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Veille juridique du 22 mars 2022

SECTION DROIT DU TRAVAIL

GÉNÉRAL


Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec – FIQ c. Tribunal administratif du travail, 2022 QCCS 718

https://canlii.ca/t/jmrj0

Cette décision du 1er mars 2022 porte sur le sujet chaud qu’est le temps supplémentaire obligatoire chez les infirmières. Dans le cadre d’un pourvoi en contrôle judiciaire, la Cour supérieure devait examiner la question de savoir si le Tribunal administratif du travail avait la compétence nécessaire pour entendre la demande d’intervention de la FIQ. Cette dernière demandait effectivement l’intervention du Tribunal par rapport à l’utilisation abusive du temps supplémentaire obligatoire par certains employeurs du réseau de la santé.

Essentiellement, la Cour conclut que le Tribunal a commis une erreur déraisonnable en omettant complètement de se prononcer sur les conditions d’ouverture pour l’émission des ordonnances sollicitées. La FIQ prétendait que le recours systématique aux heures supplémentaires était susceptible d’affecter la qualité des services rendus au public, en sus de créer de l’épuisement chez les infirmières. Le fait pour le Tribunal de décider sans même entendre la preuve et les arguments est déraisonnable.

La partie syndicale plaide au surplus qu’en première instance, la juge considérait que le recours au TSO relevait plutôt d’un problème de gestion ou de gouvernance des établissements sur lequel le Tribunal n’aurait pas compétence. La thèse des syndicats quant à une action concertée des gestionnaires n’est peut-être pas la plus plausible, mais elle devait à tout le moins avoir une chance d’être présentée.

Le dossier est retourné sur le fond devant le Tribunal qui statuera sur la demande d’intervention et les deux décisions rendues par lui sont annulées.

Restez à l’affut des prochains développements concernant cette affaire !

 

Auclair et Hôpital de la Cité-de-la-Santé, 2021 QCTAT 5015

https://canlii.ca/t/jjzx4

 Cette décision s’inscrit dans le corpus jurisprudentiel de la notion de limitations fonctionnelles. En matière d’assurances, il s’agit d’un terme couramment utilisé qui donne lieu à diverses interprétations de part et d’autre. Les assureurs étudient attentivement cette composante essentielle avant de rendre une décision quant à l’admissibilité au versement de prestations d’invalidité.

Pareillement, la question s’est posée devant le Tribunal administratif du travail au terme d’une contestation sur le droit d’une travailleuse d’obtenir une indemnité de remplacement du revenu (IRR). La préposée aux bénéficiaires en l’espèce présentait un diagnostic d’épicondylite avec limitations fonctionnelles consolidé par le Bureau d’évaluation médicale (BEM). Le Tribunal doit-il se fier uniquement aux limitations fonctionnelles énoncées expressément par le médecin ou peut-il user d’une certaine discrétion dans un exercice d’interprétation ? Autrement dit, si le médecin traitant n’inscrit pas noir sur blanc qu’un travailleur ne peut soulever ou tirer des charges, le tribunal est-il lié par cette omission ?

Le Tribunal est conscient qu’il a le pouvoir de préférer certaines opinions médicales à d’autres et par exemple, qu’il n’est pas lié par l’échelle des restrictions adoptée par l’IRSST. Il peut effectivement aussi interpréter les limitations fonctionnelles dans la mesure où elles ont été expressément ou implicitement inscrites par le médecin. Or, son pouvoir ne s’étend pas à créer de toutes pièces des limitations fonctionnelles lorsqu’elles n’apparaissent nulle part.

Dans le présent dossier, les deux médecins avaient indiqué que la travailleuse devait éviter de soulever des objets lourds du bout des doigts, sans préciser la limite de poids. Plutôt que d’écarter complètement cette limitation pour imprécision, le Tribunal choisit de la prendre comme telle dans l’optique d’éviter toute rechute, récidive ou aggravation. La travailleuse souhaitait également que soit incorporé à l’interdiction de soulever des charges celles d’éviter de « porter, tirer et pousser ». Le Tribunal estime qu’il doit étendre au terme « soulever » tout effort de même nature.

Pour ce qui est de l’action de pousser, la travailleuse plaide qu’une illustration se trouve dans le rapport, mais rien n’indique textuellement qu’elle ne peut se livrer à cette activité. Le Tribunal s’attarde tout de même à l’analyse du mouvement imagé, mais considère que ce n’est pas assimilable à une poussée.

Le Tribunal conclut que la travailleuse est incapable d’occuper son emploi prélésionnel et à droit à l’IRR, considérant les limitations fonctionnelles incompatibles avec son poste.

 

Fenplast inc. c. Prelco inc., 2022 QCCA 264

https://canlii.ca/t/jmkst

La Cour d’appel était amenée à statuer sur un jugement de la Cour supérieure ayant considéré que les frais de justice accordés comprenaient les frais d’expert ; le juge n’a pas erré en concluant ainsi.

