est prononcée. En réaction à cette déclaration de culpabilité, le Commissaire à la déontologie policière saisit le Comité et ce dernier déclare l’intimé coupable de l’acte dérogatoire prévu à l’article 7 du Code de déontologie. Sur sanction, le Comité prononce une déclaration inhabileté à exercer la fonction d’agent de la paix pour une durée de trois ans.

D’entrée de jeu, la Cour d’appel rappelle que la question de la norme de contrôle applicable à l’égard d’une sanction en déontologie policière est réglée depuis le récent arrêt Binette. À moins d’erreur de droit ou de principe, une cour d’appel n’interviendra que si la peine est manifestement non indiquée. Par ailleurs, lorsqu’il y a deux paliers de révision, la Cour supérieure doit se demander si la Cour du Québec a exercé sa fonction d’appel de manière raisonnable eu égard aux normes applicables en appel et à la nature des questions qu’elle devait trancher.  Quant à la norme d’intervention de la Cour d’appel, cette dernière doit déterminer si la Cour supérieure a d’une part, choisi la bonne norme de contrôle, mais également, qu’elle l’a bien appliquée. Lorsque la Cour supérieure se méprend dans le choix de la norme, il appartient à la Cour d’appel de procéder à cette analyse en appliquant la bonne norme, et en se concentrant sur la décision de la Cour du Québec.

En l’espèce, la Cour du Québec s’est méprise dans la norme de contrôle de la décision raisonnable. Celle-ci devait plutôt se poser la question de savoir si la décision du Comité renfermait une erreur de droit ou de principe ayant eu une incidence sur la détermination de la sanction, ou si la déclaration d’inhabileté était manifestement non indiquée. Quant à la juge de la Cour supérieure, elle s’est livrée au bon exercice de raisonnabilité. Cependant, elle commet une erreur en assujettissant le caractère raisonnable de ce jugement. La question qu’elle devait se poser est celle de savoir si le juge de la Cour du Québec pouvait raisonnablement conclure que la décision du Comité renfermait une erreur de droit ou de principe ou que la sanction était manifestement non indiquée.

En conséquence, la Cour estime que le raisonnement du Comité était logique, rationnel et cohérent. La sanction n’était pas injuste ou inadéquate en lien avec la gravité de l’infraction commise par l’intimé et de l’ensemble des facteurs aggravants et atténuants de l’affaire. Par conséquent, la Cour du Québec n’a pas fait preuve de la déférence requise à l’exercice par le Comité de son pouvoir discrétionnaire en matière de sanction. Puisque la Cour du Québec n’a pas choisi la bonne norme, il aurait fallu en principe que la Cour supérieure retourne le dossier pour un nouvel examen en fonction de celle-ci. Cependant, elle pouvait refuser de renvoyer l’affaire sachant que la décision du Comité ne commandait pas d’intervention. La Cour considère que renvoyer l’affaire en Cour du Québec heurte le principe voulant que les litiges administratifs soient réglés avec célérité.

La Cour rejette l’appel.

 

Félicitations à Me Félix R. Larose pour son excellent travail dans ce dossier!

 


 

TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

 

Lefebvre et Coopérative des paramédics de l’Outaouais, 2022 QCTAT 612 (CanLII)

https://canlii.ca/t/jmf08

La présente affaire dépeint le portrait d’un travailleur qui avait initialement subi un accident du travail le 3 octobre 2017 alors qu’il conduisait un véhicule d’urgence. Les diagnostics retenus étaient de nature purement physique et la lésion professionnelle a été consolidée le 16 octobre 2017. Plus tard, le 28 juin 2018, une réclamation pour récidive, rechute ou aggravation est déposée par le travailleur, à la suite d’une crise de panique survenue le 13 juin 2018, laquelle a été refusée par la CNESST. La décision a été confirmée par la révision administrative.

Le TAT était donc appelé à statuer sur la demande de M. Lefebvre de reconnaitre que son diagnostic de stress post-traumatique constitue une rechute, récidive ou aggravation des suites son accident de la route du 3 octobre 2017. Le Tribunal tranche en ce sens et exclut la possibilité qu’il s’agisse d’une nouvelle lésion complètement distincte de la première.

La juge administrative Manon Chénier prend d’abord le temps de rappeler le fardeau qui incombe au travailleur et cite l’affaire Innocent et Corps Canadien des Commissionnaires (division Québec), 2019 QCTAT 4482 :

La preuve de la travailleuse doit être prépondérante, c’est-à-dire qu’elle doit permettre au Tribunal de conclure qu’il est plus probable que sa condition psychologique soit reliée à l’évènement initial plutôt qu’à une autre cause. Le Tribunal ne recherche pas une certitude scientifique.

La relation causale ne peut pas se présumer ou se déduire à partir du seul témoignage de la travailleuse. Ces prétentions doivent être corroborées par une preuve médicale et/ou les éléments factuels au dossier.

Ainsi, le tribunal procède à l’analyse de plusieurs critères développés en jurisprudence pour évaluer le lien de causalité d’une rechute, récidive ou aggravation, dont la gravité et les conséquences de la lésion initiale, les effets sur la condition psychologique, les problèmes personnels et les opinions médicales.

À la lumière de la preuve présentée par le demandeur, le tribunal affirme que malgré le fait que l’accident de la route n’ait pas été d’une extrême gravité, il n’en demeure pas moins qu’il a entraîné des conséquences significatives a posteriori sur la santé psychologique du travailleur. D’ailleurs, les médecins sont unanimes: l’accident du 3 octobre 2017 est l’élément déclencheur du syndrome de choc post-traumatique, lequel a occasionné une émergence graduelle des symptômes.