Le raisonnement derrière cet arrêt s’appuie entre autres sur les articles 339 et 340 du Code de procédure civile stipulant que les frais de justice sont dus à la partie qui a eu gain de cause, en l’espèce Prelco inc, à moins que le tribunal n’en décide autrement. Le Demandeur, Fenplast inc., tentait de faire tourner le vent en sa faveur en argumentant que la qualité d’expert n’avait jamais été reconnue et qu’ils n’avaient pas été appelés à témoigner. Pour motiver son propos, le Demandeur prétendait que l’expertise n’avait donc été d’aucune utilité.

La Cour d’appel déboute cet argument ainsi:

[30]            Contrairement à ce que soutient Fenplast, il n’est pas nécessaire que le rapport d’un expert soit utile à la résolution ultime du dossier afin de pouvoir être réclamé à titre de frais d’expertises.  L’utilité doit être analysée au moment où l’expertise est demandée, et cela, à la lumière de l’ensemble du litige. Ainsi, quand l’expertise n’est pas déposée dans le dossier, n’est pas liée au litige ou a été préparée par un expert non qualifié, elle sera considérée comme inutile au litige et ne donnera pas lieu à une réclamation au titre des frais de justice. 

Au surplus, il n’y avait aucun indice selon lequel le Prelco inc. avait l’intention de soustraire aux frais de justice ses frais d’expertise. Force est de constater que Fenplast inc. n’a pas réussi à démontrer l’existence de circonstances exceptionnelles qui justifieraient de déroger au Code de procédure civile.

La Cour conclut également que le juge n’a pas commis d’erreur en accordant à l’intimée ses frais d’expert, malgré l’omission de cette dernière de présenter une requête en irrecevabilité au début des procédures, et en condamnant l’appelante à payer des frais d’expert malgré son constat selon lequel les factures des experts n’avaient pas été rédigées de façon acceptable.

L’appel est rejeté.

 


 

POLICIERS ET POLICIÈRES

 

Commissaire à la déontologie policière c. Godin-Bellerive, 16 mars 2022 (19-0363-1,2,3 et 19-0363-2)

Décision disponible ici.

Le Commissaire à la déontologie policière cite trois policiers pour des fautes déontologiques relatives à une entrée illégale et à l’usage de la force plus grande que nécessaire, commettant ainsi les actes dérogatoires prévus aux articles 6 et 7 du Code de déontologie des policiers du Québec.

Après avoir répondu à un appel de vol de bière dans un dépanneur, trois policiers se rendent au dernier étage d’un immeuble limitrophe où des itinérants sont souvent trouvés ivres. Les policiers se séparent et l’un d’eux entreprend de vérifier les étages. Ce policier localise alors par une porte entre-ouverte un homme qui correspond à la description du suspect, une quinzaine de minutes après l’infraction. Le policier lui demande de venir le voir. L’homme répond « fuck it’s the cops » et fuit vers le fond de l’appartement. C’est alors qu’en pénétrant dans l’appartement, l’agent communique à son collègue : « Va falloir que tu t’en viennes Matt, on a le bon gars ». Rapidement, les autres personnes dans l’appartement, dont la conjointe du suspect, s’interposent dans l’intervention des agents. Deux autres agents pénètrent à leur tour dans le logement afin d’assister leur collègue. Offrant une résistance, le suspect est maîtrisé, emmené au sol et menotté par les agents.

De l’avis du Comité, la légalité de l’entrée du policier est justifiée par l’exception de la poursuite active en raison de la proximité temporelle. La prise en chasse en l’espèce était continue, effectuée avec diligence raisonnable, dans une chronologie factuelle qui pouvait être considérée comme une seule opération. L’agent n’avait par conséquent pas besoin de mandat pour pénétrer dans le logement et arrêter le suspect. Le Comité estime que la qualité de la description du suspect obtenue, la diligence démontrée par l’agent lors de son intervention et le fait qu’il ait acquis des motifs raisonnables et probables de croire que le suspect se trouvait dans l’appartement avant d’entrer pour effectuer l’arrestation, supportent la conclusion que sa conduite n’a pas entaché sa probité professionnelle. Quant aux agents qui pénètrent après avoir reçu l’information qu’il s’agissait du bon suspect, selon le Comité, il ne serait tout simplement pas logique ou sécuritaire que les agents confirment d’abord la validité des motifs avant d’entrer dans le logement pour l’assister afin d’effectuer l’arrestation. Par conséquent, ceux-ci sont légalement entrés dans l’appartement. Les chefs relatifs à l’emploi de la force se sont réglés sur la crédibilité des témoins. Le Comité conclut que les policiers n’ont pas utilisé une force plus grande que nécessaire. La preuve prépondérante est à l’effet que les personnes dans le logement ont tenté d’empêcher les policiers de trouver le suspect dans la chambre et que celui-ci a résisté à son arrestation. Les agents n’ont donc pas abusé de leur autorité ni utilisé une force plus grande que nécessaire.

Le Comité rejette les citations et décrète que les agents n’ont pas dérogé aux articles 6 et 7 de Code de déontologie des policiers.

Félicitations à Me Félix Rémillard-Larose !

 


 

TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

 

Rien à signaler.

 


 

POMPIERS ET POMPIÈRES

 

Syndicat des pompiers du Québec, section locale Sainte-Thérèse c Sainte-Thérèse (Ville), 2022 CanLII 19120 (QC SAT)

https://canlii.ca/t/jn4xk

Dans la présente affaire, le Syndicat conteste la décision de l’employeur de ne pas rembourser le temps réclamé pour la durée d’une expertise médicale.

Comme exigence d’obtention d’un poste à temps complet, à temps partiel ou temporaire et lorsqu’ils sont déjà à l’emploi du service incendie, les pompiers et les pompières doivent se soumettre à un examen physique. Les frais reliés à ce test (au choix de l’employeur) sont entièrement à la charge de ceux-ci. Ce qui fait l’objet du litige n’est pas la passation de l’examen en soi, mais plutôt le refus par l’Employeur de la réclamation des salariés d’une rémunération minimale de trois heures pour le faire. Il est à noter que les examens médicaux sont réalisés à l’extérieur des heures normales de travail.

L’arbitre s’est donc afféré à une étude de la convention collective. L’arbitre écarte la prétention syndicale selon laquelle l’article 4.23 de la convention doit s’appliquer, de même que l’article 9.01 donnant droit au paiement. Pour le Syndicat, le lien de subordination existant entre le salarié et l’Employeur au moment de la convocation pour se rendre au test justifie une rémunération minimale de trois heures, tel que stipulé à l’article 9.01 a).

L’arbitre prétend plutôt que la note reçue le 8 juillet 2020 portant le mention « Objet : Examen médical » ne constitue pas une convocation au sens de la convention collective.

En somme, comme les parties n’ont pas prévu de dédommagement pour les examens médicaux, de l’avis de l’arbitre, il ne lui appartient pas d’y pourvoir.

Le grief est rejeté.

 


 

ARTISTES

Rien à signaler.

 


 

SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRAL

 

R c. Legoute, 2022 QCCA 323

https://canlii.ca/t/jn03r

La poursuite se pourvoit contre un jugement qui acquitte l’intimé de quatre chefs d’accusation liés à la possession d’une arme à feu.

À la suite d’un appel au 911 signalant une bagarre, l’intimé est détenu aux fins d’enquête et fouillé. Le policier voit une arme à feu dépasser de son sous- vêtement. Il la saisit et arrête l’intimé pour possession d’arme. Au procès, l’intimé présente une requête en exclusion de preuve. La juge de première instance conclut à une succession de violations des droits garantis par les articles 8, 9 et 10a) et b) de la Charte canadienne des droits et libertés et exclut la preuve de l’arme. Par la suite, elle acquitte l’intimé des chefs d’accusation pesant contre lui, faute de preuve.

La Cour d’appel est d’avis que les conclusions de la juge sur le caractère arbitraire de la détention de l’intimé et sur l’illégalité de la fouille sont entachées d’erreurs de droit. D’abord, il existait un lien clair entre les membres du groupe et une possible infraction de voie de fait. Les faits retenus, en particulier l’appel au 9-1-1 et l’identification du groupe par le travailleur de la construction, justifiaient les policiers de détenir brièvement les membres du groupe pour éclaircir la situation. Dans ces circonstances, la détention était raisonnablement nécessaire. Également, la réaction ou le comportement de l’intimé à l’endroit des policiers pouvait, à la lumière de l’ensemble des circonstances, faire naître un soupçon raisonnable qu’il était impliqué dans un crime donné. Finalement, la juge en première instance a soumis les policiers à une norme de perfection en jugeant que l’usage du poivre de cayenne n’était pas justifié « sans la présence d’autres éléments comme des menaces ou l’observation d’une arme », et qu’ils auraient dû « tenter d’autres manœuvres moins envahissantes pour contrôler l’intimé ». Il s’agit d’une erreur de droit.

Quant à la fouille, l’agent avait pris en charge l’intimé, il était au courant du contexte de la nature de l’intervention et avait été témoin de la poursuite à pied. Sa décision de procéder à une fouille par palpation était « raisonnablement nécessaire » dans les circonstances et c’est en retournant l’intimé qui était face contre terre que l’agent a vu un tuyau noir dépasser son sous-vêtement. Cette constatation a fourni des motifs raisonnables de croire que l’intimé avait une arme sur lui. La Cour considère donc que la question, sous l’angle de la fouille à nu, ou de la doctrine de l’objet bien en vue (plain view), la fouille qui a mené à la saisie de l’arme était raisonnablement nécessaire et justifiée. La juge en première instance commet donc une erreur en concluant à la violation du droit de l’intimé garanti par l’article 8 de la Charte.

Relativement à la mise en balance des facteurs énoncés dans l’arrêt Grant, la Cour n’est pas convaincue que l’utilisation de la preuve, malgré les violations des droits garantis par les alinéas 10a) et b) de la Charte, est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. Même si l’agent a fait preuve d’insouciance à l’égard des droits garantis par la Charte, la conduite ne se situe pas en haut de l’échelle de gravité décrite par la Cour Suprême.

L’appel est accueilli et les verdicts d’acquittement annulés. La tenue d’un nouveau procès est ordonnée.