La contestation est accueillie et le Tribunal déclare que le travailleur a droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

 

Félicitations à Me Amélie Soulez pour son travail dans le présent dossier !

 

 

Fédération des employés du préhospitalier du Québec et Ambulances Gilbert (Matane) Inc., 2022 (QC SAT) (a. Dominique-Anne Roy)

https://canlii.ca/t/jmjk1

Cette décision s’inscrit dans le cadre l’application de la convention collective en ce qui concerne les périodes de vacances estivales. Durant celles-ci, l’employeur détermine un nombre maximal de salariés pouvant s’absenter en même temps. En 2020 et 2021, périodes visées par les griefs, le compte se chiffrait respectivement à 3 et 2 personnes.

La Fédération des employés du préhospitalier du Québec (ci-après, le « syndicat ») contestait le fait que deux techniciens ambulancier n’avaient pas obtenu le choix de vacances escompté en raison de la décision de l’employeur d’inclure dans le quota le poste de paramédic réservé. Pourtant, ce poste est exclu de l’unité d’accréditation vu son statut de cadre. Dans les faits, le poste est occupé par le propriétaire de l’entreprise qui effectue des tâches de nature administrative et il choisissait toujours en premier ses vacances, au détriment des salariés. Le syndicat prétendait donc à une contravention à la convention collective par l’employeur, position derrière laquelle s’est rangée l’arbitre Roy.

L’argument le plus convaincant du syndicat était certainement celui de l’exclusion du poste de cadre de l’unité de l’accréditation. Les cadres et les titulaires de postes de paramédic réservés sont effectivement exclus du processus de choix de congés, car ils ne sont pas des personnes salariées. Cette expression se trouve textuellement prévue à la convention lorsqu’elle mentionne les personnes pouvant partir en même temps, prémisse de la clause en litige. Ensuite, au soutien de son raisonnement, le tribunal fait référence au comportement des parties au moment de la conclusion de la convention collective. On peut lire au paragraphe 84 de la décision que « le congé annuel des employés-cadres occupant le poste de paramédic réservé n’était pas pris en compte, comme c’était le cas depuis 2015, pour calculer le nombre de TAP ou de salariés absents ».

En somme, l’interprétation du syndicat s’harmonise avec l’économie générale de la convention collective : les choix de congés annuels des paramédics réservés ne doivent pas être comptabilisés avec ceux des techniciens ambulanciers salariés.

Les griefs sont accueillis.

 

Félicitations à Me Sophia M. Rossi pour son travail dans le présent dossier !

 


 

POMPIERS ET POMPIÈRES

 

Rien à signaler.

 


 

ARTISTES

 

Rien à signaler.

 


 

SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRAL

R. c. Boulanger, 2022 CSC 2

https://scc-csc.lexum.com/scc-csc/scc-csc/fr/item/2305/index.do

Le ministère public se pourvoit contre une décision majoritaire de la Cour d’appel du Québec qui confirme, au profit de l’intimé, un arrêt des procédures ordonné en raison de la violation du droit constitutionnel de ce dernier d’être jugé dans un délai raisonnable. L’appel vise à déterminer si deux délais en particulier, une première période de 84 jours et une seconde de 112 jours, doivent être attribués à la défense.

Relativement à la période de 84 jours, la Cour partage l’avis du juge Chamberland, dissident, voulant qu’il résulte de la conduite illégitime de la défense et qu’il doit être attribué à l’intimé. La Cour estime qu’il ne suffit pas que la démarche de l’intimé soit légitime pour une que le délai lui soit imputable. En l’espèce, c’est la manière dont la défense s’est conduiteau regard de sa requête en décaviardage qui est reprochable, notamment en raison de la tardiveté de la présentation de la requête, soit quinze mois après s’être fait remettre le document caviardé. L’intimé est donc responsable du délai occasionné.

Quant à la deuxième période litigieuse, les juges majoritaires avaient raison d’intervenir, car ce délai n’était pas entièrement imputable à l’intimé malgré l’indisponibilité de son avocate. Dans certains cas, les circonstances peuvent justifier le partage de la responsabilité pour le délai entre les acteurs du système de justice criminelle, plutôt que l’attribution de l’entièreté du délai à la défense. En l’espèce, en 2018, les parties avaient demandé l’ajout d’une troisième journée d’audience, en plus des deux dates déjà prévues. Cette demande a été refusée par le juge. En 2019, une troisième date a été fixée pour laquelle l’avocate de l’intimé était indisponible en mai 2019. Le juge savait depuis novembre 2018 qu’une journée additionnelle était nécessaire pour la continuation du procès. Conséquemment, il devait évaluer qu’une journée serait nécessaire et prendre en compte le plafond fixé par l’arrêt Jordan. C’est pour cette raison, malgré l’indisponibilité de l’avocate de la défense et le changement de stratégie de la poursuite, que ce sont les délais institutionnels et le manque d’initiative du tribunal qui ont fait en sorte qu’aucune autre date n’a été offerte plus tôt.

En l’espèce la Cour convient qu’il est raisonnable de partager le délai entre la responsabilité du délai de 112 jours et d’imputer à la défense jusqu’à la moitié du délai entre le 1er juin 2019 et le 10 septembre 2019, soit la période entre l’indisponibilité de l’avocate et la date réelle de continuation du procès. Finalement, le plafond de Jordan est excédé et le délai est présumé déraisonnable. Aucune circonstance exceptionnelle n’a été soulevée pour justifier ce dépassement.

La Cour rejette l’appel et confirme l’arrêt des procédures ordonné par le juge de première instance.

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